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Paroles de poétesse : Anne Sexton

Anne Sexton, détail

« Si j’écris rats et je découvre que rats lit star à l’envers […] alors est-ce que star n’est pas vrai ? […] Je sais bien sûr que les mots sont un jeu qui raconte, je le sais jusqu’à ce qu’ils commencent à s’arranger de sorte qu’ils écrivent quelque chose mieux que je ne pourrais jamais le faire. […] Tout ce que je suis est l’artifice des mots s’écrivant eux-mêmes. » Lettre au Dr Orne, D. W. Middlebrook p 82

 » If I write RATS and discover that rats reads STAR backwards […] then is star untrue ? Of course, I KNOW that words are just a counting game, I know this until the words start to arrange themselves and write something better than I would ever know. […] All I am is the trick of words writing themselves. »

Anne Sexton, « Tu vis ou tu meurs », oeuvres poétiques (1960-1969) » bientôt disponible en France

Et nous sommes de la magie se parlant à elle-même,

bruyante et solitaire. Je suis la reine de tous mes vices

oubliés. Suis-je toujours égarée ?

Jadis j’étais belle. Maintenant je suis moi-même,

comptant des mocassins rangée après rangée

sur l’étagère muette où ils continuent d’espérer

Cela faisait des années que j’attendais cela, et ce sont les Edition « des femmes – Antoinette Fouque » qui ont réalisé ce rêve de voir enfin traduites, en France, les oeuvres poétiques d’Anne Sexton ! Prix Pulitzer en 1967 pour « Live or Die », immense poétesse qui devint une figure marquante du confessionalisme américain incarné par le poète Robert Lowell, Anne Sexton(1928-1977) est l’autrice d’une oeuvre poétique composée de plus d’une dizaine de recueils. Elle s’est vue décerner de nombreux titres honorifiques dans des universités telles que Harvard, Colgate ou encore Boston.

Son style est novateur et transgressif, d’une incroyable modernité, les menstruations, l’avortement, le lien matriciel ou l’inceste et la psychanalyse sont parmi les thèmes de cette poésie iconoclaste. Poétesse tourmentée, à la biographie parfois polémique (voir Diane Wood Middlebrook, Anne Sexton, a biography), qui finira par se suicider, à l’instar de Sylvia Plath, et dont le poème « Mercy Street » a fait l’objet d’une chanson par Peter Gabriel, son oeuvre mérite d’être davantage connue en France.

Le 13 janvier 2022 paraîtra « Tu vis ou tu meurs », oeuvres poétiques (1960-1969) », traduit de l’anglais par Sabine Huynh, et présenté par Patricia Godi. Cette édition réunit les quatre premiers recueils d’Anne Sexton (1928-1977) publiés dans les années soixante.

« Chaque être en moi est un oiseau.
Je bats toutes mes ailes.
Ils voulaient te retrancher de moi
mais ils ne le feront pas.
Ils disaient que tu étais infiniment vide
mais tu ne l’es pas.
Ils disaient que tu étais si malade que tu agonisais
mais ils avaient tort.
Tu chantes comme une écolière.
Tu n’es pas déchirée. »
A. S., Pour fêter ma matrice

Anne Sexton

Auteure du mois (avril) – Pauline Johnson /Tekahionwake

Description de cette image, également commentée ci-après

Pauline JOHNSON (ou TEKAHIONWAKE ) (1861 Brantford-1913 Vancouver) , Poétesse, auteure dramatique et actrice canadienne.

D’origine mohawk par son père et anglaise par sa mère[1], elle est surtout connue pour ses poésies célébrant la culture des Amérindiens du Canada. Issue d’une double culture, élevée dans la réserve des Six-nations en Ontario, elle est nourrie par la poésie romantique anglaise du côté de sa mère et par les légendes innues racontées par son père. Son grand-père joue un rôle important dans sa passion pour la culture amérindienne, elle adopte son nom de famille qui signifie « double wampum », signifiant « double vie ». Sa poésie évoque son héritage amérindien, magnifie l’amour, les paysages et le mode de vie du Canada et quelques-uns de ses poèmes paraissent dans la revue revue Gems of Poetry, en 1884 et The Globe and MailThe Week ou Saturday Night.

Vêtue d’un costume traditionnel indien, elle récitera ses poèmes dans les salles de spectacle du Canada, des États-Unis et de l’Angleterre . Elle acquit quelque célébrité.

Son premier recueil de poésie, The White Wampum, est publié en Angleterre, en 1895, suivi de Canadian Born, en 1903, et de Flint and Feather (« silex et plume »), en 1912.[2]

Atteinte d’un cancer su sein, elle continue cependant à écrire. Après sa mort, son poème The song my paddle sings est apprise aux écoliers canadiens. Il y aura un regain d’intérêt pour son œuvre dans les années vingt dû à son statut de première poétesse autochtone ayant réussi à vivre de sa plume.

Des critiques récents attribuent certains stéréotypes de ses portraits au public et à sa vision des « natives » forcément limitée. Pour une femme, et plus encore pour une auteure revendiquant ses racines amérindiennes, écrire c’était aussi s’adapter.

[1] Wikipedia

[2] Dictionnaire universel des créatrices, Antoinette Fouque, des femmes

The song my paddle sings

L’auteure du mois (Décembre) – Ann Bradstreet (1612-1672), première poétesse américaine

L’auteure du mois : Ann Bradstreet (Northampton, Angleterre, 1612- North Andover, Massachussets, 1672). Bien qu’elle n’aille pas à l’école, elle reçoit une excellente éducation, ce qui était assez rare à l’époque ; son père est appelé « le dévoreur de livres ». Elle bénéficie de la tradition Élisabéthaine qui encourage la culture féminine[1].

Née en Angleterre, elle épousa à seize ans Simon Bradstreet et s’installa en 1630 en Nouvelle-Angleterre en compagnie de son mari et de ses enfants[2]. Son père, Thomas Dudley, devint gouverneur de la Massachussets Bay Colony, Simon Bradstreet fut lui aussi nommé Gouverneur. En 1640, elle eut le premier de ses huit enfants. Elle abandonne le confort d’une vie d’aristocrate contre la rude vie des colonies.

Son mari étant fréquemment absent, elle passe ses jours et ses nuits à lire, dévorant la vaste collection de livres de son père : elle lit Thucydide, Plutarque, Ovide, Suétone, Homère, Hésiode, Milton et Hobbes. Elle possédait une vaste culture qui embrassait autant la religion que les sciences , l’histoire, l’art ou la médecine.

On dit que sa bibliothèque rassemblait plus de 800 ouvrages !

Ses premiers poèmes sont assez conventionnels, basés sur des sujets domestiques et religieux mais reflètent les conflits émotionnels et religieux qui l’agitent en tant que femme écrivain et les prescriptions rigoristes du puritanisme qui s’opposent à sa vocation. La sensualité, les beautés et les plaisirs du monde terrestres s’opposent souvent à l’expérience domestique et les promesses de la religion d’une vie au-delà. Si ses poèmes traduisent sa foi, ils expriment aussi, de manière ambivalente, les tensions entre l’âme et le corps.

La première édition de ses poèmes, subtilisés par son beau-frère, se fit en Angleterre en 1650 sous le titre  The Tenth Muse Lately Spung up in America. Plus tard reconnus comme les siens, de l’avis de ses homologues masculins, prouvaient qu’une femme éduquée pouvait produire des œuvres considérées comme socialement acceptables par les hommes. Il fallut attendre 1678 pour qu’elle soit publiée à Boston, devenant ainsi la première poétesse anglaise des Etats-Unis. La plupart de ses poèmes sont influencés par sir Philip Sidney et par le poète français Du Bartas. Elle publia aussi des discours poétiques sur la symbolique des quatre saisons, un dialogue entre la métropole et la Nouvelle-Angleterre ainsi qu’une histoire en vers fondée sur History of the world de Raleigh. Sa réputation reste cependant liée à des poèmes plus tardifs et plus courts, où elle se montre plus personnelle et moins dépendante des conventions poétiques, ainsi ce poème sous forme de sonnets élisabéthains.

To my dear and loving husband[3]

If ever two were one, then surely we.

If ever man were loved by wife, then thee.

If ever wife was happy in a man,

Compare with me, ye women, if you can.

I prize thy love more than whole mines of gold,

Or all the riches that the East doth hold.

My love is such that rivers cannot quench,

Nor ought but love from thee give recompense.

Thy love is such I can no way repay;

The heavens reward thee manifold, I pray.

Then while we live, in love let’s so persever,

That when we live no more, we may live ever.

[1] https://www.poetryfoundation.org/poets/anne-bradstreet

[2] Dictionnaire des femmes célèbres, article, Lucienne Mazenod, Ghislaine Schoeller, Robert Laffont, paris 1992

[3] https://www.poetryfoundation.org/poems/43706/to-my-dear-and-loving-husband

Photo : GNU Free Documentation License

Lettre d’amour de Sylvia Plath

vignette les femmes et la poésie

Lettre d’amour

Pas facile de formuler ce que tu as changé pour moi.

Si je suis en vie maintenant, j’étais morte alors,

Bien que, comme une pierre, sans que cela ne m’inquiète,

Et je restai là sans bouger selon mon habitude.

Tu ne m’as pas simplement un peu poussée du pied, non-

Ni même laissé régler mon petit œil nu

A nouveau vers le ciel, sans espoir, évidemment,

De pouvoir appréhender le bleu, ou les étoiles.

                                         ♥

Ce n’était pas ça. Je dormais, disons : un serpent

Masqué parmi les roches noires telle une roche noire

Se trouvant au milieu du hiatus blanc de l’hiver –

Tout comme mes voisines, ne prenant aucun plaisir

A ce million de joues parfaitement ciselées

Qui se posaient à tout moment afin d’attendrir

Ma joue de basalte. Et elles se transformaient en larmes,

Anges versant des pleurs sur des natures sans relief,
mais je n’étais pas convaincue. Ces larmes gelaient.

Chaque tête morte avait une vision de glace

                                         ♥

Et je continuais de dormir, repliée sur moi-même.

La première chose que j’ai vue n’était que l’air

Et ces gouttes prisonnières qui montaient en rosée,

Limpides comme des esprits. Il y avait alentour

Beaucoup de pierres compactes et sans aucune expression.

Je ne savais pas du tout quoi penser de cela.

Je brillais, recouverte d’écailles de mica,

Me déroulais pour me verser tel un fluide

Parmi les pattes d’oiseaux et les tiges des plantes.

Je ne m’y suis pas trompée. Je t’ai reconnu aussitôt.

                                         ♥

L’arbre et la pierre scintillaient, ils n’avaient plus d’ombres.

Je me suis déployée étincelante comme du verre.
J’ai commencé de bourgeonner tel un rameau de mars :

Un bras et puis une jambe, un bras et encore une jambe.

De la pierre au nuage, ainsi je me suis élevée.

Maintenant je ressemble à une sorte de dieu

Je flotte à travers l’air, mon âme pour vêtement,

Aussi pure qu’un pain de glace. C’est un don.

English: Digital image of Sylvia Plath's signature
English: Digital image of Sylvia Plath’s signature (Photo credit: Wikipedia)

Extrait de Sylvia Plath , Oeuvres, IN-Quarto Gallimard

Martine ce matin évoque la poésie  d’ Anne Bihan

En ce dimanche donc poetisons-Martine

Edna Saint Vincent Millay – L’histoire d’une vie

edna-st-vincent-millay-

   Edna saint Vincent Millay est une poétesse américaine (Rockland, Maine, 22 février 1892-Austerlitz, New-York,19 octobre 1950)

Elle fut élevée en compagnie de ses deux sœurs par sa mère, Cora, après que cette dernière eut demandé à son mari de quitter la maison en 1899. – Cora exigea que ses filles soient indépendantes et ambitieuses et leur inculqua une solide formation musicale et littéraire.

Son premier grand poème Renaissance est publié alors qu’elle n’a que 19 ans et attire immédiatement l’attention, ce qui lui permet d’intégrer le Vassar College.

Diplômée de Vassar College en 1917, où elle se lia avec la comédienne britannique Wynne Mattison., elle publia son premier volume de poèmes la même année : Remanescence and Other Poems. Son œuvre rencontra le succès grâce à la maîtrise technique, la fraîcheur  de son écriture. Il se confirma avec un nouveau recueil « A few Figs from Thistles (1920), qui l’imposa comme le type de la femme nouvelle et émancipée, à la fois « romantique et cynique » à travers des poèmes comme « The Penitent » et « My candle Burns at both ends »

Son style de vie bohème et non conventionnel et ses nombreuses histoires d’amour renforçait cette image d’une femme libre. Elle utilisait le pseudonyme de Nancy Boyd.

            Elle s’installa à Greenwich Village et s’intégra à un groupe d’auteurs, d’acteurs et d’artistes, originaires de Provincetown, The Provincetown Players et écrivit pour eux «  The Princess Marries the Page (1918, publié en 1932), Aria da capo (1919, publié en 1921) et Two slatterns and a king (1921), fantaisies satiriques en un acte.

De nombreux autres livres de poésies suivirent, dont « The ballad of the Harp Weaver qui lui valut le prix Pullitzer de poésie en 1923.

« En 1927, elle confirme son côté engagé qui s’est déjà manifesté dans des écrits contre la guerre et pour la défense des droits des femmes en militant dans l’affaire Sacco et Vanzetti, et elle publie la veille de leur exécution un poème, Justice Denied in Massachusetts dans le New York Times, du 22 Août. 1927. » source Poezibao

            Elle est aussi l’auteur d’un livret d’opéra, « The King’s Henchmann (1927) et d’une traduction des Fleurs du mal de Baudelaire (1936).

Après sa mort, soixante-six poèmes posthumes ont été publiés sous le titre « Mine the harvest (1954), ainsi que sa Correspondance (1952) et l’ensemble des poèmes « Collected poems » (1956).

            La journaliste et humoriste Dorothy parker a laissé un témoignage de l’impact exercé par Edna Millay sur toute une génération.

« Nous marchions toutes sur les traces de Mrs Millay. Nous étions toutes brillantes et galantes, déclarant que nous n’étions plus vierges même si nous l’étions. Belle comme elle l’était, Mrs Millay a fait beaucoup de mal avec ses chandelles brûlant par les deux bouts… Elle faisait paraître la poésie si facile, que nous pensions toutes pouvoir en faire. Mais nous ne pouvions pas, évidemment. »

Elle avait épousé en 1923 un homme d’affaires, Eugen Boissevain.

« La revue Europe qui publie un dossier sur elle dans son numéro 914-915 de juin-juillet 2005 avec une présentation et des traductions de plusieurs sonnets (Millay est particulièrement réputée pour avoir écrit dans cette forme) ainsi que Déni de justice au Massachusetts par Claude Dandréa. (source : Poezibao) »