Marie-Geneviève Thiroux d’Arconville (1720-1805)
Son père était fermier général. Elle épousa, sans avoir rien demandé ( !), à quatorze ans, un conseiller au Parlement avec lequel elle eut trois fils. [1]Elle publia de nombreuses œuvres sans y mettre son nom. Aussi deux siècles après, on ne connaît toujours pas ses travaux. A l’époque une femme qui honore son sexe, est une femme « dont on n’entend jamais parler ». D’ailleurs elle le déplorait : « Affichent-elles la science ou le bel esprit ? Si leurs ouvrages sont mauvais, on les siffle ; s’ils sont bons, on les leur ôte, et il ne leur en reste que le ridicule d’en être les auteurs ».[2]
A part chanter, danser, faire de la musique, broder, tricoter, on n’apprend rien aux filles, si ce n’est, peut-être, la lecture et le catéchisme. Et bien sûr, elles ne peuvent ni étudier, ni enseigner en dehors de la maison.
Toutefois, elle parvint à suivre les cours au Jardin du roi de Bernard de Jussieu et du chimiste Rouelle[3], des leçons des anatomistes Sénac et Winslow, et des chimistes Macquer et Poulletier de la Salle.
Elle se lia également avec Voltaire, Jussieu, Lavoisier, Fourcroy.[4]
A force d’un travail acharné, elle devient une vraie spécialiste de son domaine, et rédige un « Essai pour servir à la putréfaction » (1766) dans lequel elle étudie les agents antiseptiques prévenant la putréfaction ou restaurant les chairs corrompues (On raconte qu’elle fit plus de trois cent expériences !) et traduit « Leçons de chymie » de P. Shaw (1759). Après 1766, elle se consacre à des traités de morale, De l’amitié et Des passions(1764)[5], des recherches historiques (biographiques), de la Vie du cardinal d’Ossat à l’Histoire de François II, en passant par la Vie de Marie de Médicis (3vol, 1774) et écrit des romans, Mémoires de Mlle de Valcourt et L’Amour éprouvé par la mort (1763).[6]
Une vaste culture donc,et des talents variés, qui brouillèrent un peu l’image que ses contemporains pouvaient avoir d’elle mais qui préfigura les premières tentatives pour s’illustrer dans les sciences.
[1] Dictionnaire des femmes célèbres, article, Lucienne Mazenod, Ghislaine Schoeller, Robert Laffont, paris 1992
[2] Les conversations d’Emilie, t.II, 12e conversation, p 209-210
[3] Madame d’Arconville, Une femme de lettres et de sciences au siècle des Lumières, Hermann, Histoire des sciences, 2011, Hermann Editeurs
[4] Dictionnaire des femmes célèbres, article, Lucienne Mazenod, Ghislaine Schoeller, Robert Laffont, paris 1992
[5] Dictionnaire des créatrices, Élisabeth BARDEZ et Marie-Laure GIROU-SWIDERSKI
[6] ibidem
une découverte de plus pour moi, merci!
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Oui, elle fait partie de toutes ces femmes qui ont lutté, qui étaient courageuses et intelligentes.
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J’ai une vraie passion pour toutes ces femmes scientifiques ou artistes dont l’oeuvre est si injustement méconnue. Merci, Anis, pour ce portrait.
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Oui, mois aussi, leur vie pourrait être un roman. Elles ont été de vraies aventurières. Elles ont dû beaucoup souffrir aussi car elles étaient fines et intelligentes dans un monde qui ne leur laissait guère de place. J’imagine parfois tout ce qu’elles pouvaient ressentir. Mais ce qu’elles ont fait n’a pas été vain, puisqu’on parle d’elles aujourd’hui.
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Encore une femme méconnue, je trouve ton article passionnant et passionné !
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Oui passionnée c’est sûr, à chaque fois j’ai l’impression de partir à l’aventure, et émue aussi, parfois j’ai l’impression de les entendre par-delà le temps.
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Hélas oui inconnue (et encore, être d’un certain milieu ça aidait un peu)
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Oui tu as raison, les seules femmes qui avaient accès à la culture étaient des femmes de milieu fortuné, souvent nobles, et encore pas tout le temps, parce qu’il était de bon ton là aussi, de laisser les femmes dans leur ignorance.
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Voilà une personnalité tout à fait intéressante ! Merci pour m’avoir fait découvrir cette personne
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