Archives pour la catégorie Grandes plumes de la littérature écrite par des femmes

Marie-Louise Gagneur – 1832 – 1902

Détail – Portrait Galerie des gens de Lettres

Née Marie-Louise Mignerot en 1832, Marie-Louise Gagneur a publié des essais, des nouvelles et plus de vingt romans. Membre de la Société des Gens de lettres, elle œuvre pour la féminisation des noms de métiers, lutte pour l’égalité des droits des femmes, et dénonce le sort injuste qui leur est fait depuis la Restauration, les plaçant sous la tutelle de leur mari, et leur interdisant de divorcer.

Ses propositions sur la féminisation du nom d’écrivain sont rejetées, sous prétexte que ce métier n’est peu ou pas exercé par les femmes. Elle mourra à l’entrée du siècle, en 1902, quelques mois après avoir reçu la Légion d’Honneur.

Elle dénonce l’éducation des femmes dans les couvents auxquelles on fait subir un véritable lavage de cerveau, visant à les rendre parfaitement soumises à Dieu et à leur mari. Son expérience du couvent nourrira son anticléricalisme.

Les éditions « talents hauts » publie un inédit, « Trois sœurs rivales » , roman feuilleton  du journal « La presse » de juillet à août 1861 dans lequel « elle place les premiers jalons de son combat en faveur de l’émancipation des femmes »[1].

En outre le site Gallica lui consacre un long article sous la plume de Roger Musnik avec des liens vers ses œuvres désormais dans le domaine public.

Elle mérite d’être redécouverte, la littérature est pour elle une arme de combat, qu’elle manie avec une redoutable efficacité et sa vie est passionnante à lire (Voir Gallica).


[1] Préface d’isabelle Pasquet

Les « plumées » des éditions Talents Hauts

Les   éditions Talents Hauts mettent en avant le matrimoine littéraire à travers une collection « Les Plumées ». Plumées dans tous les sens du terme, elles l’ont été. D’une part, parce qu’elles ont un incontestable talent et une vraie « plume » et d’autre part, parce qu’elles ont été spoliées de leur postérité ou de leur notoriété et rendues invisibles. Comment juger de la valeur d’une œuvre dans l’Histoire littéraire ? Quels sont les critères qui la rendent digne d’y figurer ? Les œuvres ou les formes qu’elles empruntent ont-elles marqué leur siècle ? De toute évidence, les thématiques, les grands sujets quel que soit le domaine de l’art sont interdits aux femmes jusqu’au XXe siècle, la guerre, la politique, tous les domaines proches du pouvoir. Les femmes ne sont pas vraiment sur les champs de bataille, dans leur majorité, elles sont interdites dans la plupart des métiers, à part ceux où elles sont subalternes, et ne peuvent pas faire d’études supérieures. Julie Victoire Daubié sera la première à obtenir le baccalauréat le 17 août 1861.

Les femmes vont donc employer la stratégie du contournement et s’employer à combattre les difficultés qu’elles rencontrent. Elles vont écrire et, pour certaines, payer très cher, intimement et socialement, cet engagement.

L’éditrice rappelle les différents processus d’invisibilisation auxquels vont avoir à faire les femmes :

  • L’effacement : elles sont salonnières, soutiennent et diffusent les idées mais s’effacent derrière leurs protégés.
  • L’appropriation : elles participent à l’élaboration d’une œuvre  mais n’en retirent aucune reconnaissance.
  • Le plagiat : des écrivains célèbres ont copié l’œuvre de leurs contemporaines. Ainsi Voltaire publie-t-il une pièce « Brutus » qui ressemble étrangement à celle de l’autrice Catherine Bernard décédée quelques années plus tôt (autrice reconnue puisqu’elle touchait une pension de Louis XIV). Voir Titiou Lecoq, Les grandes oubliées ou pourquoi l’Histoire a effacé les femmes.
  • La stigmatisation :des propos mysogines tournent en dérision les œuvres des femmes en présupposant une sorte de débilité congénitale du sexe féminin. Baudelaire reconnaît le talent de Marcelline Desbordes-Vallemore, pour ensuite le dévaloriser en le cantonnant dans la sphère du féminin.
  • La décrédibilisation :les précieuses ridicules, les « bas-bleus » sont autant d’appellations visant à se moquer des femmes qui écrivent. De nombreux dessins satiriques accompagnent ce travail de sape.
  • L’intériorisation des interdits et l’autocensure : la place mineure laissée aux femmes est intériorisée par les femmes elles-mêmes. L’anonymat des œuvres , le fait de prendre un pseudonyme masculin manifestent cet auto-censure. Une femme « publique » est l’égale d’une prostituée, elle doit rester dévouée à son mari et ses enfants.
  • J’ai commencé à lire dans cette collection et vous en parlerai plus tard.

Voici les œuvres phares dont certaines sont déjà chroniquées ici :

Marguerite Audoux – Marie-Claire

Fanny Raoul – Opinion d’une femme sur les femmes

Félicité de Genlis – La femme auteur

Marie-Louise Gagneur – Trois sœurs rivales

Marguerite Audoux – Marie-claire

Renée Dunan – Le jardin du bonheur

Georges de Peyrebrune – Victoire la Rouge

Félicité de Genlis – La femme auteur

Louise Colet – Ces petits messieurs

Gabrielle-Suzanne de Villeneuve La Belle et la Bête

Camille Bodin – Le monstre

Marceline Desbordes-Valmore La grâce de l’exil

Le métier de reine Violette 1

Charlotte-Adélaïde Dard – Les naufragés de la Méduse

Judith Gauthier – Isoline

Françoise Pascal – Le vieillard amoureux

Julia Daudet – L’enfance d’une parisienne

Fanny Raoul – Opinion d’une femme sur les femmes

Les femmes et la littérature : Carole Martinez

Je suis très très lente, je mets près de dix, quinze ans pour un roman, en fait, entre le moment où je commence à raconter et la fin de l écriture. Parce qu’avant d écrire,  je raconte, et mon histoire mûrit dans les yeux des gens auxquels je la raconte. Et c’est dans leur écoute, que je trouve la force et le désir d’aller plus loin. Je suis une conteuse, je fais ma Shéhérazade, et il y a des gens extraordinaires,  à qui on a envie de raconter plus longtemps. Alors on va plus plus loin, et l on se dit, il ne faut pas oublier ce qu’on vient d inventer pour eux . En général, je ne note pas, et si ça ne tient pas, c’est que l’histoire n était pas assez forte, mais petit à petit, normalement l’histoire se fait comme ça. Quand finalement je me mets à écrire, il se passe autre chose, et c’est assez étonnant d’ailleurs car l’histoire écrite n’est pas celle que j’ai racontée. C’est le fil même de l’écriture qui va me conduire ailleurs.

Carole Martinez, Meulan-en-Yvelines, le samedi 9 avril 2022

Anne Sexton, « Tu vis ou tu meurs », oeuvres poétiques (1960-1969) » bientôt disponible en France

Et nous sommes de la magie se parlant à elle-même,

bruyante et solitaire. Je suis la reine de tous mes vices

oubliés. Suis-je toujours égarée ?

Jadis j’étais belle. Maintenant je suis moi-même,

comptant des mocassins rangée après rangée

sur l’étagère muette où ils continuent d’espérer

Cela faisait des années que j’attendais cela, et ce sont les Edition « des femmes – Antoinette Fouque » qui ont réalisé ce rêve de voir enfin traduites, en France, les oeuvres poétiques d’Anne Sexton ! Prix Pulitzer en 1967 pour « Live or Die », immense poétesse qui devint une figure marquante du confessionalisme américain incarné par le poète Robert Lowell, Anne Sexton(1928-1977) est l’autrice d’une oeuvre poétique composée de plus d’une dizaine de recueils. Elle s’est vue décerner de nombreux titres honorifiques dans des universités telles que Harvard, Colgate ou encore Boston.

Son style est novateur et transgressif, d’une incroyable modernité, les menstruations, l’avortement, le lien matriciel ou l’inceste et la psychanalyse sont parmi les thèmes de cette poésie iconoclaste. Poétesse tourmentée, à la biographie parfois polémique (voir Diane Wood Middlebrook, Anne Sexton, a biography), qui finira par se suicider, à l’instar de Sylvia Plath, et dont le poème « Mercy Street » a fait l’objet d’une chanson par Peter Gabriel, son oeuvre mérite d’être davantage connue en France.

Le 13 janvier 2022 paraîtra « Tu vis ou tu meurs », oeuvres poétiques (1960-1969) », traduit de l’anglais par Sabine Huynh, et présenté par Patricia Godi. Cette édition réunit les quatre premiers recueils d’Anne Sexton (1928-1977) publiés dans les années soixante.

« Chaque être en moi est un oiseau.
Je bats toutes mes ailes.
Ils voulaient te retrancher de moi
mais ils ne le feront pas.
Ils disaient que tu étais infiniment vide
mais tu ne l’es pas.
Ils disaient que tu étais si malade que tu agonisais
mais ils avaient tort.
Tu chantes comme une écolière.
Tu n’es pas déchirée. »
A. S., Pour fêter ma matrice

Anne Sexton

Louise de Vilmorin, une vie, une oeuvre sur France Culture

Louise de Vilmorin – Sainte Unefois

Louise de Vilmorin, Sainte-Unefois, Editions Gallimard, 1934

Si ce roman fait date dans l’histoire de la littérature, c’est qu’il emprunte les chemins d’une nouvelle écriture, initiée par les surréalistes, une écriture inventive, qui ne se soucie pas de réalisme mais construit des personnages fantasques, proches des contes de fée et à rebrousse-poil de la psychologie traditionnelle des personnages dans les romans de l’époque. Si la trame narrative est assez conventionnelle, Grace retrouvant son cousin après des années de séparation, et vivant avec lui une nouvelle histoire d’amour, le traitement des situations lui, ne l’est pas.

Car elles sont souvent absurdes, et tout à fait étranges, défiant toute rationalité, proche du merveilleux des contes, et utilisant des images qui semblent générées par l’écriture automatique.

« Il n’y a pas de sujet mais c’est plein de perles » déclarera Max Jacob.

Si les événements s’enchaînent selon une causalité assez fantaisiste, que dire des motivations des personnages ?

Mais il y a parfois, dans le texte, des accents d’une grande sincérité.

« Mon corps et moi nous entendons mal, je ne pourrai jamais appartenir à personne. Il faudrait qu’on m’étouffe, qu’on force l’amour en moi et que je meure ».

L’héroïne me fait penser à ces dames de la haute société, qui n’ayant jamais rien à faire, se diluaient dans une forme d’oisiveté qui confinait à la folie. L’héroïne a toujours une attitude d’extrême fatigue, pâle et éthérée, indécise et capricieuse. Son cou est « fragile », son cri « plaintif » et le bonheur du moment lui tire des larmes. Sa liberté est de l’inconstance, rien ne tient, et surtout pas l’amour. Mais socialement, elle impose un modèle de femme en rupture avec son temps : mondaine et volage, elle va où ses inclinations la portent.

La drôlerie n’est pas absente et les jeux de mots, ainsi le serviteur qui annonce un « gonflé » au lieu d’un « soufflé ».

Une forme de poésie, un travail rigoureux sur la langue, font le charme de certains moments de lecture.

Mais que cette héroïne est lassante, elle dit de « belles choses », s’amuse de « jeux simples », mais se révèle complètement inconsistante. Elle n’a pas de mission, et ne tire pas les ficelles, condamnée à plaire :

« A qui m’offrirais-je, avec dans la main, quelque chose qui serre le cœur ? »

Louise de Vilmorin, ou du moins son œuvre, n’est pas complètement parvenue à la postérité, même si ses inventions formelles présentent de l’intérêt du point de vue de l’histoire littéraire.

Mais il me semble qu’aujourd’hui, elle a du mal à nous parler, du moins avec cette œuvre.

J’avoue que j’ai eu beaucoup de mal avec ce livre que je n’ai pas du tout aimé malgré l’intérêt littéraire qu’il présente.

Mais il faut se faire son avis, et la lire !

La guerre des Scarlett

Nous avons pu lire dans la presse ou écouter à la radio différentes chroniques ou des brèves relatant les conflits qui opposent les deux maisons d'éditions Gallmeister et Gallimard pour la réédition du texte (la première édition date de 1939) tombé cette année dans le domaine public mais  publié à l'origine par Gallimard, et la polémique qui n'a cessé d'enfler suite au retrait - pour "contextualisation" du film "Autant en emporte le vent." - réalisé par Victor Fleming - d'une plate-forme de streaming.

Gallmeister réédite le texte, événement salué par la critique, en plusieurs volumes dans une nouvelle traduction portée par Josette Chicheportiche qui a dû travailler pendant une année afin de revisiter l’oeuvre et la façon jugée scandaleuse d’évoquer les rapports raciaux dans le sud des Etats-Unis.

Le passionnant dossier de presse fourni par Gallmeister explique les choix de traduction dans son rapport au texte original. Là où le traducteur historique avait élidé tous les « r », Josette Chicheportiche choisit de coller au plus près du roman de l’autrice..

Gallimard pour sa part conserve la traduction originale de Pierre-François Caillé (1907- 1979) mais la fait suivre, dans sa collection Folio, d’une édition augmentée où figure la correspondance du traducteur avec Margaret Mitchell.

Dans les exemples fournis par l’éditeur, « Scarlet was not beautiful » traduit dans la première édition : « Scarlett n’était pas d’une beauté classique », devient tout simplement « Scarlett n’était pas belle ».

La réédition de Gallimard et celle de Gallmeister

Je déplore, quant à moi, que « Voyage au bout de la nuit » parfaitement nauséabond, ne soit pas, lui aussi, recontextualisé. C’est ma première réaction.. Je trouve vraiment intéressant que l’oeuvre soit retraduite, cela permet de gommer les outrances, et le défaut de perspective mais on ne pourra pas oublier le contexte de l’époque qui est celui de l’esclavage.

Je comprends également que des stéréotypes raciaux véhiculés à travers des œuvres patrimoniales dont l’audience est très large, contribuent à les véhiculer et à les enraciner dans l’inconscient collectif. Il ne faut pas oublier qu’ils sont tellement prégnants qu’un homme et son fils ont été tués alors qu’ils faisaient simplement du jogging. Et cela, c’est proprement insupportable. On ne pourra pas dire qu’ils ont été emportés par le vent, si ce n’est celui, sifflant, d’une balle.

Les Testaments – Margaret Atwood/ Eblouissant !

Les testaments

Testaments – Margaret Atwood – Collection Pavillons – Robert Laffont, octobre 2019

 Lorsque j’ai appris la sortie de ce nouvel opus du chef-d’œuvre dystopique de Margaret Atwood « La servante écarlate », je me suis demandé pourquoi l’autrice avait ressenti le désir d’écrire cette suite : une série télévisée s’en était chargée avec brio, malgré quelques critiques cependant sur une forme de surenchère dans la cruauté et la violence du système totalitaire de Galaad.

Mais Margaret Atwood, dans ses remerciements, à la fin de l’ouvrage, ne manque pas d’adresser ses plus vifs remerciements aux « équipes MGM et de Hulu qui ont adapté le livre en une captivante série télévisée, magnifiquement réalisé et maintes fois primée ».

Mais il est à noter qu’elle ne mentionne que l’adaptation du roman et non la suite.

Parce que la patronne, c’est elle, et la suite sera la sienne !

Mais quid de cette suite ? Est-il encore possible de maintenir la même tension, le même suspense et la même émotion  ?

Le récit se situe quinze ans après « la servante écarlate » dans un régime théocratique corrompu, dont les rouages impitoyables assassinent, torturent et réduisent au silence tous ceux et surtout toutes celles qui lui résistent.

Testaments, est le récit de trois femmes dont l’une est la fondatrice du système, et les deux autres  deux jeunes filles dont l’une a été élevée à Galaad, et l’autre au Canada.

Les destins de ces trois femmes vont être réunis sous le sceau du secret, dans une lutte clandestine et souterraine, éminemment dangereuse qui pourrait les broyer.

Je n’en dirais pas plus, parce qu’il ne faut rien savoir  afin de pouvoir se laisser porter par le récit.

Selon Margaret Atwood, il s’agissait de répondre à une question récurrente qui lui était posée : « Comment Galaad s’est-il disloqué ? »

Testaments y apportent une réponse.

« Il arrive que les totalitarismes s’effondrent, minés de l’intérieur, parce qu’ils n’ont pas réussi à tenir les promesses qui les avait portés au pouvoir ; il se peut aussi qu’ils subissent des attaques venues de l’extérieur ; ou les deux. Il n’existe pas de recette infaillible, étant que très peu de choses dans l’histoire sont inéluctables. »

 Il s’agit selon moi d’un récit virtuose, qui ne vous lâche pas, dont le suspense est haletant et vous fait vibrer jusqu’à la dernière page.

Je vous le dis, Margaret Atwood voulait avoir le dernier mot. Et elle l’a eu dans cette suite éblouissante.

Profession : autrice, Catel/ Claire Bouilhac – Mme de La Fayette (1634-1693)

Minna Canth, engagée et enragée contre l’injustice et la misère/ 19 mars jour de l’égalité en Finlande

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Mina Canth (1844-1897) , née Ulrika Johnsson, romancière et dramaturge finlandaise.

Après trois années à l’école de filles, elle entre à l’institut de formation des maîtres de Jyväskylä, ouvert en 1863, qui lui permet d’apprendre un métier et d’être indépendante, à une époque où la poursuite des études est limitée pour les femmes. Cependant elle ne deviendra pas institutrice car elle épouse son professeur d’histoire naturelle !

Elle écrit pour les journaux, sous un pseudonyme des articles servant à promouvoir Résultat de recherche d'images pour "minna canth"l’éducation des filles, et analysant les difficultés de la condition féminine.

Elle fut veuve très jeune à trente-cinq ans et mère de sept ans (rien que ça) commence une carrière de journaliste et de femme de lettres.

Kaarlo Bergbom, le directeur du Théâtre national de Finlande en visite à Jyväskylä, lira sa première pièce Murtovarkaus (Vol avec effraction), et acceptera de la monter.

Femme courageuse, malgré les idées étroites du temps, elle défend les idées progressistes, prend le parti des plus faibles, des plus démunis et s’insurge contre la condition qui est faite aux ouvriers, aux prisonniers et aux aliénés. Féministe militante, elle dénonce dans « La femme de l’ouvrier » les lois injustes envers les femmes, la morale hypocrite de l’Eglise et l’alcoolisme. Elle suscita de vives polémiques et choqua profondément ses contemporains, notamment les conservateurs, et se fit quelques ennemis ! Nous devons beaucoup, je crois, en Occident à ces femmes courageuses.

Elle tient salon et réunit sous son toit, dans sa maison de Kuopio, un groupe de jeunes écrivains qui forma le mouvement jeune Finlande.

Son œuvre rassemble essentiellement des pièces de théâtre, très marquées par l’influence d’Ibsen (Ou est-ce Ibsen qui fut influencé par elle ?)  et a laissé deux romans de veine naturaliste, engageant des problématiques sociales.

« Sans verser dans l’excès, il est possible de qualifier la littérature dramatique finlandaise de forme d’expression féminine. »[1]

Ses trois derniers drames, où se font sentir l’influence de Tolstoï et d’Ibsen acquièrent plus de finesse psychologique :  La Famille du pasteur, puis Sylvi, écrite en suédois, et enfin, Anna Liisa, qui traite de l’infanticide et du déni de grossesse.

Le 19 mars est jour d’égalité en Finlande, ses nouvelles et ses pièces sont étudiées dans les lycées finlandais.

En français, Hanna : Et autres récits, Editions Zoé, coll. « Les classiques du monde », 19 août 2012, 414 p. (ISBN 978-2881828744)

 En voici un extrait : « Salmela était au comble du bonheur, il la serrait dans ses bras au point de presque l’écraser et il lui embrassait fougueusement les joues, les lèvres et le cou. Le chapeau d’Hanna tomba par terre et ses cheveux se répandirent sur ses épaules. Mais elle était heureuse et encore plus heureuse du bonheur de Salmela. Puis ils apprirent à se tutoyer et à s’appeler par leur prénom.“Kalle.”

Dans son for intérieur, Hanna pensa que ce n’était pas un joli prénom, mais sans doute apprendrait-elle à l’aimer peu à peu.

http://data.bnf.fr/12572765/minna_canth/

[1] Hanna HELAVUORI, dictionnaire universel des créatrices

sources wikipedia, Dictionnaire des femmes célèbrs, Laffont 1992.

La princesse de Clèves, dîner-théâtre au Théâtre de Montansier décembre 2018

 « La magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat. Jamais cour n’a eu autant de belles personnes ni d’hommes admirablement bien faits. Le goût que le roi François Ier avait pour la poésie et pour les lettres régnait encore en France, et le roi, son fils Henri II, bonsoir votre majesté, comme vous aimiez les exercices du corps, tous les plaisirs étaient à la cour. »

Bruno Schwartz  joue « La princesse de Clèves » de Madame de Lafayette, avec talent, et nous emporte dans ce magnifique texte classique dont l’austérité disparaît dans les ombres et les lumières de la scène de ce théâtre somptueux qu’est le théâtre de Montansier à Versailles,  proposant à chaque spectateur une complicité particulière, choisissant au sein du public quelques spectateurs qui assument les rôles de quelques personnages à leur corps consentant, autour d’une table dressée où sera servi le dîner à la fin du spectacle. Des pauses ménagées dans le récit sont consacrées à la description des usages de la table à l’époque de Mme de Lafayette.

« Quand le sucre est mis au goût du jour, il vaut littéralement son pesant d’or. Pour montrer son pouvoir et sa richesse, on le met donc à toutes les sauces… […]

Un très beau moment, une belle soirée, où se conjuguent plaisirs de l’ouïe, plaisir des yeux, et plaisir de la table.

D’après Madame de la Fayette, conception et mise en scène Benoit Schwartz, scénographie Elisabeth de Sauverzac et Benoit Schwartz, lumières Nicolas Villenave

avec Benoit Schwartz, Production Compagnie La Bao Acou, Espace culturel Luxembourg/Meaux

Jusqu’au 05 décembre pour des scolaires et en tournée

La femme comestible, premier roman de Margaret Atwood

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La femme comestible, The edible woman, 1969, traduit de l’anglais (Canada) par Michèle Albaret-Maatsch, Pavillons poche Robert Laffont, Paris 2008, 522 pages

La femme comestible est le premier roman de Margaret Atwood, publié en 1969 et écrit au plus fort du Canadian Woman’s Liberation Movement. Constitué de trois parties d’inégales longueurs, la narration alterne de la première à la troisième personne pour revenir à la première, témoignant de la quête d’identité de la narratrice.

Depuis que Marian est fiancée, et qu’elle sait qu’elle va se marier, abandonner son travail et certainement faire des enfants, l’angoisse l’étreint et elle ne peut plus rien avaler. Conflit entre ses désirs, certainement inconscients, et le rôle social qu’elle est amenée à jouer, le rapport à la nourriture devient le fil conducteur du récit.

Opératrice en marketing, son quotidien d’enquêtrice, la mène de porte à porte, à tenter de cerner les besoins ou désirs des consommateurs pour mieux les manipuler grâce à de savantes études marketing. Or, malgré la révolution sexuelle des années soixante, Marian MacAlpin est prisonnière des valeurs de la génération qui la précède, produit de consommation comme un autre, dont on attend qu’il réponde exactement aux attentes du consommateur masculin.

En effet, une femme, à l’époque ne se définit qu’à travers l’homme qui partage sa vie, mère nourricière, et reproductrice, ses enfants assurent son destin, circonscrit au cercle étroit du foyer. Elle est une femme comestible, dévorée symboliquement par son mari et ses enfants. Jusqu’à ce qu’elle reprenne le contrôle de sa vie. Marian sent en effet que son moi et son corps sont en train de se séparer, et que ce dernier ne lui obéit plus traduisant sa coupure avec la réalité. L’assimilation par le corps des aliments est analogue à l’assimilation par le corps social et  la transformation de la femme en sujet socialement acceptable. Elle est ainsi « digérée ». L’homme assume un rôle de prédateur, la femme étant une proie comme une autre. C’est aussi pour cette raison qu’elle ne peut plus manger, elle entend le « cri » de la carotte, par solidarité en quelque sorte avec toutes les autres proies.

Margaret Atwood analyse finement les stéréotypes de genre à travers plusieurs personnages, soit qu’ils les respectent ou  qu’ils en prennent le contre-pied, tel Duncan, qui refuse d’être un homme fort et protecteur. Ou Ainsley qui veut faire un bébé toute seule, en dehors du mariage.

Il y aurait bien d’autres choses à dire, tellement ce roman est riche de symboles et de métaphores. Il est souvent d’un humour grinçant, j’avoue que j’ai souvent ri à sa lecture.

« Vous risqueriez de faire quelque chose de destructeur : le besoin de nourriture passe avant le besoin d’amour. Florence Nightingale était une cannibale, vous savez. » , l’avertit Duncan.

lire margaret Atwood

Coeur Cousu de Carole Martinez

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Le mot texte vient du latin textus, de texere, tisser. Celui qui conte, qui raconte est celui qui tisse, qui met ensemble, et fait naître l’histoire et le sens. Celui qui a une histoire, naît et meurt, a donc un début et une fin, un sens, une direction. Frasquita, l’héroïne de cette histoire, hérite de sa mère une boîte que se transmettent de mère en fille, les femmes de la famille,  depuis plusieurs générations.  Cette boîte est rempli de fils et d’aiguilles. Frasquita n’est pas celle qui raconte, celle qui tisse, car c’est Soledad, sa fille, qui aura pour rôle de transmettre l’histoire familiale, celle qu’on lui a racontée et qui s’est déroulée dans sa plus grande partie avant sa naissance.

Frasquita est celle qui coud, qui répare, qui recoud, qui fait tenir ensemble les deux bords du monde, l’ici et l’au-delà. Elle ne répare pas les blessures, car la cicatrice aussi fine soit-elle garde la mémoire des souffrances passées. Simplement elle recoud. Parfois le fil casse et l’homme et son désir qu’elle avait ainsi rassemblés, se séparent à nouveau.

Dans ce roman qui est aussi le récit d’une folle équipée, d’un voyage et d’une fuite, les femmes ne sont pas épargnées, victimes des traditions d’une Espagne du sud ancestrale et archaïque, où la religion se mêle de traditions païennes héritées des temps encore plus anciens et d’un fervent mysticisme. Les rencontres sont toujours manquées entre les hommes et les femmes dans cette société rigide où le plaisir est interdit et seule la procréation est valorisée pour la survie du groupe. Cette histoire se passe pourtant à l’époque de Pasteur, apprend-on avec surprise, tant on se croirait encore au Moyen-Age.

D’ailleurs l’une des filles se demande à un moment du récit si ce que ces femmes se transmettent à travers cette boîte n’est pas tout simplement leur douleur.

Mais cette société se fissure : bouleversements politiques, guerre civile, nouvelles idéologies font trembler ses bases. Car l’histoire de Carole Martinez se nourrit d’éléments empruntés à l’histoire, et possède une veine parfois réaliste, mêlée au merveilleux, à la magie des contes et de la poésie. C’est pourquoi certains critiques le rangent dans la tradition latino-américaine du réalisme merveilleux.

L’écriture de Carole Martinez sait rester légère malgré la gravité parfois du propos.

Ce roman a été un parfait coup de cœur. J’ai beaucoup aimé son écriture, très poétique et le texte s’orne de magnifiques métaphores. Une belle découverte, à lire absolument.

Cycle Margaret Atwood – Captive

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Margaret Atwood, Captive (Alias Grace, 1996) , traduit de l’anglais (Canada) par Michèle Albaret-Maatsch, Robert Laffont, 10/18 , 1998 pour la traduction française, 613 pages

Captive est le deuxième roman que je lis de cette auteure et je suis toujours aussi séduite par l’écriture de Margaret Atwood, sa façon de camper les personnages, de nouer l’intrigue, et de créer en nous le désir de lire, de la lire.

Ce roman retrace la vie de Grace marks, 16 ans, condamnée à perpétuité pour le meurtre de son employeur. Le second crime, celui de la gouvernante, ne sera pas jugé.  Qui est Grace Marks, et quelle comédie joue-t-elle lorsqu’elle prétend ne pas se souvenir de ce qu’elle a fait le jour du meurtre ? N’est-elle qu’une habile manipulatrice ? C’est ce que le docteur Jordan va s’attacher à découvrir, curieux des nouvelles méthodes de la psychiatrie, influencé par les études sur l’hystérie de Charcot, et les balbutiements de ce qui sera plus tard la psychanalyse. Il souhaite sonder le mystère de ces profondeurs, de cet inconscient, nouveau continent presque vierge de cette fin du XIXe siècle. Est-on ce que l’on se rappelle ou alors ce que l’on a oublié ? Margaret Atwood brosse avec talent les polémiques de cette fin de siècle, les débats qui l’animent sur la nature de l’âme ou de l’esprit.

A travers Grace, le poids du déterminisme social, la violence qu’il exerce sur la classe laborieuse, dont le destin est la pauvreté – les chances de s’élever dans la hiérarchie sociale étant quasi-inexistantes – est finement analysé. La condition des servantes dans les familles bourgeoises, l’injuste répartition des richesses, sert de filigrane au récit.

Mais ce sont ces relations entre Grace et le docteur Jordan qui donnent sa profondeur au récit, et peut-être son romanesque. Elles illustrent le danger de la relation thérapeutique particulière instaurée entre eux, où le manque de distance compromet ce qui pourrait être une guérison.

Et parfois, peut-être vaut-il mieux ne pas se souvenir…

Ce cycle est aussi un challenge auquel vous pouvez participer jusque en septembre 2019.

Au pays de Donald, « La servante écarlate » relève la tête !

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Margaret Atwood – La servante écarlate (The Handmaid’s tale), Pavillons poche Robert Laffont, 2017, traduit de l’anglais (Canada) par Sylviane Rué

Il est particulièrement intéressant de lire ou de relire aujourd’hui « La servante écarlate » de Margaret Atwood, à la lumière de l’histoire récente des Etats-Unis, et des manifestations qui ont eu lieu pour protester contre les restrictions au droit à l’avortement, suivant la politique menée par Donald Trump, dans certains Etats américains ( Voir les photos ici)

Et l’auteure de rappeler la fondation profonde des Etats-Unis sur « la brutale théocratie de la Nouvelle Angleterre puritaine du XVIIe siècle, avec ses préjugés contre les femmes » et sa résurgence dans une certaine frange chrétienne extrémiste du Parti Républicain.

Pour ceux qui n’auraient pas encore lu l’histoire ou vu la série (saison 1 dirigée par Reed Morano sur un scénario de Bruce Miller, avec Elisabeth Moss dans le rôle principal, tournée entre septembre 2016 et février 2017 ), « La servante écarlate » est une dystopie situant le nouveau régime de la république de Gilhead, fondée par des fanatiques religieux, aux Etats-Unis. A la suite d’une chute de la fécondité due à la pollution et aux maladies sexuellement transmissibles, les quelques femmes encore fertiles sont réduites au rang d’esclaves sexuelles auprès des notables du régime. Defred, « servante écarlate » parmi d’autres n’a plus le droit ni de lire, ni de travailler, et ne possède plus rien.

Ce qui fait la force du régime, c’est son organisation : les femmes y sont surveillées et contraintes par des femmes, parmi elles certaines sont croyantes et persuadées du bien-fondé d’un tel régime.

Ce n’est pas sans rappeler le débat qui fait rage aux Etats-Unis et ailleurs entre les féministes essentialistes (considérées par beaucoup comme des antiféministes) et les autres, l’expérience de la maternité étant pour les premières la source essentielle du pouvoir féminin et ce qui les définit (l’éthique du care) ; dans cette optique, la contraception et l’avortement feraient obstacle au cycle naturel du corps féminin (et donc à son destin).   D’ailleurs, Defred le dit ainsi en s’adressant intérieurement à sa mère : « Tu voulais une culture de femmes. Et bien, la voici. »

Mais Margaret Atwood, ne fait pas de son héroïne, une simple héroïne féministe, cela va bien au-delà, en ce sens que la structure pyramidale du pouvoir, concentre hommes et femmes dans les strates supérieures – même si les hommes ont une réelle suprématie – de la même manière qu’en ces couches inférieures, existent des hommes et des femmes pareillement dépossédés d’une partie importante de leur liberté.

Elle rappelle en cela que toutes les femmes ne sont pas féministes, et que cela a été le principal obstacle à l’émancipation des femmes. Certaines se satisfont d’un rôle subalterne en échange du confort et de la sécurité. Bref, cela est un autre débat, forcément très politique et …polémique.

Vous comprendrez pourquoi « La servante écarlate » s’est vendu et continue à se vendre, à des millions d’exemplaires dans le monde entier, devenant une « sorte de référence pour ceux qui écrivent à propos d’évolutions politiques visant à prendre le contrôle des femmes, particulièrement celui de leur corps et de leurs fonctions reproductrices » (page 513).

Margaret Atwood est pressentie depuis plusieurs années pour le Prix Nobel de Littérature, elle est une des auteures majeures de la littérature de notre temps.

Un biopic de Mary Shelley au cinéma, à ne pas rater ! J’ai vu, j’ai aimé !

Ne pas oublier de mentionner que Haifaa Al Mansour est la réalisatrice saoudienne de ce chef d’oeuvre qu’est Wadjda, sorti en février 2013, s’il n’y en avait qu’une, ce serait une raison suffisante pour courir voir ce film.

En 1814, Mary Wollstonecraft Godwin entame une relation amoureuse passionnée avec  le poète Percy Shelley. Elle n’a que seize ans mais à l’époque les filles se marient jeunes. mais surtout, elles obéissent à leurs parents et les mariages d’amour ne sont pas légion. Mary choisit qui elle veut aimer et s’enfuit avec son amant. Cela fait bien sûr scandale.  Ils sont tous les deux en avance sur leur temps et leurs idées libérales en amour, comme dans tous les autres domaines va permettre à Mary de faire éclore son talent. C’est en 1816, près du Lac Léman, alors invités dans la demeure de Lord Byron, que Mary inventera le personnage de Frankenstein. Elle le publiera d’abord anonymement, puis luttera pour revendiquer son oeuvre.

Date de sortie 8 aôut 2018 (2h00);  De Haifaa Al Mansour; Avec  Elle Fanning, Douglas Booth, Tom Sturridge; Film américain
     J’ai vu aujourd’hui ce film dans un petit cinéma près de la gare Saint-Lazare. Elle Fanning (Mary Wollstonecraft Shelley) est remarquablement filmée et Douglas Booth (Percy Bysshe Shelley)  tient à merveille son rôle de génie et de séducteur (un peu bellâtre toutefois). Leur rencontre et leur vie commune, dans une sorte de ménage à trois avec Claire Clairmont, fille de la belle-mère de Mary, font l’objet d’une première partie du film, assez longue. Malgré son adhésion aux idées de l’amour libre, Mary souffre et va de désillusion en désillusion, terrassée par la dépression à la mort de sa fille. Claire Clairmont peine à trouver sa place, entre ces deux génies, et fait la connaissance de Lord Byron, magnifiquement campé en poète extravagant et cruel par Tom Sturridge. Lors d’un séjour chez lui, germera dans l’esprit de Mary l’idée de Frankenstein, à la faveur d’un défi lancé par le Lord lui-même pour occuper ses invités (Je ne sais pas le degré de vérité biographique, mais complètement allumé, et complètement misogyne !) .
     De la publication anonyme à la reconnaissance de son oeuvre, due à son père William Godwin, cette seconde partie qui était la plus intéressante, est un peu bâclée. Toutefois on saisit bien l’atmosphère de l’époque, teintée de spiritisme, et la tradition du gothique dans laquelle est profondément enracinée  « Frankestein », ainsi que l’influence des recherches scientifiques et du galvanisme qui lui en inspira la création. On comprend comment cela a pu mûrir en elle et donner naissance à l’ oeuvre majeure qui assure  sa postérité encore aujourd’hui. La critique féministe des années 70, a renouvelé l’intérêt pour cette auteure qui menaçait d’être engloutie par l’oubli.
J’ai été souvent émue par la lutte, l’énergie, la ténacité de Mary face à des éditeurs misogynes, sûrs de leur bon droit et de leur pouvoir, pétris par la morale étroite de leur temps qui ne jugeait pas convenable pour une jeune femme d’écrire ce genre de roman où  la monstruosité, l’indigence et l’indifférence des hommes étaient prises pour cible au lieu de se cantonner aux romans pour dames, convenables, édifiants, sentimentaux et compassés !
Un beau film, un peu malmené par certaines critiques mais beaucoup plus apprécié des spectateurs.