Lettre d’amour de Sylvia Plath

vignette les femmes et la poésie

Lettre d’amour

Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi.

Si je suis en vie maintenant, j’étais morte alors,

Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m’inquiète,

Et je restai là sans bouger selon mon habitude.

Tu ne m’as pas simplement un peu poussée du pied, non-

Ni même laissé régler mon petit œil nu

A nouveau vers le ciel, sans espoir, évidemment,

De pouvoir appréhender le bleu, ou les étoiles.

                                         ♥

Ce n’était pas ça. Je dormais, disons : un serpent

Masqué parmi les roches noires telle une roche noire

Se trouvant au milieu du hiatus blanc de l’hiver –

Tout comme mes voisines, ne prenant aucun plaisir

A ce million de joues parfaitement ciselées

Qui se posaient à tout moment afin d’attendrir

Ma joue de basalte. Et elles se transformaient en larmes,

Anges versant des pleurs sur des natures sans relief,
mais je n’étais pas convaincue. Ces larmes gelaient.

Chaque tête morte avait une vision de glace

                                         ♥

Et je continuais de dormir, repliée sur moi-même.

La première chose que j’ai vue n’était que l’air

Et ces gouttes prisonnières qui montaient en rosée,

Limpides comme des esprits. Il y avait alentour

Beaucoup de pierres compactes et sans aucune expression.

Je ne savais pas du tout quoi penser de cela.

Je brillais, recouverte d’écailles de mica,

Me déroulais pour me verser tel un fluide

Parmi les pattes d’oiseaux et les tiges des plantes.

Je ne m’y suis pas trompée. Je t’ai reconnu aussitôt.

                                         ♥

L’arbre et la pierre scintillaient, ils n’avaient plus d’ombres.

Je me suis déployée étincelante comme du verre.
J’ai commencé de bourgeonner tel un rameau de mars :

Un bras et puis une jambe, un bras et encore une jambe.

De la pierre au nuage, ainsi je me suis élevée.

Maintenant je ressemble à une sorte de dieu

Je flotte à travers l’air, mon âme pour vêtement,

Aussi pure qu’un pain de glace. C’est un don.

English: Digital image of Sylvia Plath's signature
English: Digital image of Sylvia Plath’s signature (Photo credit: Wikipedia)

Extrait de Sylvia Plath , Oeuvres, IN-Quarto Gallimard

Martine ce matin évoque la poésie  d’ Anne Bihan

En ce dimanche donc poetisons-Martine

6 réflexions sur « Lettre d’amour de Sylvia Plath »

  1. Lettre en novembre

    Mon amour, le monde

    Tourne, le monde se colore. Le réverbère

    Déchire sa lumière à travers les cosses

    Du cytise ébourrifé à neuf heures du matin.

    C’est l’Arctique,

    Ce petit cercle noir,

    Ses herbes fauves et soyeuses — des cheveux de bébé.

    L’air devient vert, un vert

    Très doux et délicieux.

    Sa tendresse me réconforte comme un bon édredon.

    Je suis ivre, bien au chaud.

    Je suis peut-être énorme,

    Si bêtement heureuse

    Dans mes bottes en caoutchouc,

    A patauger dans ce rouge si beau, à l’écraser.

    Je suis ici chez moi

    Deux fois par jour

    J’arpente ma terre, je flaire

    Le houx barbare,

    Son fer viride et pur,

    Et le mur des vieux cadavres

    Je les aime.

    Je les aime comme l’histoire.

    Puis les pommes d’or,

    Imagine —

    Imagine mes soixante-dix arbres

    Dans une épaisse et funèbre soupe grise

    Occupés à retenir leurs balles d’or éclatant,

    Leur million

    De feuilles métalliques haletantes.

    Ô amour, ô célibat.

    Je suis seule avec moi,

    Trempée jusqu’à la taille.

    L’or irremplaçable

    Saigne et s’assombrit, gorge des Thermopyles.

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