Mona Hatoum, l’écriture des corps, l’écriture du Monde

Mona Hatoum Beaubourg

Mona Hatoum – L’écriture des corps, l’écriture du Monde

Vignette Les femmes et l'ArtLe centre Pompidou présente une exposition complète de l’œuvre de Mona Hatoum, proposant un aperçu de la pluridisciplinarité de ses travaux depuis les années 70 à travers une centaine d’œuvres représentatives de la diversité des supports explorés par l’artiste : à savoir la performance, la vidéo, la photographie, l’installation, la sculpture et les œuvres sur papier.

Ce qui m’a intéressée, ici, pour Litterama, est la présence de l’écriture dans deux œuvres, Over my dead body, et la vidéo « Measures of distance ».
Elle s’est tout d’abord fait connaître par ses performances et ses vidéos dans lesquelles le corps se fait l’interprète d’une réalité parfois violente, contradictoire ou ambigüe. Mon corps est le point d’ancrage dans le monde, mais c’est par lui que je perçois la réalité qui m’entoure : la vision, le toucher, et tous les autres sens m’informent de ce qui s’y passe.

Over my dead body (1988-2002), sur cette œuvre grande comme un panneau publicitaire, Mona Hatoum se représente de profil, regardant un soldat en plastique posé sur son nez. Elle joue de l’échelle pour inverser les relations de pouvoir en réduisant le symbole de virilité à une petite créature, pas plus grande qu’une mouche que l’on pourrait chasser d’un geste. le texte pourrait être interprété de deux manières : soit le corps est déjà mort symboliquement même s’il apparaît vivant, ou alors, « Il faudra me passer sur le corps, je résisterai jusqu’au bout. »

Dans les années 70, elle s’en éloigne pour se tourner vers la sculpture et l’installation à grande échelle. Cages, grilles, grillages témoignent de l’enfermement, de la séparation, de la guerre. Et là encore, le corps est fait prisonnier, il est pris comme otage, reclus, séparé, subit la contrainte, pris entre des désirs contradictoires, subissant la violence du pouvoir et de ses normes concentrationnaires, refoulant ses désirs.

Pour Mona Hatoum, tout ce qui provient du corps est digne, elle utilise ses cheveux, ses rognures d’ongle, les excrétions.

L’oeuvre « Light sentence » est constituée de boxes grillagés carrés, empilés les uns sur les autres pour créer un enclos à trois côtés plus haut que la taille humaine. les boxes ont l’aspect de clapiers pour animaux mais peuvent aussi évoquer l’architecture institutionnelle.

Les meubles et autres objets familiers, qui occupent une place prééminente dans sa production témoignent d’une réalité marquée par un environnement suspicieux, insidieux et hostile.

Mona Hatoum elle même remarque que le maître mot aujourd’hui est la surveillance, et qu’elle a été frappée lors de son arrivée en Angleterre par le nombre de caméras qui filmaient.
Une partie de son œuvre rend compte d’une réflexion sur le corps, de son écriture, de ses empreintes, et l’autre d’un monde en proie à la violence des hommes.

Measures of distance (1988) Cette vidéo montre sa mère en train de prendre sa douche et en transparence, les lettres qu’elle lui écrivait. On entend la voix de Mona Hatoum qui lit ces lettres. On devine la souffrance de la séparation inscrite dans ce corps nu sous la douche. Voix qui provient du plus intime de l’être. Le texte apporte un message contradictoire, il dit le manque, la souffrance des familles séparées par l’exil, alors que ce corps paraît insouciant sous la douche. mais de la même façon que chaque jour on se lave, chaque jour la séparation s’inscrit dans le  corps. Sur le plan esthétique, le texte apparaît comme un rideau de douche.

Photo Héloïse R. D Centre Pompidou
« Twelve windows »(2012-2013) présente douze pièces de broderie palestinienne, œuvre d’Inaash, l’Association pour le développement des camps palestiniens, une ONG libanaise créée en 1969 pour donner du travail aux femmes palestiniennes dans les camps de réfugiés au Liban et préserver un art traditionnel menacé d’extinction par la dispersion des Palestiniens dans la région. Ces pièces de tissu sont normalement portées sur les robes de mariée.

Née en 1952 à Beyrouth de parents palestiniens, Mona Hatoum est en visite à Londres en 1975 lorsque la guerre civile éclate au Liban. Dans l’impossibilité de rentrer, elle reste à Londres où elle étudie l’art. De nationalité britannique, elle demeure au Royaume-Uni après la fin de ses études. Depuis 2003, elle partage son temps entre Londres et Berlin.

LITTERAMA copieSources : présentation Centre George Pompidou, vidéo de l’artiste, visite personnelle de l’exposition.

2 réflexions sur « Mona Hatoum, l’écriture des corps, l’écriture du Monde »

  1. Magnifique article qui retrace bien la vie de Mona Hatoum à travers ses œuvres. C’est incroyable de voir une artiste qui donne autant de sa personne, émotionnellement et corporellement, mais qu,i en même temps, puisse avoir un regard aussi amusé sur plein de choses, je pense ici par exemple à son oeuvre « chaise publique » (il me semble) où une touffe de poils pubien se trouve sur une chaise d’extérieur. Il ne faut pas oublié cette partie là d’elle ! Cela montre encore plus à quel point cette femme est riche, elle a su parler de violence et d’amusements je l’admire aussi pour cela.

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