Archives pour la catégorie Femmes iraniennes

Jasmin Darznik – L’oiseau captif / La vie et l’œuvre de Forough Farrokhzad, poétesse iranienne (1935-1967)

Jasmin Darznik – L’oiseau captif / La vie et l’œuvre de Forough Farrokhzad, poétesse iranienne (1935-1967)

Bragelonne 2019, pour la traduction française, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Florence Moreau

L’œuvre de cette poétesse persane nous parvient par les multiples détours de la traduction : du persan à l’anglais et de l’anglais au français. J’écris poétesse mais l’autrice voulait être poète, à l’égal des grands poètes de son pays, être traitée de poétesse signifiait être cantonnée à un registre mineur et dévalorisé.

Cette biographie romancée néglige les aspects les moins documentés pour favoriser une forme d’empathie littéraire.

La vie de Forough Farrokhzad se déroule entre le règne de Reza Shah Pahlavi (Etat impérial d’Iran) ,  et les premiers soubresauts de la révolution qui conduiront à la création de la république islamique d’Iran.

Un certain nombre de réformes vont être conduites à cette époque et notamment l’interdiction du port du voile pour les femmes et l’obligation pour les hommes de porter un habit à l’occidentale. Une période passionnante s’ouvre enfin pour les femmes qui excèderait les limites de cet article.

C’est dans ce contexte que Forough Farrokhzad va écrire. Un grand désir de liberté s’empare de la jeune génération sous l’influence, peut-être, de ces nouveaux modes de vie inspirés du monde occidental, et des combats féministes qui l’agitent.

La poétesse écrit des poèmes dès l’âge de 14 ans, elle lit le premier devant son père, et n’arrêtera plus d’écrire jusqu’à sa rencontre avec Ebrahim Golestãn, où sa carrière littéraire se doublera d’une carrière cinématographique.

L’intérêt de ce récit tient dans le fait que les processus d’écriture sont replacés dans le contexte historique et littéraire de l’époque car Forough Farrokhzad a fait partie d’un ensemble de poètes qui a transformé les règles d’écriture, sous l’égide de Nima Youshidj qui « rompt les règles de la métrique traditionnelle »[1] pour ouvrir la voie à un lyrisme personnel inspiré des romantiques et une rupture avec les stéréotypes, pour s’ancrer dans la vie, les émotions, et la personnalité de celui ou celle qui écrit. La poésie de la poétesse ne cessera d’évoluer tout au long de sa courte vie vers plus de simplicité, de profondeur. Elle sera vilipendée par une certaine presse populaire qui lui reprochera sa liberté de mœurs, et après son divorce perdra la garde de son fils. Elle sera victime d’une société tiraillée en tradition et modernité.

De nombreux extraits de ses poèmes émaillent le récit dont celui-ci qui fait partie des premiers qu’elle a publiés et que j’aime particulièrement.

J’ai commis un péché, comble de délice,

Dans une étreinte qui fut forte et comme enflammée

J’ai péché dans des bras qui furent brûlants, vengeurs, d’acier.

Dans cette retraite sombre et sans voix

J’ai vu son œil plein de secrets

Dans ma poitrine, mon cœur frémitaux prières de son regard avide.

Dans cette retraite sombre et sans voix

Dévastée à ses côtés, je m’asseyais

Ses lèvres ont déversé sur mes lèvres la tentation

Me délivrant de la tristesse d’un cœur fou.

Dans son oreille je racontai l’histoire d’aimer

Je te veux, ô ma substance, je te veux, ô mon étreinte, qui

Me ranime.

Je te veux mon amour fou.

De désir sa prunelle alors s’est embrasée

Le rouge du vin a dansé dans la coupe

Mon corps au creux de ses doux draps

Contre son corps ivre a tremblé.

J’ai commis un péché, comble de délice,

Contre une idole qui fut fémissante

Insensée, ô mon Dieu, que sais-je,

Qu’ai-je fait dans cette retraite sombre et sans voix.

Il ne vous reste plus qu’à pousser la porte d’une bonne librairie…


[1] Avant-propos de Sara Saïdi B in Au seuil d’une saison froide, recueil de poèmes traduit du persan Sara Saïdi B

Credit photo : wikipedia – Domaine public

Forough Farrokhzad (1935-1967)

Elle révolutionna la poésie iranienne et fut la figure de proue du féminisme en Iran. Elle est l’une des plus grandes icônes iraniennes. Elle mourut tragiquement dans un accident de voiture.

Tâhereh lève le voile -Jalal Alavinia/ Thérèse Marini – Héloïse Dorsan Rachet –

J’ai rapproché cet extrait de cette illustration qui à l’origine sont étrangères l’une à l’autre. (accord de proximité)

La tente des habitants des flammes

a mis feu à tous les voiles

Extrait

In Tâhereh lève le voile Editions l’Harmattan – Poèmes choisis et traduits du persan

Illustration d’Héloïse DORSAN-RACHET

Appel pour les femmes iraniennes

Je relaie l’appel d’Héloïse Dorsan Rachet au soutien des femmes iraniennes.

Héloïse Dorsan Rachet/ Appel pour les femmes iraniennes

Une manifestation a lieu en soutien aux femmes iraniennes place de la République. Vérifiez la date.

Simin Behbahani/ recherche par Héloïse Dorsan Rachet

Je te reconstruirai ma patrie

Même avec l’argile de ma propre âme.

Je te bâtirai des colonnes

Même avec mes propres ossements.

Grâce à ta jeune génération, on s’amusera à nouveau.

Nous ne cessons de pleurer, tellement tu nous manques.

Même si je meurs à 100 ans, je resterai debout dans ma tombe.

Afin de faire disparaître le mal avec mon grognement.

Je suis vieille mais je peux rajeunir pour vivre une nouvelle vie aux côtés de mes enfants.

« Jin, Jiyan, Azadî » (slogan féministe kurde qui signifie « femme, vie, liberté »)

« Figure majeure de la poésie contemporaine persane, née à Téhéran en 1927 et décédée en 2014.
Membre du Conseil de la poésie et de la musique en Iran, elle adhère à l’Association des écrivains iraniens qui lutte contre la censure, peu avant la révolution de 1979. Elle se tourne alors vers la politique, les droits de l’homme et la liberté des femmes. Pendant dix ans, ses poèmes seront censurés en Iran.

Elle reçoit le prix Simone de Beauvoir en 2009 – destiné au collectif de femmes iraniennes « Un million de signatures pour la parité entre hommes et femmes ». » Source Editions Zulma

Crédit photographique : Simin Behbahani photographiée par Fakhradin Fakhraddini.(wikipedia)

A lire aussi :

Saideh Pakravan

Fariba Vafi

Prix de la Closerie des Lilas 2015 – Saïdeh Pakravan pour Azadi

prix closerie des lilasPrix_de_la_Closerie_des_lilas_Logo_m

Le prix de la Closerie des Lilas 2015 a été décerné à Saïdeh Pakravan pour Azadi

Présentation de l’éditeur Belfond :

« zadi signifie « liberté » en persan. Il y a ceux qui la rêvent et ceux qui en paient le prix.
Téhéran, juin 2009. Après des élections truquées, une colère sourde s’empare de la jeunesse instruite de Téhéran. Dans la foule des opposants la jeune Raha, étudiante en architecture, rejoint chaque matin ses amis sur la place Azadi pour exprimer sa révolte, malgré la répression féroce qui sévit. Jusqu’au jour où sa vie bascule. Après son arrestation, et une réclusion d’une violence inouïe, ses yeux prendront à jamais la couleur de l’innocence perdue…
Tout en levant le voile sur une psyché iranienne raffinée et moderne, sans manichéisme et avec un souffle d’une violente beauté, Azadi raconte de façon magistrale le terrible supplice de celle qui cherche, telle une Antigone nouvelle, à obtenir réparation. Et à vivre aussi… là où le sort des femmes n’a aucune importance.
 »

Saïdeh Pakravan, écrivaine franco-américaine de fiction et poète, est née en Iran. Ayant grandi dans un milieu francophone, elle s’installe à Paris, participant, après la révolution iranienne de 1979, à un mouvement de libération de l’Iran.
Publiée dans de nombreuses revues littéraires et anthologies, lauréate de prix littéraires dont le prix Fitzgerald, Saïdeh Pakravan est également essayiste et critique de film.

Un secret de rue – Fariba Vafi

Fariba Wafi

Fariba Vafi est née en 1962 à Tabriz, dans le nord de l’Iran, et a publié quatre romans, dont le premier paru en 2002 a gagné plusieurs prix littéraires. Un secret de rue est sa première œuvre traduite en français

Un secret de rue; roman; Fariba Vafi; traduit du persan (Iran) par Christophe Balay

Homeyra , la narratrice revient dans le quartier de son enfance pour veiller sur son père, à l’agonie. Elle revient dans la maison familiale, retrouve quelques photos et les souvenirs affluent. Elle se souvient de sa mère, prisonnière de la jalousie de son mari, de son oncle bienveillant, des voisins, et surtout de sa petite amie Azar,

libre et joyeuse, dont elle a partagé les jeux dans cette rue d’un quartier pauvre.

Un terrible drame va mettre fin à cette amitié et hanter les nuits de Homeyra qui a fui sa famille et son père pour pouvoir oublier.

Un secret de rue est un roman poignant sur le sort des femmes en Iran. Je l’ai lu peu après avoir vu le film « Une séparation » et des correspondances se sont établies entre les deux œuvres. L’enfermement des femmes qui s’aventurent peu dans la sphère publique, la jalousie et la possessivité des hommes pour lesquels elles sont souvent des objets, la haine des femmes qui peut aller jusqu’au meurtre, la violence feutrée, les coups parfois sont des thèmes centraux de ces œuvres. L’impossibilité d’aimer aussi, de dialoguer , de se comprendre qui enferment chacun dans une stricte séparation des sexes. Mais les relations des hommes et des femmes ne se réduisent pas à cela, existent aussi des hommes bienveillants et aimants qui essaient de trouver une autre voie à l’intérieur de ce qui est permis et défendu, le dialogue avec un oncle ou un voisin, la plupart du temps furtifs, presque à la dérobée, dans une société iranienne qui voudrait autre chose. Fariba Vafi nous offre le tableau d’une société écartelée entre modernité et tradition, où la rigidité des codes empêche une réelle évolution.