Archives pour la catégorie Les oeuvres des femmes

Les « plumées » des éditions Talents Hauts

Les   éditions Talents Hauts mettent en avant le matrimoine littéraire à travers une collection « Les Plumées ». Plumées dans tous les sens du terme, elles l’ont été. D’une part, parce qu’elles ont un incontestable talent et une vraie « plume » et d’autre part, parce qu’elles ont été spoliées de leur postérité ou de leur notoriété et rendues invisibles. Comment juger de la valeur d’une œuvre dans l’Histoire littéraire ? Quels sont les critères qui la rendent digne d’y figurer ? Les œuvres ou les formes qu’elles empruntent ont-elles marqué leur siècle ? De toute évidence, les thématiques, les grands sujets quel que soit le domaine de l’art sont interdits aux femmes jusqu’au XXe siècle, la guerre, la politique, tous les domaines proches du pouvoir. Les femmes ne sont pas vraiment sur les champs de bataille, dans leur majorité, elles sont interdites dans la plupart des métiers, à part ceux où elles sont subalternes, et ne peuvent pas faire d’études supérieures. Julie Victoire Daubié sera la première à obtenir le baccalauréat le 17 août 1861.

Les femmes vont donc employer la stratégie du contournement et s’employer à combattre les difficultés qu’elles rencontrent. Elles vont écrire et, pour certaines, payer très cher, intimement et socialement, cet engagement.

L’éditrice rappelle les différents processus d’invisibilisation auxquels vont avoir à faire les femmes :

  • L’effacement : elles sont salonnières, soutiennent et diffusent les idées mais s’effacent derrière leurs protégés.
  • L’appropriation : elles participent à l’élaboration d’une œuvre  mais n’en retirent aucune reconnaissance.
  • Le plagiat : des écrivains célèbres ont copié l’œuvre de leurs contemporaines. Ainsi Voltaire publie-t-il une pièce « Brutus » qui ressemble étrangement à celle de l’autrice Catherine Bernard décédée quelques années plus tôt (autrice reconnue puisqu’elle touchait une pension de Louis XIV). Voir Titiou Lecoq, Les grandes oubliées ou pourquoi l’Histoire a effacé les femmes.
  • La stigmatisation :des propos mysogines tournent en dérision les œuvres des femmes en présupposant une sorte de débilité congénitale du sexe féminin. Baudelaire reconnaît le talent de Marcelline Desbordes-Vallemore, pour ensuite le dévaloriser en le cantonnant dans la sphère du féminin.
  • La décrédibilisation :les précieuses ridicules, les « bas-bleus » sont autant d’appellations visant à se moquer des femmes qui écrivent. De nombreux dessins satiriques accompagnent ce travail de sape.
  • L’intériorisation des interdits et l’autocensure : la place mineure laissée aux femmes est intériorisée par les femmes elles-mêmes. L’anonymat des œuvres , le fait de prendre un pseudonyme masculin manifestent cet auto-censure. Une femme « publique » est l’égale d’une prostituée, elle doit rester dévouée à son mari et ses enfants.
  • J’ai commencé à lire dans cette collection et vous en parlerai plus tard.

Voici les œuvres phares dont certaines sont déjà chroniquées ici :

Marguerite Audoux – Marie-Claire

Fanny Raoul – Opinion d’une femme sur les femmes

Félicité de Genlis – La femme auteur

Marie-Louise Gagneur – Trois sœurs rivales

Marguerite Audoux – Marie-claire

Renée Dunan – Le jardin du bonheur

Georges de Peyrebrune – Victoire la Rouge

Félicité de Genlis – La femme auteur

Louise Colet – Ces petits messieurs

Gabrielle-Suzanne de Villeneuve La Belle et la Bête

Camille Bodin – Le monstre

Marceline Desbordes-Valmore La grâce de l’exil

Le métier de reine Violette 1

Charlotte-Adélaïde Dard – Les naufragés de la Méduse

Judith Gauthier – Isoline

Françoise Pascal – Le vieillard amoureux

Julia Daudet – L’enfance d’une parisienne

Fanny Raoul – Opinion d’une femme sur les femmes

Forough Farrokhzad (1935-1967)

Elle révolutionna la poésie iranienne et fut la figure de proue du féminisme en Iran. Elle est l’une des plus grandes icônes iraniennes. Elle mourut tragiquement dans un accident de voiture.

Madeleine de L’Aubespine ( 1546-1596) – Sonnet

L’on verra s’arrêter le mobile du monde,

Les étoiles marcher parmi le firmament,

Saturne infortuné luire bénignement,

Jupiter commander dedans le creux de l’onde.

L’on verra Mars paisible et la clarté féconde

Du soleil s’obscurcir sans force et mouvement,

Vénus sans amitié, Stilbon sans changement,

Et la lune en carré changer sa forme ronde,

Le feu sera pesant et légère la terre,

L’eau sera chaude et sèche et dans l’air qui l’enserre,

On verra les poissons voler et se nourrir,

Plutôt que mon amour, à vous seul destiné,

Se tourne en autre part, car pour vous je fus née,

Je ne vis que pour vous, pour vous, je veux mourir

Epouse d’un secrétaire d’Etat, Madeleine de L’Aubespine a été dame d’honneur de Marie de Médicis. Elle a tenu un salon fréquenté par des poètes. Ronsard fit l’éloge de ses dons littéraires dans un sonnet. Et son amant, Philippe Desportes, lui consacra plusieurs poèmes d’amour. Certains de ses manuscrits ne furent découverts qu’au début du XXe siècle. Ses réflexions prennent la forme de méditations visant à atteindre la paix de l’âme par l’exercice des vertus. Il faut aller consulter le riche article publié par les Editions des femmes dans le Dictionnaire des créatrices sous la plume savante et alerte de Colette H. WINN pour en savoir davantage.

Le Nüshu, une écriture-femme en Chine

Une conférence passionnante ! Du textile au texte : tisser son émancipation.

Le Nüshu est « l’écriture des femmes », un système d’écriture exclusivement utilisé par les femmes du district de Jiangyong dans la province du Hunan en Chine.

En dehors de la conférence de Loan Diaz, présentée ici , vous trouverez d’autres informations en cliquant sur ce lien : Nushu, une écriture féminine sur le site LTL Mandarin school.
  •  (nǚ) signifie « femme »
  •  (shū) signifie « écriture » ou « style d’écriture »

Créée au XVème siècle, le Nüshu est une écriture inventée par les femmes, pour les femmes, que les hommes ne peuvent pas comprendre.

Ce n’est pas une langue puisqu’elle n’est pas parlée. Elle est la seule écriture au monde spécifique aux femmes.

Anne Sexton, « Tu vis ou tu meurs », oeuvres poétiques (1960-1969) » bientôt disponible en France

Et nous sommes de la magie se parlant à elle-même,

bruyante et solitaire. Je suis la reine de tous mes vices

oubliés. Suis-je toujours égarée ?

Jadis j’étais belle. Maintenant je suis moi-même,

comptant des mocassins rangée après rangée

sur l’étagère muette où ils continuent d’espérer

Cela faisait des années que j’attendais cela, et ce sont les Edition « des femmes – Antoinette Fouque » qui ont réalisé ce rêve de voir enfin traduites, en France, les oeuvres poétiques d’Anne Sexton ! Prix Pulitzer en 1967 pour « Live or Die », immense poétesse qui devint une figure marquante du confessionalisme américain incarné par le poète Robert Lowell, Anne Sexton(1928-1977) est l’autrice d’une oeuvre poétique composée de plus d’une dizaine de recueils. Elle s’est vue décerner de nombreux titres honorifiques dans des universités telles que Harvard, Colgate ou encore Boston.

Son style est novateur et transgressif, d’une incroyable modernité, les menstruations, l’avortement, le lien matriciel ou l’inceste et la psychanalyse sont parmi les thèmes de cette poésie iconoclaste. Poétesse tourmentée, à la biographie parfois polémique (voir Diane Wood Middlebrook, Anne Sexton, a biography), qui finira par se suicider, à l’instar de Sylvia Plath, et dont le poème « Mercy Street » a fait l’objet d’une chanson par Peter Gabriel, son oeuvre mérite d’être davantage connue en France.

Le 13 janvier 2022 paraîtra « Tu vis ou tu meurs », oeuvres poétiques (1960-1969) », traduit de l’anglais par Sabine Huynh, et présenté par Patricia Godi. Cette édition réunit les quatre premiers recueils d’Anne Sexton (1928-1977) publiés dans les années soixante.

« Chaque être en moi est un oiseau.
Je bats toutes mes ailes.
Ils voulaient te retrancher de moi
mais ils ne le feront pas.
Ils disaient que tu étais infiniment vide
mais tu ne l’es pas.
Ils disaient que tu étais si malade que tu agonisais
mais ils avaient tort.
Tu chantes comme une écolière.
Tu n’es pas déchirée. »
A. S., Pour fêter ma matrice

Anne Sexton

Les amoureux – Madeleine de Scudéry (1607-1701)

A mon amoureux

Les amoureux

L’eau qui caresse le rivage,
La rose qui s’ouvre au zéphir,
Le vent qui rit sous le feuillage,
Tout dit qu’aimer est un plaisir.

De deux amants l’égale flamme
Sait doublement les rendre heureux.
Les indifférents n’ont qu’une âme ;
Mais lorsqu’on aime, on en a deux.

Madeleine de Scudéry (1607-1701)
Romances et poésies

Issue d’une petite noblesse provinciale, elle resta célibataire, ce qui lui assura la possibilité de faire une carrière littéraire qui dura presque cent ans. Elle écrivit des œuvres que son frère, auteur, était le seul à signer. Ibrahim ou l’Illustre Bassa (1641), Les Femmes illustres ou les Harangues héroïques (1642). dix tomes d’Artamène ou le Grand Cyrus (1649-1653), récit d’aventures où se reconnaissent les instigateurs de la Fronde. Après l’échec de la Fronde, la romancière commença à tenir salon chaque samedi dans sa maison du Marais. Son autre grand roman, aux accents parfois féministes, Clélie, histoire romaine (1654-1660), lui est clairement attribuée. Y figure en particulier la célèbre Carte de Tendre, où les trois fleuves d’Estime, de Reconnaissance et d’Inclination mènent aux trois cités de Tendre. De façon allégorique, y sont énoncés les principes sentimentaux de l’autrice. L’esthétique galante, qui sous-tend le récit, donne la part belle aux femmes, à leur goût et leur sensibilité. Elle s’essaya ensuite à la nouvelle : Célinte (1661), Mathilde (1667), La Promenade de Versailles (1669), imprégnés toujours des codes romanesques traditionnels.

Ces romans ont donné lieu à une vogue de romans précieux proposant une vision idéalisée de l’amour et une peinture poétisée de la société mondaine.

S’ensuivirent dix volumes de conversations morales, parues entre 1680 et 1692, qui lui assura la reconnaissance, l’estime et l’admiration (prix d’éloquence de l’Académie française lors de la création de ce concours en 1671, pension du roi à partir de 1683).

Les contemporains, relayés par la postérité, ont critiqué les extravagances et les outrances de la préciosité, qui certainement ont existé, (grâce notamment aux Précieuses ridicules de Molière) et oublié l’originalité de ce mouvement. (D’après Le Dictionnaire universel des créatrices, Nathalie Grande)

Ouvert aux vents griffus / Xavière Gauthier

Je remercie Xavière, pour laquelle j’ai une profonde admiration, du prêt de cette œuvre

ouvert à l’agonie géante qui empale et sourit

ouvert aux chutes de neige

à l’albâtre écumant qui jongle sous la lune

ouvert au tombeau de jacinthe

aux papillons obscurs qui déchiquettent les nues

ouvert au cri, à la bite endormie

aux morsures, au sureau

ouvert aux renards vers, couchés sous la mantille

ouvert aux crabes, rampants à l’infini

ouvert au poil marin qui rumine un orage

ouvert aux branches, aux passants attardés

à l’astre-mandarin, portant des bébés fauves

aux berbères étincelants

raclant leurs têtes mauves

ouvert

ses lèvres frottant les draps sales

mon sexe dans la douleur du noir

Poème extrait du recueil Rose saignée (Editions des femmes, 1974)

Grande figure du monde contemporain, Xavière Gauthier a profondément marqué toute une génération de femmes dont je suis, et inspire la jeune génération par la force de ses engagements.

Elle a publié sa thèse de doctorat en 1971 sous le titre Surréalisme et Sexualité chez Gallimard. Engagée, elle a lutté pour le droit à l’avortement. Elle publie Surréalisme et sexualité en 1971, Léonor Fini en 1973, et un recueil de poèmes brûlants et iconoclastes qui m’aura bouleversée à sa lecture.

Elle a fondé la revue Sorcières, les femmes vivent, revue artistique et littéraire, qui fut une revue phare des années 1975 à 1982. Collaboratrice de Laurence Perrenoud, éditrice pour l’enfance et la jeunesse, spécialiste de Louise Michel dont elle a écrit la biographie (La vierge rouge), elle transcrit dans « Les parleuses » ses entretiens avec Marguerite Duras.

Il serait vraiment nécessaire que son recueil de poèmes soit réédité, dans une nouvelle édition, si un éditeur ou une éditrice passe par là …

Printemps des poètes (6) – Le désir féminin/ Denise Miège

Je t’enlise, je t’enrobe, je te love, je te veux

Je te vise, je te bombarde, et je te prends d’assaut.

Je ne te laisse pas le temps, je t’invite,

je t’emperle, je t’envoûte, je t’attends.

J’ai tellement envie de toi.
je t’envahis, je t’environne, je suis partout à la fois.

Je suis de tous les départs

que tu prendras au hasard

pour ne plus m’entendre te répéter que je t’aime

t’enlise, te veux, t’attends,

te vise, te prends, te laisse,

t’embobine à chaque pas, te frise, te lisse, te lèche,

t’use et ruse, charme et louvoie.

Et du plus loin que tu sois,

je suis ta dernière demeure

et tu chemines vers moi.

Femme libre devant le désir, conquérante de mai 68, a publié une anthologie de la littérature érotique. Je la savoure à chaque fois, mon féminin s’enroule dans le sien dans une vague sans fin.

Un Texte Une Femme : « Pleins feux sur les autrices » !

« Recevez chaque jour un texte écrit par une femme, qui parle des femmes ! De la romancière à la salonnière, de la physicienne à la journaliste, redécouvrez la condition féminine dans tous ses états. »

Voici la présentation de cette merveilleuse application créée par Sarah Sauquet, et Dominique Sauquet, Fondatrice d’It’s Sauquet.com, Directrice technique des applications.

Chaque jour donc, vous pouvez découvrir un article et un extrait d’une oeuvre écrite par une autrice dont l’oeuvre est dans le domaine public.

Je me suis abonnée à cette application dont le coût est extrêmement modique et j’ai pu découvrir ou re-découvrir les textes d’Edith Wharton, Madeleine Pelletier, Aline de Valette.

Chaque texte est resitué dans l’oeuvre, l’oeuvre dans son contexte, et dans l’Histoire, accompagné d’une notice biographique. Leur particularité est d’évoquer tous les sujets qui ont un lien avec les femmes, ainsi Madeleine Brès, première femme docteure en médecine évoque l’allaitement et l’intérêt du biberon, ou Madeleine Pelletier, première femme diplômée en psychiatrie, le célibat, le manque de liberté accordé aux jeunes filles, ou les agences d’avortement.

Un vrai coup de cœur !

Le repos du guerrier – Christiane Rochefort. Le roman qui fit scandale !

Le Repos du guerrier
Le premier roman de l’autrice qui fit scandale.

Le repos du guerrier, est le premier roman de Christiane Rochefort en 1958. Il fit scandale par sa liberté de ton et de mœurs. En effet, l’héroïne découvre le plaisir sexuel avec son amant Renaud, qu’elle a sauvé du suicide en entrant par erreur dans sa chambre. D’ailleurs, c’est peut-être cela qui fait de cette oeuvre, à l’époque, une proposition romanesque originale. Le langage est cru, et Christiane Rochefort bat en brèche un territoire traditionnellement masculin.

L’autre aspect du roman, est le contrepied permanent à la morale bourgeoise de l’époque : Renaud est cynique et ne fait rien, il profite de l’argent d’une femme et se présente comme l’antithèse du gendre idéal. Les rôles de genre, l’homme soutien de famille, la femme qui tient le ménage, sont complètement dynamités.

Pourtant cette femme est « le repos du guerrier », « Toi tu es le repos du guerrier, du guerrier lâche, de l’embusqué ; Notre-Dame des Déserteurs, aie pitié de moi. Je veux dormir-mourir, et pour ça une femme c’est le meilleur système ». Le seul pouvoir qu’elle détient, est son inlassable patience et son amour. Le repos du guerrier est-il alors un roman féministe ? Ou n’est-il que l’histoire d’une femme, qui une fois encore, se sacrifie, jusqu’à mettre sa vie en danger pour suivre la folie éthylique de son amant ? Son amour ne serait-il pas une sorte de rédemption, de chemin de croix ? A vrai dire, l’héroïne ne ressent jamais aucune culpabilité, et surtout elle choisit de suivre son amant. Rien ne l’y oblige et même, à l’inverse, tout le lui interdit.

En 1971, Christiane Rochefort contribue d’ailleurs à créer le mouvement féministe « Choisir la cause des femmes » et toute son œuvre sera marquée par son ton irrévérencieux, son style cru, causant le scandale parce qu’elle traitera de sujets non conformistes.

« Je n’aime pas les femmes qui ne résistent pas …quand je vois des signes de résistance, je suis très contente… j’aime la littérature de révolte. » Monique Crochet, « Entretien avec Christiane Rochefort, » French Review 3 (1981): 428-37.

Renaud ne part pas vraiment guerroyer, si ce n’est contre ses démons. Son arme est la bouteille qu’il manie plus souvent que le balai.

Non, lui fait la tournée des bars. Nietzsche ne fait-il pas dire à Zarathoustra : « L’homme doit être élevé pour la guerre et la femme pour le délassement du guerrier : tout le reste est folie » 

Christiane Rochefort dynamite ce modèle. Chez elle, la femme est forte, rebelle, et elle fait ce qu’elle veut. Définitivement.

Auteure du mois de septembre : Cristina Di Belgiojoso (1808-1871), écrire pour lutter dans l’Italie du XIXe siècle…

Il aurait été dommage de ne pas vous parler de Cristina Di Belgiojoso (1808-1871), cette brune à la beauté particulière que vous pouvez contempler sur ce portrait, dont les activités littéraires sont très dépendantes de son activité politique et militante dans l’Italie du XIXe siècle. Ecrire permet de penser et de réformer.

J’ai dû croiser un grand nombre d’informations dont certaines divergeaient légèrement.

Elle a été la première femme à diriger un journal, « la Gazzetta italiana » en 1842. Elle écrira 4 volumes « L’essai sur la formation du dogme catholique » qui prône un catholicisme libéral, écrira dans la Revue des Deux Mondes (1848) à propos des événements auxquels prend part.

Elle publie dans le premier numéro de la revue Nuova Antologia de 1866 son étude Della presente condizione delle donne e del loro avvenire (« des conditions actuelles des femmes et de leur avenir »)[1].

Mais qui est-elle ?

Elle fait partie de la noblesse, née marquise Trivulzio, et épouse en 1824 le prince Emilio de Belgiojoso qui, mari infidèle, lui transmit la syphilis [2]. Il était à la tête d’une société secrète « la Federazione », ennemi irréductible de l’Autriche[3]et fervent patriote. Elle devient une activiste en faveur de l’unité italienne et tente de soulever l’opinion en faveur de la libération de l’Italie grâce à son journal.

En 1831, pour fuir la répression, elle s’exile à Paris, tient un salon où elle fréquente Balzac, Musset, Heine, Liszt ou l’historien François-Auguste Mignet.

Sa personnalité originale et exaltée en fera l’icône du romantisme mais aussi de l’indépendance de la femme.

En 1848, elle participe à l’insurrection milanaise qui sera un échec, fait lever à ses frais une troupe de volontaires, portant un immense drapeau déployé aux couleurs italiennes.[4]

Elle s’exile et entreprend un voyage avec sa fille et quelques autres exilés en Grèce et Asie mineure, et écrira des mémoires d’exil.
A partir de 1856, elle se fixe à Locato près de Milan et entreprend des réformes sociales en faveur des paysans.  La proclamation du royaume d’Italie se réalise le 17 mars 1861 et un an avant sa mort, en 1871, elle assiste à la dernière phase de l’unification de son pays avec l’annexion de Rome.

[1] Ginevra CONTI ODORISIO in Dictionnaire des créatrices.

[2] idem

[3] Dictionnaire des femmes célèbres, Laffont

[4] idem

Auteure du mois d’Août : Louise Ackermann (1813-1890)

Louise Ackermann

Louise Ackermann est née Victorine Choquet le 30 novembre 1813 à Paris et décédée le 2 ou 3 août 1890.

Elle a passé une enfance plutôt triste et solitaire dans l’Oise, à la campagne.

Elle résume ces années ainsi : « …une enfance engourdie et triste, une jeunesse qui n’en fut pas une, deux courtes années d’union heureuses, vingt-quatre ans de solitude volontaire. »

Ses relations étaient assez lointaines, son père, voltairien convaincu l’éduqua dans l’Esprit des lumières. Elle fut pensionnaire à Paris et écrivit ses premières poésies, assez pessimistes, très influencée pas Schopenhauer. Elle y évoque l’angoisse existentielle et le refus de tout secours religieux. Elle va tenter de se démarquer de la poésie subjective qu’on attribue généralement aux femmes.

A partir de 1832, ses poèmes sont publiés dans des journaux, dont Les Œuvres (Elan mystique, 1832, Aux femmes, 1835, Renoncement, 1841, de plus en plus désespérés. Elle décrit un monde sans Dieu, et la finitude de l’esprit humain.

Elle fut qualifiée de « Sapho de l’athéisme », de « Pythonisse proudhonienne »

Elle épousa Paul Ackermann, grammairien et pasteur protestant et s’installa avec lui à Berlin jusqu’à sa mort trois ans plus tard. Elle s’initia alors à la philosophie allemande et laissera de côté la poésie.  La critique soulignera la « virilité de [sa] pensée ». Louise Ackermann répondra :

« Quoi ! ce cœur qui bat là, pour être un cœur de femme,

En est-il moins un cœur humain ? »

Elle est toutefois hostile à tout féminisme militant et demeure assez conformiste.

Elle tenta de concilier ses aspirations philosophiques et la création poétique : Contes (1850-1853) , Premières poésies (1863), Poésies philosophiques (1871) dans lesquelles elle tenta une fusion entre poésie et science, Ma vie (1874), Les pensées d’une solitaire (1882). Elle passa la dernière partie de sa vie à Nice.

Des théories évolutionnistes, elle dira qu’elles sont « en parfait accord avec les tendances panthéistes de [son]esprit ».[1]

Elle jouit à son époque d’une reconnaissance incontestable et fut saluée par Barbey d’Aurevilly admiratif de cet « athéisme net, articulé, définitif. », Caro et Léon Bloy.[2]

Aux femmes

S’il arrivait un jour, en quelque lieu sur terre,
Qu’une entre vous vraiment comprît sa tâche austère,
Si, dans le sentier rude avançant lentement,
Cette âme s’arrêtait à quelque dévouement,
Si c’était la Bonté sous les cieux descendue,
Vers tous les malheureux la main toujours tendue,
Si l’époux, si l’enfant à ce cœur ont puisé,
Si l’espoir de plusieurs sur Elle est déposé,
Femmes, enviez-la. Tandis que dans la foule
Votre vie inutile en vains plaisirs s’écoule,
Et que votre cœur flotte, au hasard entraîné,
Elle a sa foi, son but et son labeur donné.
Enviez-la. Qu’il souffre ou combatte, c’est Elle
Que l’homme à son secours incessamment appelle,
Sa joie et son appui, son trésor sous les cieux,
Qu’il pressentait de l’âme et qu’il cherchait des yeux,
La colombe au cou blanc qu’un vent du ciel ramène
Vers cette arche en danger de la famille humaine,
Qui, des saintes hauteurs en ce morne séjour,
Pour branche d’olivier a rapporté l’amour.

Paris, 1835

Louise Ackermann, Premières poésies, 1871

Sources : Dictionnaire des femmes célèbres, Dictionnaire des créatrices, des femmes-Antoinette Fouque, Femmes poètes du XIXe siècle, une anthologie, sous la direction de Christine Planté.

 

[1] Femmes poètes du XIXe siècle, une anthologie, sous la direction de Christine Planté

P 205

[2] Femmes poètes du XIXe siècle, une anthologie, sous la direction de Christine Planté

Mahsati Ganjavi (1089-1181) – Quatrains

Voici les quatrains (rubaiyat) d’une poétesse contemporaine d’Omar Khayyam, Mahsati Ganjavi (1089-1181), née à Ganja, Azerbaïdjan, offerts par Ulka que je remercie chaleureusement pour cette découverte.

« Depuis la période soviétique, il existe en Azerbaïdjan des rues et des écoles qui portent son nom. À Ganja, sa ville natale qui avait été rebaptisée Elisabethpol sous l’empire tsariste, un monument a été érigé en son honneur en 1980. »Voir ici…

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Hier, j’ai vu un homme sur le chemin:
Avec le bâton qu’il tenait à sa main
Il frappait violemment une pauvre femme.
Les passants admiraient ce beau souverain.
 
Tu ne peux pas me forcer parce que tu es le roi
Tu ne peux pas me garder par la force de la loi
Tu ne peux pas enchaîner une femme chez toi
Une femme dont les tresses sont une chaîne de soie
 
On ne peut faire de nous objet pour le mari
Impossible de nous séquestrer dans une salle de torture.
Un femme, comme une tresse de cheveux, hélas,
Enchaînée, ne peut être détenue dans une cellule si petite.

Marie Nizet (1859-1922) – La bouche

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Deux recueils de poèmes, un roman consacré aux déboires historiques des roumains, un mariage, un divorce. l’amour secret pour le marin Cecil Axel Veneglia lui inspira un recueil posthume, tout d’audace, de défi à la morale convenue et d’ardeur quasi mystique.

 

Peinture de François Martin-Kavel

 

La bouche

Ni sa pensée, en vol moi par tant de lieues,

Ni le rayon qui court sur son front de lumière,

Ni sa beauté de jeune dieu qui la première

me tenta, ni ses yeux – ces deux caresses bleues ;

 

Ni son cou ni ses bras, ni rien de ce qu’on touche,

Ni rien de ce qu’on voit de lui ne vaut sa bouche

Où l’on meur de plaisir et qui s’acharne à mordre,

 

Sa bouche de fraîcheur, de délices, de flamme,

Fleur de volupté, de luxure et de désordre,

Qui vous vide le cœur et vous boit jusqu’à l’âme…

 

(Pour Axel de Missie)

Elisa Mercoeur (1809-1835) – La feuille flétrie

Native de Nantes, née de père inconnu, à onze ans, elle travaillait pour vivre, à dix-sept ans publiait ses premiers poèmes. Encouragée par Chateaubriand et Lamartine, elle connut le succès qui lui tourna la tête. Malade, elle mourut à vingt-six ans. Elle écrit avec fébrilité, l’âme ferme, la pensée sûre, en état d’urgence.

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La feuille flétrie

Pourquoi tomber déjà, feuille jaune et flétrie ?

J’aimais ton doux aspect dans ce triste vallon.

un printemps, un été furent toute ta vie,

Et tu vas sommeiller sur le pâle gazon.

Pauvre feuille ! il n’est plus, le temps où ta verdure

Ombrageait le rameau dépouillé maintenant.

Si fraîche au mois de mai, faut-il que la froidure

Te laisse à peine encore un incertain moment !

L’hiver, saison des nuits, s’avance et décolore

Ce qui servait d’asile aux habitants des cieux.

Tu meurs ! un vent du soir vient t’embrasser encore,

Mais ces baisers glacés pour toi sont des adieux.

œuvres complètes

Antoinette Deshoulières (1638-1694)) – Jouissance

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Elle tint un salon, fut mêlée à la Fronde, s’occupa de savoir et de plaisir, connut ensuite la maladie et la misère. Ses vers frivoles et ses bergeries ne doivent pas nous faire oublier ses confidences vraies sur la vie intérieure ni l’acuité de sa pensée.

Entre deux draps

Entre deux draps de toile belle et bonne,

Que très souvent on rechange, on savonne,

La jeune Iris, au cœur sincère et haut,

Aux yeux braillant, à l’esprit sans défaut,

Jusqu’à midi volontiers se mitonne.

Je ne combats de goûts contre personne,

Mais franchement sa paresse m’étonne ;

C’est demeurer seule plus qu’il ne faut

Entre deux draps

Quand à rêver ainsi l’on s’abandonne,

Le traître amour rarement le pardonne:

A soupirer on s’exerce bientôt :

Et la vertu soutient un grand assaut,

Quand une fille avec son cœur raisonne

Entre deux draps.

Poétesse