Archives pour la catégorie Thématiques en littérature

L’oiseau rare – Guadalupe Nettel/ Derrière les mères, l’aventure !

Guadalupe Nettel – L’oiseau rare, 2020 – Editions Dalva, 2022 pour l’édition française.

Pendant de nombreux siècles, les femmes ont été reléguées à leur fonction reproductrice, et leur ventre contrôlé de façon drastique par l’organisation patriarcale de la société. Il s’agissait de s’assurer de la filiation, d’autant plus qu’aucun test génétique ne pouvait permettre de confirmer la paternité. Le destin des femmes est depuis toujours lié à leur corps et à l’enfantement, qu’elles le ressentent comme un accomplissement ou comme une malédiction. Rarement un choix.

Le roman de Guadalupe Nettel est passionnant parce qu’il met en scène, à travers plusieurs destins de femmes, ce choix, toujours crucial, de la maternité et l’émergence d’une pluralité de voies.

Les histoires se nouent autour d’un phénomène de la nature qui est le parasitisme de couvée. Un oiseau dépose parfois son œuf dans le nid d’une autre espèce, dont il évince à certaines occasions l’œuf originaire, afin que le sien soit couvé et nourri.

Laura et Alina ne voulaient pas renoncer à leur liberté en étant mère. Avoir un enfant, c’est souvent sacrifier une part de son développement personnel, des études ou une carrière. Or chacune va être mère à sa manière, et déléguer une partie de ce pouvoir à quelqu’un d’autre.

On pourrait presque parler de co-maternité. Les sociétés traditionnelles laissaient rarement les femmes seules après l’accouchement, elles étaient secondées par le reste de la famille ou de la communauté dans laquelle elles vivaient. Le monde moderne et l’émancipation des femmes les a rendues à la solitude et la maternité est devenue, d’une autre façon, un fardeau harassant, les tâches domestiques leur étant dévolues dans leur majorité. Les choses changent lentement, les pères prennent de plus en plus leur part. Aurelio, le mari d’Alina, se révèle un père attentif et aimant.

Laura prend une autre voie, elle secondera une mère défaillante en adoptant symboliquement.

Devenir mère signifiera pour chacune transformer leurs préjugés.

En toile de fond, cependant, les violences faites aux femmes et les nombreux féminicides qui ont lieu au Mexique. Les traumatismes, quand elles s’en sortent, et la peur qui condamne certaines d’entre elles à ne plus sortir de chez elles.

Le récit, parfaitement écrit et articulé, se lit presque comme un polar, tellement les rebondissements sont nombreux. Je l’ai littéralement dévoré. Il est à la fois intelligent et prenant, et entre parfaitement en résonance avec notre époque. Il nous aide aussi à réfléchir.

L’autrice : Guadalupe Nettel est née au Mexique en 1973 et a partagé sa vie entre Mexico, Barcelone, ou Paris. Elle est l’autrice de plusieurs livres de contes, de recueils de nouvelles et de romans : l’Hôte (Actes Sud, 2006), Le Corps où je suis née (Actes Sud, 2011) et Après l’hiver (Buchet-Chastel, 2016). Lauréate de nombreux prix littéraires, en France, en Espagne et au Mexique, , elle est traduite dans une dizaine de pays et elle est considérée aujourd’hui comme l’autrice la plus lumineuse de sa génération.

Corps de fille, corps de femme/ des femmes Antoinette Fouque- Parlement des écrivaines francophones

Voix d’écrivaines francophones /

Corps de fille, corps de femme, Récits, des femmes Antoinette Fouque, 2023, en partenariat avec Le Parlement des écrivaines francophones

Avec ce premier volume d’une série de livres dont la visée est d’explorer le « dire » des femmes dans leur être au monde, à travers leurs expériences singulières, les éditions des femmes, Antoinette Fouque réalisent un véritable exploit éditorial en conjuguant l’ouverture à la francophonie, ce français d’outre-langue chatoyant et changeant, à l’exploration du féminin.

C’est aussi une démarche politique au sein de la lutte féministe et à travers l’engagement littéraire pour changer la perception de ce féminin, si souvent menacé, attaqué et violenté dans le monde.

Des cris à l’é-cris-ture pour faire taire la violence, et à travers les voix des autrices tracer des chemins. Marie-Rose Abomo-maurain, Emna Belhaj Yahia, Anissa Bellefqih, Sophie Bessis, Bettina de Cosnac, Suzanne Dracius, Alicia Dujovne Ortiz, Sedef Ecer, Lise Gauvin, Viktor Lazlo, Sylvie Le Clech, Danielle Michel-Chich, Madeleine Monette, Cécile Oumhani, Fawzia Zouari tracent les sillons.

Dans ces récits, les femmes enfreignent les lois tacites de la société patriarcale qui condamnent les femmes à restreindre leur espace à leur foyer,  à travers « un corps qui prend des libertés », qui ose revendiquer l’espace tout entier, l’espace public comme son possible territoire. Dé la « petite Nigériane excisée à la lame de rasoir rouillée » à « la fillette mariée de force qui ne pourra plus aller à l’école », le corps des femmes est l’enjeu de tous les pouvoirs .

Comme l’écrit si bien Sedef Ecer, il faut être libre pour créer, parce que les femmes « inventent leurs histoires avec leurs cinq sens », et que l’imagination se nourrit de la mémoire de leur corps.

« Mon corps n’est pas le prix à payer » s’insurge l’adolescente d’une de ces histoires, mon corps n’est pas coupable, et les signes de ma féminité ne sont pas des fautes ou les stigmates d’un corps maudit.

Mon corps est puissance, déploiement, lieu de tous mes trésors.

« Surtout ne pas souffler mot du bonheur, du plaisir et de l’immensité de leurs espaces… »C’est ce que disent aussi ces récits : affranchissez-vous des mille pesanteurs invisibles afin de ne plus « buter sur vos corps », partez à l’aventure de vous-mêmes, vous, femmes. 

Un livre à lire absolument.

Les Testaments – Margaret Atwood/ Eblouissant !

Les testaments

Testaments – Margaret Atwood – Collection Pavillons – Robert Laffont, octobre 2019

 Lorsque j’ai appris la sortie de ce nouvel opus du chef-d’œuvre dystopique de Margaret Atwood « La servante écarlate », je me suis demandé pourquoi l’autrice avait ressenti le désir d’écrire cette suite : une série télévisée s’en était chargée avec brio, malgré quelques critiques cependant sur une forme de surenchère dans la cruauté et la violence du système totalitaire de Galaad.

Mais Margaret Atwood, dans ses remerciements, à la fin de l’ouvrage, ne manque pas d’adresser ses plus vifs remerciements aux « équipes MGM et de Hulu qui ont adapté le livre en une captivante série télévisée, magnifiquement réalisé et maintes fois primée ».

Mais il est à noter qu’elle ne mentionne que l’adaptation du roman et non la suite.

Parce que la patronne, c’est elle, et la suite sera la sienne !

Mais quid de cette suite ? Est-il encore possible de maintenir la même tension, le même suspense et la même émotion  ?

Le récit se situe quinze ans après « la servante écarlate » dans un régime théocratique corrompu, dont les rouages impitoyables assassinent, torturent et réduisent au silence tous ceux et surtout toutes celles qui lui résistent.

Testaments, est le récit de trois femmes dont l’une est la fondatrice du système, et les deux autres  deux jeunes filles dont l’une a été élevée à Galaad, et l’autre au Canada.

Les destins de ces trois femmes vont être réunis sous le sceau du secret, dans une lutte clandestine et souterraine, éminemment dangereuse qui pourrait les broyer.

Je n’en dirais pas plus, parce qu’il ne faut rien savoir  afin de pouvoir se laisser porter par le récit.

Selon Margaret Atwood, il s’agissait de répondre à une question récurrente qui lui était posée : « Comment Galaad s’est-il disloqué ? »

Testaments y apportent une réponse.

« Il arrive que les totalitarismes s’effondrent, minés de l’intérieur, parce qu’ils n’ont pas réussi à tenir les promesses qui les avait portés au pouvoir ; il se peut aussi qu’ils subissent des attaques venues de l’extérieur ; ou les deux. Il n’existe pas de recette infaillible, étant que très peu de choses dans l’histoire sont inéluctables. »

 Il s’agit selon moi d’un récit virtuose, qui ne vous lâche pas, dont le suspense est haletant et vous fait vibrer jusqu’à la dernière page.

Je vous le dis, Margaret Atwood voulait avoir le dernier mot. Et elle l’a eu dans cette suite éblouissante.

Une nouvelle Miranda, libérée du patriarcat étouffant de « La tempête » de Shakespeare. A l’opéra…

Miranda, en latin, veut dire « celle qui doit être admirée ».

A L’Opéra Comique, le semi-opéra (alternance du parlé et du chanté, genre populaire au XVIIe siècle) conçu par Katie Mitchell, Cordelia Lynn et Raphaël Pichon à partir d’œuvres de Shakespeare et Purcell (mais aussi de Matthew Locke, Orlando Gibbons, Jeremiah Clarke, et aussi Ann Boleyn…), remet à l’honneur Miranda, unique personnage féminin de The tempest de Shakespeare.

Cet opéra est  une création originale de la metteuse en scène Katie Mitchell , de la dramaturge Cordelia Lynn, et du chef d’orchestre Raphaël Pichon .

Qui est donc Miranda, fille unique de Prospero, élevée de manière libre mais soumise au pouvoir des hommes ?

« Violée, abusée, mariée alors qu’elle n’était encore qu’une enfant » elle représente une figure du martyre féminin, et de son statut de victime dans une société patriarcale qui la violente. les femmes, ici, utilisent  » le désir de vengeance, la violence, l’invective, le reproche, la déploration « .

Dans cet opéra, Miranda organise un faux suicide (une noyade) afin de revenir demander des comptes aux hommes qui ont marqué sa vie et se venger.

D’objet de convoitise, elle devient sujet de la narration.

La critique (essentiellement Télérama) pointe un certain manichéisme dans ce huit clos (étouffant ?) où les femmes sont toutes des victimes et les hommes tous des salauds. Mais il faut dire que dans la pièce de Shakespeare, c’est bien la violence de ce monde d’hommes qui sert d’armature au récit. Et il me semble que la librettiste voulait rééquilibrer le monde un peu patriarcal de Shakespeare.

Seul lueur d’espoir du récit, Ferdinand, le mari de Miranda, s’exclame :  « Je veux trouver un moyen d’aimer qui ne blesse pas. Un amour sans douleur. Sans craintes »

mezzo : Kate Lindsey (Miranda); soprano : Katherine Watson (Anna, épouse de Prospéro) ; ténor : Allan Clayton (Ferdinand); soprano (14 ans) Aksel Rykkvin (fils de Miranda); baryton : Marc Mauillon (le pasteur)

Orchestre : ensemble Pygmalion

Portrait de la jeune fille en feu : la peinture au féminin

Date de sortie : 18 septembre 2019 (2H00)
De Céline Sciamma
Avec Noémie Merlant, Adèle Haenel
Genres Drame, Historique
Nationalité   Français
Rappelez-vous, « Tomboy », « Bande de filles », c’était elle. « bande de pieuvres » m’a échappé, par inadvertance. Je continuerai à multiplier mes accointances avec cette talentueuse cinéaste, qui sait, comme nulle autre, capter ce féminin qui me passionne, et ses ambivalences. Car la frontière entre les genres est souvent ténue, construction sociale avant d’être biologique.
La femme peintre qui vient exécuter le portrait de son modèle, afin de l’envoyer au futur mari milanais,  a conquis chèrement sa liberté toute relative. Elle ne peut peindre de corps masculins nus qui lui assureraient l’accès aux genres « nobles » capables d’assurer à un artiste la renommée et la prospérité. Nous sommes au XVIIIe siècle, et les femmes des familles nobles ne sont qu’une monnaie d’échange comme une autre , destinée à nouer ou consolider des alliances.
Entre les deux femmes va s’installer un trouble, prélude au sentiment amoureux, dont l’existence va bouleverser l’intériorité des deux femmes et dont le souvenir va nourrir, on le pressent, une vie plus riche et plus intense émotionnellement. Dans ces siècles d’enfermement des femmes, on ne choisit pas sa vie…

Au XVIIIe siècle, plusieurs femmes peintres exercèrent : Adélaïde Labille-Guiard (Portrait d’Augustin Pajou), Claudine Bouzonnet-Stella (gravure), Rosalba Carriera (peintre italienne, mit le pastel à la mode), Madame Therbusch, Marie-Guillemine Benoist (portrait d’une négresse), Anne Vallayer-Coster (Portrait d’une violoniste).

Elles sont cantonnées à des sujets dits « féminin », : le portrait, la famille, les enfants, les fleurs et autres mignardises. Elles sont redécouvertes peu à peu aujourd’hui.

Résultat de recherche d'images pour "adelaide labille guiard"Résultat de recherche d'images pour "Rosalba Carriera"

Adélaïde Labille-Guiard                          Rosalba Carriera

Résultat de recherche d'images pour "Madame Therbusch" Résultat de recherche d'images pour "Marie-Guillemine Benoist"

Madame Therbusch,                          Marie-Guillemine Benoist

Résultat de recherche d'images pour "Anne Vallayer-Coster"

Anne Vallayer-Coster

 

Images, source : Wikipédia.

Les femmes artistes sont fantastiques – Nadine Levé

Dominique Bona –  Berthe Morisot, Le secret de la femme en noir / L’été des femmes artistes – Litterama

Dominique Bona –  Berthe Morisot, Le secret de la femme en noir – Editions Grasset& Fasquelle, 2000

Dominique Bona –  Berthe Morisot, Le secret de la femme en noir – Editions Grasset& Fasquelle, 2000

Dominique Bona, grande érudite, s’appuie sur un travail de documentation remarquable pour nous livrer cette biographie de Berthe Morisot qu’elle va lier, pour l’essentiel, à la famille Manet, et entre tous,  Edouard Manet, illustre peintre, contemporain des impressionnistes qui n’a jamais voulu se rallier au mouvement, et que Berthe a rencontré au tout début de sa formation lorsque elle allait copier des œuvres au Louvre.

Le Musée d’Orsay lui consacre une magnifique exposition que l’on peut voir encore jusqu’au mois de septembre.

Je ne retracerai que vaguement les grandes lignes de cette biographie, d’autres l’ont fait beaucoup mieux que je ne le pourrais. Je voudrai juste souligner ce qui a été, pour moi, la force et l’intérêt de ce livre.

Tout d’abord, Dominique Bonat, si elle ne néglige pas l’influence d’Edouard Manet sur le style de Berthe Morisot, montre comment elle s’en est vite dégagée et de quelle manière elle a trouvé sa voie et son propre style.

Berthe Morisot a-t-elle eu une histoire d’amour avec le peintre ? On ne le saura jamais avec certitude. Manet la peindra plusieurs fois en de sublimes figures, à la fois sensuelles et énigmatiques.

«  Elle mesure toujours la vie d’après ses drames mais dissimule son pessimisme sous un masque de sérénité. Ce tourment profond et constant, qui jamais ne se dissipera et dont son regard porte les reflets, la rapproche de Manet, lui permet de comprendre et d’aimer ce qu’il peint, la violence, la brutalité de sa vision, le magnétisme de ses couleurs la fascinent. »

L’auteure a cherché dans les archives, aucune lettre n’est restée qui pourrait l’attester ou l’infirmer. On peut juste s’étonner cette absence de traces de la relation qu’il y eut entre ces deux êtres, pendant toute une période, si proches.

Le talent de Dominique tient aux hypothèses qu’elle élabore, au suspense qu’elle entretient savamment sur cette relation entre deux êtres hors du commun. Et surtout aux éléments qu’elle met en scène pour vous faire revivre la vie, les pensées, le caractère de cette artiste singulière. Vous pourrez ainsi vous faire votre propre idée. Vous nous direz ce qu’il en est selon vous, et votre analyse.

Berthe Morisot fut un des chefs de file du mouvement impressionniste, première et seule femme à exposer aux côtés de Monet, Degas et Renoir.

On connaît l’origine du nom donné au mouvement, attribuée à une remarque sarcastique du critique d’art Louis Leroy. Il aurait écrit après avoir vu une toile de Monet: « Que représente cette toile ? Impression ! Impression, j’en étais sûr. Je me disais aussi puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l’impression là-dedans ». Claude Monet devant donner un titre à son tableau, un paysage au Havre peint en 1872, propose « Mettez Impression, soleil levant ».

Elle créa, avec ses amis, le groupe d’avant-garde les « Artistes Anonymes Associés » qui allait devenir la Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs dans laquelle figureront ceux que l’on a appelé impressionnistes à la suite du fameux Monsieur Leroy.

L’autre intérêt de cette biographie est de montrer la condition de la femme artiste au XIXe siècle, la façon dont l’art, de même que l’écriture, ont permis aux femmes de revendiquer une certaine indépendance. Lorsque Berthe peint, c’est-à-dire lorsqu’elle travaille, c’est son mari et sa fille que l’on peut voir sur le tableau.

Mais ce parcours d’artiste exigera de surmonter les conflits intérieurs qui la minent.

« Tiraillée entre deux pôles, entre deux exigences, celle de la peinture et celle de la femme, « elle se monte et se démonte comme devant », dit sa prosaïque mère. Elle lutte pour affirmer sa différence. Des conflits psychologiques la minent. Maux de tête et d’estomac, crampes, migraines. »

Elle a réussi à écrire une biographie extrêmement vivante, précise et documentée, et sa parfaite maîtrise de tous les éléments biographiques, la synthèse qu’elle peut alors opérer, rend le récit d’une grande fluidité, et son sens de la narration lui donne suspense et intérêt.

L’art de Berthe Morisot voulait « Fixer quelque chose de ce qui passe ». L’art de Dominique Bona, est de restituer l’atmosphère de ces années-là, les mouvements intérieurs de Berthe Morisot, ses combats et ses contradictions, afin que nous aussi, nous puissions approcher ce mystère.

A lire absolument…

Résultat de recherche d'images pour "berthe morisot"

source image : wikipedia

Zoé Valdès – La femme qui pleure / Dora Maar – L’été des femmes artistes/ Litterama

Zoé Valdès – La femme qui pleure – Arthaud poche – 2016 Flammarion

La Femme qui pleure eBook by Zoé Valdés

Doraa Maar fut une artiste surréaliste, photographe et peintre, et aussi muse de Picasso. Une rétrospective de son œuvre lui a été consacrée récemment au Centre Pompidou. Sa carrière a été complètement absorbée par son rôle de muse, à l’ombre du génie de Picasso. Il a fait d’elle « La femme qui pleure », manifeste de la déconstruction du portrait.

Résultat de recherche d'images pour "dora maar"

Portrait de Dora Maar, Pablo Picasso, 1937 | Paris 1937 Huil… | Flickr

Le livre de Zoé Valdès retrace une période censée être clef, un voyage à Venise, quelques années après sa rupture avec Picasso, en compagnie de deux amis, à l’issue duquel elle se retirera du monde pour vivre mystique et recluse, loin des mondanités parisiennes.

L’originalité du récit tient à ce que Zoé Valdès entremêle des éléments de sa propre biographie, et de sa relation rêvée ou imaginaire avec Dora Maar, qui tient plus de la rencontre manquée que d’une véritable relation.

« La vérité c’est que je me trouvais aussi vide qu’elle, à la limite de ma réserve d’illusions […]. », écrit-elle.

Par de savants aller-retours, elle retrace les amours de Dora Maar avec Picasso, dont on peut dire qu’ils sont violents et malsains. L’artiste a disparu au profit de la muse.

Résultat de recherche d'images pour "dora maar"

Dora Maar in an Armchair | Pablo Picasso Dora Maar in an Arm… | Flickr

Ce qui est intéressant, cependant, c’est l’effacement dû à ce statut, qui rend le suprêmement visible, l’image, invisible. Cette « femme qui pleure », exposée dans les musées cachera toujours l’autre femme, celle qui crée.

Dora Maar raconte : « Tout s’est alors transformé, mon indépendance a été abolie et je me suis annulée comme artiste ».

Picasso est un ogre, aux appétits sexuels démesurés. Il la méprisera, l’insultera et la fera terriblement souffrir, voilà ce que je retiens de ce livre. Et pour moi ce n’est pas assez.

J’ai eu l’impression d’assister à une scène continue de dévoration.

« Elle revoyait parfois, en ironisant, silencieuse et amusée, les affronts d’apparent désamour qu’elle avait dû essuyer. Le Grand Génie racontant, par exemple, à ses amis que sa maîtresse obéissait plus vite que son chien Kazbeck, un lévrier afghan paralysé de paresse. Tandis que le chien faisait la sourde oreille, Dora répondait en courant au moindre appel, et elle avait grand plaisir à lui obéir. « Ce n’est qu’une fillette, une petite chienne, une bête… Tu lui lances un os et elle court le chercher pour te le rapporter. »

Quand ils faisaient l’amour et qu’il se juchait sur elle, il se moquait de ses gestes, lui pinçait la peau du cou, de la poitrine, lui laissait des bleus partout. »

La frontière devient floue entre vie publique et vie privée. Sur les toiles de Picasso, je vois maintenant l’ombre meurtrie de Dora Maar, comme de longues traînées sales, rougeâtres, imprégnées de ce sang des menstrues avec lequel il aimait peindre…

Et les larmes qu’il lui fit pleurer, sur ce tableau….

A lire pendant l’été : les biographies romancées de femmes artistes

C’est en lisant l’excellent article consacré à Berthe Morisot par le non moins excellent blog    « Plumes, pointes, palettes et partitions »  que je me suis souvenue de mon intention de consacrer une partie de l’été à la lecture de biographies de femmes artistes.

J’en avais acheté plusieurs :

Résultat de recherche d'images pour "dominique Bona Berthe Morisot" La Femme qui pleure Je t'aime affreusementL'horizon A Pour Elle Dénoué Sa Ceinture - Chana Orloff (1888-1968) de Benhamou Rebecca Format Beau livre

Berthe Morisot fut la seule femme du groupe des impressionnistes. Née en 1841, elle peint et expose avec Manet, Degas, Monet, Renoir. Dominique Bona brosse le portrait d’une femme qui inventa sa liberté.

Bien différente est « La femme qui pleure », photographe et peintre surréaliste mais aussi amante de Picasso, Dora Maar est une âme tourmentée. Après sa séparation d’avec le grand maître, elle décide de passer quelques jours à Venise, escapade que retrace Zoé Valdès dans ce livre.

Ce fut elle, sa fille,  qui enfanta l’artiste, sauva et publia l’oeuvre de Marina Tsvetaeva, après seize années passées au goulag. « Je t’aime affreusement » est une lettre fictive écrite grâce au talent d’Estelle Gapp, dans laquelle la fille de l’artiste exprime les sentiments qu’elle a éprouvés auprès de cette mère « excentrique et exaltée » qui lui a transmis le meilleur comme le pire.

J’ai découvert Chana Orloff, grâce à la plume de Rebecca Benhamou. « Sculptrice renommée dans le monde entier », lit-on sur la quatrième de couverture, mais où est-elle donc à Paris ? Si vous le savez dites-le moi !

Elle sera l’amie fidèle de Soutine et de Modigliani et épousa un proche d’Apollinaire. Quand la guerre éclate, Chana commence une incroyable épopée pour sauver sa vie.

J’ai trouvé quelques-unes de ses sculptures sur la toile.

Fichier:Le peintre juif, Chana Orloff (1920) - Musée d'art et d'histoire du Judaïsme.jpg

Français : Le peintre juif, Chana Orloff (1920) Bronze patiné wikimedia Commons, Musée d’art et d’histoire du judaïsme

C’est également en rédigeant cet article que j’apprends que depuis janvier 2019, son atelier est ouvert de manière permanente,  près du parc Montsouris,  dans la Villa Seurat.

Dora Maar L’oeil ardent, exposition au centre Pompidou du 5 juin au 27 juillet

     Dora Maar, connue surtout comme la muse de Picasso, fut aussi une photographe de génie et une peintre. Elle était à moitié croate, élevée en Argentine, et née en France, un 22 novembre 1907, rue d’Assas. Elle s’appelait en fait Henriette Théodora Markovitch.

     Dora Maar rencontre Picasso à 28 ans, en 1935, présentée par Paul Eluard. Elle est alors l’ égérie de Georges Bataille. Leur liaison, orageuse, durera dix ans.

     Il la peint comme une femme torturée, pour toujours elle sera « la femme qui pleure ».

« Un artiste n’est pas aussi libre qu’on pourrait le croire. Cest vrai aussi pour les portraits que j’ai faits de Dora Maar. Pour moi, c’est une femme qui pleure. Pendant des années, je l’ai peinte en formes torturées, non par sadisme ou par plaisir. Je ne faisais que suivre la vision qui s’imposait à moi. C’était la réalité profonde de Dora. Vous voyez, un peintre a des limites, et ce ne sont pas toujours celles qu’on imagine. »1

     D’ailleurs, il la domine, de sa manière qu’on qualifierait aujourd’hui de perverse : il l’assure qu’il ne l’aime pas, qu’elle ne l’attire pas.

     Mais Dora Maar a été une grande photographe : elle photographie le petit peuple des bas-fonds de l’Angleterre, Barcelone. « Elle immortalise les ouvriers, les gosses des rues ou les musiciens aveugles ». Elle traverse une période marquée par l’influence du surréalisme. Son Rolleiflex à la main, elle fut la contemporaine de Cartier-bresson, Brassaï et Man Ray. Mais elle travaillera aussi pour la publicité, pour preuve ces magnifiques nuques féminines qui servent de présentoir à de savantes arabesques et volutes réalisées au fer à friser. L’effet est saisissant.

Résultat de recherche d'images pour "dora maar photographies pub fer à friser"

     Après la séparation d’avec Picasso, elle perd pied et internée à Sainte-Anne. Elle subit une cure, peut-être des électrochocs (mais on en n’est pas sûrs).

« L’enjeu de cette cure, c’est d’encourager chez Dora le penchant religieux. D’en faire une fervente catholique, de la détourner de la sublimation de l’art pour l’orienter vers la sublimation religieuse. »

     

     Quelque temps après cet épisode, elle demeurera recluse dans son appartement jusqu’à sa mort, pendant plusieurs dizaines d’années. Période dont on ne sait rien ou presque.

Dora Maar est redécouverte aujourd’hui, dégagée de l’ombre portée de Picasso, en tant qu’artiste et c’est très bien.

Citation de Picasso in Françoise Gilot et Lake Carlton, Vivre avec Picasso, Paris, Calmann-Lévy, 1965, rééd. 1973 (page 114)

Lady Chatterley par Pascale Ferran

Lady Chatterley D.H. Lawrence

Résultat de recherche d'images pour "lady chatterley livre de poche n° 5398"

H. Lawrence, Lady Chatterley, Le livre de poche n° 5398 , Editions des Deux-Rives (1955,1980), 384 pages

Lady Chatterley ou L’amant de Lady Chatterley a fait date dans l’histoire de la littérature et dans la construction des personnages féminins par des auteurs. Lady Chatterley est devenue une héroïne, qui s’émancipe de son milieu et  brise les chaînes de son aliénation par la force de sa vie sensuelle.

Je ne sais pas s’il est utile de rappeler le scandale qui accueillit le roman à sa sortie en Angleterre en 1960, le procès qui s’ensuivit, et qui se solda par un acquittement, mais la liberté de ton, la sensualité, et l’érotisme magnifique de ce roman ne pouvaient laisser personne indifférent, et la pudibonderie de l’époque ne manqua pas de s’en offusquer.

Mais la version qui fut ainsi jugée comme outrage aux bonnes mœurs et délit d’obscénité n’est que la troisième version du roman. Il y en eut deux autres, toutes écrites de 1925 à 1928

Lady Chatterley en est la première, à laquelle il manquait quelques pages, le départ en est sensiblement le même, à savoir le retour de la guerre de Clifford Chatterley, mutilé et paralysé dans son foyer auprès de sa femme. Toutefois le titre même annonce la focalisation sur le personnage féminin et c’est ce qui nous intéresse ici.

Lady Chatterley souhaite avoir un amant pour s’épanouir sexuellement,et avoir un enfant;  son mari accepte. Elle entame alors une liaison avec le garde-chasse, Oliver Parkin.

La découverte de l’amour sensuel va transformer l’héroïne profondément. Cet appel à nos forces essentielles et primitives illustre pour D. H. Lawrence sa thèse de la nécessité d’un retour à la vie naturelle et sa critique féroce de la civilisation industrielle déshumanisante. C’est par la sensualité et la sexualité que nous retrouvons ce lien à la vie naturelle, aux forces primitives et harmonieuses qui la régissent. Pas de mot d’amour, ni de serment, ni de conventions n’entravent ce pur élan. Les barrières artificielles forgées par les êtres humains que sont les classes sociales et l’argent n’ont plus lieu d’être. L’être humain dans son authenticité ne se présente plus masqué mais nu, d’une beauté nue et magnifique.

Toute une civilisation judéo-chrétienne contemptrice du corps, et toute une philosophie héritée du platonisme qui font du corps le lieu de la chute, de la déchéance ou d’une pauvreté ontologique se trouvent ici déminées.

Le corps est qui nous sommes, mais il est aussi le lieu d’une forme de spiritualité et d’accord avec le monde, car il est aussi un ensemble de nerfs, de conducteurs tactiles qui nous font accéder aux émotions et à l’amour.

Car il n’y a pas d’amour sans le corps, ou alors n’est-ce qu’une façon hypocrite de masquer notre impuissance. D. H. Lawrence comprend et saisit la sensualité féminine dans sa profondeur et son tumulte. Le titre original devait être normalement « Tenderness » et cet amour en est tissé, tendresse pour le corps et pour nos forces vives.

« Cette fois, et pour la première fois de sa vie, la passion éclata en elle. Tout à coup, des profondeurs les plus intimes de son être, des frémissements surgirent venant des régions où, autrefois, existait seul le néant. S’élevant, se gonflant, augmentant comme une volée de cloches qui carillonnaient en elle de plus en plus frénétiquement, la nouvelle clameur l’emplissait toute entière. Extasiée, elle entendait, sans les reconnaître pour les siens, ses cris à elle, ses cris brefs et sauvages à mesure que se déroulaient ces ondulations splendides, de plus en plus profondes qui, tout à coup, s’échappèrent en une richesse semblable à celle des derniers bourdonnements des grandes cloches. »

Le cœur battant de nos mères – Brit Bennett / Devenir mère ou pas – Découverte Festival America

Résultat de recherche d'images pour "le coeur battant de nos mères"

Le cœur battant de nos mères, The Mothers (2016), Brit Bennett, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Esch, Autrement 2017 (J’ai Lu n°11977)

Le choix du titre en français est assez surprenant, car il induit des représentations qui ne sont peut-être pas tout à fait celles du roman, le titre en anglais est « Les Mères », car la question centrale du roman est bien de devenir mère ou pas. Il évoque des destins de femmes dont la dimension maternelle a été source d’interrogations, et de difficultés, voire d’impuissance. Le suicide, l’avortement, la difficulté à assumer ce rôle de mère sont au cœur du récit.

« L’avortement prenait peut-être un autre aspect quand c’était juste un sujet intéressant pour un article ou un débat autour d’un verre, quand vous n’imaginiez pas que cela pouvait vous atteindre. »

Le droit des femmes à disposer de leur corps et la question de l’avortement a été largement évoqué lors des débats du Festival America autour du Féminisme.

La narration est menée par un chœur, comme au sein de la tragédie, mais un chœur de Mères.

L’auteure avoue s’intéresser depuis longtemps au rôle des femmes au sein des Eglises, souvent cantonnées aux basses œuvres et rarement mises en avant. Elle a donc décidé de leur donner la parole, de les faire sortir de cet anonymat.

Nadia et Aubrey, les deux protagonistes de l’histoire vivent sans leur mère et se sentent trahies, abandonnées. Leur réponse va consister, par ricochet, à se mettre à distance de la maternité, par peur de devenir leur propre mère et de connaître la même fin tragique ou à conjurer le sort, devenir une mère autre. Deux alternatives que les deux personnages vont devoir choisir.

Le fait d’être membre d’une communauté religieuse va avoir une incidence sur leur vie de jeune femme en devenir. L’Eglise a été un refuge pour elles deux, elles y ont trouvé un soutien. Toutefois cette communauté fermée, et bienveillante, va devenir une force de répression, une force maléfique qui va aussi les juger.

Le chœur de Mères exprime aussi la frustration par rapport à toutes les épreuves qu’elles ont été amenées à vivre dans leur condition de femmes. Elles projettent inévitablement leurs souffrances passées sur la jeune génération.

La question de l’avortement est inévitablement traitée, et d’une façon qui m’a paru terriblement maladroite car le fœtus est toujours envisagé comme un bébé, et non comme un futur possible bébé et par conséquent les femmes assument une forme de culpabilité lorsqu’elles interrompent volontairement leur grossesse.

« Tu l’as tué ! » s’écrie un des personnages.

Le récit décrit une des manifestations contre l’avortement de l’Eglise, le Cénacle, à laquelle appartiennent Aubrey et Nadia :

« Notre manifestation n’avait duré que trois jours. (Non pas à cause de nos convictions chancelantes, mais à cause des militants qui nous avaient rejoints, le genre de Blancs complètement fous qui se retrouveraient un jour à la une des journaux pour avoir fait sauter des cliniques et poignardé des médecins. »

Quand au chœur, elles disent avoir toutes été mères dans leur cœur ou dans leur corps.

Une jolie ficelle qu’il suffirait de tirer…

Brit Bennett est diplômée de littérature à Stanford et fait partie des cinq meilleurs auteurs américains du National Book Award. Son roman a été finaliste de nombreux prix littéraires. Son dernier ouvrage , Je ne sais pas quoi faire des gentils Blancs, est paru chez Autrement. On la compare bien sûr inévitablement à Toni Morrison ( !).

Girl – un chef d’oeuvre !

Girl est un film belge réalisé par Lukas Dhont, sorti en 2018 au Festival de Cannes 2018. Il est sélectionné en section Un certain regard au Festival de Cannes 2018 et remporte la Caméra d’or, le Prix FIPRESCI et la Queer Palm, alors que Victor Polster remporte le Prix d’interprétation de la section Un certain regard. (Wikipédia)
Date de sortie :   10 octobre 2018 (France)
Réalisateur : Lukas Dhont
Bande originale : Valentin Hadjadj
Récompenses : Caméra d’or, Prix du milleur acteur un certain regard
Langues : Néerlandais, français
Ce film porte magnifiquement la voix d’une adolescente qui a choisi de quitter son sexe biologique pour être en accord avec elle-même.  En effet nos identités sexuelles sont multiples et ne coïncident pas toujours : chromosomique, anatomique, 
hormonale, sociale et psychologique, elles sont autant de manières d’être soi. 
Tous ceux qui en éprouvent les ambiguïtés doivent emprunter des chemins parfois épineux pour retrouver une cohésion personnelle et une identité plus stable.
L’adolescence est un âge où les mouvements du cœur et l’urgence du désir portent à leur paroxysme les possibles contradictions. C’est la grande force du film d’exploiter les ressorts de l’adolescence pour en nourrir la narration, les mouvements intérieurs du personnage guident l’écriture cinématographique.
Ce personnage est porté avec une grande justesse, une grâce infinie, par le jeune prodige Victor Polster, né à Bruxelles en 2002, danseur à l’École Royale de Ballet d’Anvers. Il a seulement 14 ans quand il incarne le personnage sous la direction de Lukas Dhont.
A voir absolument !

Les jours de mon abandon – Elena Ferrante

Les jours de mon abandon - Elena Ferrante - Folio - Site Folio

Les jours de mon abandon Elena Ferrante 2002, 2004 pour la traduction française

L’immense succès de « L’amie prodigieuse », la saga napolitaine qui a rendu célèbre Elena Ferrante, éclaire rétrospectivement l’œuvre de l’auteure, déjà publiée et traduite aux éditions Gallimard depuis 1995 avec « L’amour harcelant ». C’est une belle histoire entre un auteur et un éditeur, dont la foi en son talent a été récompensée, même s’il s’agit ici uniquement des traductions et que le chiffre des ventes de l’auteur a dû aussi compter beaucoup.

Toujours est-il qu’en attendant la traduction française du 4e tome de « L’amie prodigieuse », les lecteurs ont tout le loisir de découvrir le reste de son œuvre.

Selon les interviews écrites de l’auteure, la majeure partie de son œuvre est d’origine autobiographique.

Une rupture amoureuse, inattendue, douloureuse, fait basculer l’héroïne dans un monde proche de la folie. Les repères disparaissent ; le sentiment d’abandon, dévorant, la solitude, la perte de sens la projettent à la frontière de ce monde patiemment construit autour de l’objet d’amour. La radiographie qui est faite de la séparation est minutieuse, et n’omet aucun détail de ce quotidien qui bascule. La haine, le désir de vengeance, la violence déchirent Olga menaçant de lui faire commettre l’irréparable. Son isolement, dû à une certaine tradition qui veut que les femmes restent à la maison, s’occupent des enfants, creuse encore davantage son égarement. Elle ne peut pas s’appuyer sur elle-même car elle n’a vécu jusqu’ici que pour l’autre dans une forme de fusion qui, aujourd’hui, serait jugée malsaine.

Il lui faut trouver qui elle est et en même temps se reconstruire : le projet abandonné autrefois, d’écrire. Et l’amour trahi comme matière à l’écriture.

Peut-être est-ce de cette manière-là qu’Elena Ferrante est née…

 

Bettina Rheims (28 janvier 2016 -27 mars 2016) Maison européenne de la Photographie – Paris

La vidéo ci-dessus est soumise à la limite d’âge mais rien de sulfureux, ne vous inquiétez pas, il faut pourtant suivre la procédure , aller sur You Tube et accepter les limitations.

En ce moment a lieu à la Maison européenne de la Photographie une rétrospective de l’œuvre de Bettina Rheims.

L’exposition se présente comme un cheminement sur trois niveaux, mêlant les œuvres les plus connues, des portraits de personnalités du monde de la mode ou des arts, à des photos plus confidentielles qui n’ont pas encore été exposées en France. Mais ce qui est questionnée avant tout par Bettina Rheims est la féminité et ses codes.  Cette recherche de l’identité des êtres, à travers leur mise à nu, afin de mieux saisir leur profondeur et leur intimité, sert de fil rouge jusque dans son exploration du genre.

Vignette Les femmes et l'ArtLe changement de sexe, pour ces hommes qui se sentent femmes, mais aussi l’androgynie où l’identité sexuelle reste volontairement floue, à travers la série des « Modern lovers » en 1990, les « Espionnes » (1992) et les Gender studies (2011) pose de manière cruciale la question de l’identité sexuelle. Les sujets sont nus à la fois leur corps mais aussi émotionnellement. Il n’est pas si évident d’être un homme ou une femme parce le sexe psychique ne correspond pas toujours au sexe biologique et au sexe social. Litterama tente d’explorer ces différents champs à travers la littérature mais plus largement à travers l’art. « Danish girl » récemment porté à l’écran, et nominé aux Oscars, et le livre de David Ebershoff que je suis en train de lire font écho à l’exposition de Bettina Rheims et plus largement aux questions du Temps.

 

J’ai intégré ici une vidéo qui présente son travail sur les « Gender studies » en langue anglaise, et dont on retrouve quelques portraits dans l’exposition en même temps qu’une installation sonore. Magnifique et passionnant.

L’autre partie de l’exposition, vraiment bouleversante, est la série des « Détenues », femmes photographiées en prison, reconstruisant l’image de leur féminité grâce au travail avec la photographe.

Si vous ne l’avez pas encore fait et que vous êtes en région parisienne, courez-y.