Archives pour la catégorie D’ici et d’ailleurs…

Sursum Corda – Véronika Boutinova/ Ver à soie Virginie Symianec éditrice

Sursum Corda est un roman attachant, parfois déconcertant, tissant les voix de deux amoureux aux personnalités originales, fortes et sensibles, séparés par des frontières qui sont autant géographiques que métaphysiques ou psychologiques.

Virginie Symianec tente de « Dérouler les fils – y compris de la pensée -, les attacher au métier, les tresser, les entrelacer, tisser des liens – du texte donc -, y compris avec d’autres sociétés, explorer les trames de nos imaginaires et les raisons de nos solitudes, c’est bien là ce que font concrètement tous les éditeurs. » Elle possède un souffle profond. Infatigable chercheuse, elle mérite votre intérêt et un bon accueil.

Littérature de l’ailleurs, d’un ailleurs proche et douloureux, qui pose la question, chère à l’éditrice, du mouvement en littérature : textes  » comme des invitations sans cesse renouvelées à concevoir l’écriture comme le témoignage d’une quête, d’un déplacement ou d’un décentrement propres aux multiples formes de l’expérience exilique. »

Zuka est le fruit d’une histoire violente et contrariée, contraint au déplacement forcé durant l’éclatement de l’ancienne Yougoslavie (1991-95). Jusqu’à sa réannexion par les croates, la Krajina de Knin, où il est né et a grandi, était majoritairement peuplée de Serbes qui ont expulsé la population croate en 1991 et a été reconquise par les forces croates durant l’été 1995. L’amour peut-il être le lieu d’une résilience, lorsque deux êtres ont vécu des événements traumatisants ?

Comment l’Histoire nous modèle-t-elle à nos corps défendant ? Comment l’amour, qui est une histoire de corps, incarne-t-il ou sublime-t-il les violences de l’Histoire ?Zuka et Charlotte sont séparés une grande partie du temps, dans une Europe aux frontières étanches, mais lorsqu’ils se retrouvent, leur bonheur est toujours en équilibre, sur un fil, au bord de la fracture. Ils cherchent à garder « le lien cosmique » qui les unit, mais ne peuvent pas plus vivre l’un avec l’autre, que l’un sans l’autre.

Charlotte vit dans une péniche, qui se délabre, mouvement arrêté sur cet élément fluide. Elle pourrait larguer les amarres; mais quelque chose l’en empêche qui est de l’ordre du lieu et de l’appartenance.

Ce roman est le roman de leurs voix, de leur amour, de leurs contradictions, de leur grandeur et leurs faiblesses. A écouter, à lire, aux éditions du Ver à soie.

Catherine Benhamou – Ana ou la jeune fille intelligente

Catherine Benhamou Ana ou la jeune fille intelligente des femmes Antoinette Fouque, Paris, 2016

J’ai rencontré la belle écriture de Catherine Benhamou, lors d’un apéro littéraire organisé par une autre belle écrivante, Sarah Pèpe, à travers la lecture publique de « Nina et les managers », lecture vivante et jouée,  du texte qu’il m’avait fallu interroger et avec lequel j’étais entrée en résonance et aussi dans une forme de connivence, si tant est que l’écriture est charnelle et parle autant au corps qu’à l’esprit.

Cela faisait longtemps que je souhaitais lire et voir « Ana ou la jeune fille intelligente », j’avais manqué les dernières représentations à Paris, et je me promettais de lire ce texte car Catherine Benhamou, à l’instar de quelques rares autres,  a ce talent de faire vivre un texte dramatique sans représentation. Les mots créent assez d’espace et de liberté pour créer des images, il s’incarne avec force dans notre lecture intérieure, il s’anime et se joue, pour nous seul.e.s, spectateur ou spectatrice. Il se met en scène. A la lecture, j’entendais les voix, je jouais tous les personnages.

La puissance et la poésie de ce texte, sa mélancolie, lui donne une certaine autonomie et surtout, une grande beauté.

D’une histoire somme toute banale, une très jeune fille mariée  à un homme plus âgé qui vit en France, Catherine Benhamou, crée un conte universel. Il possède une belle oralité et le texte se dit, se murmure, se joue, à haute voix ou dans le langage intérieur. D’ailleurs n’est-il pas enracinée dans la tradition orale de ces femmes tenues hors de l’écriture, « Ana comme analphabète » ?

Et c’est un conte entendu enfant, qui nourrit l’Idée qui la poursuit.

« Il était une fois une jeune fille si intelligente qu’on l’appelait Ana l’intelligente… »

Catherine Benhamou anime depuis plusieurs années des  ateliers avec des femmes en situation d’illettrisme : « Dans ces ateliers, on s’intéresse aux mots, on joue avec eux, on les apprivoise, on les écoute ; ils nous entraînent dans des histoires. 

Les personnalités de ces femmes, leur état de dépendance, d’enfermement, mais aussi leur courage et leur volonté, ce qu’elles m’ont livrée d’elles à travers les exercices, tout cela m’a inspiré le personnage d’Ana, qui parvient à changer sa vie grâce aux mots ».

Au cours d’écriture, Ana joue avec les mots, en décortiquant mariage, elle trouve « rage », « laisser tout en plan ouvrir la porte et partir ».

Son rêve ? Voir la Tour Eiffel. Quelques cailloux en poche, un jour, elle se décide.

Les mots ont-ils le pouvoir de changer nos vies ?

Pour le savoir, il faudra lire et entendre la voix d’Ana. Une voix essentielle dans le monde d’aujourd’hui …

ANA ou la jeune fille intelligente a été créée au Théâtre de l’Opprimé à Paris le 20 mars 2013 dans une mise en scène de Ghislaine Beaudout. La pièce a été interprétée par son auteure du 14 mars au 17 avril 2016 au Théâtre Artistic Athévains et également joué en 2019.

A propos des flèches perdues : la forme épistolaire comme forme dramaturgique/ Marie Pierre Cattino

D’où est partie l’écriture de ce texte ?

J’ai commencé des recherches sur la guerre d’Algérie par la lecture de lettres de soldats écrites à leur marraine de guerre.

Et puisque le théâtre interroge la forme, je me suis posée la question de savoir comment me servir de ces kilomètres de lettres lues pendant des mois.

L’histoire apparaît comme un territoire où se définit la vie et la mort : tout d’abord, on ne sait pas où l’on est – un peu comme si les personnages nous plongeaient dans un lieu unique -, et par leur chuchotement, leurs témoignages, la révélation de leur histoire, ils nous font entrer dans leur univers.

Plus l’écriture avançait plus le besoin de jouer entre l’avant de la scène et l’arrière de la scène se sont imposées dans mon imaginaire, et idée de proche-lointain m’a permis de raconter l’histoire avec différents niveaux de langages, passant du « je » au « nous.

Les personnages qui apparaissent au fil du texte sont tous solidaires les uns des autres. Aucun n’est un électron libre. Ils participent tous de la réalité de l’autre.

Et au fil du temps, les questions de la place de « l’intime» et du «communautaire », se sont agencées jusqu’à ce que l’histoire des deux amoureux se définisse.

Les intentions d’écriture

Le corps est morcelé au rythme de l’écoulement de longs mois de cette guerre. Il est abasourdi, au ras du sol. Il ne marche pas, il rampe. L’identité a besoin de se raccrocher à du solide, de se demander plus que jamais :

« Qui suis-je ? »

La question a été de concilier, au travers des lettres réinventées, les moments de guerre.

Par petits bouts, le corps se définit mais jamais entièrement. Le soldat est pris au dépourvu. Quand il fuit, ce sont ses jambes et ses pieds, les plus importants, et puis vient son ventre quand il crie, quand il souffre, sa tête aussi quand il cherche ou traque son ennemi ou est traqué lui-même.

Pour le soldat, la première chose qui lui vient à l’esprit, c’est laisser parler son corps qui souffre, qui a chaud, qui respire mal, qui a froid, qui ne comprend pas…

La clarté du désert jusqu’à l’aveuglement du soldat. : Le moment où il paraît en pleine lumière, c’est le moment où il est aveuglé par sa propre démesure. Et cette question lui revient en plein visage :

« Que sommes-nous venus chercher ici, à part notre propre errance ? »

Dans la mort, on s’en va par morceaux, les organes s’affaiblissent jusqu’à devenir silencieux, le cœur ne bat plus, les poumons ne respirent plus… La mère du garçon qui a grandi aussi aura à mener ce combat-là.

Dans ce texte le temps est étiré. Des personnages oscillent entre vie et mort :

La marraine de guerre s’efface pour laisser la place à la femme du soldat ; la femme devient la mère du garçon qui a grandi, puis meurt ; les soldats, pour certains, flirtent avec la mort avant de devenir des hommes. Certains la côtoient, d’autres s’éteignent.

Tous, sauf le garçon qui a grandi, se sont effacés peu à peu.

Les lettres ont le pouvoir de faire revivre un temps les êtres qui ont disparu. J’ai donc recomposé des lettres à partir de bouts de vies. La forme épistolaire employée comme forme dramaturgique. A travers cette forme-là, j’ai pu donner la parole aux morts et aux vivants, le temps de l’écriture de cette pièce.

Les flèches perdues/ lecture par Marie-Pierre Cattino

Les flèches perdues – Marie-Pierre Cattino

Les flèches perdues – Marie-Pierre Cattino Koïné éditions, 2012

Les flèches perdues - Marie-Pierre Cattino - Koine - Grand format - Place  des Libraires

J’ai rencontré cette œuvre dans des conditions très particulières : j’étais à Marseille et nous avions longé la mer avec ma fille pendant des kilomètres, nous émerveillant de la découverte de cette ville offerte à la Méditerranée, lorsque nous sommes arrivées devant le Mémorial des Rapatriés d’Algérie par César, cette immense pâle d’hélice qui semble tutoyer le ciel, et qui symbolise la traversée de la Méditerranée qu’ont du faire les rapatriés en 1962 pour rejoindre Marseille.

Deux ou trois semaines avant, j’écoutais la chanson de Camélia Jordana, « Dans mon sang un peu de bruine, Toujours lavait mes racines »

Et gravement, à la télévision, Emmanuel Macron parlait de la colonisation comme d’un crime contre l’humanité, suscitant tollé et polémiques, plus rarement quelques approbations et hochements de tête.

La flèche tirée par l’autrice n’a pas été perdue, elle m’a atteinte en plein cœur.

Je ne suis qu’une lectrice, ni critique littéraire, ni encensoir, mes émotions créent les conditions de ce partage entre un.e auteur.e et moi.

La pièce raconte l’histoire de trois jeunes gens, dont deux jeunes hommes partis faire leur service militaire en Algérie en 1956, et l’attente, les embuscades, l’incompréhension face à cette guerre qui ne dit pas vraiment son nom : « pacification… ». « On était là pour maintenir l’ordre, pas pour foutre le bordel ! » s’indigne le frère de Claire.

Ce sont des lettres échangées à la place des cœurs entre Paul et Claire, sa marraine de guerre. C’est le silence autour des mots, les mensonges par omission qui peuplent les missives entre les deux jeunes gens. Le talent de l’autrice est de suggérer, de tisser avec nos souvenirs, avec ce que nous savons ou pas de cette guerre, de nous relier à notre histoire.

Je suis souvent allée chercher des informations au sujet de cette guerre que je connaissais si mal. Cette lecture m’a engagée sur des chemins que je n’avais pas encore vraiment pris, sur une partie de ma mémoire que j’avais occultée.

Elle prouve q’un texte dramatique peut vivre un temps sans représentation si ses mots sont vibrants, si un flux, comme une marée, traverse le texte.

Nous faisons alors notre propre mise en scène, nous peuplons ce lieu encore fantôme de créatures que nous agitons d’abord en tous sens. Mais les silences qui peuplent le récit délimitent et bientôt organisent l’espace de notre scène imaginaire, lui conférent un sens et quelques directions.

Une belle lecture, merci.

« Avant l’exil », un webdocumentaire pour mieux connaître ces réfugiés dont on nous parle tant, et que l’on croise parfois sans véritablement les voir…

Zoé Valdès – La femme qui pleure / Dora Maar – L’été des femmes artistes/ Litterama

Zoé Valdès – La femme qui pleure – Arthaud poche – 2016 Flammarion

La Femme qui pleure eBook by Zoé Valdés

Doraa Maar fut une artiste surréaliste, photographe et peintre, et aussi muse de Picasso. Une rétrospective de son œuvre lui a été consacrée récemment au Centre Pompidou. Sa carrière a été complètement absorbée par son rôle de muse, à l’ombre du génie de Picasso. Il a fait d’elle « La femme qui pleure », manifeste de la déconstruction du portrait.

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Portrait de Dora Maar, Pablo Picasso, 1937 | Paris 1937 Huil… | Flickr

Le livre de Zoé Valdès retrace une période censée être clef, un voyage à Venise, quelques années après sa rupture avec Picasso, en compagnie de deux amis, à l’issue duquel elle se retirera du monde pour vivre mystique et recluse, loin des mondanités parisiennes.

L’originalité du récit tient à ce que Zoé Valdès entremêle des éléments de sa propre biographie, et de sa relation rêvée ou imaginaire avec Dora Maar, qui tient plus de la rencontre manquée que d’une véritable relation.

« La vérité c’est que je me trouvais aussi vide qu’elle, à la limite de ma réserve d’illusions […]. », écrit-elle.

Par de savants aller-retours, elle retrace les amours de Dora Maar avec Picasso, dont on peut dire qu’ils sont violents et malsains. L’artiste a disparu au profit de la muse.

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Dora Maar in an Armchair | Pablo Picasso Dora Maar in an Arm… | Flickr

Ce qui est intéressant, cependant, c’est l’effacement dû à ce statut, qui rend le suprêmement visible, l’image, invisible. Cette « femme qui pleure », exposée dans les musées cachera toujours l’autre femme, celle qui crée.

Dora Maar raconte : « Tout s’est alors transformé, mon indépendance a été abolie et je me suis annulée comme artiste ».

Picasso est un ogre, aux appétits sexuels démesurés. Il la méprisera, l’insultera et la fera terriblement souffrir, voilà ce que je retiens de ce livre. Et pour moi ce n’est pas assez.

J’ai eu l’impression d’assister à une scène continue de dévoration.

« Elle revoyait parfois, en ironisant, silencieuse et amusée, les affronts d’apparent désamour qu’elle avait dû essuyer. Le Grand Génie racontant, par exemple, à ses amis que sa maîtresse obéissait plus vite que son chien Kazbeck, un lévrier afghan paralysé de paresse. Tandis que le chien faisait la sourde oreille, Dora répondait en courant au moindre appel, et elle avait grand plaisir à lui obéir. « Ce n’est qu’une fillette, une petite chienne, une bête… Tu lui lances un os et elle court le chercher pour te le rapporter. »

Quand ils faisaient l’amour et qu’il se juchait sur elle, il se moquait de ses gestes, lui pinçait la peau du cou, de la poitrine, lui laissait des bleus partout. »

La frontière devient floue entre vie publique et vie privée. Sur les toiles de Picasso, je vois maintenant l’ombre meurtrie de Dora Maar, comme de longues traînées sales, rougeâtres, imprégnées de ce sang des menstrues avec lequel il aimait peindre…

Et les larmes qu’il lui fit pleurer, sur ce tableau….

Je bats ma campagne avec : Fatou Diome – Marianne porte plainte ! (8 et dernière)

La campagne présidentielle est officiellement ouverte et à la vue de toutes ces belles affiches placardées sur les murs électoraux, j’ai décidé de lancer la mienne, toute symbolique, même si sur ce blog, j’ai déjà recueilli plus de 500 signatures. Bien sûr je suis loin de faire le buzz, mais cela n’a pas beaucoup d’importance car je joins ma voix à celle de Fatou Diome.

Quelques citations permettront de poser plus clairement le débat, toute cette semaine, à chaque article, j’en ferai trois :

  • « Qu’on les reconnaisse d’abord concitoyens; leur fierté retrouvée, ils surprendront par leur entrain et leur joie d’être enfin respectés chez eux et non tolérés. » Je crois qu’on ne parle pas assez de ce besoin de reconnaissance et de la frustration et de la rancune que peuvent provoquer l’injustice et le rejet. Je pense qu’il est important de développer le sentiment d’appartenance des citoyens qui composent une nation. Ils ont besoin de se sentir soudés et cela n’est possible que grâce à la reconnaissance dont chacun a besoin pour se sentir intégré dans une société.
  • « A défaut de changer le pinceau du bon Dieu, que les critiques admettent ses toiles ! » : Que chaque Homme soit une oeuvre d’art, qu’il s’affine à la pointe de lui-même. Et que chaque être humain puisse contempler l’autre avec des yeux émerveillés. Si l’on prend garde, si on prend le temps surtout, on peut découvrir chez l’autre des trésors qu’on ignorait.
  • « Vos papiers ! Encore, nos papiers ! Toujours nos papiers ! Dans la rue, dans les trains, à travers les wagons, entre les travées, nous repérant parmi tous comme si nous clignotions, ils réclament toujours nos seuls papiers ! » Je comprends l’exaspération et la colère de Fatou Diome. Je trouve terrible qu’elle appréhende ses voyages par crainte de se faire contrôler. L’actualité la plus récente a montré combien nous sommes exposés à la violence aveugle de l’extrémisme, et cette période particulièrement tendue est forcément dangereuse car elle peut conduire à tous les amalgames et aussi à une forme d’aveuglement. A nous tous de faire attention. Notre destin repose entre nos mains… pour une grande part.

Marianne porte plainte ! - Fatou Diome - Babelio

Et pour pouvoir continuer à battre la campagne, je vous propose de lire le livre de Fatou Diome.

Je bats ma campagne avec : Fatou Diome – Marianne porte plainte ! (7)

La campagne présidentielle est officiellement ouverte et à la vue de toutes ces belles affiches placardées sur les murs électoraux, j’ai décidé de lancer la mienne, toute symbolique, même si sur ce blog, j’ai déjà recueilli plus de 500 signatures. Bien sûr je suis loin de faire le buzz, mais cela n’a pas beaucoup d’importance car je joins ma voix à celle de Fatou Diome.

Quelques citations permettront de poser plus clairement le débat, toute cette semaine, à chaque article, j’en ferai trois :

  • « Il est temps de cesser de lier systématiquement la nationalité aux origines ethniques et culturelles. »Oui, le peuplement de cette France, au carrefour de l’Europe, s’est fait grâce aux migrations successives. Nous nous amusons souvent mes élèves et moi, à prendre tous les noms de la classe, afin d’entendre à travers eux les grands voyages des ancêtres. Je leur dis  : « Soyez fiers de ce pays si riche de ses habitants, de son infinie variété, de ses possibilités infinies, et de tous ces apports si précieux. » Est-ce cela être patriote ?  Une remarque d’un élève : « Déjà les Francs, ils venaient de l’Est, et si jamais les gallo-romains avaient voulu les renvoyer chez eux, on serait mal. » Tout à fait d’accord, ce serait une autre Histoire.
  • « A cette époque de mondialisation, l’apparence ne suffit plus pour présager de l’origine géographique, encore moins de la nationalité. » : On met toujours les blonds au nord, les bruns au sud, les roux outre-manche et que sais-je encore. Ce n’est pas toujours malintentionné mais cela peut être casse-pied. Ce soupçon de l’ a-priori tu n’es pas d’ici mais d’ailleurs empoisonne notre vie sociale. Il faut toujours réitérer, confirmer, valider. On peut avoir l’impression de passer éternellement un examen déjà réussi. Pour ceux qui ont osé le mélange, le soupçon se porte sur la filiation même. Grande douleur parfois pour les métis, difficulté à construire son identité, quand on remet régulièrement en cause celle de tes géniteurs. « Mais enfin, elle ne PEUT PAS être ta mère ! ». Et toi qui as couvé jalousement cette perle en ton sein, qui a parfumé ton liquide amniotique des mille saveurs de l’amour, ton sang fait moins d’un tour et …
  • « L’anonymat chromatique, pour sûr, réduirait drastiquement le taux du chômage et relèverait le moral des victimes du tri sélectif. » On critique souvent les fonctionnaires, mais au moins pour une partie des examens et concours, l’anonymat garantit l’égalité. Oui, il faudra s’atteler à ce problème, qui n’est pas le moindre. Je me souviens, lorsque j’étais enfant, dans ma province lointaine, le grand jeu consistait à regarder les plaques d’immatriculation. Dans le chauvinisme ambiant, il ne faisait pas bon venir de Paris. Le racisme est un bon cran au-dessus et il fait des ravages. Il renvoie une image dévaluée de soi, exclut et met en sommeil les richesses humaines de ce pays.

Marianne porte plainte ! - Fatou Diome - Babelio

Je bats ma campagne avec : Fatou Diome – Marianne porte plainte ! (6)

La campagne présidentielle est officiellement ouverte et à la vue de toutes ces belles affiches placardées sur les murs électoraux, j’ai décidé de lancer la mienne, toute symbolique, même si sur ce blog, j’ai déjà recueilli plus de 500 signatures. Bien sûr je suis loin de faire le buzz, mais cela n’a pas beaucoup d’importance car je joins ma voix à celle de Fatou Diome.

Quelques citations permettront de poser plus clairement le débat, toute cette semaine, à chaque article, j’en ferai trois :

  • « Assimilation ou dissolution de soi, à moins qu’il ne s’agisse de dissimulation ? » L’intégration à la française suscite de nombreux débats. Je me rappelle ce que me racontait ma grand-mère lorsque j’étais petite, sur l’interdiction de parler occitan à l’école. Et la langue s’enfonçait dans ta tête à coups de règle sur les doigts, quand ce n’était pas pire. Aujourd’hui, tout le monde a une langue commune. Cette homogénéisation s’est faite par la violence. Il fallait dissimuler les mots qui cognaient contre les dents, ceux qui voulaient s’enrouler autour de ta langue, ou se coinçaient dans la glotte.
  • « Or l’affirmation de soi n’est pas une négation des autres, mais bien la capacité d’être parmi eux « : Prendre garde à ce qui est commun et partager ce qui ne l’est pas. mais les résistances sont de tous les côtés.
  • « La France est-elle ignifugée, pour laisser ses enfants turbulents jouer avec des allumettes ? » Non, Fatou Diome, et c’est pourquoi je sors de ma réserve moi aussi pour converser avec toi. Ma famille est une famille de sang-mêlés, d’outrecuidants, d’esprits libres et tout cela pourrait nous coûter très cher à l’aube des temps nouveaux.

Marianne porte plainte ! - Fatou Diome - Babelio

Je bats ma campagne avec : Fatou Diome – Marianne porte plainte ! (5)

La campagne présidentielle est officiellement ouverte et à la vue de toutes ces belles affiches placardées sur les murs électoraux, j’ai décidé de lancer la mienne, toute symbolique, même si sur ce blog, j’ai déjà recueilli plus de 500 signatures. Bien sûr je suis loin de faire le buzz, mais cela n’a pas beaucoup d’importance car je joins ma voix à celle de Fatou Diome.

Quelques citations permettront de poser plus clairement le débat, toute cette semaine, à chaque article, j’en ferai trois :

  • « Sous la mitraille allemande, Arabes de Ouarzazate ou Noirs du Sine-Saloum, les hommes tombaient parce qu’ils valaient français, autant que les Orléanais. » C’est quand même curieux, là il n’y avait pas de contrôle au faciès. Tout le monde était gris, mesdames, messieurs, tout le monde était aussi gris que la terre de cendres qui marquait les visages et les noyaient dans la mort et la souffrance.
  • « Voilà pourquoi les canards boiteux, exilés, réfugiés, migrants, déshérités, handicapés, homosexuels, les ségrégués, tous ces bâtards du monde sont miens. » : Nous sommes soeurs, Fatou Diome, et pourtant au temps du féminisme et de la lutte pour les droits des femmes, lorsque ces slogans flottaient sur les bannières des manifestants, des ségrégués de tout poils continuaient à tenir les femmes pour une sous-catégorie de l’espèce humaine. Le respect est parfois unilatéral, mais que cela n’empêche pas d’avancer. Ma mère qui s’appelait Gangloff, réfugiée en Dordogne en 1942,  cheveux châtains et yeux bleus, était appelée « La boche » par équanimité. Elle était blanche, mais pas de la manière qu’il faut. Fatou, il faut que je te dise, dans le blanc aussi  il y a toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.
  • « Il faut enseigner l’Histoire et rappeler qu’au cours des deux grandes guerres mondiales, les ascendants des indexés pas-assez-d’ici, réquisitionnés ou volontaires, se battaient aux côtés des patriotes, mouraient en terre européenne, endeuillant l’Afrique pour l’avenir de la France, pendant que les traîtres à Marianne perdaient leur dignité au garde-à-vous devant la petite moustache outre-rhénane » . C’est curieux, n’est-ce pas, ces subites pertes de mémoire. La France, paraît-il, était à Londres, aux côtés du Général de Gaulle. Dans cette France-là, il n’y avait que des fantômes, tout le monde s’était carapaté ! On se demande alors qui étaient tous ces gens qui dénonçaient, ceux qui sanglés dans leur uniforme parfaitement repassé, venaient arrêter et déporter des gens qui étaient aussi français qu’eux.  Fatou, il faut que je te dise, dans le blanc aussi  il y a toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.

Marianne porte plainte ! - Fatou Diome - Babelio

Je bats ma campagne avec : Fatou Diome – Marianne porte plainte ! (4)

La campagne présidentielle est officiellement ouverte et à la vue de toutes ces belles affiches placardées sur les murs électoraux, j’ai décidé de lancer la mienne, toute symbolique, même si sur ce blog, j’ai déjà recueilli plus de 500 signatures. Bien sûr je suis loin de faire le buzz, mais cela n’a pas beaucoup d’importance car je joins ma voix à celle de Fatou Diome.

Quelques citations permettront de poser plus clairement le débat, toute cette semaine, à chaque article, j’en ferai trois :

  • « Vous avez une amie noire, soit ! Devrions-nous vous décerner une médaille ? Est-il donc si difficile de nous aimer ? » Incroyable alibi, qui ferait d’un visage pâle un authentique xénophile antiraciste. Regardez, je montre patte noire mais mon âme est pure ! Dis-moi quels sont tes amis et je ne te dirai pas qui tu es.
  • « Honte à ces accueillis pas accueillants, devenus de redoutables diviseurs de la France ! Marianne porte plainte. » : Il y a parmi nous, des Français qui voudraient être plus français que d’autres, lesquels élite d’une ancienne immigration, ayant fait preuve de leur francité voudraient en interdire l’accès à ceux qu’ils jugent moins méritants qu’eux. Ils ont prévu tout un parcours d’obstacles afin de tester votre appétence à la nationalité. Qui aime bien, châtie bien.
  • « Autant qu’à vous, la France, en sa liberté, appartient aux descendants de ceux qui sont morts pour la défendre. » J’ai vu il y a deux jours, aux Actualités, que d’anciens tirailleurs sénégalais s’étaient vus octroyer la nationalité française par notre Président de la République. La nationalité n’est pas question d’opportunisme, ce n’est pas le refrain « je t’aime, je te jette ». Merci encore à tous ceux qui nous permis d’être et de rester français.

Marianne porte plainte ! - Fatou Diome - Babelio

Je bats ma campagne avec : Fatou Diome – Marianne porte plainte ! (3)

La campagne présidentielle est officiellement ouverte et à la vue de toutes ces belles affiches placardées sur les murs électoraux, j’ai décidé de lancer la mienne, toute symbolique, même si sur ce blog, j’ai déjà recueilli plus de 500 signatures. Bien sûr je suis loin de faire le buzz, mais cela n’a pas beaucoup d’importance car je joins ma voix à celle de Fatou Diome.

Quelques citations permettront de poser plus clairement le débat, toute cette semaine, à chaque article, j’en ferai trois :

  • « Qu’ils sachent qu’ici comme ailleurs, l’identité de toute nation, ce sont d’innombrables ruisseaux, de longueurs, de saveurs et de couleurs différentes, qui versent tous dans le même fleuve. » Voilà toute la fierté de notre littérature, ces innombrables mots qui roulent sur les galets, qui ont la saveur des contrées lointaines, qui remodèlent nos paysages intérieurs et nous permettent de repousser l’horizon. La langue se nourrit de tous ses ailleurs, de la Bretagne, du Pays basque, ou de la Réunion. De tous ces endroits dans le Monde où l’on parle le français, en le tissant de tournures particulières, et d’un vocabulaire inédit. Voir les très belles initiatives en Guadeloupe, où le français se nourrit du créole.
  • « La France est multiple, ses passions successives, ses idoles innombrables, son identité lui ressemble. » : La France au carrefour de toutes les confluences, aux couleurs de l’arc-en-ciel. De grands artistes, Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor, Ionesco, Tahar ben Jelloun, Milan Kundera et tant d’autres ont caressé la langue française.
  • « La France n’a aucune raison d’avoir peur, c’est son ouverture, l’amour qu’on lui porte de par le monde et la liberté qu’on y vient chercher qui la protègent, même de vous. » La France, terre d’accueil, s’est enrichie de tous ceux qui ont foulé son sol et s’y sont installé. Nombreux sont nos hommes et femmes politiques qui viennent d’ailleurs, faut-il le rappeler ?

Marianne porte plainte ! - Fatou Diome - Babelio

Je bats ma campagne avec : Fatou Diome – Marianne porte plainte ! (2)

La campagne présidentielle est officiellement ouverte et à la vue de toutes ces belles affiches placardées sur les murs électoraux, j’ai décidé de lancer la mienne, toute symbolique, même si sur ce blog, j’ai déjà recueilli plus de 500 signatures. Bien sûr je suis loin de faire le buzz, mais cela n’a pas beaucoup d’importance car je joins ma voix à celle de Fatou Diome.

Quelques citations permettront de poser plus clairement le débat, toute cette semaine, à chaque article, j’en ferai trois :

  • « […]il s’agit d’agir pour, de susciter un élan. » Nous avons vraiment l’impression que cette campagne s’articule contre, contre les étrangers, contre l’Europe, contre … contre… les fraises pas assez sucrées, le vent un peu trop frais, le café amer, contre…
  • « Parce que le savoir ôte de la force à la haine, l’éducation reste le meilleur antidote face aux menaces qui guettent la société. » : Oui, bien sûr, mais les SS étaient parfaitement éduqués et retrouvaient leurs familles le soir après avoir envoyé à la mort des centaines de Juifs. Certains cadres de partis qui prônent la haine et le repli ont usé leurs culottes sur le banc des grandes écoles ou des universités.  Et dans nos classes, certains esprits semblent imperméables aux discours humanistes, occupés la plupart du temps à vouloir en découdre avec le voisin ! La haine aussi se transmet, ailleurs que sur les bancs de l’école (enfin depuis on a mis des chaises).
  • « Pour communiquer avec Marianne, j’ai invité mes pangôls, esprits de mes ancêtres ceddos, voici mes masques animistes, mes calebasses de mil, mes jarres de lait caillés destinées aux libations, mes danses endiablées, mes polyphonies, ma musique composite, ma plume de pélican, mon encre mauve d’errance, ma franco-sénégalaise langue aux sept accents et même cette grosse fraise sous mon décolleté. » Et nous sommes heureux de ces merveilleux cadeaux que tu nous apportes, et je les contemple émerveillée, je ne me lasse pas de tes trésors et de cette langue aux sept accents qui nous emporte et nous ravit. La beauté de cette langue, la force de ton art (Excuse-moi je te tutoie, mais nous sommes compagnonnes de lutte, cela crée forcément une intimité), devrait contraindre à l’humilité tous ceux qui ne possède pas plus de quatre ou cinq mots à leur vocabulaire, tellement leurs idées sont rases, au niveau de leur gazon (s’ils en ont un). Parfois dans ma classe, parmi toutes ces têtes (dont très peu sont blondes), je surprends une future Fatou faire un clin d’oeil au destin.

Marianne porte plainte ! - Fatou Diome - Babelio

Je bats ma campagne avec : Fatou Diome – Marianne porte plainte !

La campagne présidentielle est officiellement ouverte et à la vue de toutes ces belles affiches placardées sur les murs électoraux, j’ai décidé de lancer la mienne, toute symbolique, même si sur ce blog, j’ai déjà recueilli plus de 500 signatures. Bien sûr je suis loin de faire le buzz, mais cela n’a pas beaucoup d’importance car je joins ma voix à celle de Fatou Diome.

Quelques citations permettront de poser plus clairement le débat, toute cette semaine, à chaque article, j’en ferai trois :

  • « Je ne suis pas française par le hasard d’une naissance, que nul ne doit à son mérite. » Dans ma famille, il y a tous les continents réunis par les soubresauts de l’Histoire : l’Europe, l’Afrique, l’Asie, mais il me manque toutefois l’Océanie (Sans parler de l’Antarctique »). Nous sommes tous des fervents défenseurs de Marianne et avec elle et Fatou nous portons plainte ! Je compte sur mes descendants pour réparer ces quelques oublis. Il y aura peut-être un jour une chercheuse en Antarctique !
  • « […] je suis française par choix, donc par amour, mais aussi par résistance, car le saut d’obstacles que l’on exigea de moi, huit années entières, briserait les jambes d’une jument. » J’ajouterai avec Fatou Diome que certains des miens sont nés ici pour autant il semble qu’ils n’auront jamais fini de faire leurs preuves.
  • « En revanche, je suis certaine que les grandes dames de France comme Louise Michel, Lucie Aubrac, Germaine Tillion, Louise Weiss – qui toutes combattaient les ténèbres pour la justice et la liberté – ne seraient pas restées dans leur boudoir, à juger de la finesse de leurs dentelles, en attendant qu’on démembre, saucissonne leur République de femmes d’honneur; […] Ha, et elles sont encore plus nombreuses sur ce blog, Manon Roland, Fanny Raoul, Olympe de Gouges, ici pas de doute, on peut se tenir chaud. Et moi, je te le dis, nous sommes toutes derrière toi.

Marianne porte plainte ! - Fatou Diome - Babelio

Alison Lurie – Liaisons étrangères

Alison Lurie Liaisons étrangères Editions Payot&Rivages 1997 (1984 Alison Lurie), traduit de l’anglais (américain) par Sophie Mayoux.

Vignette femmes de lettresDeux universitaires américains se retrouvent à Londres pour un congé d’études. Fred a 29 ans, un physique avantageux, et travaille sur le XVIIIe siècle et l’écrivain John Gay, Vinnie a 54 ans, est plutôt laide, et doit mener des recherches pour une étude comparée des chansons à jouer américaines et anglaises.

Ce séjour va permettre la confrontation des préjugés et des fantasmes des uns et des autres. Les anglais seraient snobs et raffinés dans une société figée et en déclin, et les américains provinciaux et vulgaires dans une Amérique vouée à la consommation et à l’argent.

Mais ce livre est avant tout l’occasion d’une fine analyse du monde des apparences et des jugements hâtifs et à l’emporte-pièce qui enferment les gens dans la solitude ou la bêtise.

Car la vulgarité n’est pas toujours ce que l’on croit, elle consiste souvent dans le mépris que l’on porte à son prochain parce qu‘il ne possède ni la culture ni les codes des milieux pseudo-intellectuels, ou le raffinement des élites souvent composées de snobs et de personnages dont le raffinement et la distinction cachent parfois la grossièreté et le vice.

Derrière un personnage caricatural, se cache parfois un être généreux et tendre. Beaucoup d’entre nous se condamnent à la solitude à cause d’exigences ou de préjugés qui laissent peu de place à l’autre. L’intelligence ou la culture (ce qui n’est pas tout à fait la même chose) masque parfois une certaine sécheresse de cœur et de l’égoïsme.

L’importance de l’apparence physique et ses conséquences sur la vie amoureuse sont aussi finement analysées. Si la laideur n’est pas synonyme de frustration sexuelle, elle conduit souvent à la solitude affective. De même, la beauté ne garantit pas l’amour mais elle ouvre une possibilité de choix qui a une forte incidence sur l’équilibre individuel.

Une belle histoire d’amour réunit deux êtres que tout oppose. Elle va les contraindre à changer de perspective et à se transformer. Pas de happy end pourtant chez Alison Lurie, ou de romantisme échevelé. Les êtres sont examinés à la loupe, sans concession mais avec tendresse.

J’ai beaucoup aimé ce livre, la finesse des observations, et la justesse des analyses.

Née à Chicago en 1926, Alison Lurie a passé son enfance à New York. Ce roman a reçu le prix Pulitzer. Universitaire, elle a aussi travaillé sur la littérature de jeunesse.