Archives pour la catégorie Collections des maisons d’édition

Une nouvelle collection « Les inconnues » aux éditions de l’Arbre Vengeur

Je n’ai rien contre les conversions tardives, et celle d’Eric Dussert, qu’il commente dans la quatrième de couverture, (« Aurais-je été misogyne sans le savoir », se demande-t-il) de « Cachées par la forêt » a le mérite du courage de la part de ce fin lettré, directeur de collection à « L’Arbre Vengeur », et critique littéraire pour un certain nombre de journaux et revues. Et d’ailleurs, grâce à lui, si je connaissais certaines autrices, j’en ai découvert beaucoup d’autres.

Il aura participé à la visibilité de quelques-unes de ces autrices qui émaillent l’histoire littéraire.

Je n’ai pas trouvé qui dirige cette nouvelle collection, mais elle est très prometteuse. Deux titres sont déjà publiés et un troisième est promis pour 2024. Il s’agira de « Une mesure pour rien » de Josette Clotis, disparue prématurément à l’âge de 34 ans. Non, non, je ne vous dirai pas de qui elle a été l’épouse ou la maîtresse et je vous recommande de ne rien lire sur elle avant de la lire, elle. En tout cas, l’arbresse vengeresse a encore frappé !

Les « plumées » des éditions Talents Hauts

Les   éditions Talents Hauts mettent en avant le matrimoine littéraire à travers une collection « Les Plumées ». Plumées dans tous les sens du terme, elles l’ont été. D’une part, parce qu’elles ont un incontestable talent et une vraie « plume » et d’autre part, parce qu’elles ont été spoliées de leur postérité ou de leur notoriété et rendues invisibles. Comment juger de la valeur d’une œuvre dans l’Histoire littéraire ? Quels sont les critères qui la rendent digne d’y figurer ? Les œuvres ou les formes qu’elles empruntent ont-elles marqué leur siècle ? De toute évidence, les thématiques, les grands sujets quel que soit le domaine de l’art sont interdits aux femmes jusqu’au XXe siècle, la guerre, la politique, tous les domaines proches du pouvoir. Les femmes ne sont pas vraiment sur les champs de bataille, dans leur majorité, elles sont interdites dans la plupart des métiers, à part ceux où elles sont subalternes, et ne peuvent pas faire d’études supérieures. Julie Victoire Daubié sera la première à obtenir le baccalauréat le 17 août 1861.

Les femmes vont donc employer la stratégie du contournement et s’employer à combattre les difficultés qu’elles rencontrent. Elles vont écrire et, pour certaines, payer très cher, intimement et socialement, cet engagement.

L’éditrice rappelle les différents processus d’invisibilisation auxquels vont avoir à faire les femmes :

  • L’effacement : elles sont salonnières, soutiennent et diffusent les idées mais s’effacent derrière leurs protégés.
  • L’appropriation : elles participent à l’élaboration d’une œuvre  mais n’en retirent aucune reconnaissance.
  • Le plagiat : des écrivains célèbres ont copié l’œuvre de leurs contemporaines. Ainsi Voltaire publie-t-il une pièce « Brutus » qui ressemble étrangement à celle de l’autrice Catherine Bernard décédée quelques années plus tôt (autrice reconnue puisqu’elle touchait une pension de Louis XIV). Voir Titiou Lecoq, Les grandes oubliées ou pourquoi l’Histoire a effacé les femmes.
  • La stigmatisation :des propos mysogines tournent en dérision les œuvres des femmes en présupposant une sorte de débilité congénitale du sexe féminin. Baudelaire reconnaît le talent de Marcelline Desbordes-Vallemore, pour ensuite le dévaloriser en le cantonnant dans la sphère du féminin.
  • La décrédibilisation :les précieuses ridicules, les « bas-bleus » sont autant d’appellations visant à se moquer des femmes qui écrivent. De nombreux dessins satiriques accompagnent ce travail de sape.
  • L’intériorisation des interdits et l’autocensure : la place mineure laissée aux femmes est intériorisée par les femmes elles-mêmes. L’anonymat des œuvres , le fait de prendre un pseudonyme masculin manifestent cet auto-censure. Une femme « publique » est l’égale d’une prostituée, elle doit rester dévouée à son mari et ses enfants.
  • J’ai commencé à lire dans cette collection et vous en parlerai plus tard.

Voici les œuvres phares dont certaines sont déjà chroniquées ici :

Marguerite Audoux – Marie-Claire

Fanny Raoul – Opinion d’une femme sur les femmes

Félicité de Genlis – La femme auteur

Marie-Louise Gagneur – Trois sœurs rivales

Marguerite Audoux – Marie-claire

Renée Dunan – Le jardin du bonheur

Georges de Peyrebrune – Victoire la Rouge

Félicité de Genlis – La femme auteur

Louise Colet – Ces petits messieurs

Gabrielle-Suzanne de Villeneuve La Belle et la Bête

Camille Bodin – Le monstre

Marceline Desbordes-Valmore La grâce de l’exil

Le métier de reine Violette 1

Charlotte-Adélaïde Dard – Les naufragés de la Méduse

Judith Gauthier – Isoline

Françoise Pascal – Le vieillard amoureux

Julia Daudet – L’enfance d’une parisienne

Fanny Raoul – Opinion d’une femme sur les femmes

Editer les femmes ? Rien que des femmes ?

Une nouvelle maison d’édition a vu le jour en mai 2021 qui met à l’honneur les autrices contemporaines. Les éditions Dalva publient une dizaine de livres par an en littérature française et étrangère, à travers des œuvres de fiction, des récits et des essais. Le nom de la maison est » un clin d’œil au livre éponyme de Jim Harrison. Dalva est une femme libre qui s’installe seule dans le ranch familial. Elle se réapproprie l’espace et sa vie, son histoire. »

Dans « Le Génie lesbien », un passage avait mis le feu aux poudres, où l’autrice Alice Coffin expliquait à propos des oeuvres des auteurs : « Je ne lis plus les livres des hommes, je ne regarde plus leurs films, je n’écoute plus leurs musiques. J’essaie du moins. L’art est une extension de l’imaginaire masculin. Ils ont déjà infesté mon esprit. Je me préserve en les évitant. »

Toute une génération de femmes a été privée de références à l’imaginaire féminin, si tant est qu’il y en ait un, à l’art au féminin, sous toutes ses formes. En tout cas, pour ma part, je n’ai pas lu une seule oeuvre de femme jusqu’au lycée, ni Georges Sand, ni même Mme de La Fayette. De même pour les compositrices, qui semblaient n’avoir jamais existé où les peintresses, dont le féminin même résonne étrangement, tellement il a dû être peu usité. (Pourtant maîtresse ne choque personne).

Juliette Ponce explique ainsi son projet lors des interviews qu’elle a données à la presse : « Tous genres confondus, 65 % d’hommes sont publiés pour 35 % de femmes, et les grands prix littéraires institutionnels leur ont été largement moins attribués sur les vingt dernières années (25 %), même en incluant les années post #MeToo qui ont pourtant auguré de vrais changements. »

Les autrices ont appris à penser en dehors de ces zones de pouvoir dont elles ont été largement exclues. Elles ont dû faire ce pas de côté dont parle Geneviève Brisac dans « La marche du cavalier » et penser et créer à partir d’un « angle mort ».

Sans compter que leur accès à l’édition de leurs écrits s’est fait sous condition : respecter un genre féminin (roman sentimental, romance) ou publier sous un pseudonyme masculin. Au XIX e siècle, elles sont pléthore. Aujourd’hui encore, Juliette Ponce fait remarquer que « Les femmes sont surreprésentées en romance, dans le livre pratique et naturellement sur les tables de librairie traitant du féminisme et de la question du droit des femmes. »

Les éditions des femmes-Antoinette Fouque étaient nées de cette même nécessité militante de porter les oeuvres des femmes peu présentes sur la scène éditoriale des années soixante-dix.

Dalva apporte un point de vue un peu différent mais complémentaire :

«  C’est comme ça qu’est née l’idée de Dalva : porter des voix de femmes, avec des récits qui mettent en scène des thématiques sur lesquelles on les attend moins, comme les sciences. »

L’équipe de Dalva :

Litterama accompagne cette jeune maison avec enthousiasme à travers un premier opus qui sera chroniqué ici : « L’Octopus et moi » de Erin Hortle.

Eliane Viennot, chercheuse magnifique et engagée !

Eliane Viennot est une chercheuse magnifique et engagée. Grâce à elle et quelques autres de ses contemporain-e-s, de très beaux textes nous parviennent, entre autres, par l’entremise d’une collection que j’ai découverte récemment, « La cité des dames », aux Publications de l’Université de Saint-Etienne.

Je me suis procuré les anthologies sur le théâtre, que je chroniquerai bientôt – enfin dans l’année, ce sont les mésaventures des doubles vies, on peut pas toujours être bouchère et blogueuse à la fois ! (Je plaisante, seulement pour la bouchère)

Éliane Viennot est une linguiste et historienne de la littérature française. Elle est professeuse émérite de littérature française de la Renaissance à l’université Jean-Monnet-Saint-Étienne.

Elle présente elle-même cette collection sur son site : « La collection, qui porte symboliquement le nom du premier manifeste féministe connu (Christine de Pizan, 1404) propose des écrits des femmes de l’Ancien Régime en livres de poche. Elle vise à faciliter l’accès aux grands textes ou à des types d’écrits peu connus mais importants du point de vue de l’histoire littéraire, de l’histoire des idées, de l’histoire tout court. Les textes sont édités par les meilleur/es spécialistes des femmes concernées. Ils sont complets dans la mesure du possible, en extraits si trop volumineux, regroupés en anthologie si nécessaire. Ils sont reproduits en orthographe et ponctuation modernisées. Les volumes sont dotés d’un appareil critique léger. »

Mémoires et discours de Marguerite de Valois (1574-1614), éd. Éliane Viennot, 2004, 228 p

Les Angoisses douloureuses qui procèdent d’amour (1543) d’Hélisenne de Crenne, éd. Jean-Philippe Beaulieu, 2005, 380 p.,

L’Histoire des favorites de Mme de La Roche Guilhen (1697), éd. Els Höhner, 2005, 412 p.,

Les Enseignements d’Anne de France à sa fille (1505), suivis de l’Histoire du siège de Brest, éd. Tatiana Clavier & Éliane Viennot, 2006, 148 p.,

Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, vol. 1, XVIe siècle, éd. Aurore Evain, Perry Gethner, Henriette Goldwyn, 2006, 568 p., 10€ – Anthologie reprise par les éditions Classiques Garnier.

Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, vol. 2, XVIIe siècle, éd. Aurore Evain, Perry Gethner, Henriette Goldwyn, 2008, 623 p., 15€ – Anthologie reprise par les éditions Classiques Garnier.

Les Épîtres familières et invectives ; le Songe de Madame Hélisenne d’Hélisenne de Crenne (1543), éd. Jean-Philippe Beaulieu, 2008, 187 p.

Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, vol. 3, XVIIe-XVIIIe siècles, sous la dir. d’Aurore Evain, Perry Gethner, Henriette Goldwyn, 2011, 610 p., 17€ – Anthologie reprise par les éditions Classiques Garnier.

A paraître

Traités sur l’excellence des femmes et autres éloges de la Renaissance, Anthologie, éd. Renée-Claude Breitenstein.

Quelques-unes de ses publications :

  Marguerite de Valois    

Les Actes du Colloque international au Château de Nérac, les 21-23 octobre 2015, Marguerite de Valois, 1615-2015 (voir programme), sont en cours de publication. Ils paraitront aux PUR sous le titre : Autrice, mécène, inspiratrice:  de Marguerite de Valois à la Reine Margot

Une exposition virtuelle, consacrée aux
représentations télévisuelles de la reine Margot
par Julien Centrès,  lien vers l’exposition
lien vers la chaine youtube de l’Ina

Collection « Nos héroïnes » chez Grasset

Cette nouvelle collection est dirigée par Caroline Fourest et Fiammetta Venner
Cette collection vise à répondre à la question : « Qu’est-ce qu’une héroïne ? »
Elle s’attache à réunir des vies de femmes dont la vie a été éclairée et bouleversée ou a pris sens à travers une cause, un combat.

La mélancolie ouvrière de Michelle Perrot
Michelle Perrot raconte l’histoire de Lucie Baud, ouvrière qui en 1905 mène la révolte dans les usines textiles de Vizille et Voiron. Elle a laissé un texte autobiographique, publié dans une revue syndicaliste et l’on sait qu’elle a fait une tentative de suicide. Michelle Perrot tente de combler les silences de son histoire.

« L’idée d’une tombe sans nom » de Sandrine Treiner « Ne venez pas. Nous nous sommes trompés ». Manya Schwartzman, jeune révolutionnaire, quitte sa terre natale, la Bessarabie, pour construire le socialisme en Union soviétique et disparaît en 1937 dans les grandes purges staliniennes après ce dernier message aux siens.
Parce que l’idée d’une tombe sans nom lui déplaît, Sandrine Treiner mène l’enquête pour arracher son héroïne à l’anonymat des fosses communes.

Le troisième et dernier titre est Noire La vie méconnue de Claudette Colvin de Tania de Montaigne.

     tania de montaigne noire

Rencontre autour de la poésie féminine

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Jeudi 30 mai de 19H00 à 21H30 aura lieu une rencontre autour de quelques-unes des auteures publiées par cette maison d’édition dont le dynamisme et les valeurs sont une belle nouvelle en cette grisaille d’un printemps qui ne veut pas venir. La poésie permet d’améliorer les conditions atmosphériques sinon extérieures du moins intérieures et le tandem Bruno Doucey/Murielle Szac fonctionne parfaitement pour nous donner des événements littéraires qui ne sont pas si fréquents. Il faut donc les encourager et les soutenir !

«  Faire entendre ces voix de femmes en poésie publiées dans cette magnifique édition Bruno Doucey, c’est ouvrir mon exploration sur les genres et les stéréotypes avec un voyage qui est promesse de joie. En matière de poésie, trois sexes ne suffisent pas. » (Elsa Solal)

La Maison des métallos et les Éditions Bruno Doucey vous convient à découvrir et à entendre quelques-unes des auteures publiées par cette maison d’édition, exclusivement consacrée à la poésie. Une poésie vivante et généreuse, qui renoue joyeusement avec l’oralité, mais aussi une poésie qui lutte et se bat. C’est ainsi que vous entendrez en arabe et en français la poétesse syrienne Maram al-Masri lire notamment son dernier recueil consacré à la révolution en Syrie Elle va nue la liberté, des extraits de Comme si dormir lus par la française Laurence Bouvet et des poèmes lus par la jeune occitane Aurélia Lassaque. Bruno Doucey et Murielle Szac feront entendre les voix de la coréenne Moon Chung-hee, de la française Jeanne Benameur, de la mauricienne Ananda Devi et de poétesses haïtiennes. Les lectures sont accompagnées par le musicien Christophe Rosenberg. »

http://www.maisondesmetallos.org/2013/03/13/voix-de-femmes-en-poesie

Elan d’elles – Collection d’Elan sud – Muriel Rossi/Les centiments

J’aimerais présenter la collection « Elan d’elles », créée par la maison d’édition Elan Sud et que je trouve particulièrement intéressante dans son projet.

Cette collection est présentée comme résolument « féminine » sans être « féministe », et rassemble des textes intimistes dans lesquelles la voix singulière d’une femme se fait entendre, révélant la difficulté qu’il y a parfois à être « Femme d’ici ou d’ailleurs dans un monde résolument masculin. »

      Son intérêt réside aussi dans le fait qu’il s’agit d’une collection, et non de l’ensemble des publications, comme le font les éditions « Des femmes » ou « Le chèvrefeuille étoilé », qui s’insère ainsi harmonieusement dans une pluralité de démarches et de voix.

 J’ai lu le premier livre de la collection, celui de Mireille Rossi, « Les centiments », « Toute petite unité de mesure à valeur fluctuante ».

Les-centiments

  L’objet « livre » est très soigné, la pagination élégante et la qualité du papier comme de l’impression assurent une lecture confortable.

J’ai lu ce livre d’une traite, en une après-midi. Il s’en émane un charme subtil, une atmosphère feutrée, une lecture à mi-voix, qui ont fait qu’une fois commencé je ne l’ai plus lâché.

On renoue ici avec une tradition liée au féminin en littérature, l’exploration de la sphère de l’intime et des sentiments qui, parce qu’elle n’est pas exclusive et ne cherche pas à être un genre où l’on cantonne l’écriture féminine, trouve sa place  et se réinvente dans notre modernité.

        Mireille Rossi pose la question de l’écriture et de la création et interroge cette nécessité  , cette urgence que ressent celui qui écrit à « contresigner ce que d’autres vivent sans en faire de copie ». Elle l’enracine dans un texte où s’organisent de nombreuses filiations, à la mère, à sa grand-mère mais aussi à l’enfant qui ne naîtra pas. Elle y établit aussi la genèse de son désir d’écrire et de raconter ce qu’elle observe et les gens qu’elle croise, qu’elle devine. Elle prouve si besoin n’était qu’il n’y a pas de création ex-nihilo, mais qu’on crée avec son propre fond au sein d’une histoire singulière dans un réseau de relations et dans un espace déterminé. Elle explore toutes ces figures dans sa relation à l’impossible amant, relation démultipliée à l’infini dans d’autres histoires où la quête est tout aussi problématique.

Si raconter c’est tisser, Mireille Rossi utilise souvent l’image des fils de soie , du cordon qui la relient de tous les endroits d’où elle vient à tous ceux où elle va au fil des saisons qui rythment le récit et le clôt également sur lui-même. Elle raconte et se raconte, se livre et se délivre dans des pages où le ton est aussi parfois celui de la confidence plus que de la confession, le ton celui du murmure, explore les failles et les blessures, les absences et les deuils qui donnent aux sentiments ce goût de cendre et de mélancolie.