Archives pour la catégorie Itinéraire d’une blogueuse

Editer les femmes ? Rien que des femmes ?

Une nouvelle maison d’édition a vu le jour en mai 2021 qui met à l’honneur les autrices contemporaines. Les éditions Dalva publient une dizaine de livres par an en littérature française et étrangère, à travers des œuvres de fiction, des récits et des essais. Le nom de la maison est » un clin d’œil au livre éponyme de Jim Harrison. Dalva est une femme libre qui s’installe seule dans le ranch familial. Elle se réapproprie l’espace et sa vie, son histoire. »

Dans « Le Génie lesbien », un passage avait mis le feu aux poudres, où l’autrice Alice Coffin expliquait à propos des oeuvres des auteurs : « Je ne lis plus les livres des hommes, je ne regarde plus leurs films, je n’écoute plus leurs musiques. J’essaie du moins. L’art est une extension de l’imaginaire masculin. Ils ont déjà infesté mon esprit. Je me préserve en les évitant. »

Toute une génération de femmes a été privée de références à l’imaginaire féminin, si tant est qu’il y en ait un, à l’art au féminin, sous toutes ses formes. En tout cas, pour ma part, je n’ai pas lu une seule oeuvre de femme jusqu’au lycée, ni Georges Sand, ni même Mme de La Fayette. De même pour les compositrices, qui semblaient n’avoir jamais existé où les peintresses, dont le féminin même résonne étrangement, tellement il a dû être peu usité. (Pourtant maîtresse ne choque personne).

Juliette Ponce explique ainsi son projet lors des interviews qu’elle a données à la presse : « Tous genres confondus, 65 % d’hommes sont publiés pour 35 % de femmes, et les grands prix littéraires institutionnels leur ont été largement moins attribués sur les vingt dernières années (25 %), même en incluant les années post #MeToo qui ont pourtant auguré de vrais changements. »

Les autrices ont appris à penser en dehors de ces zones de pouvoir dont elles ont été largement exclues. Elles ont dû faire ce pas de côté dont parle Geneviève Brisac dans « La marche du cavalier » et penser et créer à partir d’un « angle mort ».

Sans compter que leur accès à l’édition de leurs écrits s’est fait sous condition : respecter un genre féminin (roman sentimental, romance) ou publier sous un pseudonyme masculin. Au XIX e siècle, elles sont pléthore. Aujourd’hui encore, Juliette Ponce fait remarquer que « Les femmes sont surreprésentées en romance, dans le livre pratique et naturellement sur les tables de librairie traitant du féminisme et de la question du droit des femmes. »

Les éditions des femmes-Antoinette Fouque étaient nées de cette même nécessité militante de porter les oeuvres des femmes peu présentes sur la scène éditoriale des années soixante-dix.

Dalva apporte un point de vue un peu différent mais complémentaire :

«  C’est comme ça qu’est née l’idée de Dalva : porter des voix de femmes, avec des récits qui mettent en scène des thématiques sur lesquelles on les attend moins, comme les sciences. »

L’équipe de Dalva :

Litterama accompagne cette jeune maison avec enthousiasme à travers un premier opus qui sera chroniqué ici : « L’Octopus et moi » de Erin Hortle.

Carole Martinez – Dédicace

Lire pour l’Ukraine /L’année des autrices ukrainiennes – écrire pour résister

Alors que la guerre gronde une fois de plus à nos portes, et que les menaces ne cessent de s’accumuler au-dessus de nos têtes, je me suis penchée sur l’histoire littéraire de l’Ukraine et notamment sur la place des autrices dans ce panorama. Comme partout ailleurs, leur combat pour écrire n’a pas fait exception à la règle, ni l’invisibilisation de leurs oeuvres, mais il s’est doublé d’un autre tout aussi politique dans leur rapport à la langue ukrainienne, à la russification et à la construction d’une nation aujourd’hui en grand danger. Sans conteste, elles sont très peu traduites en français, mais j’ai pu me procurer quelques ouvrages que je vais essayer de chroniquer ici. Je vous invite à faire de même. Je ne sais pas si la culture peut lutter contre la barbarie mais elle est un autre moyen de résistance à long terme. Les livres sont porteurs de mémoire.

Ainsi que l’écrit Oksana Zaboujko dans « Explorations sur le terrain du sexe ukrainien », « l’Ukraine c’est Chronos, qui dévore ses enfants avec menottes et petons… »,

Cette lutte pour la liberté se paye durement, sur une terre qui fut colonisée par les empires ou par les voisins, et mit du temps, de la sueur, et des larmes à se construire. La littérature et la langue ukrainienne furent aussi les terrains de cette lutte face aux démagogues et aux tyrans.

Le pingouin d’ Andreï Kourkov par Valentyne

Un poème de Lessia Oukraïnka (1871-1913) par Madame lit

Felix Austria, de Sofia Andrukhovych par Passage à l’Est

Entretien avec IRYNA DMYTRYCHYN Propos recueillis par  Anna Mozharova

«Le testament» de Taras Chevtchenko par Madame lit

2022

Quoi qu’il en soit, les livres resteront le lieu de la mémoire, de la révolte, et aussi de l’espoir… A vous, toutes, tous … Anna

Des traces

Les librairies sont à nouveau ouvertes ! Je me suis mise à acheter des livres dont je n’avais pas besoin, qui allaient immanquablement réduire encore mon espace vital. Par solidarité peut-être. En ces temps troublés, les mots écrits sur le papier acquièrent une signification nouvelle. Ils deviennent des traces. Des traces du monde d’avant, celui où on pouvait s’embrasser à tout va, où on pouvait toucher sans crainte la peau d’une, d’un autre. A quel point nos mondes se fracturent, nous le saurons plus tard peut-être.

Je ne sais plus qui disait qu’il fallait que la profondeur se niche davantage en surface, que c’était cela la légèreté apparente. C’était à propos de Louise de Vilmorin je crois, autrice sur laquelle je commençais à travailler. Enfouie, moi, dans ma passion du féminin. Passion qui n’est pas exclusive, qui englobe l’humanité toute entière.

Lire est un confinement volontaire pour mieux rejoindre les autres.

J’ai lu déjà , « Cinq à sept » de Fanny Britt. Cette parole libre de mes amies québécoises qui n’ont pas peur des mots. Dans cette pièce, elles parlent de tout, des hommes et de leur faim de sexe, sans tabou. J’ai dû consulter plus d’une fois le dictionnaire québécois, crisse !

Je voulais continuer ma découverte de l’œuvre d’Ella Balaert avec « Placement libre ». « J’ai écrit ce roman dans une grande colère et une réelle inquiétude. Je le dédie à toutes celles et à tous ceux qui se sentent exclu-e-s du monde, qui n’y trouvent pas, ou plus, leur place, pour qu’ils ne retournent pas cette injustice contre eux-mêmes ou contre autrui. »

« Décomposition d’un déjeuner anglais » de Marie Dilasser a tout d’une œuvre un peu rebelle qui ne va pas se laisser facilement approcher.

Catherine Benhamou, cette belle dramaturge, que j’ai déjà rencontrée, est en bonne place dans les livres à lire avec « Ana ou la jeune fille intelligente » et « Romance » , Grand Prix de Littérature Dramatique 2020, chez Koïné et sa belle équipe :

« – Tu comprends Imène quand je pense à elle là-bas debout bien droite, elle est là pour l’éternité, avant qu’on naisse elle était déjà là et quand on sera mortes elle sera toujours là, elle nous nargue, elle se croit supérieure, et lui là-haut, il se fiche pas mal de nous, il ne lèverait pas le petit doigt pour nous, tu crois quoi, et elle qu’est-ce qu’elle se croit à nous mater du haut de son indifférence »

Nathalie Papin aussi en son pays de rien, que je dois aller voir au théâtre, ce roi qui « chasse les cris, les larmes, les couleurs, les soupirs, les rêves et les enferme dans des cages » ; Dominique Richard avec la suite des aventures de Grosse Patate, un art sublime des monologues, pour dire cette petite fille encombrée d’elle-même.

Gaël Octavia prend la voix puissante de ce guerrier qui renonce à se battre. « Cette guerre que nous n’avons pas faite ». Il raconte le bistrot, où il s’est échoué, découragé et sa rencontre avec ses futurs compagnons d’armes. Mais celle qui va le bouleverser, avec ce mystérieux pacifiste qui veut les empêcher de combattre.

Et Mireille aussi qui m’a envoyé son livre et que je n’oublie pas.

Pour le plaisir de la rencontre, je me suis offert le livre de Gil Adamy, plasticien, et Louis Bance poète pamphlétaire. « Vision et cécité ». La peinture de Gil Adamy est riche en couleurs, dans une figuration libre, et cherche à nous provoquer, à nous pousser peut-être dans nos derniers retranchements. Il interroge notre vision du monde et notre aveuglement, ce que nous ne savons pas voir et ce qui se cache sous les apparences. La poésie de Louis Bance est souvent brutale derrière la délicatesse des alexandrins, elle me fait penser à la formule de Nietzsche , en sous-titre au Crépuscule des Idoles, « Philosopher à coups de marteau ». Gil Adamy et Louis Bance dénoncent les nouvelles figures  » des idoles éternelles, que l’on frappe ici du marteau comme d’un diapason. » Le pinceau, comme le stylo, deviennent les instruments qui vont laisser entendre le son qu’elles rendent lorsqu’on les ausculte à petits coups de maillet.

Alors continuer à suivre ces signes noirs sur la page, tous ces livres d’hier et d’aujourd’hui qui tracent des chemins, des lignes de fuite, des horizons lointains, des présents de tous les possibles…

Vision et cécité de Gil Adamy - Livre - Decitre

Et si Paris …

En me promenant le long des bords de la Seine, grouillant de monde, mais tout le monde (ou presque) masqué, exceptés les hordes de coureurs, un petit groupe qui fait des exercices de musculation, un autre qui danse, une scène de tournage, pour un film, un homme en caleçon juché sur, je ne sais plus, une trottinette ou une bicyclette, une course, encore une autre, en faveur des handicapés, un homme et son chien, dormant sous un pont, et le soleil qui brille dans un ciel presque sans nuages, j’ai eu soudain comme une vision d’horreur. J’ai imaginé Paris, dévasté, dépeuplé, tout le monde ayant fui à la campagne, les commerces définitivement fermés, les pigeons mal nourris, cette fois pour de bon (pas seulement en période de confinement). Ce concentré de vie soudain synonyme d’une proximité fatale et délétère, disparu.

J’étais à Paris pour voir l’exposition de Sarah Moon. Paris enchanteur, ville adorée entre toutes, des groupes de jeunes autour du Panthéon qui sirotaient leur bière, le soir qui tombe, ce café restaurant où de gros ours en peluche (peut-être le connaissez-vous, près du jardin du Luxembourg) vous tiennent compagnie lorsque vous dinez seul.e. Et les librairies du quartier latin où je logeais, la Sorbonne pas loin, où j’ai été étudiante, les conférences au Collège de France, Hélène Cixous, des flots d’images au présent et au passé, se fondant, s’entremêlant, déchirant cette vision d’apocalypse, pour juste laisser, vibrant, l’amour… l’amour de Paris.

L’été est fini !

L’été est terminé depuis quelques jours et il est temps de clore cet intermède consacré aux romancières italiennes. Quelques découvertes, mais aussi de nombreux livres encore qui restent sur mes étagères, prise à nouveau par ma vie professionnelle, et aussi des études reprises un peu sur le tard. Enfin bref, une vie bien remplie dans laquelle je souhaiterais ménager plus d’espace pour cette passion de la littérature et des femmes. Mais il faudrait sept vies, comme les chats (?), ou renoncer une fois pour toutes au sommeil, toutes choses impossibles.

J’ai manqué le rendez-vous du matrimoine et celui des éditions Koine à Bagnolet (qu’ils me pardonnent), une belle maison comme on dit, de grandes autrices en devenir, et un éditeur talentueux et passionné. Mais toute une année s’engage déjà, malgré la COVID (il y a vraiment des moments où on se passerait bien du féminin), et quelques ouvrages en attente, reçus par la poste, ou par courrier électronique que j’ai hâte de découvrir !

Des moments précieux, qui pourraient figurer dans les pages d’un roman, rythment cette rentrée, celui où cette conductrice de bus, à chaque arrêt, à pleine voix, souhaitait le bon soir à ceux qui descendaient, le sourire aux lèvres des passagers derrière les masques, l’atmosphère qui soudain se détendait, et cette conviction que la vie se crée, de la même manière peut-être qu’un chapitre de roman.

La vie, la mort, la solitude, tout ce qui mérite d’être dit ou écrit, les soubresauts de nos coeurs endoloris, la passion endormie au creux des paumes, tout ce qui mérite d’être vécu est là, quelque part, qui nous attend !

Bel automne à vous tous, dans la fièvre des découvertes et les bonheurs de la rencontre !

10 ans déjà !

9 ans – Un itinéraire passionné !

J’avais prévu de tenir ce blog dix ans. Je n’en suis pas loin ! Mais plus que tout, c’est la lecture et la rencontre des autres blogueurs ou des lecteurs qui ont été, de loin, l’aventure la plus passionnante !

Contre vents et marées, entre absences et investissement passionné, Litterama est toujours là dans le flux de ma vie.

Parfois j’aimerais savoir davantage qui nous sommes les uns et les autres. Un blog est un mélange de biographie secrète et de partages raisonnés, un mélange de distance et de proximité qui en est un des paradoxes.

Merci à vous d’être là.

Sarah Pèpe – Dédicace

Itinéraire d’une blogueuse – Les hommes qui aiment leur féminin …

Lorsque j’étais une jeune étudiante en philosophie, et que je me spécialisais en esthétique, en philosophie de l’art, l’absence des femmes dans ce domaine, a été source d’interrogations sur la place des femmes en littérature et plus largement dans les disciplines artistiques. Je me suis alors lancée dans mes premières recherches sur le matrimoine littéraire et suis allée de découvertes en découvertes.

En même temps, la philosophie m’a forcée à m’interroger sur cette notion de « féminin », sur ce que c’est qu’être une femme. Les penseurs et penseuses n’ont pas manqué jusqu’à cette lecture de Judith Butler, et de son « Trouble dans le genre ». Lecture ardue mais passionnante. Et puis Jung aussi m’a aidée à réfléchir. Clarissa Pinkola Estès, psychanalyste et conteuse et « Femmes qui courent avec les loups » a fait profondément résonner en moi cette part enfouie, pleine de vitalité et vibrante de la femme sauvage.

Plus tard, dans ma quête d’identité, j’ai ajouté le nom de ma mère, à mon patronyme, par amour, parce qu’elle est morte et que c’était aussi une manière de la faire vivre.

J’ai retrouvé ses racines alsaciennes, et j’ai découvert que ce nom, que je revêtais comme une parure d’amour, Gangloff, un nom famille alsacien- lorrain, avait une origine germanique gangilwulf, compose de gang marche, chemin et wulf qui signifie loup.

Aussi à manière j’étais femme qui marchait avec les loups.

Mon chemin a été jalonnée d’importantes rencontres, notamment Virginia Woolf, Simone de Beauvoir, mais aussi d’hommes qui sont devenus pour moi des références, Poullain de la Barre, John Stuart Mill et Ibsen. Ils aimaient leur féminin.

Ma dernière lecture, le texte de Christian Bach, m’a conduit à la même conclusion : il y a des hommes qui aiment profondément leur féminin, qui sont capables de se battre pour lui, ou de l’écrire, ou de cheminer aux côtés des femmes sans jamais renier ce qu’ils sont.

Je n’aurais pas pu me construire sans eux et je ne pourrais exister sans ce magnifique contrepoint.

Litterama est aussi le lieu des hommes qui aiment leur féminin.

Je lis … donc je suis 1er janvier 2019

 

vignette Les femmes et la Pensée

 

 

A la suite de Nadège et de George , je reprends ce tag, curieuse du bilan qui pourrait en émerger, dans ce blog engagé autour du féminin en littérature.

 

 

 

Décris-toi : La comtesse de Ricotta

Comment te sens-tu ? : Le bonheur d’être belle

Décris où tu vis actuellement : Une maison de poupée

Si tu pouvais aller où tu veux, où irais-tu ? : En un monde parfait

Ton moyen de transport préféré : L’autobus

Ton (Ta) meilleur(e) ami(e) est :  Aurora Kentucky

Toi et tes amis, vous êtes :  Libres comme elles

Comment est le temps :  Printemps

Quel est ton moment préféré dans la journée ? :  La nuit africaine

Qu’est la vie pour toi ? : Le festival des miracles

Ta peur ? :  Le coup de grâce

Quel est le conseil que tu as à donner ? : Ecoute

La pensée du jour : Le goût des pépins de pomme

Comment aimerais-tu mourir ? : Mourir est un art comme tout le reste

Les conditions actuelles de ton âme :  Les couleurs de l’incendie

Ton rêve :Terres promises

 

 

Bon bout d’l’an !

Je reprends cette expression de ce beau français d’au-delà des mers parce qu’il dit mieux ce qui s’achève, ce dernier jour de l’année 2018, ce temps de respiration avant de relever encore de nouveaux défis ou d’entamer de nouveaux voyages et de nouvelles aventures, ou juste de tailler tranquillement sa route.

Ou le temps de se relever de ses blessures ou de ces éventuels échecs. C’est ce temps de syncope, ce ravissement parfois qu’il me tient à cœur de célébrer ici, ce qui s’achève mais n’est pas tout à fait terminé.

Quelque chose de vibrant unit cette communauté de blogueurs, nous défendons tous quelque chose, la littérature, la poésie ou autre chose, mais en aucun cas ne sommes indifférents, ni seulement enfermés dans nos lectures.

Les poétesses découvertes au fil de la toile ont une place importante dans mon cœur, elles disent si bien la touffeur du monde et son étrangeté.

Le canada a été ma terre d’aventure cette année, et ses écrivains des escales fortuites, ses blogueurs de belles rencontres autour des mots.

Merci à tous ceux qui passent parfois par ici, dans ce féminin commun, qui n’exclut personne, mais veut rassembler hommes et femmes.

Merci à Loulou pour ces beaux dessins !

A l’année prochaine !

Yaa Giasi Read on !

Ya Giasi

 

 

 

For the french readers of Litterama,

Best wishes : read on !

Yaa Gyasi

 

 

 

 

 

Dédicace de Catherine Eve Groleau

 

 

 

Chers lecteurs de Litterama, Je vous souhaite une belle entrée par cette lecture dans le panorama québécois. Catherine Eve Groleau

dédicace de Brad Watson

Aux lecteurs français de Litterama. Merci.