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Femmes art et pouvoir

Femmes, art, pouvoir

Sous l’impulsion des musées anglo-saxons, héritiers de l’extrême vitalité des études sur le genre américaines, les musées européens tentent de redonner une visibilité et une reconnaissance aux femmes artistes dans l’histoire. L’association AWARE (Archives of Women Artists, Research and Exhibitions) soutient ces manifestations ; elle tente de replacer les artistes femmes du XXe siècle dans l’histoire de l’art et de pallier la sous-représentation des artistes femmes dans les ouvrages d’art, les expositions et les collections de musée.

A Vienne, Le Léopold Museum consacre une partie de l’exposition « Vienne 1900 » à la place de la femme artiste et plus largement de la femme intellectuelle dans la société viennoise.

A Paris, le Musée d’Orsay consacre une exposition à Berthe Morisot, reconnue aujourd’hui comme une figure majeure de l’impressionnisme, souvent reléguée à une quasi-obscurité parce que femme, et un parcours dans les collections du musée autour de la thématique de « Femme, art et pouvoir ».

Laurence des Cars, présidente des musées d’Orsay et de l’Orangerie tente de répondre à deux grandes questions « Quelle place occupent les femmes dans le grand récit de la modernité naissante »  ( 1848-1914) et «  Comment ont-elles contribué à l’élaboration du champ créatif et artistique ? »

Elle souligne l’absence des femmes artistes dans les collections du Musée d’Orsay, absence qui est le témoin de la minoration, par l’administration, des Beaux-Arts à la fin du XIXe siècle des œuvres de femmes, la collection du Musée d’Orsay étant en partie héritière des collections acquises par l’Etat.

Les travaux de Linda Nochlin, spécialiste de la représentation de la femme dans la peinture du dix-neuvième siècle, et autrice de l’ouvrage qui donne son titre à ce parcours, tente de déconstruire la façon dont l’histoire de l’art s’y est prise pour naturaliser l’absence de grands artistes femmes.

L’œuvre de Berthe Morisot en est un exemple, reléguée dans le rang des artistes mineures, parce que le sujet de ses œuvres concernait un environnement quotidien  et des figures surtout féminines, elle sera considérée longtemps comme une artiste « féminine » donc mineure.

D’ailleurs, « les femmes sont-elles capables de création à l’égal des hommes ou leur nature féminine les conditionnent-elle à un rôle mineur ? ».

Quels sont donc les critères d’entrée dans une collection publique ? Quels sont les processus de diffusion et de reconnaissance des œuvres du passé mais aussi contemporaines ?

L’absence de ces femmes artistes sera-t-elle un jour réparée ? Et comment ?

Car comme l’affirment Sabine Cazenave, conservatrice en chef peinture et Scarlet Reliquet, responsable de programmation cours, colloques et conférences, « La présence de femmes artistes est déjà attestée dans les ateliers du Moyen-Age et de nombreux exemples de femmes associées en particuliers aux travaux de leur pères, frères et époux jalonnent les XVIe et XVIIe siècle. A la fin du XVIIIe siècle, les femmes accèdent à une plus grande visibilité et à une liberté croissante. »[1]

Cantonnées longtemps à une pratique amateure, faisant partie des talents d’agréments d’une jeune fille à marier, tolérées comme copistes parfois extrêmement douées, et pour les femmes d’origine modeste, cantonnées à une pratique liée aux arts appliqués, les femmes peu à peu se lancent dans une pratique professionnelle dont elles espèrent tirer un bénéfice financier. Mais il faudra attendre 1870 pour l’ouverture de l’académie Julian aux femmes.

Ce statut est également renforcé par les techniques utilisées. En effet, on considère que le pastel , l’aquarelle et le dessin sont « des arts mineurs pour artistes mineures »[2]. Elles répondraient aux vertus féminines de « légèreté, finesse, douceur, délicatesse, et sentiment », les femmes étant incapable de maîtriser la grande peinture héroïque, les scènes de batailles et de bravoure (auxquelles entre parenthèses, elles ne participent pas) qui nécessitent de la virilité et du tempérament et…la peinture à l’huile, le chevalet et l’atelier, toutes choses difficilement accessibles aux femmes jusqu’à la fin du XIXe siècle. Il faudra attende les années 1880, et la naissance des avant-gardes, qui remettent à l’honneur le pastel, et le processus de création dans la peinture pour que cette technique sorte du carcan. Berthe Morisot, exploitera jusqu’à l’extrême la notion du non-fini dans l’art, ouvrant la voie à l’abstraction. Madeleine Lemaire, Louise Breslau et Mary Cassat s’affirmeront comme artistes professionnelles en utilisant ces techniques.

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Images wikipédia, domaine public

La critique d’art jusque-là réservée aux hommes, va progressivement s’ouvrir aux femmes, moins attachées au genre de l’artiste, que leurs collègues masculins. En effet ceux-ci n’hésitent pas à brocarder l’entrée des œuvres de femmes dans les « Salons ». Les plus connues sont Claire Christine de Charnacé (1849-1912) qui écrit sous le pseudonyme de C.de Sault dans le Temps à partir de 1863 ou encore Marie-Amélie de Montifaud (1849-1912) dans l’Artiste sous le pseudonyme de Marc[3]. Les femmes critiques et journalistes sont soumises à la même pression que les autrices. Une femme qui rend son œuvre publique se rabaisse au rang de prostituée.

C’est ainsi que sera accueillie la prétention de Berthe Morisot à vendre ses œuvres.

La situation est encore plus critique pour les sculptrices, dont l’art est considéré comme viril. Marie d’Orléans, Félicie de Fauveau, Marcello (pseudonyme d’Adèle d’Afry[4]) et plus connue Camille Claudel devront affronter bien des difficultés pour imposer leur art.

Marie Barshkirtseff le résume ainsi : « Je n’étonnerai personne en disant que les femmes sont exclues de l’Ecole des beaux-arts comme elles le sont de presque partout. […] ce qu’il nous faut, c’est la possibilité de travailler comme les hommes et de ne pas avoir à exécuter des tours de force pour en arriver à avoir ce que les hommes ont tout simplement. »

Exclues des écoles, les femmes ont souvent recours à des professeurs privés dont les tarifs sont le double de ceux des hommes[5]. Rien ne leur sera épargné.

Près de 50 ans après les premiers mouvements de revendication cherchant à redonner une place aux femmes, les recherches, les initiatives et les associations se multiplient pour briser le plafond de verre.

Lorsque j’ai commencé ce blog, il y a près de dix ans, j’étais pratiquement la seule à évoquer ces sujets sur la toile en dehors de la recherche, souvent peu accessible au grand public. Aujourd’hui, c’est pour moi une joie immense de voir se multiplier les tentatives de réhabilitation et la diffusion de plus en plus grande des œuvres de femmes.

Le Léopold Muséum sera l’objet d’un prochain article.

[1] Notice du parcours

[2] Leïla Jarbouai, conservatrice arts graphiques, notice du parcours

[3] Sabine Cazenave, notice du parcours

[4] Ophélie Ferlier-Bouat, conservatrice sculpture, notice du parcours

[5] idem

Immersed dress in the Dead Sea

Voyages, visages du féminin : Sigalit Landau, Salt years, Musée d’art moderne de Salzbourg

 

Sigalit Landau – Salt Years

La sculptrice, et vidéaste Sigalit Landau, née en 1969 à Jérusalem, est une des artistes israéliennes les plus importantes de sa génération. Pendant plus de 15 ans, elle a puisé son inspiration dans les eaux salines de la Mer Morte.

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Les œuvres, exposées ici, dont font partie les robes cristallisées dans le sel, sont la première exposition en « solo » de l’artiste dans un pays germanophone. A la fois profondément poétique mais aussi politique, l’exposition est une présentation complète des sculptures de sel et des installions vidéos des vingt dernières années.

Ses sculptures, et installations, ont été immergées dans les eaux extrêmement salines de la mer morte. Pendant ce processus, les objets, instruments de musique, filets, et costumes ont subi une métamorphose à la fois physique et métaphorique.

L’artiste décrit cette production de la mer comme une archéologie du vingtième siècle, et un mémorial conceptuel de ready made. Ils répondent à ses préoccupations déjà anciennes face à la capacité de destruction des êtres humains qui met en péril l’existence même de la Mer Morte.

Landau a sorti ces créations fragiles d’une terrible beauté de la Mer Morte, comme des découvertes archéologiques, montrant la transformation incessante de toute chose face au temps qui passe ainsi que les blessures et les sédiments présents dans la société israélienne, causés par les chapitres les plus sombres du vingtième siècle.

Landau travaille autant à partir des matériaux bibliques et mythologiques, des légendes, que de la tradition expressionniste et figurative de l’histoire de l’Europe de l’ouest.

Un grand nombre de ses œuvres met en scène son propre corps, rappelant son entraînement de danseuse dans sa jeunesse.

Elle interprète l’histoire et la nature de son pays cherchant un processus de guérison et la restauration d’un lien entre des communautés qui semblent vivre dans des mondes complètement déconnectés.

Avec Yota form et le soutien de Friede Springer

Source : notices de l’exposition

Les expositions de l’été : « Femme, je vous aime » Exposition Art Urbain Contemporain, du 05 juin au 31 août 2019

A lire pendant l’été : les biographies romancées de femmes artistes

C’est en lisant l’excellent article consacré à Berthe Morisot par le non moins excellent blog    « Plumes, pointes, palettes et partitions »  que je me suis souvenue de mon intention de consacrer une partie de l’été à la lecture de biographies de femmes artistes.

J’en avais acheté plusieurs :

Résultat de recherche d'images pour "dominique Bona Berthe Morisot" La Femme qui pleure Je t'aime affreusementL'horizon A Pour Elle Dénoué Sa Ceinture - Chana Orloff (1888-1968) de Benhamou Rebecca Format Beau livre

Berthe Morisot fut la seule femme du groupe des impressionnistes. Née en 1841, elle peint et expose avec Manet, Degas, Monet, Renoir. Dominique Bona brosse le portrait d’une femme qui inventa sa liberté.

Bien différente est « La femme qui pleure », photographe et peintre surréaliste mais aussi amante de Picasso, Dora Maar est une âme tourmentée. Après sa séparation d’avec le grand maître, elle décide de passer quelques jours à Venise, escapade que retrace Zoé Valdès dans ce livre.

Ce fut elle, sa fille,  qui enfanta l’artiste, sauva et publia l’oeuvre de Marina Tsvetaeva, après seize années passées au goulag. « Je t’aime affreusement » est une lettre fictive écrite grâce au talent d’Estelle Gapp, dans laquelle la fille de l’artiste exprime les sentiments qu’elle a éprouvés auprès de cette mère « excentrique et exaltée » qui lui a transmis le meilleur comme le pire.

J’ai découvert Chana Orloff, grâce à la plume de Rebecca Benhamou. « Sculptrice renommée dans le monde entier », lit-on sur la quatrième de couverture, mais où est-elle donc à Paris ? Si vous le savez dites-le moi !

Elle sera l’amie fidèle de Soutine et de Modigliani et épousa un proche d’Apollinaire. Quand la guerre éclate, Chana commence une incroyable épopée pour sauver sa vie.

J’ai trouvé quelques-unes de ses sculptures sur la toile.

Fichier:Le peintre juif, Chana Orloff (1920) - Musée d'art et d'histoire du Judaïsme.jpg

Français : Le peintre juif, Chana Orloff (1920) Bronze patiné wikimedia Commons, Musée d’art et d’histoire du judaïsme

C’est également en rédigeant cet article que j’apprends que depuis janvier 2019, son atelier est ouvert de manière permanente,  près du parc Montsouris,  dans la Villa Seurat.

Dora Maar L’oeil ardent, exposition au centre Pompidou du 5 juin au 27 juillet

     Dora Maar, connue surtout comme la muse de Picasso, fut aussi une photographe de génie et une peintre. Elle était à moitié croate, élevée en Argentine, et née en France, un 22 novembre 1907, rue d’Assas. Elle s’appelait en fait Henriette Théodora Markovitch.

     Dora Maar rencontre Picasso à 28 ans, en 1935, présentée par Paul Eluard. Elle est alors l’ égérie de Georges Bataille. Leur liaison, orageuse, durera dix ans.

     Il la peint comme une femme torturée, pour toujours elle sera « la femme qui pleure ».

« Un artiste n’est pas aussi libre qu’on pourrait le croire. Cest vrai aussi pour les portraits que j’ai faits de Dora Maar. Pour moi, c’est une femme qui pleure. Pendant des années, je l’ai peinte en formes torturées, non par sadisme ou par plaisir. Je ne faisais que suivre la vision qui s’imposait à moi. C’était la réalité profonde de Dora. Vous voyez, un peintre a des limites, et ce ne sont pas toujours celles qu’on imagine. »1

     D’ailleurs, il la domine, de sa manière qu’on qualifierait aujourd’hui de perverse : il l’assure qu’il ne l’aime pas, qu’elle ne l’attire pas.

     Mais Dora Maar a été une grande photographe : elle photographie le petit peuple des bas-fonds de l’Angleterre, Barcelone. « Elle immortalise les ouvriers, les gosses des rues ou les musiciens aveugles ». Elle traverse une période marquée par l’influence du surréalisme. Son Rolleiflex à la main, elle fut la contemporaine de Cartier-bresson, Brassaï et Man Ray. Mais elle travaillera aussi pour la publicité, pour preuve ces magnifiques nuques féminines qui servent de présentoir à de savantes arabesques et volutes réalisées au fer à friser. L’effet est saisissant.

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     Après la séparation d’avec Picasso, elle perd pied et internée à Sainte-Anne. Elle subit une cure, peut-être des électrochocs (mais on en n’est pas sûrs).

« L’enjeu de cette cure, c’est d’encourager chez Dora le penchant religieux. D’en faire une fervente catholique, de la détourner de la sublimation de l’art pour l’orienter vers la sublimation religieuse. »

     

     Quelque temps après cet épisode, elle demeurera recluse dans son appartement jusqu’à sa mort, pendant plusieurs dizaines d’années. Période dont on ne sait rien ou presque.

Dora Maar est redécouverte aujourd’hui, dégagée de l’ombre portée de Picasso, en tant qu’artiste et c’est très bien.

Citation de Picasso in Françoise Gilot et Lake Carlton, Vivre avec Picasso, Paris, Calmann-Lévy, 1965, rééd. 1973 (page 114)

Julie Béna au Jeu de Paume Février-Juin 2019

« L’œuvre de Julie Béna est composée d’un ensemble éclectique de références associant littérature, art et culture populaire, humour et tragique, temps et espaces parallèles. Alliant sculpture, installation, cinéma et performance, son travail se déploie sur une toile de fond fictionnelle, où tout se veut possible.
Ces dernières années, Béna a développé une série de cosmologies personnelles mettant en scène des personnages et des objets apparemment banals qui ont des conversations et des interactions énigmatiques les uns avec les autres. De Pantopon Rose, personnage tiré du Festin nu de William S. Burroughs, à Miss None et Mister Peanut, perruque désincarnée flottant dans les airs et mascotte de la marque américaine Planters, L’artiste donne vie à ses personnages définis par ce qu’ils ne sont pas.

Dans cette continuité, « Anna & the Jester dans La Fenêtre d’Opportunité », l’exposition inaugurale de Satellite 12, présente des œuvres qui, par le biais de la narration et de l’animation 3D, donnent corps et voix à des personnages qui, sinon, demeureraient anonymes et inanimés.
Composée de sculptures et d’un nouveau film, cette exposition se présente comme une critique de la transparence sous forme de conte architectural et raconte la curieuse rencontre entre une série de personnages, à la fois existants et imaginés, tout en brouillant la distinction entre réel et virtuel. » Présentation du Musée

L’auteure du mois – Marie Bashkirtseff (1858-1884)

Photo wikipédia

Marie Bashkirtseff (1858-1884)

Née dans une famille de l’aristocratie[1], en Ukraine, elle reçue une éducation assez complète : musique, dessin, langues, et littérature. Elle lut une grande partie des chefs-d’œuvre de la littérature grâce à son éducation très libérale..

Après la séparation de ses parents, en 1870, elle suivit sa mère et sa grand-mère à Nice puis à Paris. En 1877, où elle s’inscrivit à l’académie Jullian – L’école des beaux-arts étant réservé aux hommes -. Elle peignit une œuvre impressionnante (85 toiles, 55 dessins furent donnés au Musée de Saint-Pétersbourg). Elle exposa aux Salon de 1880, 1881,1883, et 1884 (La Parisienne, Jean et Jacques (1883), Un meeting (1884) conservé au musée d’Orsay , et un Autoportrait à la palette au musée Jules-Chéret à Nice.

Elle écrivit un journal, commencé à 17 ans et des lettres publiées en 1894 qu’elle adressa à sa famille et à Sully Prudhomme, Edmond de Goncourt, Émile Zola et Guy de Maupassant.

« Si je ne vis pas assez pour être illustre, ce Journal intéressera les naturalistes… Et je dis tout, tout, tout. Sans cela à quoi bon ! »                                                                                                                       La réunion     

« À 22 ans, disait-elle, je serai célèbre ou morte. »

« Ce Journal est un témoignage sur la condition des femmes à la fin du XIXe siècle, sur leurs rapports à la création et les conflits entre le moi mondain et le moi créateur. »[2]

Elle le traduit ainsi : « Ce pauvre journal qui contient toutes ces aspirations vers la lumière, tous ces élans qui seraient estimés comme des élans d’un génie emprisonné, si la fin était couronnée par le succès, et qui seront regardés comme le délire vaniteux d’une créature banale, si je moisis éternellement ! Me marier et avoir des enfants ! Mais chaque blanchisseuse peut en faire autant. À moins de trouver un homme civilisé et éclairé ou faible et amoureux. Mais qu’est-ce que je veux ? Oh ! vous le savez bien. Je veux la gloire ! Ce n’est pas ce journal qui me la donnera. Ce journal ne sera publié qu’après ma mort, car j’y suis trop nue pour me montrer de mon vivant. D’ailleurs, il ne serait que le complément d’une vie illustre. »

Féministe, elle publie plusieurs articles sous le pseudonyme de Pauline Orrel pour la revue La Citoyenne d’Hubertine Auclert en 1881.[3]

Elle mourut de la tuberculose à 26 ans . Elle désira être enterrée, drapée de blanc, les cheveux défaits et pieds nus. Elle marqua les esprits et fut une figure d’identification pour de nombreuses femmes.

Elle devint une icône pour les femmes des années trente, qui possédaient son journal comme livre de chevet.

Elle me fait penser à Marcelle Sauvageot, qui mourut aussi de la tuberculose très jeune.

Journal 1877-1879, L’Âge d’Homme, 1999 (ISBN 2-8251-1107-4)

Extraits, Mercure de France, Paris, 2000 (ISBN 2-7152-2196-7)

Marie Bashkirtseff et Guy de Maupassant, Correspondance, Éditions Actes Sud, 2001

Marie Bashkirtseff, Un portrait sans retouches, Colette Cosnier, Éditions Horay, 1985 (ISBN 978-2-7058-0463-3)

[1]     Dictionnaire des femmes célèbres, article, Lucienne Mazenod, Ghislaine Schoeller, Robert Laffont, paris 1992

[2] Le dictionnaire universel des créatrices, des femmes, Antoinette Fouque, Olga CAMEL Mon journal, 16 t., Apostolescu G. (éd.), Montesson, Cercle des amis de Marie Bashkirtseff, 1995-2005.

■ HÉLARD-COSNIER C., Marie Bachkirtseff ou le Journal censuré, l’Ukraine et la France au XIXe siècle, Paris/Munich, Sorbonne nouvelle, 1987.

[3] wikipédia

Exposition « Ladies by ladies »

Prolongation de l’exposition jusqu’au 14 avril 2018 et c’est une très bonne idée !

Toutes ces œuvres ont en commun de représenter des femmes par des artistes femmes. 15 artistes des XXe et XXIe siècle présentes dans la collection de Charles-Henri Filippi donnent leur vision de la condition des femmes, et livrent leur révolte, ou leur message dans une approche plastique. Il y a des créatrices méconnues mais dont le destin est singulier, ainsi Pauline Boty(britannique, (1938–1966), disparue à 28 ans, et disciple du pop art (mais oui un double de Richard Hamilton ?) . Vous pouvez admirer sa Marilyne sur cette photo. Elle utilise des images de célébrités et évoque la sexualité féminine. Ce portrait est très suggestif, et contient une certaine lascivité. Même si son nom est presque oublié aujourd’hui, elle a été la seule peintre féminine de la branche britannique du pop art, et une icône du féminisme des années 70. C’est lors d’un examen prénatal, qu’une tumeur est découverte. Elle refusa tout traitement par chimiothérapie qui aurait pu nuire au foetus. Voilà pour la petite histoire piochée chez nos amis anglais.Marie Vassilieff | Benoît NOËL et les Editions BVR 

J’aime aussi  Marie Vassilieff qui créa une académie dans les années 1910 pour aider les artistes immigrés et désargentés qu’elle fermera en 1914 pour créer une cantine populaire ! Marie, issue d’une famille aisée, fut d’abord destinée à la médecine, mais préférant l’art, elle vint à Paris, qui était à l’époque la capitale artistique de l’Europe.

« En 2016, la Villa Vassilieff reprenant les ateliers de Marie Vassilieff est inaugurée. Établissement culturel de la Ville de Paris, la Villa Vassilieff accueille quatre artistes par an. Elle est un centre de recherche autour de l’histoire du 21, avenue du Maine et du quartier des Montparnos via les archives publiques et privées. » source wikipédia

Une exposition lui a été consacrée cette année en janvier à Rueil Malmaison.  » Pour faire revivre ces années folles, la Ville accueille au château
de Vert-Mont quatre soirées-spectacles et une grande exposition sur Marie Vassiliev, peintre, décoratrice, costumière russe, élève de
Matisse, qui comptait parmi ses amis Cocteau, Paul Poiret, Picasso, Joséphine Baker ou Man Ray. »

Vous trouverez d’autres artistes plus ou moins connues : Valérie Belin, Tracey Emin, Nan Goldin, Louise Lawler, Sarah Lucas, Sarah Morris, Adrian Piper, Helen Rae, Germaine Richier, Niki de Saint Phalle, Laurie Simmons, Kudzanai Violet,  Hwami ,Marie Vassilieff, Billie Zangewa.

Billie Zangewa — Wikipédia
Billie Zangewa


Informations pratiques : ESPACE ART ABSOLUMENT 11, rue Louise Weiss Paris 13 01 45 70 88 17
Exposition Ladies by ladies Du vendredi 9 février au samedi 24 mars 2018. Prolongation jusqu’au samedi 14 avril 2018.

Bettina Rheims (28 janvier 2016 -27 mars 2016) Maison européenne de la Photographie – Paris

La vidéo ci-dessus est soumise à la limite d’âge mais rien de sulfureux, ne vous inquiétez pas, il faut pourtant suivre la procédure , aller sur You Tube et accepter les limitations.

En ce moment a lieu à la Maison européenne de la Photographie une rétrospective de l’œuvre de Bettina Rheims.

L’exposition se présente comme un cheminement sur trois niveaux, mêlant les œuvres les plus connues, des portraits de personnalités du monde de la mode ou des arts, à des photos plus confidentielles qui n’ont pas encore été exposées en France. Mais ce qui est questionnée avant tout par Bettina Rheims est la féminité et ses codes.  Cette recherche de l’identité des êtres, à travers leur mise à nu, afin de mieux saisir leur profondeur et leur intimité, sert de fil rouge jusque dans son exploration du genre.

Vignette Les femmes et l'ArtLe changement de sexe, pour ces hommes qui se sentent femmes, mais aussi l’androgynie où l’identité sexuelle reste volontairement floue, à travers la série des « Modern lovers » en 1990, les « Espionnes » (1992) et les Gender studies (2011) pose de manière cruciale la question de l’identité sexuelle. Les sujets sont nus à la fois leur corps mais aussi émotionnellement. Il n’est pas si évident d’être un homme ou une femme parce le sexe psychique ne correspond pas toujours au sexe biologique et au sexe social. Litterama tente d’explorer ces différents champs à travers la littérature mais plus largement à travers l’art. « Danish girl » récemment porté à l’écran, et nominé aux Oscars, et le livre de David Ebershoff que je suis en train de lire font écho à l’exposition de Bettina Rheims et plus largement aux questions du Temps.

 

J’ai intégré ici une vidéo qui présente son travail sur les « Gender studies » en langue anglaise, et dont on retrouve quelques portraits dans l’exposition en même temps qu’une installation sonore. Magnifique et passionnant.

L’autre partie de l’exposition, vraiment bouleversante, est la série des « Détenues », femmes photographiées en prison, reconstruisant l’image de leur féminité grâce au travail avec la photographe.

Si vous ne l’avez pas encore fait et que vous êtes en région parisienne, courez-y.

Prenez soin de vous – Sophie Calle

Sophie Calle, Prenez Soin de Vous, Arles, Actes Sud, 2007.
Chaque lecture de cette lettre de rupture qu’a reçue l’artiste en est une interprétation ou une analyse . Des femmes différentes utilisent la lettre comme matière première et la mettent en situation. La lettre écrite sort de son statut pour devenir l’objet d’une polyphonie, sans cesse relue dans une perspective différente.

Prenez soin de vous (version italienne)

« J’ai reçu un mail de rupture. Je n’ai pas su répondre.
C’était comme s’il ne m’était pas destiné. Il se terminait par les mots : Prenez soin de vous.
J’ai pris cette recommandation au pied de la lettre.
J’ai demandé à 107 femmes, choisies pour leur métier, d’interpréter la lettre sous un angle professionnel.
L’analyser, la commenter, la jouer, la danser, la chanter.
La disséquer. L’épuiser. Comprendre pour moi. Répondre à ma place.
Une façon de prendre le temps de rompre. À mon rythme. Prendre soin de moi. »

Mona Hatoum, l’écriture des corps, l’écriture du Monde

Mona Hatoum Beaubourg

Mona Hatoum – L’écriture des corps, l’écriture du Monde

Vignette Les femmes et l'ArtLe centre Pompidou présente une exposition complète de l’œuvre de Mona Hatoum, proposant un aperçu de la pluridisciplinarité de ses travaux depuis les années 70 à travers une centaine d’œuvres représentatives de la diversité des supports explorés par l’artiste : à savoir la performance, la vidéo, la photographie, l’installation, la sculpture et les œuvres sur papier.

Ce qui m’a intéressée, ici, pour Litterama, est la présence de l’écriture dans deux œuvres, Over my dead body, et la vidéo « Measures of distance ».
Elle s’est tout d’abord fait connaître par ses performances et ses vidéos dans lesquelles le corps se fait l’interprète d’une réalité parfois violente, contradictoire ou ambigüe. Mon corps est le point d’ancrage dans le monde, mais c’est par lui que je perçois la réalité qui m’entoure : la vision, le toucher, et tous les autres sens m’informent de ce qui s’y passe.

Over my dead body (1988-2002), sur cette œuvre grande comme un panneau publicitaire, Mona Hatoum se représente de profil, regardant un soldat en plastique posé sur son nez. Elle joue de l’échelle pour inverser les relations de pouvoir en réduisant le symbole de virilité à une petite créature, pas plus grande qu’une mouche que l’on pourrait chasser d’un geste. le texte pourrait être interprété de deux manières : soit le corps est déjà mort symboliquement même s’il apparaît vivant, ou alors, « Il faudra me passer sur le corps, je résisterai jusqu’au bout. »

Dans les années 70, elle s’en éloigne pour se tourner vers la sculpture et l’installation à grande échelle. Cages, grilles, grillages témoignent de l’enfermement, de la séparation, de la guerre. Et là encore, le corps est fait prisonnier, il est pris comme otage, reclus, séparé, subit la contrainte, pris entre des désirs contradictoires, subissant la violence du pouvoir et de ses normes concentrationnaires, refoulant ses désirs.

Pour Mona Hatoum, tout ce qui provient du corps est digne, elle utilise ses cheveux, ses rognures d’ongle, les excrétions.

L’oeuvre « Light sentence » est constituée de boxes grillagés carrés, empilés les uns sur les autres pour créer un enclos à trois côtés plus haut que la taille humaine. les boxes ont l’aspect de clapiers pour animaux mais peuvent aussi évoquer l’architecture institutionnelle.

Les meubles et autres objets familiers, qui occupent une place prééminente dans sa production témoignent d’une réalité marquée par un environnement suspicieux, insidieux et hostile.

Mona Hatoum elle même remarque que le maître mot aujourd’hui est la surveillance, et qu’elle a été frappée lors de son arrivée en Angleterre par le nombre de caméras qui filmaient.
Une partie de son œuvre rend compte d’une réflexion sur le corps, de son écriture, de ses empreintes, et l’autre d’un monde en proie à la violence des hommes.

Measures of distance (1988) Cette vidéo montre sa mère en train de prendre sa douche et en transparence, les lettres qu’elle lui écrivait. On entend la voix de Mona Hatoum qui lit ces lettres. On devine la souffrance de la séparation inscrite dans ce corps nu sous la douche. Voix qui provient du plus intime de l’être. Le texte apporte un message contradictoire, il dit le manque, la souffrance des familles séparées par l’exil, alors que ce corps paraît insouciant sous la douche. mais de la même façon que chaque jour on se lave, chaque jour la séparation s’inscrit dans le  corps. Sur le plan esthétique, le texte apparaît comme un rideau de douche.

Photo Héloïse R. D Centre Pompidou
« Twelve windows »(2012-2013) présente douze pièces de broderie palestinienne, œuvre d’Inaash, l’Association pour le développement des camps palestiniens, une ONG libanaise créée en 1969 pour donner du travail aux femmes palestiniennes dans les camps de réfugiés au Liban et préserver un art traditionnel menacé d’extinction par la dispersion des Palestiniens dans la région. Ces pièces de tissu sont normalement portées sur les robes de mariée.

Née en 1952 à Beyrouth de parents palestiniens, Mona Hatoum est en visite à Londres en 1975 lorsque la guerre civile éclate au Liban. Dans l’impossibilité de rentrer, elle reste à Londres où elle étudie l’art. De nationalité britannique, elle demeure au Royaume-Uni après la fin de ses études. Depuis 2003, elle partage son temps entre Londres et Berlin.

LITTERAMA copieSources : présentation Centre George Pompidou, vidéo de l’artiste, visite personnelle de l’exposition.

Mona Hatoum au Centre George Pompidou jusqu’au 28 septembre. A ne pas rater !

Vignette Les femmes et l'Art