Mois des auteures polonaises : Maria Nurowska, Un amour de Varsovie

Maria Nurowska – Un amour de Varsovie Albin Michel, 1996, roman traduit du polonais par Christophe Jezewski et Dominique Autrand.

Ce roman a été sauvé je ne sais comment du PILON, a atterri dans une bibliothèque du sud parisien, avant d’être revendu à un bouquiniste puis finalement à moi. Donc j’ai une petite tendresse pour lui. C’est un livre qui a eu toute une aventure.

Il pose aussi de nombreuses questions qui m’intéressent, et qui pour ne pas être nouvelles, s’avèrent toujours actuelles dans la vie des gens.
Peut-on aimer deux hommes, deux femmes en même temps, avec la même passion, sans pouvoir se séparer ni de l’un, ni de l’autre ? Peut-on aimer assez pour l’accepter, comment peut-on le vivre ? L’un des deux amants n’est-il pas toujours l’homme ou la femme secrète, n’est-il pas toujours sacrifié à la compagne ou au compagnon officiel ? Peut-on aimer vraiment quelqu’un à qui l’on ment ? Ou le mensonge fait-il partie de l’opacité de nos consciences et de nos altérités profondes ? Au fond, qu’est-ce que l’amour ? Est-ce seulement la solitude à combler, le vide à remplir ? N’aime-t-on que soi à travers l’autre ?
Rien de nouveau sous le soleil me direz-vous, et thème largement rebattu au cinéma et dans la littérature. ( L’invitée de Simone de Beauvoir, Moravia et tant d’autres). On sait également ce que pense Lacan de l’amour.
Les amours triangulaires se terminent presque toujours mal. Je ne connais aucune histoire ou l’un des deux ne soit sacrifié et condamné à souffrir.
Beaucoup d’auteurs ont témoigné aussi des déchirements, de la torture que les amours nomades ont provoqué dans les années soixante-dix, lors de la libération sexuelle. L’amour supporte mal les contrats disent certains auteurs, il est élection et immersion dans l’univers de l’autre.
Je me rappelle un très beau film de Guédiguian en 2001. J’avais été bouleversée par l’amour magnifique de chacun des personnages et aussi par leur souffrance. Quitter l’autre ou rester avec lui, c’est de toute façon souffrir. Je ne parle même pas de la condamnation morale.

Une thèse a été consacrée à ce sujet : Camelia-Meda Mijea, Camelia-Meda Mijea. Le couple et la tentation triangulaire dans la littérature européenne du XXe siècle(1929-1967). (https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01063665)

L’amour est facteur de désordre parce qu’il est extrêmement puissant (on peut aimer une même personne pendant de nombreuses années) ; il ne s’embarrasse guère de la morale des hommes pas plus qu’il ne se conforme toujours aux règles sociales tout simplement parce qu’il est de l’ordre de la pulsion fondatrice. Un amour peut bouleverser une existence de fond en comble, l’éclairer ou la faire chavirer.

Dans le livre de Nurowska, c’est une femme qui, pour libérer sa conscience de lourds secrets, se confie à son mari à travers des lettres qu’elle n’osera jamais lui donner. Evadée du ghetto de Varsovie (remarquer la prégnance de ce thème dans la littérature polonaise), Elzbieta Elsner rencontre par hasard, en 1943, une grand-mère et son petit fils dont elle va s’occuper jusqu’au retour du père, Andrzej qui est emprisonné. Homme dont elle deviendra éperdument amoureuse. Elle tente d’oublier tout un pan de sa vie, et prend un nouveau nom, Krystyna Chylinska et un nouveau départ. Elle cache soigneusement les événements de sa vie dans le ghetto, tremble de rencontrer les fantômes de son passé. Un homme sombre et beau, témoin de son autre vie, ressurgit alors qu’elle pensait avoir assuré son bonheur et celui de sa nouvelle famille.
Quelques invraisemblances, une fin assez convenue sont quelques-unes des faiblesses de ce roman, mais l’auteure parvient à nous intéresser aux destins de ses personnages et à nous faire réfléchir avec elle à ce qui fait les choix de nos vies.

Prendre son envol…

Le travail d’une jeune artiste qui me tient particulièrement à cœur !

http://louloudessine.tumblr.com/

Pauvre Georges – Paula Fox / Le pathétique de l’existence ou les anti-héros

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Paula Fox – Pauvre Georges Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Remy Lambrecht, éditions Joëlle Losfeld

Paula Fox, née en 1923, est américaine. Elle a vécu à Cuba, en Californie et au Québec, et demeure maintenant à New-York. Elle a été redécouverte à la fin des années 1980, grâce, entre autres, à Jonathan Franzen, Frederick Busch et Andrea Barrett qui la considèrent comme l’un des plus importants écrivains de ce siècle.

Née en 1923 d’un père alcoolique, abandonnée dès sa naissance, Paula Fox découvrit la vie rude de l’orphelinat et souffrit beaucoup de son enfance Elle en reproduisit le schéma en abandonnant à son tour – c’est le regret de sa vie – son premier enfant. Recueillie par un pasteur, qui sera son père spirituel et littéraire, elle découvre la littérature. Après avoir exercé toutes sortes de métiers, dont ceux de reporter en Europe et d’enseignante à l’université de Columbia, elle commence à écrire à 40 ans – des livres pour enfants -, puis se lance dans l’écriture à plein temps.

Le dieu des cauchemars, Personnages désespérés et La légende d’une servante sont les titres qui ont eu le plus de succès.

Pauvre Georges ! Il n’a guère d’envergure, n’aime pas vraiment sa femme , ne brille pas particulièrement dans son métier, et sa vie, entre un pavillon de banlieue et une école privée de Manhattan lui semble étriquée et sans but. Un jour, il surprend Ernest en train de fouiller dans ses affaires. Au lieu de le conduire au commissariat, il se met en tête de l’aider dans ses études sans tenir compte de ce que veut véritablement le jeune homme. « Pauvre Moi ! » pourrait s’écrier Georges. Car c’est pour lui le commencement de toute une série d’ennuis.

Ce qui est le plus difficile dans ce livre, c’est qu’il n’y a aucun personnage sympathique, personne à aimer, mais personne non plus à détester. Ils sont tous ternes, paumés, ennuyeux, et il faut tout le talent de Paula Fox pour les tirer de cette existence pathétique – existence littéraire s’entend !

J’avoue que j’ai souvent soupiré à la lecture de ce livre et que parfois le temps m’a paru long. Quel talent pourtant, chez cette femme, et quelle sobriété dans l’analyse psychologique des personnages ! On tient alors jusqu’au bout, à la force de la plume de cet écrivain !

Pauvre Georges n’est pas le livre qui a eu le plus de succès. Celui qui semble retenir tous les suffrages est « Personnages désespérés » qui est classé au rang de chef-d’œuvre. Je la lirai donc à nouveau, en espérant que le prochain demandera un peu moins d’efforts. Il y a vraiment certains livres qui se méritent !

2e sélection du prix de la Closerie des Lilas

En ce dernier jour du printemps des poètes…

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Paroles de femmes : Wislawa Szymborska

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A l’occasion du salon du livre et du mois des auteures polonaises, je remets à l’honneur cet article publié il y a quelques années sur une grande dame des lettres polonaises, prix Nobel de littérature.

Le poète contemporain est un être sceptique et méfiant, même, sinon surtout, à l’égard de lui-même. Il hésite à se déclarer poète, comme s’il en avait honte. À notre époque si tonitruante, il est beaucoup plus facile d’avouer ses défauts, s’ils sont spectaculaires et pittoresques, que ses qualités, plus profondément cachées celles-ci, et auxquelles, en outre, on ne croit guère soi-même…

  • Je ne sais quelles gens, Wisława Szymborska (trad. Piotr Kaminski), éd. Fayard, coll.Poésie, 1997, p. 7

[L]’inspiration n’est pas un privilège exclusif des poètes, ou des artistes en général. Il existe, il a toujours existé, il existera toujours d’autres hommes qu’elle fréquente. Ce sont ceux qui, en toute connaissance de cause, choisissent leur travail, et l’exercent avec amour et imagination. Certains sont médecins, d’autres enseignants ou jardiniers, que sais-je encore.

  • Je ne sais quelles gens, Wisława Szymborska (trad. Piotr Kaminski), éd. Fayard, coll. Poésie, 1997, p. 10-11

Le mois des auteures polonaises : Agata Tuszyńska – Wiera Gran, l’accusée

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Agata Tuszyńska – Wiera Gran, l’accusée, 2010, 2011, Editions Grasset & Fasquelle pour la traduction française. Traduit du polonais par Isabelle Jannès-Kalinowski

Romancière, poète, biographe, universitaire, journaliste et femme de théâtre, Agata Tuszyńska est l’une des personnalités les plus en vue de la jeune littérature polonaise. Après ses études à l’Ecole supérieure d’art dramatique de Varsovie, sa ville natale, elle se lance dans le journalisme. En digne héritière de la littérature documentaire, elle s’inscrit dans la lignée de Ryszard Kapuscinski. Ses reportages lui ont valu de nombreuses récompenses.

Curieux livre que celui-là, entre documentaire et fiction, qui a fait beaucoup parler de lui en Pologne et a eu un certain succès (20 000 exemplaires vendus).

L’auteure tente de comprendre qui était Wiera Gran, juive rescapée du ghetto de Varsovie, accusée d’avoir collaboré avec les allemands pour assurer sa survie dans le ghetto. Mais coupable surtout peut-être d’avoir continué à chanter, d’avoir survécu grâce à cela, d’avoir chanté quand tant de gens mouraient. La question que pose très intelligemment l’auteure tout au long de son récit est la question de la responsabilité et de la culpabilité des rescapés du ghetto. La question aussi de la collaboration avec les allemands. Comment peut-on juger des actes qui ne visaient qu’à assurer la survie quand vivre un jour de plus dans le ghetto en proie à la faim ou à la maladie relevait simplement du miracle ? Quand tant d’hommes, de femmes et d’enfants mouraient dans la rue ? A partir de quel moment collabore-t-on avec l’ennemi quand il a droit de vie et de mort sur vous ?
« Nous sommes tous des collaborateurs. A une plus ou moins grande échelle, sur une journée ou sur toute une vie. Tout ce qui nous différencie c’est l’expérience et les circonstances, qui permettent d’apprécier jusqu’où vont les limites de nos compromis. L’histoire nous inscrit souvent dans un contexte de choix tragiques. Nous collaborons avec le destin, nous nous arrangeons avec lui. Nous sommes capables de justifier presque chacune de nos faiblesses. »
Wiera Gran fut une chanteuse à succès dans la Pologne d’avant-guerre.
« Dans la Varsovie d’avant-guerre, raconte-t-elle, une Juive ne pouvait pas être une vedette, je ne me faisais pas d’illusions. Mais les bandes nationalistes laissaient tranquilles les vitrines avec mes affiches, il y en avait même qui venaient m’applaudir. »

Elle se produisait parfois accompagnée par le pianiste Wladislaw Szpilman, le « pianiste » de Polanski, qui la fit disparaître de ses Mémoires publiées en 1946  et eut avec elle une attitude tout à fait ambiguë. Il semblerait qu’il ait eu une mémoire plus que sélective. Le livre fit scandale car il rapporte les propos de Wiera Gran qui accuse le pianiste d’avoir fait partie de la police juive du ghetto de Varsovie et d’avoir participé aux rafles. Or le pianiste est une icône dans le pays et ces accusations post-mortem (il est mort et elle aussi) ont suscité pas mal de remous et la fureur des héritiers du pianiste. (source, les journaux à la parution, dont Le Monde)

Lors d’un procès du tribunal populaire du Comité central des juifs de Pologne, devant lequel elle fut traduite après guerre qui devait établir ou non sa culpabilité, Wiera Gran fut disculpée par manque de preuves,  mais le doute subsista et fit de sa vie un enfer. Elle fut prise à partie et insultée lorsqu’elle alla chanter en Israël. Toutefois ses accusateurs ne purent jamais produire la moindre preuve. Ils rapportaient le plus souvent des propos qu’ils avaient entendus ou qu’on leur avait rapportés.
Agata Tuszyńska s’interroge :
« J’utilise les mots sortis d’un lexique d’un monde sans guerre. Je les adapte à une réalité dans laquelle ils avaient souvent perdu leur usage. L’époque de l’holocauste a fait voler en éclats les anciens modèles de comportements, a relâché les normes morales de rigueur. Face à la menace permanete, on a repoussé les frontières de l’éthique. Ce n’est pas à nous d’en juger. […] Qu’aurais-tu fait pour sauver ta peau ? Et pour sauver ta mère ? Auquel de ces condamnés aurais-tu ouvert la porte de chez toi, sachant quelle menace t’attendait ? »

L’auteure la décrit à la fin de sa vie, en proie au délire de persécution, voyant partout des ennemis potentiels, et vivant dans une perpétuelle pénombre, les volets clos.
Elle tente de comprendre qui était Wiera Gran, et retrace son ascension, contrariée par la guerre et sa déchéance au soir de sa vie. Elle a connu la chanteuse jusqu’à la fin de sa vie, éprouve de l’empathie pour son personnage, mais avoue être troublée souvent, incapable de déterminer la vérité ou le mensonge. Un reportage qui a réussi à me passionner.

« Qu’est-ce qui sauve un condamné dans une situation impossible ? Quel est ce gène mystérieux de la survie qui a aidé dans ces circonstances de guerre à ne pas disparaître ? Comment se libère l’instinct de survie ? »
La question du ghetto hante une bonne partie de la littérature polonaise, et de la vie des héros qu’elle retrace. Elle fait partie d’un travail plus ample sur la mémoire nationale, sa part de mensonges et d’ombres. L’auteure est présente au Salon du Livre de Paris.

 

La couleur des sentiments – Kathryn Stockett

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Le tour de force de ce roman est de parler des femmes, de toutes les femmes, à travers un prisme qui est la situation des employées de maison noires dans le Mississipi en 1962. Les lois raciales sont encore en vigueur et la ségrégation n’est pas encore un souvenir, Rosa Parks a obtenu la mixité dans les bus, Marthin Luther King rassemble autour de lui des noirs et des blancs dans une lutte commune pour les droits civiques, tandis qu’à Jackson, Mississipi, quelques bourgeoises blanches militent pour obtenir une loi qui oblige les femmes noires à avoir des toilettes séparées des blancs dans les maisons où elles travaillent.

Ce roman polyphonique donne la parole à trois femmes, Aibileen, Miss Skeeter et Minny. Deux bonnes noires et une jeune bourgeoise blanche que vont lier l’envie commune de changer les choses, et de prendre en main leur destin.

Les bonnes comme leurs maîtresses sont victimes d’une hiérarchisation des rôles dans une société extrêmement cloisonnée. Le seul pouvoir de ces femmes blanches est celui qu’elles exercent sur plus opprimées qu’elle. Cela seul les rendrait pathétiques si elles étaient moins sottes et moins cruelles.

Eugenia Skeeter voudrait être écrivain mais ne peut le dire à sa famille qui ne songe qu’à lui trouver un bon mari. Point de salut hors du mariage : les vielles filles, les secrétaires, les professeurs, bref toutes les femmes émancipées, ne sont pas vues d’un très bon œil. Pourtant les américaines sont déjà plus émancipées que la plupart des européennes puisqu’elles ont obtenu le droite vote à l’échelon fédéral en 1920.

On considère alors que la nature des femmes les rend plus apte à éprouver qu’à raisonner. L’instinct maternel mais aussi leur sentimentalité exacerbée les destinent à être des épouses et des mères, à entretenir , garder le foyer et perpétuer la descendance. Elles sont aidées par des bonnes noires qui assurent le gros du travail et sont payées une misère, ravalées au rôle de ménagère, degré le plus bas de la féminité –il n’y a qu’à voir comment on traite la souillon dans les contes de fée.

Le roman se moque allègrement de ces clichés, l’instinct maternel n’est pas ce qui est le plus partagé par ces grandes bourgeoises, prises qu’elles sont par leur mondanités, déléguant parfois presque totalement le soin des enfants à leur bonne.

 

La révolte de ces femmes va les conduire à écrire en secret. L’écriture devient un acte autant salvateur que libérateur. Ecrire, c’est à la fois témoigner et prendre la parole dans un monde largement réservé aux hommes. Mais avant d’écrire, elles lisent, elles dévorent les livres interdits aux noires parce qu’elles ne peuvent les emprunter dans les bibliothèques des blancs. Lire, écrire, c’est combattre l’ignorance dans laquelle on maintient les femmes comme dans une prison.

Ecrire et publier, c’est soumettre au débat, dévoiler ce qui est caché, donner à voir autant que dénoncer. C’est aussi s’engager dans la maîtrise d’une parcelle de ce pouvoir que donne l’éducation et le savoir. Ceux qui ont le pouvoir se reconnaissent entre eux à la façon dont ils parlent ou écrivent. Toutes choses qui demandent un long apprentissage dégagé des tâches subalternes. Ecrire, c’est se délivrer de la matérialité des choses.

 J’ai dévoré ce livre, tout à tour émue, amusée et captivée par l’histoire de ces femmes, histoire portée par des voix chaleureuses et inoubliables. Le récit est parfaitement rythmé et nous emporte littéralement … A lire absolument …

 

Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur est le livre de chevet de Skeeter, (Eugenia).

Rencontre « Le théâtre en mâle d’héroïnes », actrices, représentations, réalités/ Lundi 16 mars à 20H30 au théâtre de la colline

Sarah Bernhardt

Vignette Les femmes et le théatreOn se rend rarement compte des absences, de ceux qu’on n’invitent pas, qui ne sont pas là, ou plutôt de celles… Les femmes, là aussi, sont peu présente, pourtant elles assurent leur part de la création contemporaine. Elles sont là mais on ne les voit pas toujours, on ne les joue pas toujours… Les rôles féminins sont souvent stéréotypés, et les créateurs contemporains ont fort à faire pour déconstruire les représentations. Parfois, cela me fatigue d’avoir à signaler, avec d’autres, ce qui devrait aller de soi. C’est un système qui produit ses propres inégalités, et non des hommes ou des femmes. Un système qui génère ses propres représentations nées de l’habitude, de la tradition, de la paresse intellectuelle, du confort du déjà-connu ou du déjà-vu.  Et lutter contre cela demande une énergie considérable.

Une de mes relations me signalait qu’elle s’était rendue compte à la lecture de mon blog, qu’elle ignorait bon nombre des auteures que je citais, et qui faisaient donc partie du patrimoine. Elle s’est demandée pourquoi, mais c’était la première fois, vraiment, qu’elle se posait la question. La plupart du temps elle prend les livres sur les étals des libraires, ceux qui sont mis en avant, ceux dont les critiques sont les plus élogieuses. Ceux dont elle entend le plus parler.

avec
Stéphane Braunschweig, metteur en scène et directeur de La Colline,Marie Buscatto, professeure en sociologie à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne,Aline César, présidente de l’association HF Ile-de-France, metteure en scène,Valérie Dréville, comédienne,Geneviève Fraisse, philosophe, CNRS,Claire Lasne Darcueil, metteure en scène et directrice du Conservatoire national d’art dramatique,Magali Mougel, auteure,Célie Pauthe, metteure en scène et directrice du CDN de Besançon,

La Colline s’engage depuis 2 ans au côté de 29 théâtres franciliens dans la saison égalité hommes/femmes, rencontre animée par Joëlle Gayot, journaliste à France Culture et à l’hebdomadaire La Vie

Le théâtre classique a largement contribué à véhiculer les archétypes féminins. Mais que donnent à voir et à jouer les scènes contemporaines en matière de représentations féminines ? Les écritures dramatiques et les mises en scènes proposent-elles des rôles différents aux actrices ? Ces rôles sont-ils en phase avec les places qu’occupent les femmes dans notre société ?

Les invité(e)s balayeront le champ des possibles dans la carrière d’une comédienne d’aujourd’hui.
mmes portée par l’association HF ile-de-France www.hf-idf.org

Femmes et poésie : l’insurrection poétique

vignette les femmes et la poésieLes éditions Bruno Doucey laissent une large place aux voix féminines dans son catalogue, attentif à toutes les diversités, les identités multiples et non fragmentées.

Dans son introduction à l’anthologie poétique « Linsurrection poétique, Manifeste pour vivre ici », Bruno Doucey rappelle ce qui fait de lui un poète engagé : « La poésie ne peut pas être du côté du fascisme, de la xénophobie, du génocide, de la réduction au même, pour la bonne et simple raison qu’elle porte en elle une richesse de sens qui la place du côté de la diversité, de l’altérité, de l’ouverture. »

Parfois le seul fait d’être une femme fait de votre vie un combat. Et Bruno Doucey est un des rares éditeurs à promouvoir et faire entendre ces voix de femmes, venues d’ailleurs, de pays où le seul fait d’être une femme est déjà un crime.

Les femmes sont de tous les combats et le payent de leur liberté ou de leur vie :

Anna Gréki, emprisonnée pour avoir participé activement au combat pour l’indépendance de l’Algérie,

Talisma Nasreen pour s’être exprimée en faveur de l’émancipation des femmes,

Marianne Cohn, résistante juive allemande, assassinée par les nazis en juillet 1944, dont l’unique poème connu a été retrouvé dans la poche d’un enfant sauvé de la mort,

Nadia Anjuman,

poète afghane, battue à mort par son mari ennovembre 2005,

Ingrid Jonker dont Nelson Mandela lira un poème lors de son discours d’investiture devant le premier parlement sud-africain élu démocratiquement, afin de rendre hommage à son combat contre la ségrégation raciale.

 

Le printemps des poètes : rencontres autour de Bruno Doucey

 

  

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Vignette Les personnages féminins dans l'ecriture masculineCe soir, vendredi 13 mars, à la bibliothèque de Meulan avait lieu une rencontre poétique avec trois enchanteurs de plume, Peter Bakowski, Habiba Djahnine et Bruno Doucey, écrivain, poète et éditeur.

Un moment d’une belle profondeur, des voix d’une singulière richesse, des textes, des poèmes en multiples échos de nos remous, de nos respirations intimes, de nos multitudes d’êtres. Les mots des poètes tissent des mondes toujours sur le point de sombrer, anéantis de pesanteur mais lumineux, aériens et rebelles. Comment traduire les émotions que provoquent les mots des autres ?

J’ai découvert les éditions Bruno Doucey avec MariaMercè Marçal, et puis quelques autres poètes dont je n’ai pas toujours parlé, souvent par manque de temps, mais aussi parce que l’immersion dans les textes poétiques nécessite, pour moi, une remontée par paliers de temps indéfinis. Le temps de la poésie est un temps qui peut se distendre indéfiniment, vous laisser dans un état de stupeur, qui vous rend incapable de toute autre parole que la leur.

Ces trois poètes m’ont laissé comme toujours dans un état certain de sidération : Peter Bakowski, digne héritier de Jacques Prévert, et Jack Kerouac  sait faire chanter le quotidien dans ses poèmes, comme si un détail, un objet, était éclairé d’une lumière soudaine, sous le feu des mots tels des projecteurs, et acquerrait ainsi une beauté ignorée mais puissante :

« Joe regarde

ses mains;

des mains  qui ont manié

la corde, le fer à marquer, la cisaille,

l’aiguille et le poêlon… »

Je vois les mains de Joe, et

« elles se débattent avec un bouton de chemise,

pour témoin : le miroir de la salle de bain,

juge argenté,

impossible à corrompre. »

Tout est question de regard, n’est-ce pas ?

A Habiba Djahnine, je pourrais emprunter ses mots :

« Sur le sens magique qu’elle donne aux mots

Elle réinvente sa colère, sa fureur, ses sanglots

La tempête fait rage dans son âme fébrile

Lui boit ses larmes et laisse le vent l’envahir. »

Le corps est en résonance, il ploie, vente, coule comme une eau, s’enracine ou s’évade de toute identité qui l’enfermerait.

Habiba Djahnine en écrit l’alphabet :

 » Tout commence

Avec les éclats du feu

Corps présents à nous

Nous présents au monde

Sans identité, sans langue, sans pays.

Le temps d’une main caressante

A suffi à éveiller le doute

Le tourment, le silence… »

Bruno Doucey, voyageur infatigable, éveilleur de mots, n’a jamais cessé d’écrire, tout au long d’une vie consacrée à l’aventure des mots et à la rencontre des autres :

« Écrire de feu l’eau claire

la pente du sourcil

la traque du jaguar

Écrire d’un bond ta peau

le sable des lisières

l’aube des sentinelles. « 

Il ouvre ainsi des routes et des passages pour nous inviter à suivre, comme il le dit, le sentier parfois escarpé mais riches d’aventures de la poésie….

La Pluie d’été – Marguerite Duras/Sylvain Maurice au CDN de Sartrouville

Théâtre de sartrouville

La pluie d’été mise en scène par Sylvian Maurice

Avec Nicolas cartier, Pierre-Yves Chapalain, Philippe Duclos, Julie Lesgages, Philippe Smith, Catherine Vinatier

Collaboration à la mise en scène, Nicolas Laurent, scénographie et costumes, Maria La Rocca, assistée de Jules Infante, lumière de Marion Hewlett, son de Jean de Almeida, construction décor du Bureau d’Etudes Spatiales, , répétitrices Béatrice Vincent, Olivia Sabran, régie générale Rémi Rose

 

La scène de théâtre est un lieu magique où les mots prennent vie, s’incarnent, où les corps eux-mêmes ont leur propre grammaire, leur syntaxe et où la rencontre du texte et du corps produit une émotion profonde et singulière.

Vignette Les femmes et le théatrePublié en 1990, La Pluie d’été raconte la vie d’une famille d’immigrés –le père, la mère et leurs nombreux enfants, hors de la culture, de la richesse et du pouvoir, vivant en banlieue parisienne, à Vitry, dans une ville dévorée par ses grands ensembles. Individus que l’on pourrait croire impuissants mais qui au contraire sont dotés d’une énergie, d’une vitalité extraordinaires. Ernesto, l’aîné, refuse d’aller à l’école car il ne veut pas apprendre ce qu’il ne connaît pas, mais fréquente tout de même les sorties d’écoles, les lycées, et des universités.

Cela m’a fait penser à une parole biblique que je ne saurais plus exactement situer mais qui dit en substance, « Tu ne m’aurais pas cherché, si tu ne m’avais déjà trouvé. » Peut-être ne cherche-t-on que ce que l’on connaît intimement, profondément, ce qui répond aux questions les plus urgentes que nous nous posons et auxquelles nous avons déjà apporté une réponse. Cela me fait penser à la réminiscence grecque, au christianisme, enfin à un certain mysticisme. Pourtant Ernesto n’est pas replié sur lui-même mais ouvert au monde qu’il observe intensément.

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Lorsque nous sommes arrivés dans la salle, les comédiens étaient assis au bord de la scène, le regard au loin. La mise en scène très dynamique, la scénographie, les lumières impulsent un mouvement qui emporte et captive le spectateur tout au long d’une représentation où l’on ne s’ennuie jamais. Les comédiens sont excellents, la mise en scène intelligente, sensible et efficace.

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« Comme la langue d’origine des personnages n’est pas le français ou bien qu’ils sont analphabètes, Duras invente une langue originale. Surtout, elle donne l’illusion « qu’on pense comme on parle. ». les pensées s’énoncent en direct , au présent, dans un étonnement permanent. Ernesto et sa mère, qui fonctionnent en miroir, accouchent de ce qu’ils ont à dire en même temps qu’ils le disent. La pensée est sur un fil, dans une continuelle reformulation. Les pensées les plus hautes se heurtent à la trivialité d’un parler populaire. […]Au fur et à mesure qu’Ernesto acquiert de nouveaux savoirs (et il assimile tout), il va être traversé par « une conscience de l’inconnaissable ». Ernesto se sert du grand livre brîlé, L’Ecclésiaste. En même temps qu’il s’identifie à david, roi de jérusalem, il en acquiert la pensée tragique : « J’ai compris que tout est vanité/ Vanité des vanités/ Et poursuite du Vent. » explique Sylvain Maurice qui donne à entendre Duras de la plus intelligente façon.

Marguerite Duras – La pluie d’été

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Vitry, banlieue tentaculaire, immense, vidée de tout ce qui fait une ville, réservoir plutôt avec, çà et là, des îlots secrets où l’on survit. C’est là que Marguerite Duras a tourné son film Les Enfants : « Pendant quelques années, le film est resté pour moi la seule narration possible de l’histoire. Mais souvent je pensais à ces gens, ces personnes que j’avais abandonnées. Et un jour j’ai écrit sur eux à partir des lieux du tournage de Vitry ». C’est une famille d’immigrés, le père vient d’Italie, la mère, du Caucase peut-être, les enfants sont tous nés à Vitry. Les parents les regardent vivre, dans l’effroi et l’amour. Il y a Ernesto qui ne veut plus aller à l’école « parce qu’on y apprend des choses que je ne sais pas », Jeanne, sa sœur follement aimée, les brothers et les sisters. Autour d’eux, la société et tout ce qui la fait tenir : Dieu, l’éducation, la famille, la culture… autant de principes et de certitudes que cet enfant et sa famille mettent en pièces avec gaieté, dans la violence.

Confessions nocturnes de Nina Bouraoui – De l’amour…

Les heures souterraines – Delphine de Vigan

Les-heures-souterraines-de-Delphine-de-Vigan

Une femme, un homme. Paris. Les autres, tous les autres. Les rendez-vous manqués, les mots qui trompent et puis ceux qui ne se disent pas, oppressants, les regards, les évitements, le silence qui cogne, qui mord, qui met KO.

L’Autre n’est jamais là où on l’attend, il se dérobe dans le langage, insaisissable, que ce soit dans l’amour ou le travail. Les relations sont friables, peu fiables, sujettes à variations et à caution. Delphine de Vigan explore le purgatoire des relations humaines, car ne vous y trompez pas, il est bien sur terre, dans ces équilibres instables, ces relations de pouvoir, ces faux-amis, la solitude … Mathilde et Thibault vivent dans la même ville, se croisent, se frôlent mais ne se rencontrent pas.

Ils sont déjà fatigués, n’ont plus envie de se battre et n’y croient plus vraiment. Ils ont pris trop de mauvais coups, sont déjà exsangues et manquent d’à-propos.

Delphine de Vigan raconte quand rien n’arrive, quand les gens ne se rencontrent pas, ne se parlent pas, ne se comprennent pas, quand rien de ce qu’on attend ne survient. Les naufrages n’ont rien de spectaculaire car le bateau coule tout simplement, silencieusement, causant juste quelques gros remous. Les eaux se referment, la surface est aussi lisse qu’avant. L’essentiel se dérobe au regard. Le harcèlement au travail se fait aussi avec la complicité de tous. Notre société prône un individualisme féroce et personne n’est à l’abri d’en être victime un jour. Les relations amoureuses se délitent faute de véritables amoureux ou à cause de l’amour peut-être, qui n’est pas là, au rendez-vous. Il ne faut pas se leurrer, on aime rarement à deux.

Le roman de Delphine de Vigan qui est arrivé finaliste au Goncourt, n’est pas un roman désespéré, ni désespérant, même s’il est tissé de nos défaites et de nos renoncements. Il dit ce qui ne peut être dit, montre ce qui ne survient pas, plonge dans le néant, éclaire les mises à l’écart aussi implacables que des mises à mort.

Un roman sombre et émouvant.

Le mois des auteures polonaises : Joanna Bator

Joanna Bator est née en 1968 à Walbrzych et elle est considérée comme l’une des voix importantes de la littérature polonaise contemporaine. Elle fait partie du jury du Prix international Ryszard Kapuscinski.  Romancière, journaliste, universitaire, elle s’est intéressée au féminisme, au postmodernisme et à la psychanalyse. Elle a soutenu une thèse de doctorat en philosophie sur les aspects philosophiques du féminisme. L’action de ses romans, Le Mont-de-Sable (2009) et Chmurdalia (2010), ouvrage sélectionné pour le prix Nike, se déroule dans sa ville natale, Wałbrzych, au sud-ouest de Wrocław. Grande connaisseuse et admiratrice de la culture japonaise, elle a publié deux recueils d’essais et de reportages, L’Eventail japonais (2004) et Le Requin du parc Yoyogi (2014), Lauréate du Prix Nike 2013 pour son roman Il fait noir, presque nuit. Elle vient de publier L’île-Larme, un récit de son voyage au Sri-Lanka, sorte d’autobiographie et de réflexion sur l’écriture. Elle se consacre désormais entièrement à l’écriture. (sources salon du livre, Wikipédia)

Elle sera présente au salon du livre de Paris.


Le Mont-de-sable Traduit par Caroline Raszka-Dewez Date de parution : 28/08/2014
Au Mont-de-Sable, un quartier de la banlieue de Wałbrzych, ce sont les femmes qui décident de tout. Au début des années 1970, la jeune Jadzia quitte la campagne pour commencer une vie meilleure à l’ouest du pays ; à son arrivée dans cette ville industrielle, elle tombe dans l’escalier et dans les bras de Stefan Chmura, qui deviendra son mari. Tous deux s’installent au Mont-de-Sable, une cité de béton flambant neuve, et donnent naissance à une fille, Dominika. Le roman raconte la vie de ces trois personnages, ainsi que celle des deux grands-mères, Halina et Zofia.
C’est à la fois une saga familiale et un panorama de l’histoire sociale de la République populaire de Pologne que propose Joanna Bator : la narratrice suit les désirs, les peurs et les regrets de ces trois générations de femmes, avec humour, moquerie ou tendresse. Alors que leur vision du bonheur ne cesse de se heurter à la réalité quotidienne, les habitants du Mont-de-Sable lorgnent de plus en plus vers la RFA et ses merveilles, qui vont des bouteilles de shampoing d’un litre aux voitures gris métallisé. Dominika, toutefois, a d’autres projets pour son avenir qu’un mari vivant dans une obscure ville allemande…