Archives pour la catégorie Prix Femina (1er vendredi de Novembre)

Kerry Hudson – La couleur de l’eau / Une plume venue d’Ecosse

Kerry Hudson - La Couleur De L'eau (2015) » telecharger-magazine

Kerry Hudson – La couleur de l’eau – 2014 et 2015 pour la traduction française – Editions Philippe Rey 10/18, traduit de l’anglais par Florence Lévy-Paoloni

Prix Femina étranger 2015

L’amour offre parfois l’opportunité d’une formidable résilience. Lorsque la confiance s’installe, que chacun accepte de se laisser profondément toucher par l’Autre, alors les carapaces tombent et mettent à nu la profonde richesse de chacun. Boris Cyrulnik en a fait un très beau livre « Parler d’amour au bord du gouffre » et il définit l’amour ainsi :

« C’est le plus joli moment pathologique d’une personnalité normale. Joli, parce qu’il s’agit d’une extase mais celle-ci côtoie souvent l’angoisse. On est donc au bord de la pathologie. Pour un fait, pour un regard raté de l’autre, les grandes amours se muent en grande souffrance. Ça paraît anormal de -souffrir quand on aime ! Mais l’état amoureux est un état anormal, hors norme! Cette intensité affective enferme l’individu dans son propre monde intime : le reste du monde devient fade et non perçu. C’est presque un état délirant, au sens étymologique du terme : délirer = je sors du sillon, je quitte la société, je quitte ma famille, parfois je quitte ma femme ou mon mari, tellement je suis prisonnier de ce qui se passe en moi, de ce qu’il ou elle a déclenché en moi. »

Le livre de Kerri Hudson organise la rencontre de deux êtres blessés qui vont s’apprivoiser. Alena est russe et s’envole vers Londres dans l’espoir d’une vie meilleure. Elle tombe dans un guet-apens. Dave, vigile dans un magasin, va croiser la jeune fille et lui offrir son aide de la manière la plus inattendue qui soit : en la laissant partir.

Tous les deux ont des rêves immenses que la souffrance peine à contenir, tous les deux ont soif d’une autre vie, et tenteront peut-être d’unir leurs forces. Parfois c’est simplement plus facile à deux. Il faudra aller jusqu’à la fin du livre pour savoir s’ils réussiront.

Histoire d’amour moderne qui ménage rebondissements et suspense, portrait social de l’Angleterre d’aujourd’hui, l’indifférence pour ceux qui sont à la marge, et la lutte pour la survie. L’Angleterre, un modèle ?

J’ai lu avec beaucoup de plaisir cette histoire qui parle un peu de chacun de nous …

« Kerri Hudson est née en 1980 à Aberdeen. Avoir grandi dans une succession de HLM, Bed and Breakfasts et camping à l’année lui a fourni la matière de son premier roman. Après Tony Hogan m’a payé un ice-cream soda avant de me piquer maman, elle signe La couleur de l’eau. Elle vit, travaille et écrit à Londres. » Editeur

Les gagnants du prix Femina 2015 catégorie romans

   « Nous avions peur. De tout, de rien, des autres, de nous-mêmes. De la petite comme de la grande histoire. Des honnêtes gens qui, selon les circonstances, peuvent se muer en criminels. De la réversibilité des hommes et de la vie. Du pire, car il est toujours sûr. Cette appréhension, ma famille me l’a transmise très tôt, presque à la naissance. »

Que se passe-t-il quand on tête au biberon à la fois le génie et les névroses d’une famille pas comme les autres, les Boltanski ? Que se passe-t-il quand un grand-père qui se pensait bien français, mais voilà la guerre qui arrive, doit se cacher des siens, chez lui, en plein Paris, dans un « entre-deux », comme un clandestin ? Quel est l’héritage de la peur, mais aussi de l’excentricité, du talent et de la liberté bohème ? Comment transmet-on le secret familial, le noyau d’ombre
qui aurait pu tout engloutir ?   Présentation de l’éditeur

 

 

« Sous le charme, Dave, vigile dans un luxueux magasin londonien, laisse partir une jeune voleuse qu’il vient de surprendre. Sa journée terminée, il la découvre dehors, à l’attendre. C’est le début d’une relation complexe entre deux êtres abîmés. Comment Alena, venue avec tant de projets de sa Russie natale, s’est-elle retrouvée à la rue et sans papiers ? Pourquoi Dave vit-il comme en exil à quelques kilomètres de chez lui ? Qu’ont-ils bien pu traverser l’un et l’autre pour être si tôt désabusés ?

Page après page, ils s’apprivoisent, se rapprochent – et prennent soin d’éviter leurs zones d’ombre : les réseaux de prostitution, les compromissions, les peurs et les espoirs étouffés de l’une, les cités anglaises à l’horizon bien bas, les rêves d’aventure et les lâchetés de l’autre.

Se gardant des clichés et du larmoyant, Kerry Hudson donne voix aux classes souvent délaissées par la littérature et raconte ses personnages avec leurs fragilités et leurs faiblesses. De l’East London à la Sibérie en passant par Moscou, elle tresse un récit d’une grande finesse, mêlant portrait social et histoire d’amour moderne. Un roman lumineux. » Présentation de l’éditeur.            

 

Finalistes du prix Femina 2015

La sélection de 7 romans français

      
  • Nathalie Azoulai, Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L)
  • Christophe Boltanski, La cache (Stock)
  • Brigitte Giraud, Nous serons des héros (Stock)
  • Hédi Kaddour, Les prépondérants (Gallimard)
  • Charif Madjalani, Villa des femmes (Seuil)
  • Judith Perrignon, Victor Hugo vient de mourir (L’Iconoclaste)
  • Boualem Sansal, 2084 (Gallimard)

 

 

La sélection de 5 romans étrangers

  

  • Martin Amis, La zone d’intérêt (Calmann-Lévy)
  • Oya Baydar, Et ne reste que des cendres (Phébus)
  • Kerry Hudson, La couleur de l’eau (Philippe Rey)
  • Dinaw Mengestu, Tous nos noms (Albin Michel)
  • Owen Sheers, J’ai vu un homme (Rivages)

Yanick Lahens – Bain de lune – Prix Femina 2014

Yanik Lahens

Yanick Lahens – Bain de lune – Sabine Wespieser Editeur 2014

vignette femmes du MondeUne jeune femme, rejetée par les flots, éprouvée dans son corps, l’esprit chaviré par la douleur, est trouvée par un pêcheur qui, avec l’aide de quelques autres, la ramène au village. Dans son délire, elle raconte les événements qui l’ont amenée là, une longue suite d’épreuves et de misères qui ont malmené sa famille et ses ancêtres mais aussi son pays, en proie à la violence politique. Les dieux du vaudou ont beau veiller sur le petit peuple des miséreux, des paysans, le pouvoir des dictateurs semble plus grand encore. Alors qu’on croyait la liberté retrouvée, à la suite de luttes et de sacrifices, un autre tyran encore plus sanguinaire prend la place. Comment faire, pour survivre sur cette île, pour échapper à cette malédiction d’un pouvoir incontrôlable, parfois soutenu par d’autres puissances étrangères ? Rester ou partir ? Courber le dos, s’effacer, se faire le plus petit possible, ou risquer la torture et la folie ?

A lire Yanick Lahens, dont l’écriture tourmentée et magnifique sait nous emporter sur cette île recroquevillée sous un soleil implacable, on se prend à désespérer d’Haïti et de ses dirigeants, tous plus implacables ou corrompus les uns que les autres, de droite ou de gauche, farouches exploiteurs ou habiles populistes, il semble n’y en avoir aucun  qui prenne soin de cette île dont la beauté et le désespoir sont magnifiquement chantés par l’auteure.

Voilà, on repose le livre avec une infinie lassitude, sous le charme pourtant de ces hommes et de ces femmes courageux, face à une misère implacable et victimes, de génération en génération, de la violence politique.

Yanick Lahens vit en Haïti. Depuis la parution de La couleur de l’aube (2008, prix RFO 2009), elle porte en elle le grand roman de la terre haïtienne qu’est Bain de Lune.

Née en Haïti le 22 décembre 1953, Yanick Lahens part très jeune pour la France où elle fait ses études secondaires, puis des études supérieures en lettres. À son retour en Haïti, elle a enseigné à l’École Normale Supérieure (l’Université d’État) jusqu’en 1995.

« Elle vit à Port-au-Prince où elle prend une part active dans l’animation culturelle et l’activité citoyenne. Son œuvre occupe une place privilégiée – à côté de celles de Marie Chauvet, Jan J. Dominique, Yanick Jean et Paulette Poujol-Oriol – dans la littérature au féminin en Haïti. Elle est membre du conseil d’administration du Conseil International d’Études Francophones (CIEF). Elle partage aujourd’hui son temps entre l’écriture, l’enseignement et ses activités de conférencière en Haïti et à l’étranger. » (source :lehman.cuny.)

Geneviève Brisac « Week-end de chasse à la mère »

brisac - Week-end de chasse à la mère

Geneviève Brisac est attentive à ce qui se trame dans le monde de l’infime, du quotidien, aux révolutions qui se jouent sans qu’une seule goutte de sang soit versée, mais dont les victimes sont innombrables. Combien de femmes auront été sacrifiées sur l’autel de la « bonne mère », de cet ensemble d’opinions et de préjugés qui commandent aux femmes ayant enfanté? Nouk, souffrant d’anorexie dans Petite, est ici la mère divorcée d’Eugénio, enfant gâté, tendre et tyrannique. Est-elle une bonne mère ? Son entourage ne tarit pas de recommandations et de conseils, qui sont le signe d’une subtile condamnation. S’organise alors une traque insidieuse, à coup de petites phrases et de sous-entendus. C’est « Un week-end de chasse à la mère ». On les connaît pourtant les mères, avec leur sens du sacrifice et de l’abnégation, celles d’avant soixante-huit. Les psychologues et les psychanalystes ont assez dénoncé ces mères castratrices, dévorantes et intrusives . Toute une génération ne s’est-elle pas soulevée contre le poids des mères ? « En chœur, nous maudissions nos mères, raconte Nouk en parlant d’elle et de son amie Martha, […]. Les mères, cette engeance ! disions nous. La littérature n’est-elle pas pleine de leur crimes et de leur bonne conscience, de leurs plaintes et de leurs ravages. Désertons ! était notre mot d’ordre. Plus jamais ça et plus jamais nous ! »
Les mères de l’après-féminisme sont-elles mieux loties ? Doutant de leurs capacités maternelles, ayant toujours peur de mal faire, aidées en cela par un inconscient collectif qui a intégré et digéré la responsabilité des mères dans les pathologies de leurs enfants – comme si les pères, eux, par nature distants, n’étaient là que pour atténuer les ravages d’une trop grande fusion maternelle- être mère n’est pas une sinécure.
« Il n’y a que les mères mortes, me surprends-je à penser parfois, celles-là ne font pas de mal, elles sont les plus douces et les plus parfaites. »
Mais lorsque les mères ne sont pas criminelles, elles sont les otages consentants, les victimes toutes désignées de ces petits « pachas égoïstes » qui les « séquestre mentalement » pour les abandonner lorsqu’ils n’ont plus besoin d’elles.
Il s’agirait de leur faire entrer dans le crâne « que nous ne sommes pas des mères au foyer et qu’ils nous doivent respect et assistance. »
Nouk travaille dans une bibliothèque pédagogique où l’on trouve toute sorte d’ouvrages pour aider les mères, scientifiquement, cette fois, rationnellement, à être de bonnes mères. Puisque les anciennes étaient de mauvaises mères par un trop plein d’animalité, et un manque cruel de réflexion, empêtrées dans une tradition qui ne se discutait pas,  les nouvelles seront éduquées et consciencieuses. Elles auront la distance de la raison.
Geneviève Brisac connaît parfaitement l’univers woolfien, et le poids des pierres que l’on glisse dans ses poches, la terrible pesanteur du désespoir. Comment Nouk s’en sortira-t-elle ? Parviendra-t-elle enfin à être la mère qu’il faut à son fils ? Il faut lire ce livre pour le savoir, véritable observatoire de la maternité, à la fois mélancolique et drôle.

Ce qui reste de nos vies – Zeruya Shalev / Prix Femina étranger 2014

Ce qui reste de nos vies

Zeruya Shalev – Ce qui reste de nos vies du monde entier Gallimard – 2014 (2011 pour la version originale) Traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz

Le livre de Zeruya Shalev, tout primé qu’il est, se mérite. J’ai failli l’abandonner plusieurs fois mais toujours quelque chose m’a retenu de renoncer tout à fait. Et la fin vaut vraiment la peine que l’on arrive jusqu’au bout, même suant, haletant et à bout de forces. Un pavé (416 pages) et un récit spiralaire qui avance tout en se répétant, parfois beaucoup. Pourtant ce livre est une œuvre, un bel objet littéraire, très bien écrit, donc très bien traduit et pétri d’intelligence autant que de sensibilité.
Que faire de « Ce qui reste de nos vies », quand il ne reste plus de temps, quand on est au seuil de la mort et que l’on a l’impression d’avoir tout raté, quand on est malheureux dans un couple à bout de souffle, ou quand on arrive à la cinquantaine avec pour (seul ?) horizon la ménopause ? Que faire, se résigner ou avancer quand même, trouver un nouveau souffle ?Un cheval, une bataille, pour ne pas mourir avant de mourir vraiment.
C’est toute la question posée par ce livre brillant à la narration parfois un peu relâchée mais qui traduit bien les hésitations et les atermoiements de ses personnages. Faut-il se résigner et se contenter de ce que l’on a, ou risquer le tout pour le tout, que la vie vaille encore la peine d’être vécue? Parfois on aimerait bien les pousser un peu ou agir à leur place tant on a l’impression de les voir faire du sur-place, mais ce serait trop tôt car chaque personnage a droit à son temps propre, qui est celui de la réflexion et la maturation nécessaire à la prise de décision.
Hemda est au seuil de la mort, et sa conscience part en lambeaux, elle vit à travers ses souvenirs que viennent interrompre un présent indistinct, et la visite de ses deux enfants Dina et Avner à L’hôpital de Jerusalem. Avner y rencontre une femme venue accompagner son amant mourant, et une fois disparue, se met à sa recherche, quant à Dina, quadragénaire insatisfaite, elle assiste à l’éloignement de sa fille adolescente et se met en tête d’adopter un enfant.

Zeruya Shalev analyse finement les relations qui existent entre parents et enfants, les non-dits, le ressentiment et la colère qui les animent parfois, autant que la tendresse et la douceur qui permettent d’avoir un foyer et de se construire. On comprend, on compatit, on s’élance, avec eux, vers une autre vie…

« Quel drôle d’âge, malaisé, soupire-t-elle, quarante-cinq ans, il fut un temps où les femmes mouraient à cet âge-là, elles terminaient d’élever les enfants et mouraient, délivraient le monde de la présence épineuse de celles qui étaient devenues stériles, enveloppe dont le charme s’était rompu. »

Le Prix Femina nouveau est arrivé : 2014, un bon cru ?

Le Prix Femina nouveau est arrivé pour notre plus grand plaisir !

 Deux lauréates et un lauréat recevront respectivement, le prix Femina 2014, le Femina du meilleur roman étranger et le Femina du meilleur essai.

 bain de lune

Yanick Lahens remporte tout d’abord le prix Femina 2014 pour son roman Bain de lune, paru chez Sabine Wespieser dont l’éditrice souligne la violente beauté. Son œuvre a déjà été couronnée par plusieurs prix,
Yanick Lahens avait été récompensée par les prix du livre Couleur de l’aube et les prix Carbet des lycéens 2014 et prix Caraïbes de l’ADELF 2013 pour Guillaume et Nathalie.RFO 2009, prix littéraire Richelieu de la Francophonie 2009, prix Millepages 2008 pour La couleur de l’aube.

 « Après trois jours de tempête, un pêcheur découvre, échouée sur la grève, une jeune fille qui semble avoir réchappé à une grande violence. La voix de la naufragée s’élève, qui en appelle à tous les dieux du vaudou et à ses ancêtres, pour tenter de comprendre comment et pourquoi elle s’est retrouvée là. Cette voix expirante viendra scander l’ample roman familial que déploie Yanick Lahens, convoquant les trois générations qui ont précédé la jeune femme afin d’élucider le double mystère de son agression et de son identité. » source site de l’éditeur Sabine Wespieser

Le Femina du meilleur roman étranger
a été décerné à Zeruya Shalev, autreure isaélienne déjà chroniquée sur ce site pour « Mari et femme » . Ce qui reste de nos vies (Gallimard, collection « Du monde entier »).

Ce qui reste de nos vies« Hemda Horowich vit sans doute ses derniers jours, mais l’image de ce lac, près du kibboutz où elle est née, s’impose encore avec force à sa conscience. Les souvenirs plus douloureux de sa longue vie se glissent eux aussi dans sa mémoire, sans qu’elle puisse s’en libérer : son père trop exigeant, un mariage sans amour, puis cette difficulté à aimer équitablement ses deux enfants, Avner et Dina.
Ces deux derniers lui rendent visite à l’hôpital de Jérusalem. Avner, le fils adoré, y rencontre une femme venue dire au revoir à son mari mourant et entame une étrange relation avec elle. Quant à Dina, la fille mal aimée, elle ne sait comment réagir face à l’éloignement de sa propre fille pour qui elle a sacrifié sa carrière. Débordée par le besoin de donner cet amour à quelqu’un, elle se met en tête d’adopter, envers et contre tous. ..source : site de l’éditeur Gallimard
ET_DANS_L_ETERNITE_JE_NE_M_ENNUIERAI_PAS_jaqu_Mise en page 1
Le Femina du meilleur essai est revenu à Paul Veyne spécialiste de l’Antiquité romaine(Et dans l’éternité, je ne m’ennuierai pas: souvenirs, Albin Michel) qui est un livre de mémoires dans lequel il raconte son enfance, son entrée au Collège de France, et ses rencontres avec les intellectuels dont les travaux ont marqué le XXe siècle (Foucault, Aron et Char), mais aussi les événements marquants qui ont rythmé sa vie personnelle.

Prix femina 2013 – Léonora Miano

la saison de l'ombre

Le mot de l’éditeur« Si leurs fils ne sont jamais retrouvés, si le ngambi ne révèle
pas ce qui leur est arrivé, on ne racontera pas le chagrin de ces mères.
La communauté oubliera les dix jeunes initiés, les deux hommes d’âge
mûr, évaporés dans l’air au cours du grand incendie. Du feu lui-même, on
ne dira plus rien. Qui goûte le souvenir des défaites ? »

Nous sommes en Afrique sub-saharienne, quelque part à l’intérieur des
terres, dans le clan Mulungo. Les fils aînés ont disparu, leurs mères
sont regroupées à l’écart. Quel malheur vient de s’abattre sur le
village ? Où sont les garçons ? Au cours d’une quête initiatique et
périlleuse, les émissaire du clan, le chef Mukano, et trois mères
courageuses, vont comprendre que leurs voisins, les BWele, les ont
capturés et vendus aux étrangers venus du Nord par les eaux.

Dans ce roman puissant, Léonora Miano revient sur la traite négrière
pour faire entendre la voix de celles et ceux à qui elle a volé un être
cher. L’histoire de l’Afrique sub-saharienne s’y drape dans une prose
magnifique et mystérieuse, imprégnée du mysticisme, de croyances, et de «l’obligation d’inventer pour survivre. »

Certaines n’avaient jamais vu la mer – Julie Otsuka

Julie-Otsuka

PRIX FEMINA ÉTRANGER 2012

j'aime coup de coeurj'aime coup de coeurj'aime coup de coeurj'aime coup de coeur j'aime coup de coeur

Julie Otsuka – Certaines n’avaient jamais vu la mer –  Phébus littérature étrangère, traduit de l’anglais (américain) par Carine Chichereau –Libella Paris 2012

Ce roman est composé de multiples voix, ces « voix du nous » comme les appelle Julie Otsuka, qui s’élèvent dés que vous ouvrez le livre et vous happent pour ne plus vous lâcher. Voix qui sortent de ces poitrines de très jeunes femmes qui au début du XXe siècle quittèrent leur Japon natal pour rejoindre leurs maris japonais choisis sur photos et racontent leur désenchantement et la trahison de ces hommes qui étaient ou plus pauvres, ou plus vieux que les hommes qu’elles avaient élus. Une d’elle raconte que l’un d’eux avait donné la photo de son ami qui était beaucoup plus beau que lui. Jeunes femmes obéissantes ou silencieuses qu se sont tues si longtemps, que les voix ici libérées s’échappent à la manière de cris ou d’incantations.

Elles sont toutes là, vous les imaginez serrées les unes contre les autres, visages innombrables, destins singuliers et pourtant semblables. Vous les entendez, elles n’ont plus de souffle, les mots se pressent sur leurs lèvres, ce qui donne ce côté haché et quelque peu décousu au récit, mais un fil solide les relie, le fil ténu d’une histoire unique et pourtant commune. Vous les entendez et votre souffle se mêle au leur, et votre cri retenu si longtemps dans votre poitrine nourrira le leur, vos yeux seront leurs yeux, et vos mains se creuseront avec elles sous le poids des tâches.

Malgré tout, vous voyez qu’elles trouvent une place à force de patience et de labeur, leurs enfants sont leur force, ils apprendront l’anglais et certains iront même à l’université. Mais voilà, avec elles vous entendez la guerre, vous sentez la menace, vous les suivez sur le chemin d’un autre exil, un exil à l’intérieur des terres vers ces camps de la honte ou vers le nord, afin que leurs voix japonaises ne se mêlent aux chants guerriers de leurs compatriotes.

Et c’est là que vous les laissez, le cœur serré, et ému aussi devant tant de beauté, tant de force dans ce chœur de femmes. Vous refermez le livre, vous le gardez peut-être quelques instants dans votre main, sa chaleur d’avoir été tant tenu adoucit un peu le regret d’avoir à le quitter. Vous le posez enfin, sur la table, avec tendresse…Vous ne les oublierez pas.

festival amerrica

3/19 Festival America  

Argentine =) Eugenia Almeida – Elsa Osorio –  Lucía Puenzo –  Canada =) Naomi Fontaine –  Lucie Lachapelle – Catherine Mavrikakis – Dianne Warren – – Cuba =)  Karla Suárez – Etats-Unis =)  Jennifer Egan –  Louise Erdrich –  Nicole Krauss –  Rebecca Makkai –  Toni Morrison – Julie Otsuka –  Karen Russell –  Janet Skeslien Charles –  Vendela Vida –   Mexique =) Sabina Herman –  Pérou =) Grecia Cáceres

Marie-Claire – Marguerite Audoux

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En ce mois de novembre enfiévré par les prix littéraires et notamment  le Prix Fémina, une occasion de lire ou de relire celles qui furent parmi les premières primées.

  Prix Fémina 1910 – Marguerite Audoux.

  Née en 1863 à Sancoins dans le Berry, Marguerite Audoux est couturière. Elle écrit pour tromper l’ennui et la misère et aussi certainement pour la distraire de sa solitude. Ce n’est que tardivement, la quarantaine passée, que Marguerite Audoux, pauvre et malade, connaîtra le succès. Elle écoulera pourtant 75 000 exemplaires de Marie-Claire qui obtiendra le prix Femina en 1910. Octave Mirbeau en écrivit un  vibrant éloge en guise de préface  :

«  Marie-Claire est une œuvre d’un grand goût. Sa simplicité, sa vérité, son élégance d’esprit, sa profondeur, sa nouveauté sont impressionnantes. Tout y est à sa place, les choses, les paysages, les gens. Ils sont marqués, dessinés d’un trait, du trait qu’il faut pour les rendre vivants et inoubliables. On n’en souhaite jamais un autre, tant celui-ci est juste, pittoresque, coloré, à son plan. Ce qui nous étonne surtout, ce qui nous subjugue, c’est la force de l’action intérieure, et c’est toute la lumière douce et chantante qui se lève sur ce livre, comme le soleil sur un beau matin d’été. Et l’on sent bien souvent passer la phrase des grands écrivains : un son que nous n’entendons plus, presque jamais plus, et où notre esprit s’émerveille ».

              Le roman de Marguerite Audoux est en grande partie autobiographique : elle y raconte la mort de sa mère, son enfance passé à l’orphelinat, et son adolescence dans une ferme solognote où elle est placée comme bergère. La grâce de ce roman tient aux non-dits qui le tissent, lui donnant une sorte de mystère et de profondeur. La petite fille raconte toute une série d’événements qui semblent incompréhensibles à ses yeux d’enfant ; on comprend pourtant ce qui est tu, les souffrances, et les regrets d’adultes qui ont manqué leur vie. Ce regard d’enfant est d’une grande fraîcheur et restitue un milieu et une époque qui nous sont assez méconnus, loin de la grande Histoire, au plus près du quotidien des petites gens où le destin est marqué en grande partie par la condition et le milieu social et où la fortune, parce qu’elle est l’apanage de privilégiés dans une société souvent injuste, est aux mains d’une bourgeoisie soucieuse de ne pas se mésallier.

            La langue de Marguerite Audoux est belle, équilibrée, simple sans être pauvre. Son grand sens de l’observation  lui permet de croquer presque sur le vif des situations cocasses : ainsi lorsqu’elle raconte l’épisode de sa communion : « Je tombais sur les genoux dans le confessionnal, et tout aussitôt, la voix marmottante et comme lointaine de Mr le curé me rendait un peu confiance. Mais il fallait toujours qu’il m’aidât à me rappeler mes péchés : sans cela j’en aurais oublié la moitié.

            A la fin de la confession, il me demandait toujours mon nom. J’aurais bien voulu en dire un autre, mais en même temps que j’y pensais, le mien sortait précipitamment de ma bouche. »

            Un livre qui restera dans l’histoire littéraire et marqua d’une pierre l’entrée des femmes dans un milieu littéraire qui leur était encore assez fermé, pour ne pas dire hostile.

Une bonne raison de continuer mon entreprise d’exhumation des textes féminins et de poursuivre mes tentatives d’archéologie littéraire…

Challenge La Belle Epoque (1879-1914)

challenge-la-belle-epoque

Prix Femina – Histoire et lauréates

Prix Femina

 

 

Le prix Fémina, prix littéraire français a été décerné pour la première fois en 1905 et attribué rétroactivement en 1904 par 22 collaboratrices du journal « La vie heureuse » et en lien avec le magazine Femina sous la direction de la poétesse Anna de Noailles afin de constituer une alternative au prix Goncourt qui consacrait uniquement des hommes.D’ailleurs c’est en partie pour réparer une injustice faite à Myriam Harry qui n’avait pas obtenu le prix Goncourt pour son roman  « La conquête de Jerusalem » que le fémina a été créé. Le jury est exclusivement féminin et décerné chaque année le premier mercredi de novembre à l’hôtel de Crillon à Paris. Il récompense une œuvre écrite en français. Ce prix s’est appelé pris Vie heureuse jusqu’en 1920 et ses membres passeront de 20 à 12.

 

Les actuels membres du jury sont : Paule Constant, Camille Laurens, Diane de Margerie, Solange Fasquelle, Viviane Forrester, Claire Gallois, Benoîte Groult, Paula Jacques , Christine Jordis, Mona Ozouf, Danièle Sallenave, Chantal Thomas. 

 

    

 

1904 : Myriam Harry pour La conquête de Jerusalem

 

  1907 : Colette Yver pour Princesses de science

 

pf marguerite Audoux1910 : Marguerite Audoux pour Marie Claire

 

1913 : Camille Marbo pour La statue voilée

 

 

 

Prix non décerné en 1914, 1915 et 1916 

 

1923 : Jeanne Galzy – Les allongés

 

1927 : Marie Le Franc pour Grand-Louis l’innocent

 

1928 : Dominique Dunois pour Georgette Garou

 

1933 : Geneviève Fauconnier pour Claude

 

1935 : Claude Silve pour Bénédiction

 

1936 : Louise Hervieu pour Sangs

 

1937 : Raymonde Vincent pour Campagne

 

 

 

   Prix non décerné en 1940, 1941, 1942 et 1943. 

 

1945 : Anne-Marie Monnet pour Le chemin du soleil

 

1947 : Gabrielle Roy pour Bonheur d’occasion

 

1949 : Maria le Hardouin pour La dame de coeur

 

1951 : Anne de Tourville pour Jabadao

 

1952 : Dominique Rolin pour Le soufflepf geneviève fauconnier

 

1953 : Zoé Oldenbourg pour La pierre angulaire

 

1958 : Françoise Mallet-Joris – L’empire Céleste

 

1960 : Louise Bellocq – La porte retombée

 

1966 : Irène Monesi -Nature morte devant la fenêtre

 

1967 Claire Etcherelli – Elise ou la vraie vie                                                            Geneviève Fauconnier

  1968 : Marguerite Yourcenar – L’œuvre au noir

 

1976 Marie-Louise Haumont pour Le trajet

 

1980 : Jocelyne François pour Joue-nous Espaňa

 

1981 : Catherine Hermary-Vieille pour Le Grand Vizir de la nuit

 

1982 : Anne Hébert pour Les fous de Bassan

 

1983 : Florence Delay pour Riche et légère

 

1989 Sylvie Germain pour Jours de colère

 

Geneviève Fauconnier                            1990 Pierrette Fleutiaux pour Nous sommes éternels

 

1991 Paula Jacques pour Deborah et les anges dissipés

 

1992 Anne-Marie Garat pour Aden

 

1996 : Geneviève Brisac pour week-end de chasse à la mère

 

1999 : Maryline Desbiolles pour Anchise

 

  2000 – Camille Laurens pour Dans ces bras-là

 

2001 Marie N’Diaye pour Rosie Carpe

 

2002 Chantal Thomas pour Les adieux à la reine

 

2006 : Nancy Huston  pour Lignes de Faille

 

  2009 : Gwenaëlle Aubry pour Personne

 

 

 

Marie Le Franc  

Un tiers à peu près des auteurs primés par ce prix sont des femmes.