H. Lawrence, Lady Chatterley, Le livre de poche n° 5398 , Editions des Deux-Rives (1955,1980), 384 pages
Lady Chatterley ou L’amant de Lady Chatterley a fait date dans l’histoire de la littérature et dans la construction des personnages féminins par des auteurs. Lady Chatterley est devenue une héroïne, qui s’émancipe de son milieu et brise les chaînes de son aliénation par la force de sa vie sensuelle.
Je ne sais pas s’il est utile de rappeler le scandale qui accueillit le roman à sa sortie en Angleterre en 1960, le procès qui s’ensuivit, et qui se solda par un acquittement, mais la liberté de ton, la sensualité, et l’érotisme magnifique de ce roman ne pouvaient laisser personne indifférent, et la pudibonderie de l’époque ne manqua pas de s’en offusquer.
Mais la version qui fut ainsi jugée comme outrage aux bonnes mœurs et délit d’obscénité n’est que la troisième version du roman. Il y en eut deux autres, toutes écrites de 1925 à 1928
Lady Chatterley en est la première, à laquelle il manquait quelques pages, le départ en est sensiblement le même, à savoir le retour de la guerre de Clifford Chatterley, mutilé et paralysé dans son foyer auprès de sa femme. Toutefois le titre même annonce la focalisation sur le personnage féminin et c’est ce qui nous intéresse ici.
Lady Chatterley souhaite avoir un amant pour s’épanouir sexuellement,et avoir un enfant; son mari accepte. Elle entame alors une liaison avec le garde-chasse, Oliver Parkin.
La découverte de l’amour sensuel va transformer l’héroïne profondément. Cet appel à nos forces essentielles et primitives illustre pour D. H. Lawrence sa thèse de la nécessité d’un retour à la vie naturelle et sa critique féroce de la civilisation industrielle déshumanisante. C’est par la sensualité et la sexualité que nous retrouvons ce lien à la vie naturelle, aux forces primitives et harmonieuses qui la régissent. Pas de mot d’amour, ni de serment, ni de conventions n’entravent ce pur élan. Les barrières artificielles forgées par les êtres humains que sont les classes sociales et l’argent n’ont plus lieu d’être. L’être humain dans son authenticité ne se présente plus masqué mais nu, d’une beauté nue et magnifique.
Toute une civilisation judéo-chrétienne contemptrice du corps, et toute une philosophie héritée du platonisme qui font du corps le lieu de la chute, de la déchéance ou d’une pauvreté ontologique se trouvent ici déminées.
Le corps est qui nous sommes, mais il est aussi le lieu d’une forme de spiritualité et d’accord avec le monde, car il est aussi un ensemble de nerfs, de conducteurs tactiles qui nous font accéder aux émotions et à l’amour.
Car il n’y a pas d’amour sans le corps, ou alors n’est-ce qu’une façon hypocrite de masquer notre impuissance. D. H. Lawrence comprend et saisit la sensualité féminine dans sa profondeur et son tumulte. Le titre original devait être normalement « Tenderness » et cet amour en est tissé, tendresse pour le corps et pour nos forces vives.
« Cette fois, et pour la première fois de sa vie, la passion éclata en elle. Tout à coup, des profondeurs les plus intimes de son être, des frémissements surgirent venant des régions où, autrefois, existait seul le néant. S’élevant, se gonflant, augmentant comme une volée de cloches qui carillonnaient en elle de plus en plus frénétiquement, la nouvelle clameur l’emplissait toute entière. Extasiée, elle entendait, sans les reconnaître pour les siens, ses cris à elle, ses cris brefs et sauvages à mesure que se déroulaient ces ondulations splendides, de plus en plus profondes qui, tout à coup, s’échappèrent en une richesse semblable à celle des derniers bourdonnements des grandes cloches. »
J’ai beaucoup aimé ce livre…
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Cela doit être la cinquième fois que je le relis. J’aime tellement cette sensualité si puissante qui s’en dégage.
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Je comprends ton émotion… la sensualité, la retenue, le secret, la passion. Une grande histoire!
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Oui, une très belle histoire. De celles qui peuvent totalement vous transformer.
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C’est à mon sens un chef d’œuvre. Il m’a bouleversé quand je l’ai lu à la fin de mon adolescence. Je le mets dans mon panthéon personnel avec les « Anna Karénine », « Les Hauts de Hurlevents » et quelques autres.. J’aime ce que tu dis du corps, c’est très juste 🙂
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Il est également dans mon panthéon, avec ce film qui, il me semble, est un peu dans la même veine: La leçon de piano.
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Jane Campion « la leçon de piano », quel film !
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Dans ma Pal depuis très très longtemps 😉😏. Je lis dans ta réponse au commentaire précédent que tu le compares à la leçon de piano et cela m’encourage à le lire ; c’est un de mes films fétiches ❤
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Je ne me rappelai pas toutes ces phrases sur le corps. Un roman dont je garde un souvenir fort.
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Je me souviens encore du parfum de scandale qui entourait encore ce livre durant mon adolescence et du superbe film de Joseph Losey qui en a été tiré.
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J’ai entendu parler de ce livre, mais je n’ai jamais eu l’occasion de le lire. Toutefois ton article dessus me donne vraiment envie de corriger cette erreur !
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J’ai beaucoup aimé ce roman intelligent et sensible. J’avais été étonnée aussi, car je m’attendais à quelque chose de beaucoup plus léger et sulfureux, compte tenu de sa réputation, et je ne m’attendais pas à sa dimension sociale et politique.
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Oui, c’est tout à fait ça, et je dirais aussi sa dimension philosophique, sa réflexion sur la nature de l’homme, et son rapport à la nature (mais c’est très lié à la dimension sociale et politique).
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