Lettre d’amour
Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi.
Si je suis en vie maintenant, j’étais morte alors,
Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m’inquiète,
Et je restai là sans bouger selon mon habitude.
Tu ne m’as pas simplement un peu poussée du pied, non-
Ni même laissé régler mon petit œil nu
A nouveau vers le ciel, sans espoir, évidemment,
De pouvoir appréhender le bleu, ou les étoiles.
♥
Ce n’était pas ça. Je dormais, disons : un serpent
Masqué parmi les roches noires telle une roche noire
Se trouvant au milieu du hiatus blanc de l’hiver –
Tout comme mes voisines, ne prenant aucun plaisir
A ce million de joues parfaitement ciselées
Qui se posaient à tout moment afin d’attendrir
Ma joue de basalte. Et elles se transformaient en larmes,
Anges versant des pleurs sur des natures sans relief,
mais je n’étais pas convaincue. Ces larmes gelaient.
Chaque tête morte avait une vision de glace
♥
Et je continuais de dormir, repliée sur moi-même.
La première chose que j’ai vue n’était que l’air
Et ces gouttes prisonnières qui montaient en rosée,
Limpides comme des esprits. Il y avait alentour
Beaucoup de pierres compactes et sans aucune expression.
Je ne savais pas du tout quoi penser de cela.
Je brillais, recouverte d’écailles de mica,
Me déroulais pour me verser tel un fluide
Parmi les pattes d’oiseaux et les tiges des plantes.
Je ne m’y suis pas trompée. Je t’ai reconnu aussitôt.
♥
L’arbre et la pierre scintillaient, ils n’avaient plus d’ombres.
Je me suis déployée étincelante comme du verre.
J’ai commencé de bourgeonner tel un rameau de mars :
Un bras et puis une jambe, un bras et encore une jambe.
De la pierre au nuage, ainsi je me suis élevée.
Maintenant je ressemble à une sorte de dieu
Je flotte à travers l’air, mon âme pour vêtement,
Aussi pure qu’un pain de glace. C’est un don.

Extrait de Sylvia Plath , Oeuvres, IN-Quarto Gallimard
Martine ce matin évoque la poésie d’ Anne Bihan
Lettre en novembre
Mon amour, le monde
Tourne, le monde se colore. Le réverbère
Déchire sa lumière à travers les cosses
Du cytise ébourrifé à neuf heures du matin.
C’est l’Arctique,
Ce petit cercle noir,
Ses herbes fauves et soyeuses — des cheveux de bébé.
L’air devient vert, un vert
Très doux et délicieux.
Sa tendresse me réconforte comme un bon édredon.
Je suis ivre, bien au chaud.
Je suis peut-être énorme,
Si bêtement heureuse
Dans mes bottes en caoutchouc,
A patauger dans ce rouge si beau, à l’écraser.
Je suis ici chez moi
Deux fois par jour
J’arpente ma terre, je flaire
Le houx barbare,
Son fer viride et pur,
Et le mur des vieux cadavres
Je les aime.
Je les aime comme l’histoire.
Puis les pommes d’or,
Imagine —
Imagine mes soixante-dix arbres
Dans une épaisse et funèbre soupe grise
Occupés à retenir leurs balles d’or éclatant,
Leur million
De feuilles métalliques haletantes.
Ô amour, ô célibat.
Je suis seule avec moi,
Trempée jusqu’à la taille.
L’or irremplaçable
Saigne et s’assombrit, gorge des Thermopyles.
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Je connais peu cette poétesse, mais je vais aller plus avant, c’est certain, ce poème est magnifique.
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Merci à vous deux pour ces magnifiques poèmes !
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Merci à toi de l’avoir lu.
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Quelle sensibilité…ça retourne un texte pareil.
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Oui, elle était d’une grande sensibilité, accentuée peut-être par la maladie.
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