Archives pour la catégorie les femmes et l’art

Barbara Hepworth – Figures in a landscape

Miss Tic s’en est allée de ses pas ailés

Poétesse et graffeuse, Miss Tic a laissé ses oeuvres au détour des rues parisiennes. Peut-être ailleurs mais je ne le sais pas. Elle a décidé de plier bagage pour partir dans un endroit certainement connu d’elle seule, le 22 mai 2022. Elle ne reviendra pas mais elle a laissé ses graffes-poèmes sur les murs afin que nous puissions continuer à la chercher.

Elle s’appelait Radhia Novat née en 1946 dans le centre de la France d’un père tunisien et d’une mère normande. Elle dessinait souvent de longues femmes brunes, un peu à son image.

Ses poèmes, d’un seul vers, faisaient toujours mouche. L’image continuait le poème ou lui répondait.
Lui dire merci avec d’autres graffeurs et graffeuses

Tamara de Lempicka, peintre des années folles

« Oui, tu négliges ta famille. Ton mari, ta fille. Ta sœur, ta mère. Il n’y a qu’une seule chose qui compte pour toi : ton art.

Je m’interroge… Si tu avais été un homme, aurais-je pu écrire ces mots ? Non. Les hommes ont le droit, eux, de ne pas s’embarrasser d’une vie familiale lorsqu’ils créent. On ne devait jamais demander à Picasso, à Braque, ce qu’il y avait à diner. » in Tamara par Tatiana – Le portrait d’une femme libre qui a traversé le XXe siècle

Pocket – Editions Michel Lafon 2018

Tamara de Lempicka est considérée comme la peintre la plus emblématique du mouvement de l’art déco au XXe siècle. Elle assume une totale liberté sexuelle, et travaille de manière acharnée.

Elève à l’Académie des beaux-arts de Saint- Pétersbourg, issue d’une riche et opulente famille russe, elle se marie à 18 ans à Tadeusz Lempicki qui la quittera une dizaine d’années plus tard, las de ses excès et addictions aux drogues, au sexe et à l’alcool. Fuyant la révolution russe en 1917, la famille de Tamara s’installera d’abord au Danemark puis à Paris à la fin de la Grande Guerre. Elle suit l’enseignement d’André Lhote et se spécialise dans l’art du portrait.

Elle puise autant ses influences chez les grands maîtres de la Renaissance italienne que chez les cubistes, à travers une palette où domine les tonalités fauves sur des fonds gris et bleus.

Elle fait partie de ces artistes qui vivent ouvertement leur bisexualité, et en fait le sujet de son art. Le désir anime les surfaces, impulse les tonalités de la palette, à travers la construction de son regard féminin sur le corps d’une autre femme.

Son oeuvre sombrera un temps dans l’oubli après la deuxième guerre mondiale, ensevelie par les mondanités et le luxe tapageur qui rythment sa vie après son mariage avec le baron Kuffner. On parle plus de ses soirées que de ses oeuvres.

Travailleuse infatigable, elle a laissé une oeuvre considérable qui est redécouverte depuis les années 70.

Une salle lui est consacrée au Musée du Luxembourg, au sein de l’exposition « Pionnières – Artistes dans le Paris des Années folles, exposition magnifique que je vous recommande vivement. « La belle Rafaela », sublime le corps d’une de ses amantes, et le tableau « Les deux amies » découvre un moment d’intensité érotique entre deux femmes. Suzy Solidor, icône lesbienne de ces années-là, chanteuse ayant un répertoire de chansons saphiques, est aussi le modèle et l’amante de la peintre.

Maria Primachenko – artiste ukrainienne

Les femmes, l’art à Paris au mois de mars 2022

À l’occasion de la Journée internationale du droit des femmes, découvrez le programme proposé dans les musées parisiens :


– de 10h à 18h, l’exposition « Femmes photographes de guerre » ouvrira ses portes au musée de la Libération de Paris – musée du général Leclerc – musée Jean Moulin. Visite de l’exposition soumise à l’achat d’un billet.

– à 16hle musée Cognacq-Jay vous invite à une visite gratuite de sa nouvelle exposition « Boilly. Chroniques parisiennes » sous le prisme de la représentation féminine : « Chroniques de la vie d’une Parisienne sous l’œil de Boilly« . Visite gratuite soumise à l’achat d’un billet d’exposition, réservation obligatoire par email.

– à 14h30, suivez la visite conférence « la question féminine dans la vie et l’œuvre de Victor Hugo » à la Maison de Victor Hugo – ParisRéservation en ligne

– en soirée, le Musée Carnavalet – Histoire de Paris invite Blanche Sabbah, auteure de BD, engagée et activiste féministe, pour une soirée d’échanges et de dessins

  Et en ce mois de Mars :

 A ne pas manquer, cette magnifique exposition de peintures, sculptures, photographies, films, œuvres textiles et littéraires, au Musée du Luxembourg, qui  propose de mettre en avant le rôle primordial des femmes dans le développement des grands mouvements artistiques de la modernité au Musée.  Elles sont les premières à pouvoir être reconnues comme des artistes. Elles revendiquent la liberté de travailler, d’aimer qui elles veulent et la maîtrise de leur sexualité. Elles proposent une vision nouvelle de la femme et surtout de l’artiste.

commissariat général : Camille Morineau, Conservatrice du Patrimoine et directrice d’AWARE – Archives of Women Artists, Research and Exhibitions –
commissaire associée : Lucia Pesapane, historienne de l’art

Romy Schneider, l’exposition hommage à découvrir à la Cinémathèque
La Cinémathèque rend hommage à Romy Schneider dans une exposition éponyme, à voir du 16 mars au 31 juillet 2022

Les Fantômes d’Orsay, l’exposition de Sophie Calle au Musée d’Orsay
Le musée d’Orsay consacre une exposition à l’artiste Sophie Calle, intitulée Les Fantômes d’Orsay, du 15 mars au 12 juin 2022. Une plongée inédite au sein de l’histoire de l’artiste qui a vécu au sein de l’hôtel d’Orsay, déserté, avant le début des travaux transformant la gare en musée. [Lire la suite]

Aurea, l’exposition-expérience de Sabrina Ratté à la Gaîté Lyrique
La Gaîté Lyrique vous invite à découvrir une exposition-expérience unique en son genre, imaginée par l’artiste Sabrina Ratté, intitulée Aurea et à découvrir du 17 mars au 10 juillet 2022. [Lire la suite]

Exposition Graciela Iturbide, Heliotropo 37, à la Fondation Cartier à Paris
La Fondation Cartier pour l’art contemporain consacre une grande exposition à l’artiste Graciela Iturbide. A voir du 12 février au 29 mai 2022, l’installation « Heliotropo 37 » dévoile l’ensemble de l’œuvre de cette photographe mexicaine, des années 1970 jusqu’à aujourd’hui.

Exposition Xinyi Cheng à Lafayette Anticipations
La Fondation Lafayette Anticipations consacre une exposition à l’artiste chinoise Xinyi Cheng, Seen Through Others, du 23 mars au 28 mai 2022. Une exposition qui invite les visiteurs à se questionner sur « la complexité des émotions, des désirs et de rapports qui imprègnent la vie contemporaine ».

Exposition Anita Molinero au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
Le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris consacre une exposition à la plasticienne, peintre et sculptrice Anita Molinero du 25 mars au 24 juillet 2022. Une plongée unique au coeur de son univers, plein de silhouettes anthropomorphes.

Julie Manet, la mémoire impressionniste : nos photos de l’exposition du musée Marmottan Monet
Muse et symbole d’une période impressionniste éclatante, Julie Manet est au cœur de l’exposition du musée Marmottan Monet. Du 19 octobre 2021 au 20 mars 2022…

Simone Veil, un destin européen, l’exposition à Citéco – la Cité de l’Economie
Une plongée inédite dans la vie de cette femme d’exception, ainsi qu’au sein de son engagement européen.

Un beau mois de mars en perspective !

Sarah Moon au Musée d’Art Moderne de Paris

Une exposition magnifique, un itinéraire masqué, Sarah Moon enfin démasquée !

Après avoir été mannequin quelques années, Sarah Moon (Née dans l’Eure !) s’est tournée vers la photographie de mode, dans les années 70 (elle publie ses premiers clichés dans le magazine l’Express en 1967), en autodidacte, puis un peu plus tard quittant le monde des studios pour laisser à son appareil photo d’autres champs libres. Elle photographie alors Paris dans un noir lumineux et profond, parfois un peu pâteux, exacerbant les lignes, à la manière de l’expressionisme, soulignant l’inachevé des contours, montrant l’œuvre dans son in-finitude, à la manière dont Rodin laissait visible la pierre brute et inachevée.

Elle photographie les femmes, la tragique solitude, la cruauté (regardez le loup comme une ombre planer sur l’enfant, les enfances vulnérables, la violence et la mort.

J’ai lu deux ouvrages, le premier un conte qu’elle a illustré de manière puissante et dérangeante, retrouvant la noirceur de Perrault, et un livre de la collection Photopoche, qui lui est consacré avec une postface de Robert Delpire qui a été son compagnon pendant de nombreuses années, disparu en 2017.

Femmes artistes : une petite bibliographie

Les nanas de Niki de Saint Phalle

Annette Messager/ Truqueuse, bricoleuse L’été des femmes artistes

Elle a étudié aux Arts décoratifs de Paris mais a interrompu ses études en mai 1968.

En 1971-1972, elle crée Les pensionnaires « Le Repos des pensionnaires » constituée de 72 oiseaux naturalisés reconstitués, emmaillotés de tricots posés sur un tissu blanc (Centre Pompidou) et de huit vitrines « La promenade », « La punition », « Dans la baignire », « La réserve de laine pour les tricots », « la momification »etc.

Parmi d’autres artistes, elle prône la prise en compte de l’élément affectif, imaginaire, voire nostalgique de l’oeuvre. Elle revendique la dimension féminine de son art, y intègre l’univers domestique dans lequel les femmes ont été cantonnées : travaux à l’aiguille, carnets intimes, magazines féminins, et organise ainsi une critique de la condition féminine.

En 1988, elle crée « Mes petites effigies« , puis « Piques » en 1992, esthétique du fragment . « Cette œuvre, fait directement écho à la période de la Terreur, avec ses images frappantes, ses cortèges d’exécutions et ses têtes embrochées promenées dans les rues. Pour la première fois, Annette Messager crayonne ou repeint des images empruntées à l’actualité du monde : corps dépecés, scènes d’attentats, de catastrophes ou de manifestations, cartes géographiques de territoires sinistrés » (Catherine Grenier).En 2004, elle expose au Musée d’art moderne de la ville de Paris. Elle continue aujourd’hui une création très originale et crée « Coeur au repos » au Musée de la vie romantique.

Elle crée des albums collections entre 1972 et 1974, « Les albums-collections s’organisent selon des thèmes divers, tels que la vie sentimentale, les rencontres ou la vie domestique et s’apparentent, selon les cas, plutôt au registre du journal intime, de l’album de photographies ou du livre de recettes. Les hommes que j’aimeMa collection de proverbesMa vie illustrée ou Mon livre de cuisine (Ici sur la Femme) en sont quelques exemples. Annette Messager assemble des éléments banals et quotidiens pour créer une œuvre subtilement poétique et féministe. »

Voir ici « Les tortures volontaires », critique extrêmement intéressante :  » l’œuvre fait l’inventaire non exhaustif des stratégies de recollement au canon de beauté mass médiatique. Ventre, mollet, jambe, menton, seins, yeux, sourcils, cheveux, buste, visage, fessier… chacune des images choisies par Annette Messager prend en charge une partie du corps de la femme. À chaque organe son rituel correcteur, à chaque parcelle d’épiderme son instrument. » Institut d’Art Contemporain Villeurbanne/Rhône-Alpes

Le centre Pompidou achètera en 1990, Mes voeux, Installation murale en ovale de photographies noir et blanc

263 épreuves gélatino-argentiques encadrées sous verre maintenu par un papier adhésif noir et suspendues au mur par de longues ficelles. Voir cette oeuvre ici et le commentaire de Catherine Grenier.

sources, vidéos intégrées et wikipédia  licence Creative Commons attribution, partage dans les mêmes conditions , Centre Pompidou.

Charlotte Perriand

Fichier:Charlotte Perriand Janvier 1991.jpg

Née en 1903, fille d’un couturier, elle entre à 18 ans à l’Ecole des arts décoratifs, mais trouvant cet enseignement trop traditionnel, décide de devenir architecte et créatrice de meubles. Meurt le 27 octobre 1999.

En 1927, elle expose un Bar sur le toit dont le mobilier est d’acier chromé.Voir ici !

Elle rêvait d’entrer dans l’atelier de Le Corbusier dont elle était une fervente admiratrice.Elle devint sa collaboratrice pendant 10 ans, créant des équipements préfabriqués et des meubles rationnels en métal, en bois, et en matière plastique aux formes audacieuses pour l’époque.

En 1939, elle fut invitée au Japon au titre de conseillère en art industriel et organisa une exposition « Tradition, sélection, création, qui eut beaucoup de succès. Elle en organisa une seconde, quelque temps après, présentant ses meubles dans un décor de peintures et de tapisseries de Fernand Léger et Le Corbusier.

En France, elle collabora à l’aménagement de la station des Arcs, en Savoie, créant des intérieurs standardisés en bois naturel et en matières plastiques.

Elle construisit aussi des chalets, utilisant la pierre et le sapin du pays.

En 1993, elle conçoit une maison de thé dans le cadre de la manifestation japonaise Dialogue des cultures coordonnée par Hiroshi Teshigahara à l’Unesco.

Le 16 octobre 1994 : elle visite et inaugure le lycée professionnel public qui porte désormais son nom à Genech dans le département du Nord où on enseigne les métiers du bois (menuiserie, ébénisterie, sculpture sur bois, tapisseries d’ameublement (section fermée en 2016)) et du gros œuvre (maçonnerie, coffrage, peinture).

Sources : Dictionnaire des femmes célèbres de tous les temps et de tous les pays, Lucienne Mazenod et Ghislaine Schoeller, Robert Lafont

Wikipedia pour les années 90.

Photo : 1991
 licence Creative Commons CC0 don universel au domaine public
https://www.robert-doisneau.com/en/portfolios/1466,architectes.htm
Auteur: Robert Doisneau

Le Centre Pompidou a réouvert ses portes : un chef d’oeuvre, l’autoportrait de Frida Kalho

Magnifique !

Et lors de l’attente, au-dehors, le mètre de distance est ponctué de phrases d’artistes. J’adore ce musée. On peut voir en ce moment une exposition temporaire consacrée à

Christo (1935-2020) et Jeanne-Claude (1935-2009) entre 1958 et 1964, ainsi que l’histoire du projet Le Pont-Neuf empaqueté, projet pour Paris (1975-1985).

On n’en saura pas beaucoup plus sur Jeanne-Claude, c’est dommage, mais pour une fois son nom est associé à celui de son compagnon.

« Sept années essentielles au cours desquelles Christo s’affranchit de la surface du tableau ; s’approprie et empaquette les objets du quotidien, réalise des actions en public. C’est à Paris qu’il donne une dimension monumentale à ses œuvres en concevant différents projets pour la Ville lumière. »Notice du musée

Portrait de la jeune fille en feu : la peinture au féminin

Date de sortie : 18 septembre 2019 (2H00)
De Céline Sciamma
Avec Noémie Merlant, Adèle Haenel
Genres Drame, Historique
Nationalité   Français
Rappelez-vous, « Tomboy », « Bande de filles », c’était elle. « bande de pieuvres » m’a échappé, par inadvertance. Je continuerai à multiplier mes accointances avec cette talentueuse cinéaste, qui sait, comme nulle autre, capter ce féminin qui me passionne, et ses ambivalences. Car la frontière entre les genres est souvent ténue, construction sociale avant d’être biologique.
La femme peintre qui vient exécuter le portrait de son modèle, afin de l’envoyer au futur mari milanais,  a conquis chèrement sa liberté toute relative. Elle ne peut peindre de corps masculins nus qui lui assureraient l’accès aux genres « nobles » capables d’assurer à un artiste la renommée et la prospérité. Nous sommes au XVIIIe siècle, et les femmes des familles nobles ne sont qu’une monnaie d’échange comme une autre , destinée à nouer ou consolider des alliances.
Entre les deux femmes va s’installer un trouble, prélude au sentiment amoureux, dont l’existence va bouleverser l’intériorité des deux femmes et dont le souvenir va nourrir, on le pressent, une vie plus riche et plus intense émotionnellement. Dans ces siècles d’enfermement des femmes, on ne choisit pas sa vie…

Au XVIIIe siècle, plusieurs femmes peintres exercèrent : Adélaïde Labille-Guiard (Portrait d’Augustin Pajou), Claudine Bouzonnet-Stella (gravure), Rosalba Carriera (peintre italienne, mit le pastel à la mode), Madame Therbusch, Marie-Guillemine Benoist (portrait d’une négresse), Anne Vallayer-Coster (Portrait d’une violoniste).

Elles sont cantonnées à des sujets dits « féminin », : le portrait, la famille, les enfants, les fleurs et autres mignardises. Elles sont redécouvertes peu à peu aujourd’hui.

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Adélaïde Labille-Guiard                          Rosalba Carriera

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Madame Therbusch,                          Marie-Guillemine Benoist

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Anne Vallayer-Coster

 

Images, source : Wikipédia.

Les femmes artistes sont fantastiques – Nadine Levé

L’été des femmes artistes : Splash d’Héloïse Dorsan Rachet

Dominique Bona –  Berthe Morisot, Le secret de la femme en noir / L’été des femmes artistes – Litterama

Dominique Bona –  Berthe Morisot, Le secret de la femme en noir – Editions Grasset& Fasquelle, 2000

Dominique Bona –  Berthe Morisot, Le secret de la femme en noir – Editions Grasset& Fasquelle, 2000

Dominique Bona, grande érudite, s’appuie sur un travail de documentation remarquable pour nous livrer cette biographie de Berthe Morisot qu’elle va lier, pour l’essentiel, à la famille Manet, et entre tous,  Edouard Manet, illustre peintre, contemporain des impressionnistes qui n’a jamais voulu se rallier au mouvement, et que Berthe a rencontré au tout début de sa formation lorsque elle allait copier des œuvres au Louvre.

Le Musée d’Orsay lui consacre une magnifique exposition que l’on peut voir encore jusqu’au mois de septembre.

Je ne retracerai que vaguement les grandes lignes de cette biographie, d’autres l’ont fait beaucoup mieux que je ne le pourrais. Je voudrai juste souligner ce qui a été, pour moi, la force et l’intérêt de ce livre.

Tout d’abord, Dominique Bonat, si elle ne néglige pas l’influence d’Edouard Manet sur le style de Berthe Morisot, montre comment elle s’en est vite dégagée et de quelle manière elle a trouvé sa voie et son propre style.

Berthe Morisot a-t-elle eu une histoire d’amour avec le peintre ? On ne le saura jamais avec certitude. Manet la peindra plusieurs fois en de sublimes figures, à la fois sensuelles et énigmatiques.

«  Elle mesure toujours la vie d’après ses drames mais dissimule son pessimisme sous un masque de sérénité. Ce tourment profond et constant, qui jamais ne se dissipera et dont son regard porte les reflets, la rapproche de Manet, lui permet de comprendre et d’aimer ce qu’il peint, la violence, la brutalité de sa vision, le magnétisme de ses couleurs la fascinent. »

L’auteure a cherché dans les archives, aucune lettre n’est restée qui pourrait l’attester ou l’infirmer. On peut juste s’étonner cette absence de traces de la relation qu’il y eut entre ces deux êtres, pendant toute une période, si proches.

Le talent de Dominique tient aux hypothèses qu’elle élabore, au suspense qu’elle entretient savamment sur cette relation entre deux êtres hors du commun. Et surtout aux éléments qu’elle met en scène pour vous faire revivre la vie, les pensées, le caractère de cette artiste singulière. Vous pourrez ainsi vous faire votre propre idée. Vous nous direz ce qu’il en est selon vous, et votre analyse.

Berthe Morisot fut un des chefs de file du mouvement impressionniste, première et seule femme à exposer aux côtés de Monet, Degas et Renoir.

On connaît l’origine du nom donné au mouvement, attribuée à une remarque sarcastique du critique d’art Louis Leroy. Il aurait écrit après avoir vu une toile de Monet: « Que représente cette toile ? Impression ! Impression, j’en étais sûr. Je me disais aussi puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l’impression là-dedans ». Claude Monet devant donner un titre à son tableau, un paysage au Havre peint en 1872, propose « Mettez Impression, soleil levant ».

Elle créa, avec ses amis, le groupe d’avant-garde les « Artistes Anonymes Associés » qui allait devenir la Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs dans laquelle figureront ceux que l’on a appelé impressionnistes à la suite du fameux Monsieur Leroy.

L’autre intérêt de cette biographie est de montrer la condition de la femme artiste au XIXe siècle, la façon dont l’art, de même que l’écriture, ont permis aux femmes de revendiquer une certaine indépendance. Lorsque Berthe peint, c’est-à-dire lorsqu’elle travaille, c’est son mari et sa fille que l’on peut voir sur le tableau.

Mais ce parcours d’artiste exigera de surmonter les conflits intérieurs qui la minent.

« Tiraillée entre deux pôles, entre deux exigences, celle de la peinture et celle de la femme, « elle se monte et se démonte comme devant », dit sa prosaïque mère. Elle lutte pour affirmer sa différence. Des conflits psychologiques la minent. Maux de tête et d’estomac, crampes, migraines. »

Elle a réussi à écrire une biographie extrêmement vivante, précise et documentée, et sa parfaite maîtrise de tous les éléments biographiques, la synthèse qu’elle peut alors opérer, rend le récit d’une grande fluidité, et son sens de la narration lui donne suspense et intérêt.

L’art de Berthe Morisot voulait « Fixer quelque chose de ce qui passe ». L’art de Dominique Bona, est de restituer l’atmosphère de ces années-là, les mouvements intérieurs de Berthe Morisot, ses combats et ses contradictions, afin que nous aussi, nous puissions approcher ce mystère.

A lire absolument…

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source image : wikipedia

Zoé Valdès – La femme qui pleure / Dora Maar – L’été des femmes artistes/ Litterama

Zoé Valdès – La femme qui pleure – Arthaud poche – 2016 Flammarion

La Femme qui pleure eBook by Zoé Valdés

Doraa Maar fut une artiste surréaliste, photographe et peintre, et aussi muse de Picasso. Une rétrospective de son œuvre lui a été consacrée récemment au Centre Pompidou. Sa carrière a été complètement absorbée par son rôle de muse, à l’ombre du génie de Picasso. Il a fait d’elle « La femme qui pleure », manifeste de la déconstruction du portrait.

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Portrait de Dora Maar, Pablo Picasso, 1937 | Paris 1937 Huil… | Flickr

Le livre de Zoé Valdès retrace une période censée être clef, un voyage à Venise, quelques années après sa rupture avec Picasso, en compagnie de deux amis, à l’issue duquel elle se retirera du monde pour vivre mystique et recluse, loin des mondanités parisiennes.

L’originalité du récit tient à ce que Zoé Valdès entremêle des éléments de sa propre biographie, et de sa relation rêvée ou imaginaire avec Dora Maar, qui tient plus de la rencontre manquée que d’une véritable relation.

« La vérité c’est que je me trouvais aussi vide qu’elle, à la limite de ma réserve d’illusions […]. », écrit-elle.

Par de savants aller-retours, elle retrace les amours de Dora Maar avec Picasso, dont on peut dire qu’ils sont violents et malsains. L’artiste a disparu au profit de la muse.

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Dora Maar in an Armchair | Pablo Picasso Dora Maar in an Arm… | Flickr

Ce qui est intéressant, cependant, c’est l’effacement dû à ce statut, qui rend le suprêmement visible, l’image, invisible. Cette « femme qui pleure », exposée dans les musées cachera toujours l’autre femme, celle qui crée.

Dora Maar raconte : « Tout s’est alors transformé, mon indépendance a été abolie et je me suis annulée comme artiste ».

Picasso est un ogre, aux appétits sexuels démesurés. Il la méprisera, l’insultera et la fera terriblement souffrir, voilà ce que je retiens de ce livre. Et pour moi ce n’est pas assez.

J’ai eu l’impression d’assister à une scène continue de dévoration.

« Elle revoyait parfois, en ironisant, silencieuse et amusée, les affronts d’apparent désamour qu’elle avait dû essuyer. Le Grand Génie racontant, par exemple, à ses amis que sa maîtresse obéissait plus vite que son chien Kazbeck, un lévrier afghan paralysé de paresse. Tandis que le chien faisait la sourde oreille, Dora répondait en courant au moindre appel, et elle avait grand plaisir à lui obéir. « Ce n’est qu’une fillette, une petite chienne, une bête… Tu lui lances un os et elle court le chercher pour te le rapporter. »

Quand ils faisaient l’amour et qu’il se juchait sur elle, il se moquait de ses gestes, lui pinçait la peau du cou, de la poitrine, lui laissait des bleus partout. »

La frontière devient floue entre vie publique et vie privée. Sur les toiles de Picasso, je vois maintenant l’ombre meurtrie de Dora Maar, comme de longues traînées sales, rougeâtres, imprégnées de ce sang des menstrues avec lequel il aimait peindre…

Et les larmes qu’il lui fit pleurer, sur ce tableau….