Archives pour la catégorie Les raconteuses d’histoires

La clandestine du voyage de Bougainville, « Jeanne Barré, la voyageuse invisible »

Michèle Kahn raconte l’histoire romancée de Jeanne Barré, première femme à avoir accompli un voyage autour du monde lors de l’expédition de Bougainville.
A une époque où les femmes sont interdites à bord des bateaux, Jeanne, qui connaît parfaitement les plantes, guérisseuse à ses heures, se travestit en valet pour suivre son amant botaniste, Philibert Commerson, à bord de l’Etoile le 10 janvier 1767. Son histoire est romancée dans La Bougainvillée, de Fanny Deschamps (1982), et reprise en 2014 par Michèle Kahn dans « La clandestine du voyage de Bougainville » qui en propose une manière d’épopée.

Vignette Les femmes et le théatreLe théâtre de Sartrouville a proposé cette histoire« Jeanne barré, la voyageuse invisible » , du 17 au 21 mars 2015 à travers un texte d’Eudes Labrusse et une mise en scène de Jérôme Imard & Eudes Labrusse.
« Des campagnes françaises aux plages de Tahiti, l’étonnant voyage d’une femme au siècle des lumières.
Un beau matin de 1776, une jeune femme s’embarque sous le nom de Jean Barré à bord d’un des navires de l’expédition légendaire de Bougainville. Pendant deux ans, aux hasards de la mer, elle vit travestie en homme au milieu des marins et des plus grands savants de l’époque. Jeanne Barré est la première femme à avoir fait le tour du monde. Son histoire, bien réelle, est pourtant percée de mystères. Eudes Labrusse en comble les vides en réinventant la vie intérieure de l’aventurière et son périple autour du monde. Toutes voiles dehors, c’est ce destin de femme exceptionnelle que deux comédiens et un violoncelliste nous invitent à découvrir à bord d’un imposant « bateau-théâtre ». Une rencontre avec une personnalité surprenante, aussi déterminée que brillante ! »

Le manoir de Tyneford – Natasha Solomons

manoir de tyneford

Natasha Solomons Le manoir de Tyneford – Le livre de poche n°33310– Calmann-Lévy 2012

Vignette Les raconteuses d'histoireNatasha Solomons puise encore une fois dans l’histoire familiale pour raconter cette histoire. Le motif est le même que celui de « Jack Rosemblum rêve en anglais ». Le nazisme se répand dans l’Europe des années 30, et la persécution des juifs a commencé. 1938. L’Anschluss. Hitler annexe l’Autriche et ceux qui le peuvent fuient à l’étranger, la guerre n’est pas encore déclarée en 1938 malgré les provocations d’Hitler. Mais pour les candidats, c’est un véritable parcours du combattant, pots de vin, attente interminable, vexations de toutes sortes sont le lot de ceux qui sont à la merci de ce pouvoir corrompu qui ne dit pas encore tout à fait son nom.

La famille d’Elise Landau parvient à faire engager leur fille Elise Landau comme domestique en Angleterre, seul moyen d’obtenir l’autorisation de sortir d’Autriche.

Cette jeune fille oisive et vivant dans une certaine aisance se voit contrainte désormais de servir à table, de se lever à l’aube, et de dormir dans une chambre non chauffée à Tyneford, une grande propriété du Dorset.

Elle vit toute la douleur du déclassement, de l’exil , du racisme (l’antisémitisme sévit partout) et l’inquiétude sur le sort de ses parents qui sont restés en Autriche et attendent un visa pour l’Amérique qui visiblement ne vient pas.

De belles images rythment le récit, la beauté sauvage des paysages, le chant de la mer, et le charme autant que la rudesse des hommes pour cette jeune fille qui sans le savoir attend l’amour…

 Un roman qui se lit très agréablement, très distrayant et très bien écrit. Une bonne histoire.. J’ai préféré toutefois « Jack Rosemblum rêve en anglais, beaucoup plus profond.

 

Qui sont les raconteuses ?

Qui sont les raconteuses et pourquoi les appeler ainsi ? Les raconteuses écrivent des livres que souvent je n’arrive pas à classer : souvent des best-sellers, rarement des chef-d’œuvres, ces « page turner » séduisent un large public et font passer un formidable moment de lecture. Ils procurent une satisfaction qui tient à leur facture même : on y retrouve certains ingrédients des contes, un schéma narratif assez conventionnel, et une moralité exemplaire. Les personnages sont parfois assez caricaturaux, partagés entre l’ombre et la lumière, le bien et le mal, le vice et la vertu. Les héroïnes sont courageuses, patientes, belles et douces et parviennent, à force de ténacité, à faire leur place en ce monde.

Les raconteuses ont un talent éclatant pour raconter des histoires, capter l’attention du lecteur  et lui faire oublier tous ses soucis. Elles offrent souvent de belles leçons d’humanité car leurs personnages se battent pour des idéaux élevés, sont du côté, toujours, de la veuve et de l’orphelin, et offrent de véritables plaidoyers pour l’acceptation de la différence. Le fond est toujours plus important que la forme et le style est sobre, voire assez neutre, dénué d’envolées stylistiques, et pauvre en métaphores.

Pour autant, les livres des raconteuses ont d’indéniables qualités malgré leurs limites : ils relient  chaque être humain à une communauté qui l’englobe et le dépasse. Les raconteuses sont mondialistes et universalistes : les expériences qu’elles décrivent peuvent se passer n’importe où sur cette terre et n’importe quand. Elles font fi du temps et de l’espace.  Attention, elle n’écrivent pas des romans sentimentaux, même si l’amour y tient une large place ! Leur prince n’est pas charmant, et s’il est rarement contrefait, ce sont ses qualités morales qui le distinguent de tous les autres.

Dans mes raconteuses, je mettrais Victoria Hislop dont je viens de terminer le livre, Anna Gavalda, Isabel  Allende.

Et vous, qui rangeriez-vous sous cette catégorie ?

Vignette Les raconteuses d'histoire

Prix des lecteurs : L’île des oubliés- Victoria Hislop /La voix des lépreuses

l'ile des oubliés

Victoria Hislop, L’île des oubliés,( 2005), Editions les escales (2012) pour la traduction française, prix des lecteurs du livre de poche. Traduit de l’anglais par Alice Delarbre.

Vignette Les raconteuses d'histoireSpinalonga est une île au large de la côte nord de la Crête qui a accueilli une colonie de Lépreux entre 1903 et 1957. Alexis, en quête de la mémoire familiale, décide de s’y rendre. Sa mère, anglaise d’origine grecque,  a voulu effacer le passé et n’a presque rien livré de son histoire, ni de ses origines. Qui était cette arrière-grand-mère, Eleni, qu’Alexis découvre, et que sont devenues ses filles Anna et  Maria, dont la vie, mystérieusement, semble liée à la colonie de lépreux ? Quel est ce terrible drame qui a assombri leurs vies ? Pourquoi  Sophia, la mère d’Alexis, a-t-elle craint si longtemps les révélations  sur cette partie de son histoire  et pourquoi a-t-elle rompu si brutalement avec sa terre d’origine ?

Pour ceux qui n’ont pas lu cette histoire, il ne faut pas en dire plus car le charme de ce récit vient de ses mutiples rebondissements. Il explore la mémoire familiale, le rôle qu’elle joue dans la constitution de notre identité et le poids des  secrets de famille. Il donne également un aperçu de la vie que menaient  les femmes grecques dans la première moitié du vingtième siècle. Les mariages étaient la plupart du temps arrangés et la virginité des filles sévèrement gardée. Le village veillait scrupuleusement  sur  la moralité des filles, et les crimes d’honneur n’étaient pas rares envers ceux qui enfreignaient les règles. Les hommes quant à eux, comme dans tous les pays méditerranéens, jouissaient d’une liberté sans entrâves. Ce qui est passionnant également, c’est le travail de documentation qu’a fait l’auteure sur la lèpre et tout ce qu’on peut apprendre sur cette maladie à la fois effrayante et méconnue.

Victoria Hislop est incontestablement une merveilleuse conteuse-raconteuse et vous êtes assurés de passer un très bon moment de lecture avec ce récit.

Ce  livre a fait l’objet  d’une série télévisée très populaire en Grèce et lui a valu le Prix de la révélation littéraire en Grande-Bretagne.

English: Island Spinalonga (Kalidon) – top vie...
L’île de Spinalonga (Kalydon) en Crète, Grèce – vue panoramique depuis la montagne. (Photo credit: Wikipedia)