Printemps de Sigrid Undset

printemps

Née en  1882, Sigrid Undset s’est consacrée très tôt à la littérature. Parallèlement à son travail de secrétaire, elle écrit. Auteure entre autres de Maternités, Jenny (qui fera scandale), de Vigdis la Farouche et de Kristin Lavransdatter, elle a reçu le prix Nobel de littérature en 1928. Elle est morte à Lillehammer en 1949.

 

Rose Wegner, l’héroïne de ce roman, attend l’amour pour être révélée à elle-même, un amour qui serait la fusion de deux êtres autant que deux destins et qui ferait d’elle la possession, la chose, de l’homme qu’elle aimerait. Que faire alors si cet amour ne vient pas ? Se résigner, et rester seule, sans famille et sans soutien dans l’existence ? Ou se contenter d’une amitié amoureuse et de la construction d’un foyer ?

Dans ce roman, Sigrid Undset plante le cadre d’une modernité héritée de la révolution des transports et plus largement de la révolution industrielle-dans de grandes villes mornes et tristes- et d’une certaine révolution des mœurs, car le divorce est autorisé en Norvège, pays protestant. Une nouvelle figure féminine émerge, qui travaille pour assurer sa subsistance et celle de sa famille même si, une fois mariée, elle réintègre le plus souvent le foyer.

 

Printemps est un roman ou curieusement la narration est plutôt du côté masculin même si le narrateur est extérieur à l’histoire et qu’il pénètre de manière égale les pensées des personnages. Les pensées et les actions de Rose ne prennent du relief qu’en fonction des pensées de Torkild, personnage masculin. Car ici , la femme ne prend toute sa mesure que dans son rapport au foyer et à la maternité. Elle n’existe pas réellement en dehors de sa « vocation naturelle » qui est d’enfanter et d’assurer la stabilité du foyer. Toute femme qui s’écarte de ce chemin sombre dans la déchéance (le personnage de la mère et de la sœur), tout comme celle qui n’obéit pas à ses devoirs d’épouse et de mère même si l’homme, infidèle, abandonne lui, le foyer (le père de Torkild).

 

J’ai apprécié ce roman bien construit, où les sujets de réflexion ne manquent pas, car Sigrid Undset, catholique et conservatrice, est aussi une fine analyste des sentiments humains. On y apprend aussi comment hommes et femmes vivaient à l’époque. J’ai trouvé en outre un écho au mouvement naturaliste en littérature, l’hérédité y est évoquée, les tares familiales ainsi que la vigueur, la santé du corps qui s’étiole dans ces emplois de bureau, loin de la vie au grand air.

 

Sigrid Undset, on l’a bien compris, n’est pas féministe, elle pense que la femme ne s’épanouit pleinement que dans la maternité et elle ne fut pas très appréciée des féministes de son temps qui prônaient l’affranchissement de la tutelle de l’homme et du foyer, entraves à l’épanouissement de la femme en tant qu’individu. Sur le tard cependant, elle reconnut les bénéfices de ces mouvements sur la condition des femmes.

 

Il faut savoir qu’en 1840, les femmes célibataires sont mineures toute leur vie et peuvent si elles le souhaitent se placer sous l’autorité d’un tuteur ; les femmes mariées quant à elles passent de l’autorité de leur père à celle de leur mari. Puis, plus tard, la majorité sera abaissée à la vingt-cinquième année. Les femmes peuvent cependant travailler dans certains secteurs.

Au fil des ans, de nouvelles lois favorables aux femmes feront leur apparition. Les femmes divorcées ou veuves seront majeures sans condition d’âge. Les conditions socio-économiques du pays joueront fortement sur les problématiques féminines : l’exil, la pauvreté du pays, la baisse de la natalité.

 Dans le roman , l’héroïne est secrétaire, une autre est journaliste. La littérature féminine avant Sigrid Undset, reflète les préoccupations et les valeurs de l’époque, comme ce fut le cas pendant l’époque victorienne en Angleterre, les intrigues se nouent essentiellement autour de la chasse au mari. (Les femmes écrivains de l’époque sont :Hanna Winsnes, Marie Wexelsen, et Anne Magdalene Thoresen).

English: Sigrid Undset, Nobel laureate in Lite...
English: Sigrid Undset, Nobel laureate in Literature 1928

Avec le mouvement féministe, de nouvelles préoccupations se font jour dans des romans et sous la plume d’auteures qui contestent la norme : Camilla Collet dont le roman « Les filles du Préfet » (1854) fera l’effet d’un coup de tonnerre. Il raconte l’initiation sentimentale de deux jeunes gens, ce qui a l’époque est regardé alors comme une faiblesse uniquement féminine.

D’autres écrivains suivront, emportées par la seconde vague du féminisme, Eldrid Lunden, Liv Køltzow, Cecilie Løveid et Tove Nielsen . Mais je n’ai trouvé aucun renseignement sur ces femmes sur internet et aucun de leurs ouvrages traduits en français. C’est bien dommage..

 

7 réflexions sur « Printemps de Sigrid Undset »

  1. Je ne connais pas grand chose à la littérature norvégienne et ton article m’a beaucoup intéressée. Par ailleurs c’est toujours intéressant de se souvenir des dates auxquelles les femmes ont été jugées capables de :ouvrir un compte bancaire seule par exemple… je crois bien me souvenir qu’en France c’était dans les années 70 (1970 !)
    Commentaire n°6 posté par Annie le 15/01/2012 à 16h52

    Oui, tu as raison, c’est assez incroyable. Alors comment les femmes pouvaient-elles être autonome. Il ne faut pas oublier, je crois.
    Réponse de Anis le 18/01/2012 à 20h09

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  2. Je connais très mal la littérature féminine norvégienne…je retiens le nom de cette auteure même si ce roman-ci ne me tente pas plus que cela. L’article que tu as trouvé est effectivement passionnant!
    Commentaire n°2 posté par Nadael le 16/01/2012 à 15h34

    J’ai quand même été très émue à la fin. Il y a un discours intéressant sur la perte des illusions.
    Réponse de Anis le 18/01/2012 à 19h11

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  3. Je tenterais bien cete elcture aussi, ton article retrace des étapes et des portraits de femmes bien intéressants. Ma chère Herbjorg Wassmo est donc l’héritière de cette tradition !
    Commentaire n°3 posté par Anne le 16/01/2012 à 15h31

    C’est ce qui est intéressant en remontant le temps, on peut percevoir les influences.
    Réponse de Anis le 18/01/2012 à 19h12

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  4. Merci pour cet article qui va m’inciter à découvrir ce prix Nobel !
    Commentaire n°5 posté par Philisine Cave le 16/01/2012 à 09h47

    Je l’espère, Philisine…
    Réponse de Anis le 18/01/2012 à 19h15

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  5. kristin L… est à la bibli, mais j’hésite devant le pavé!
    Commentaire n°1 posté par keisha le 18/01/2012 à 13h15

    Il paraît qu’il est vraiment très beau ce cycle de romans. Cela doit valoir le coup. Mais bon, je suis comme toi. les pavés, cela veut dire s’immerger pendant des jours et des jours dans la même atmosphère et moi j’aime bien changer d’univers.
    Réponse de Anis le 18/01/2012 à 19h06

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  6. Je suis étrangement rebelle aux prix Nobel de littérature (j’ai été échaudée une fois). mais ce billet me donne envie de retenter ma chance, avec une femme qui s’inscrit dans une mouvance complètement opposée à celle à laquelle j’adhère en littérature! (oui, je suis une grande « beauvoirienne »… ). Bref, un livre au contenu qui me plait car je me demande comment je vais réagir….
    Commentaire n°4 posté par Hélène Choco le 16/01/2012 à 15h15

    Je suis comme toi très beauvoirienne, d’où ce blog et sa coloration (je ne parle pas du rose qui est un pied-de-nez). Mais en ce moment j’essaie de connaître ce patrimoine européen de la littérature écrite par des femmes et les quelques Nobel. Plus pour ma culture en quelque sorte.
    Réponse de Anis le 18/01/2012 à 19h14

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