Archives pour la catégorie Les oeuvres des femmes
Madeleine de L’Aubespine ( 1546-1596) – Sonnet

L’on verra s’arrêter le mobile du monde,
Les étoiles marcher parmi le firmament,
Saturne infortuné luire bénignement,
Jupiter commander dedans le creux de l’onde.
L’on verra Mars paisible et la clarté féconde
Du soleil s’obscurcir sans force et mouvement,
Vénus sans amitié, Stilbon sans changement,
Et la lune en carré changer sa forme ronde,
Le feu sera pesant et légère la terre,
L’eau sera chaude et sèche et dans l’air qui l’enserre,
On verra les poissons voler et se nourrir,
Plutôt que mon amour, à vous seul destiné,
Se tourne en autre part, car pour vous je fus née,
Je ne vis que pour vous, pour vous, je veux mourir
Epouse d’un secrétaire d’Etat, Madeleine de L’Aubespine a été dame d’honneur de Marie de Médicis. Elle a tenu un salon fréquenté par des poètes. Ronsard fit l’éloge de ses dons littéraires dans un sonnet. Et son amant, Philippe Desportes, lui consacra plusieurs poèmes d’amour. Certains de ses manuscrits ne furent découverts qu’au début du XXe siècle. Ses réflexions prennent la forme de méditations visant à atteindre la paix de l’âme par l’exercice des vertus. Il faut aller consulter le riche article publié par les Editions des femmes dans le Dictionnaire des créatrices sous la plume savante et alerte de Colette H. WINN pour en savoir davantage.
Le Nüshu, une écriture-femme en Chine
Une conférence passionnante ! Du textile au texte : tisser son émancipation.
Le Nüshu est « l’écriture des femmes », un système d’écriture exclusivement utilisé par les femmes du district de Jiangyong dans la province du Hunan en Chine.
En dehors de la conférence de Loan Diaz, présentée ici , vous trouverez d’autres informations en cliquant sur ce lien : Nushu, une écriture féminine sur le site LTL Mandarin school.
- 女 (nǚ) signifie « femme »
- 书 (shū) signifie « écriture » ou « style d’écriture »
Créée au XVème siècle, le Nüshu est une écriture inventée par les femmes, pour les femmes, que les hommes ne peuvent pas comprendre.
Ce n’est pas une langue puisqu’elle n’est pas parlée. Elle est la seule écriture au monde spécifique aux femmes.
Anne Sexton, « Tu vis ou tu meurs », oeuvres poétiques (1960-1969) » bientôt disponible en France
Et nous sommes de la magie se parlant à elle-même,
bruyante et solitaire. Je suis la reine de tous mes vices
oubliés. Suis-je toujours égarée ?
Jadis j’étais belle. Maintenant je suis moi-même,
comptant des mocassins rangée après rangée
sur l’étagère muette où ils continuent d’espérer
Cela faisait des années que j’attendais cela, et ce sont les Edition « des femmes – Antoinette Fouque » qui ont réalisé ce rêve de voir enfin traduites, en France, les oeuvres poétiques d’Anne Sexton ! Prix Pulitzer en 1967 pour « Live or Die », immense poétesse qui devint une figure marquante du confessionalisme américain incarné par le poète Robert Lowell, Anne Sexton(1928-1977) est l’autrice d’une oeuvre poétique composée de plus d’une dizaine de recueils. Elle s’est vue décerner de nombreux titres honorifiques dans des universités telles que Harvard, Colgate ou encore Boston.
Son style est novateur et transgressif, d’une incroyable modernité, les menstruations, l’avortement, le lien matriciel ou l’inceste et la psychanalyse sont parmi les thèmes de cette poésie iconoclaste. Poétesse tourmentée, à la biographie parfois polémique (voir Diane Wood Middlebrook, Anne Sexton, a biography), qui finira par se suicider, à l’instar de Sylvia Plath, et dont le poème « Mercy Street » a fait l’objet d’une chanson par Peter Gabriel, son oeuvre mérite d’être davantage connue en France.
Le 13 janvier 2022 paraîtra « Tu vis ou tu meurs », oeuvres poétiques (1960-1969) », traduit de l’anglais par Sabine Huynh, et présenté par Patricia Godi. Cette édition réunit les quatre premiers recueils d’Anne Sexton (1928-1977) publiés dans les années soixante.
« Chaque être en moi est un oiseau.
Je bats toutes mes ailes.
Ils voulaient te retrancher de moi
mais ils ne le feront pas.
Ils disaient que tu étais infiniment vide
mais tu ne l’es pas.
Ils disaient que tu étais si malade que tu agonisais
mais ils avaient tort.
Tu chantes comme une écolière.
Tu n’es pas déchirée. »
A. S., Pour fêter ma matrice

Les amoureux – Madeleine de Scudéry (1607-1701)
A mon amoureux
Les amoureux
L’eau qui caresse le rivage,
La rose qui s’ouvre au zéphir,
Le vent qui rit sous le feuillage,
Tout dit qu’aimer est un plaisir.
De deux amants l’égale flamme
Sait doublement les rendre heureux.
Les indifférents n’ont qu’une âme ;
Mais lorsqu’on aime, on en a deux.
Madeleine de Scudéry (1607-1701)
Romances et poésies
Issue d’une petite noblesse provinciale, elle resta célibataire, ce qui lui assura la possibilité de faire une carrière littéraire qui dura presque cent ans. Elle écrivit des œuvres que son frère, auteur, était le seul à signer. Ibrahim ou l’Illustre Bassa (1641), Les Femmes illustres ou les Harangues héroïques (1642). dix tomes d’Artamène ou le Grand Cyrus (1649-1653), récit d’aventures où se reconnaissent les instigateurs de la Fronde. Après l’échec de la Fronde, la romancière commença à tenir salon chaque samedi dans sa maison du Marais. Son autre grand roman, aux accents parfois féministes, Clélie, histoire romaine (1654-1660), lui est clairement attribuée. Y figure en particulier la célèbre Carte de Tendre, où les trois fleuves d’Estime, de Reconnaissance et d’Inclination mènent aux trois cités de Tendre. De façon allégorique, y sont énoncés les principes sentimentaux de l’autrice. L’esthétique galante, qui sous-tend le récit, donne la part belle aux femmes, à leur goût et leur sensibilité. Elle s’essaya ensuite à la nouvelle : Célinte (1661), Mathilde (1667), La Promenade de Versailles (1669), imprégnés toujours des codes romanesques traditionnels.
Ces romans ont donné lieu à une vogue de romans précieux proposant une vision idéalisée de l’amour et une peinture poétisée de la société mondaine.
S’ensuivirent dix volumes de conversations morales, parues entre 1680 et 1692, qui lui assura la reconnaissance, l’estime et l’admiration (prix d’éloquence de l’Académie française lors de la création de ce concours en 1671, pension du roi à partir de 1683).
Les contemporains, relayés par la postérité, ont critiqué les extravagances et les outrances de la préciosité, qui certainement ont existé, (grâce notamment aux Précieuses ridicules de Molière) et oublié l’originalité de ce mouvement. (D’après Le Dictionnaire universel des créatrices, Nathalie Grande)
Ouvert aux vents griffus / Xavière Gauthier
Je remercie Xavière, pour laquelle j’ai une profonde admiration, du prêt de cette œuvre
ouvert à l’agonie géante qui empale et sourit
ouvert aux chutes de neige
à l’albâtre écumant qui jongle sous la lune
ouvert au tombeau de jacinthe
aux papillons obscurs qui déchiquettent les nues
ouvert au cri, à la bite endormie
aux morsures, au sureau
ouvert aux renards vers, couchés sous la mantille
ouvert aux crabes, rampants à l’infini
ouvert au poil marin qui rumine un orage
ouvert aux branches, aux passants attardés
à l’astre-mandarin, portant des bébés fauves
aux berbères étincelants
raclant leurs têtes mauves
ouvert
ses lèvres frottant les draps sales
mon sexe dans la douleur du noir
Poème extrait du recueil Rose saignée (Editions des femmes, 1974)

Grande figure du monde contemporain, Xavière Gauthier a profondément marqué toute une génération de femmes dont je suis, et inspire la jeune génération par la force de ses engagements.
Elle a publié sa thèse de doctorat en 1971 sous le titre Surréalisme et Sexualité chez Gallimard. Engagée, elle a lutté pour le droit à l’avortement. Elle publie Surréalisme et sexualité en 1971, Léonor Fini en 1973, et un recueil de poèmes brûlants et iconoclastes qui m’aura bouleversée à sa lecture.
Elle a fondé la revue Sorcières, les femmes vivent, revue artistique et littéraire, qui fut une revue phare des années 1975 à 1982. Collaboratrice de Laurence Perrenoud, éditrice pour l’enfance et la jeunesse, spécialiste de Louise Michel dont elle a écrit la biographie (La vierge rouge), elle transcrit dans « Les parleuses » ses entretiens avec Marguerite Duras.
Il serait vraiment nécessaire que son recueil de poèmes soit réédité, dans une nouvelle édition, si un éditeur ou une éditrice passe par là …
Printemps des poètes (6) – Le désir féminin/ Denise Miège
Je t’enlise, je t’enrobe, je te love, je te veux
Je te vise, je te bombarde, et je te prends d’assaut.
Je ne te laisse pas le temps, je t’invite,
je t’emperle, je t’envoûte, je t’attends.
J’ai tellement envie de toi.
je t’envahis, je t’environne, je suis partout à la fois.
Je suis de tous les départs
que tu prendras au hasard
pour ne plus m’entendre te répéter que je t’aime
t’enlise, te veux, t’attends,
te vise, te prends, te laisse,
t’embobine à chaque pas, te frise, te lisse, te lèche,
t’use et ruse, charme et louvoie.
Et du plus loin que tu sois,
je suis ta dernière demeure
et tu chemines vers moi.
Femme libre devant le désir, conquérante de mai 68, a publié une anthologie de la littérature érotique. Je la savoure à chaque fois, mon féminin s’enroule dans le sien dans une vague sans fin.
Un Texte Une Femme : « Pleins feux sur les autrices » !
« Recevez chaque jour un texte écrit par une femme, qui parle des femmes ! De la romancière à la salonnière, de la physicienne à la journaliste, redécouvrez la condition féminine dans tous ses états. »

Voici la présentation de cette merveilleuse application créée par Sarah Sauquet, et Dominique Sauquet, Fondatrice d’It’s Sauquet.com, Directrice technique des applications.
Chaque jour donc, vous pouvez découvrir un article et un extrait d’une oeuvre écrite par une autrice dont l’oeuvre est dans le domaine public.
Je me suis abonnée à cette application dont le coût est extrêmement modique et j’ai pu découvrir ou re-découvrir les textes d’Edith Wharton, Madeleine Pelletier, Aline de Valette.
Chaque texte est resitué dans l’oeuvre, l’oeuvre dans son contexte, et dans l’Histoire, accompagné d’une notice biographique. Leur particularité est d’évoquer tous les sujets qui ont un lien avec les femmes, ainsi Madeleine Brès, première femme docteure en médecine évoque l’allaitement et l’intérêt du biberon, ou Madeleine Pelletier, première femme diplômée en psychiatrie, le célibat, le manque de liberté accordé aux jeunes filles, ou les agences d’avortement.
Un vrai coup de cœur !
Le repos du guerrier – Christiane Rochefort. Le roman qui fit scandale !

L’autre aspect du roman, est le contrepied permanent à la morale bourgeoise de l’époque : Renaud est cynique et ne fait rien, il profite de l’argent d’une femme et se présente comme l’antithèse du gendre idéal. Les rôles de genre, l’homme soutien de famille, la femme qui tient le ménage, sont complètement dynamités.
Pourtant cette femme est « le repos du guerrier », « Toi tu es le repos du guerrier, du guerrier lâche, de l’embusqué ; Notre-Dame des Déserteurs, aie pitié de moi. Je veux dormir-mourir, et pour ça une femme c’est le meilleur système ». Le seul pouvoir qu’elle détient, est son inlassable patience et son amour. Le repos du guerrier est-il alors un roman féministe ? Ou n’est-il que l’histoire d’une femme, qui une fois encore, se sacrifie, jusqu’à mettre sa vie en danger pour suivre la folie éthylique de son amant ? Son amour ne serait-il pas une sorte de rédemption, de chemin de croix ? A vrai dire, l’héroïne ne ressent jamais aucune culpabilité, et surtout elle choisit de suivre son amant. Rien ne l’y oblige et même, à l’inverse, tout le lui interdit.
En 1971, Christiane Rochefort contribue d’ailleurs à créer le mouvement féministe « Choisir la cause des femmes » et toute son œuvre sera marquée par son ton irrévérencieux, son style cru, causant le scandale parce qu’elle traitera de sujets non conformistes.
« Je n’aime pas les femmes qui ne résistent pas …quand je vois des signes de résistance, je suis très contente… j’aime la littérature de révolte. » Monique Crochet, « Entretien avec Christiane Rochefort, » French Review 3 (1981): 428-37.
Renaud ne part pas vraiment guerroyer, si ce n’est contre ses démons. Son arme est la bouteille qu’il manie plus souvent que le balai.
Non, lui fait la tournée des bars. Nietzsche ne fait-il pas dire à Zarathoustra : « L’homme doit être élevé pour la guerre et la femme pour le délassement du guerrier : tout le reste est folie »
Christiane Rochefort dynamite ce modèle. Chez elle, la femme est forte, rebelle, et elle fait ce qu’elle veut. Définitivement.
Auteure du mois de septembre : Cristina Di Belgiojoso (1808-1871), écrire pour lutter dans l’Italie du XIXe siècle…
Il aurait été dommage de ne pas vous parler de Cristina Di Belgiojoso (1808-1871), cette brune à la beauté particulière que vous pouvez contempler sur ce portrait, dont les activités littéraires sont très dépendantes de son activité politique et militante dans l’Italie du XIXe siècle. Ecrire permet de penser et de réformer.
J’ai dû croiser un grand nombre d’informations dont certaines divergeaient légèrement.
Elle a été la première femme à diriger un journal, « la Gazzetta italiana » en 1842. Elle écrira 4 volumes « L’essai sur la formation du dogme catholique » qui prône un catholicisme libéral, écrira dans la Revue des Deux Mondes (1848) à propos des événements auxquels prend part.
Elle publie dans le premier numéro de la revue Nuova Antologia de 1866 son étude Della presente condizione delle donne e del loro avvenire (« des conditions actuelles des femmes et de leur avenir »)[1].
Mais qui est-elle ?
Elle fait partie de la noblesse, née marquise Trivulzio, et épouse en 1824 le prince Emilio de Belgiojoso qui, mari infidèle, lui transmit la syphilis [2]. Il était à la tête d’une société secrète « la Federazione », ennemi irréductible de l’Autriche[3]et fervent patriote. Elle devient une activiste en faveur de l’unité italienne et tente de soulever l’opinion en faveur de la libération de l’Italie grâce à son journal.
En 1831, pour fuir la répression, elle s’exile à Paris, tient un salon où elle fréquente Balzac, Musset, Heine, Liszt ou l’historien François-Auguste Mignet.
Sa personnalité originale et exaltée en fera l’icône du romantisme mais aussi de l’indépendance de la femme.
En 1848, elle participe à l’insurrection milanaise qui sera un échec, fait lever à ses frais une troupe de volontaires, portant un immense drapeau déployé aux couleurs italiennes.[4]
Elle s’exile et entreprend un voyage avec sa fille et quelques autres exilés en Grèce et Asie mineure, et écrira des mémoires d’exil.
A partir de 1856, elle se fixe à Locato près de Milan et entreprend des réformes sociales en faveur des paysans. La proclamation du royaume d’Italie se réalise le 17 mars 1861 et un an avant sa mort, en 1871, elle assiste à la dernière phase de l’unification de son pays avec l’annexion de Rome.
[1] Ginevra CONTI ODORISIO in Dictionnaire des créatrices.
[2] idem
[3] Dictionnaire des femmes célèbres, Laffont
[4] idem
Auteure du mois d’Août : Louise Ackermann (1813-1890)
Louise Ackermann est née Victorine Choquet le 30 novembre 1813 à Paris et décédée le 2 ou 3 août 1890.
Elle a passé une enfance plutôt triste et solitaire dans l’Oise, à la campagne.
Elle résume ces années ainsi : « …une enfance engourdie et triste, une jeunesse qui n’en fut pas une, deux courtes années d’union heureuses, vingt-quatre ans de solitude volontaire. »
Ses relations étaient assez lointaines, son père, voltairien convaincu l’éduqua dans l’Esprit des lumières. Elle fut pensionnaire à Paris et écrivit ses premières poésies, assez pessimistes, très influencée pas Schopenhauer. Elle y évoque l’angoisse existentielle et le refus de tout secours religieux. Elle va tenter de se démarquer de la poésie subjective qu’on attribue généralement aux femmes.
A partir de 1832, ses poèmes sont publiés dans des journaux, dont Les Œuvres (Elan mystique, 1832, Aux femmes, 1835, Renoncement, 1841, de plus en plus désespérés. Elle décrit un monde sans Dieu, et la finitude de l’esprit humain.
Elle fut qualifiée de « Sapho de l’athéisme », de « Pythonisse proudhonienne »
Elle épousa Paul Ackermann, grammairien et pasteur protestant et s’installa avec lui à Berlin jusqu’à sa mort trois ans plus tard. Elle s’initia alors à la philosophie allemande et laissera de côté la poésie. La critique soulignera la « virilité de [sa] pensée ». Louise Ackermann répondra :
« Quoi ! ce cœur qui bat là, pour être un cœur de femme,
En est-il moins un cœur humain ? »
Elle est toutefois hostile à tout féminisme militant et demeure assez conformiste.
Elle tenta de concilier ses aspirations philosophiques et la création poétique : Contes (1850-1853) , Premières poésies (1863), Poésies philosophiques (1871) dans lesquelles elle tenta une fusion entre poésie et science, Ma vie (1874), Les pensées d’une solitaire (1882). Elle passa la dernière partie de sa vie à Nice.
Des théories évolutionnistes, elle dira qu’elles sont « en parfait accord avec les tendances panthéistes de [son]esprit ».[1]
Elle jouit à son époque d’une reconnaissance incontestable et fut saluée par Barbey d’Aurevilly admiratif de cet « athéisme net, articulé, définitif. », Caro et Léon Bloy.[2]
Aux femmes
S’il arrivait un jour, en quelque lieu sur terre,
Qu’une entre vous vraiment comprît sa tâche austère,
Si, dans le sentier rude avançant lentement,
Cette âme s’arrêtait à quelque dévouement,
Si c’était la Bonté sous les cieux descendue,
Vers tous les malheureux la main toujours tendue,
Si l’époux, si l’enfant à ce cœur ont puisé,
Si l’espoir de plusieurs sur Elle est déposé,
Femmes, enviez-la. Tandis que dans la foule
Votre vie inutile en vains plaisirs s’écoule,
Et que votre cœur flotte, au hasard entraîné,
Elle a sa foi, son but et son labeur donné.
Enviez-la. Qu’il souffre ou combatte, c’est Elle
Que l’homme à son secours incessamment appelle,
Sa joie et son appui, son trésor sous les cieux,
Qu’il pressentait de l’âme et qu’il cherchait des yeux,
La colombe au cou blanc qu’un vent du ciel ramène
Vers cette arche en danger de la famille humaine,
Qui, des saintes hauteurs en ce morne séjour,
Pour branche d’olivier a rapporté l’amour.
Paris, 1835
Louise Ackermann, Premières poésies, 1871
Sources : Dictionnaire des femmes célèbres, Dictionnaire des créatrices, des femmes-Antoinette Fouque, Femmes poètes du XIXe siècle, une anthologie, sous la direction de Christine Planté.
[1] Femmes poètes du XIXe siècle, une anthologie, sous la direction de Christine Planté
P 205
[2] Femmes poètes du XIXe siècle, une anthologie, sous la direction de Christine Planté
Mahsati Ganjavi (1089-1181) – Quatrains
« Depuis la période soviétique, il existe en Azerbaïdjan des rues et des écoles qui portent son nom. À Ganja, sa ville natale qui avait été rebaptisée Elisabethpol sous l’empire tsariste, un monument a été érigé en son honneur en 1980. »Voir ici…

Marie Nizet (1859-1922) – La bouche
Deux recueils de poèmes, un roman consacré aux déboires historiques des roumains, un mariage, un divorce. l’amour secret pour le marin Cecil Axel Veneglia lui inspira un recueil posthume, tout d’audace, de défi à la morale convenue et d’ardeur quasi mystique.
Peinture de François Martin-Kavel
La bouche
Ni sa pensée, en vol moi par tant de lieues,
Ni le rayon qui court sur son front de lumière,
Ni sa beauté de jeune dieu qui la première
me tenta, ni ses yeux – ces deux caresses bleues ;
Ni son cou ni ses bras, ni rien de ce qu’on touche,
Ni rien de ce qu’on voit de lui ne vaut sa bouche
Où l’on meur de plaisir et qui s’acharne à mordre,
Sa bouche de fraîcheur, de délices, de flamme,
Fleur de volupté, de luxure et de désordre,
Qui vous vide le cœur et vous boit jusqu’à l’âme…
(Pour Axel de Missie)
Elisa Mercoeur (1809-1835) – La feuille flétrie
Native de Nantes, née de père inconnu, à onze ans, elle travaillait pour vivre, à dix-sept ans publiait ses premiers poèmes. Encouragée par Chateaubriand et Lamartine, elle connut le succès qui lui tourna la tête. Malade, elle mourut à vingt-six ans. Elle écrit avec fébrilité, l’âme ferme, la pensée sûre, en état d’urgence.
La feuille flétrie
Pourquoi tomber déjà, feuille jaune et flétrie ?
J’aimais ton doux aspect dans ce triste vallon.
un printemps, un été furent toute ta vie,
Et tu vas sommeiller sur le pâle gazon.
Pauvre feuille ! il n’est plus, le temps où ta verdure
Ombrageait le rameau dépouillé maintenant.
Si fraîche au mois de mai, faut-il que la froidure
Te laisse à peine encore un incertain moment !
L’hiver, saison des nuits, s’avance et décolore
Ce qui servait d’asile aux habitants des cieux.
Tu meurs ! un vent du soir vient t’embrasser encore,
Mais ces baisers glacés pour toi sont des adieux.
œuvres complètes
Antoinette Deshoulières (1638-1694)) – Jouissance

Elle tint un salon, fut mêlée à la Fronde, s’occupa de savoir et de plaisir, connut ensuite la maladie et la misère. Ses vers frivoles et ses bergeries ne doivent pas nous faire oublier ses confidences vraies sur la vie intérieure ni l’acuité de sa pensée.
Entre deux draps
Entre deux draps de toile belle et bonne,
Que très souvent on rechange, on savonne,
La jeune Iris, au cœur sincère et haut,
Aux yeux braillant, à l’esprit sans défaut,
Jusqu’à midi volontiers se mitonne.
Je ne combats de goûts contre personne,
Mais franchement sa paresse m’étonne ;
C’est demeurer seule plus qu’il ne faut
Entre deux draps
Quand à rêver ainsi l’on s’abandonne,
Le traître amour rarement le pardonne:
A soupirer on s’exerce bientôt :
Et la vertu soutient un grand assaut,
Quand une fille avec son cœur raisonne
Entre deux draps.

Marie-Catherine-Hortense Desjardins, dite de Villedieu (1640-1683) – Jouissance
Elle est une écrivaine et dramaturge française, issue de la petite noblesse terrienne.
Une femme agitée : comédienne, dramaturge, romancière, inventeur de la nouvelle historique – mais aussi femme galante et intrépide, elle contracta un mariage illégal avec un capitaine, prit le voile quand il mourut, fut chassée du couvent?…avant d’épouser un sien cousin, son premier amour, à Alençon.
Jouissance
Aujourd’hui, dans tes bras, j’ai demeuré pâmée,
Aujourd’hui, cher Tirsis, ton amoureuse ardeur
Triomphe impunément de toute ma pudeur
Et je cède aux transports dont mon âme est charmée.
Ta flamme et ton respect m’ont enfin désarmée ;
Dans nos embrassements, je mets tout mon bonheur
Et je ne connais plus de vertu, ni d’honneur
Puisque j’aime Tirsis et que j’en suis aimée.
O vous, faibles esprits, qui ne connaissez pas
Les plaisirs les plus doux que l’on goûte ici-bas,
Apprenez les transports dont mon âme est ravie !
Une douce langueur m’ôte le sentiment,
Je meurs entre les bras de mon fidèle Amant,
Et c’est dans cette mort que je trouve la vie.
Oeuvres, recueil de poésies, lettres, annales galantes, 1664
