Archives pour la catégorie Cycle et challenge Margaret Atwwood

Margaret Atwood – Graine de sorcière

Margaret Atwood – Graine de sorcière –  (2016) Editions Robert Laffont, Paris 2019

Est-ce un signe des temps ? Margaret Atwood revisite le personnage de Miranda dans la Tempête de Shakespeare. Et c’est fabuleusement réjouissant !

Quelle ne fut pas ma surprise en lisant le dernier roman de Margaret Atwood traduit en français, « Graine de sorcière » de découvrir que Miranda en était l’un des sujets. Ou plutôt sa réhabilitation.

Un des nombreux clins d’œil de ce roman foisonnant !

Les féministes tentent aujourd’hui de redonner aux personnages féminins des romans masculins, victimes d’une société patriarcale qui les a contraints, l’occasion de régler quelques comptes. Avant de lire ce roman, j’avais découvert la version de la librettiste (peut-on l’appeler comme cela ?) Cordelia Lynn dans un semi opéra qui lui est consacré, où Miranda se venge de son existence bafouée.

Pourquoi m’être intéressée à la Tempête ? Parce que j’avais vu la pièce au théâtre, que le personnage de Miranda m’avait semblé assez symptomatique de la société de l’époque, où les femmes étaient exclues du pouvoir, et aussi parce que ma fille Héloïse dessinait les personnages pour Ted Ed et relisait donc la pièce. (J’ai la chance d’être la mère d’une jeune femme prodigieusement intéressante et talentueuse (mais si, mais si, je suis objective, l’amour n’est-il pas une seconde vue ?).

La mise en abyme de Margaret Atwood est diablement futée ! Lisez plutôt : « Injustement licencié de son poste de directeur du festival de Makeshiweg, au Canada, alors qu’il mettait en scène la tempête de Shakespeare, Felix décide de disparaître. Il change de nom et s’installe dans une maisonnette au cœur de la forêt pour y panser ses blessures, pleurer sa fille disparue. Et préparer sa vengeance. »

Douze ans après, il a l’occasion de monter une pièce avec un groupe de détenus dans une prison. Et il va s’arranger pour orchestrer sa vengeance et débouter du pouvoir ceux qui lui ont nui autrefois. D’une manière tout à fait jouissive pour le lecteur qui s’amuse bien, je vous prie de le croire, en opérant une sorte de renversement des valeurs ! Dont le personnage de Miranda ne fera pas l’économie.

Une sorte de tempête à bord d’une île qui serait la société du spectacle d’aujourd’hui.

Et un gigantesque pied de nez aux salauds de tout poil.

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En librairie le 10 octobre, la suite de « La servante écarlate » traduite en français. Un démenti à la série télévisée ?

Une alternative à la série télévisée dont les saisons se suivent et se ressemblent : violentes et insupportables parfois. Géniales aussi le plus souvent. D’ailleurs je viens d’apprendre que ce livre va également faire l’objet d’une série télévisée.

« Le chef-d’oeuvre dystopique de Margaret Atwood, La Servante écarlate, est devenu un classique contemporain… auquel elle offre aujourd’hui une spectaculaire conclusion dans cette suite éblouissante.

Quinze ans après les événements de La Servante écarlate, le régime théocratique de la République de Galaad a toujours la mainmise sur le pouvoir, mais des signes ne trompent pas : il est en train de pourrir de l’intérieur.
À cet instant crucial, les vies de trois femmes radicalement différentes convergent, avec des conséquences potentiellement explosives. Deux d’entre elles ont grandi de part et d’autre de la frontière : l’une à Galaad, comme la fille privilégiée d’un Commandant de haut rang, et l’autre au Canada, où elle participe à des manifestations contre Galaad tout en suivant sur le petit écran les horreurs dont le régime se rend coupable. Aux voix de ces deux jeunes femmes appartenant à la première génération à avoir grandi sous cet ordre nouveau se mêle une troisième, celle d’un des bourreaux du régime, dont le pouvoir repose sur les secrets qu’elle a recueillis sans scrupules pour un usage impitoyable. Et ce sont ces secrets depuis longtemps enfouis qui vont réunir ces trois femmes, forçant chacune à s’accepter et à accepter de défendre ses convictions profondes. En dévoilant l’histoire des femmes des Testaments, Margaret Atwood nous donne à voir les rouages internes de Galaad dans un savant mélange de suspense haletant, de vivacité d’esprit et de virtuosité créatrice. »

Miranda, faible et fragile femme dans la Tempête de Shakespeare ?

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Créateur :John William Waterhouse; Crédits :Sotheby’s

« Vous parlez comme si Miranda n’était qu’une poupée de chiffon. Comme si elle était couchée, jambes écartées, affalée sur les meubles et totalment offerte avec, sur elle, une pancarte disant : « violez-moi ». mais ça ne se passerait pas ainsi.

« Premièrement elle est forte. Elle n’a pas été engoncée dans des corsets ni coincée dans des pantoufles de verre et d’autres choses de ce genre à la cour. C’est un garçon manqué; depuis l’âge de trois ans, elle escalade toute l’île. […]

« Ce n’est pas tout. Prospéro a déjà dit qu’il avait enseigné à Miranda bien plus que ce que d’autres jeunes filles peuvent apprendre […]

in Margaret Atwood « Graine de sorcière ».

 

Alias Grace – La série d’après le roman de Margaret Atwood – Captive

  • Captive, Robert Laffont, 1998 ((en) Alias Grace, 1996) adapté en 2017 sous forme de mini-série de six épisodes par Netflix

La série est parfaitement construite, et elle est relativement fidèle au roman. Remarquablement interprétée par Sarah Gadon, dont la retenue et la subtilité dans le jeu donnent toute l’ambiguïté et le charme nécessaires à un tel personnage, son format permet d’en dessiner suffisamment toute la complexité.

Née le 4 avril 1987 à Toronto, elle a notamment joué dans les films A Dangerous Method, Cosmopolis et Maps to the Stars, trois films du réalisateur canadien David Cronenberg qui excelle à mettre en scène la complexité de personnages ambivalents et troubles.

Depuis 2017 / 45min / Titre original : Alias Grace de Sarah Polley, Noreen Halpern,

avec Sarah Gadon, Edward Holcroft, Rebecca Liddiard

Margaret Atwood – La voleuse d’hommes ou La guerre des sexes aura bien lieu…

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Margaret Atwood – La voleuse d’hommes  ( The Robber Bride, 1993), Editions Robert Laffont, 1994, traduit de l’anglais (Canada) par Anne Rabinovitch, collection 10/18, n°3744

Margaret Atwood est tout simplement géniale : quelle idée astucieuse que d’investir ce terrain qui paraît à première vue uniquement masculin, le territoire de la guerre, et sa discipline la polémologie, sous les traits de Tony, universitaire réputée, dont l’engouement pour la dynamique des massacres spontanés n’a d’égal que son goût des conclusions tranchées. La guerre, comme tout le monde le sait, ne se déroule pas seulement, voire plus, sur les terrains de bataille, ou dans les zones de conflits armés, elle peut se dérouler sous nos crânes, dans nos vies et au cœur de notre psychisme.

La guerre peut avoir une réelle séduction pour ceux dont la rage ou les blessures profondes génèrent une violence impossible à contenir.

Nous sommes à Toronto, dans les années 90, et la guerre et la dévastation  se dissimulent habilement sous les traits harmonieux et la silhouette de rêve de Zénia (Xénia ?). Il est bien connu que l’adversaire, pour pouvoir vaincre, prend appui sur nos faiblesses.

Charis, Tony et Roz, trois amies, ont comme dénominateur commun une enfance difficile qui a laissé des failles en chacune d’elles, ce dont va profiter l’impitoyable Zénia pour détruire les hommes, leurs hommes. La guerre des sexes aura bien lieu… et c’est une femme qui la mène et qui profite des fantasmes des hommes pour mieux les asservir. Ses camarades n’en seront que les victimes collatérales.

Margaret Atwood est une romancière absolument géniale. A chaque roman, le quatrième maintenant, je l’apprécie davantage.

Même si j’ai trouvé les cent premières pages un peu longuettes, ensuite le récit s’accélère et devient captivant. Margaret Atwood a une maîtrise dans la construction du récit qui est tout simplement époustouflante et elle mène son lecteur ou sa lectrice jusque au dénouement final sans jamais faiblir.

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Si vous voulez participer au cycle de lectures, c’est ici.

La femme comestible, premier roman de Margaret Atwood

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La femme comestible, The edible woman, 1969, traduit de l’anglais (Canada) par Michèle Albaret-Maatsch, Pavillons poche Robert Laffont, Paris 2008, 522 pages

La femme comestible est le premier roman de Margaret Atwood, publié en 1969 et écrit au plus fort du Canadian Woman’s Liberation Movement. Constitué de trois parties d’inégales longueurs, la narration alterne de la première à la troisième personne pour revenir à la première, témoignant de la quête d’identité de la narratrice.

Depuis que Marian est fiancée, et qu’elle sait qu’elle va se marier, abandonner son travail et certainement faire des enfants, l’angoisse l’étreint et elle ne peut plus rien avaler. Conflit entre ses désirs, certainement inconscients, et le rôle social qu’elle est amenée à jouer, le rapport à la nourriture devient le fil conducteur du récit.

Opératrice en marketing, son quotidien d’enquêtrice, la mène de porte à porte, à tenter de cerner les besoins ou désirs des consommateurs pour mieux les manipuler grâce à de savantes études marketing. Or, malgré la révolution sexuelle des années soixante, Marian MacAlpin est prisonnière des valeurs de la génération qui la précède, produit de consommation comme un autre, dont on attend qu’il réponde exactement aux attentes du consommateur masculin.

En effet, une femme, à l’époque ne se définit qu’à travers l’homme qui partage sa vie, mère nourricière, et reproductrice, ses enfants assurent son destin, circonscrit au cercle étroit du foyer. Elle est une femme comestible, dévorée symboliquement par son mari et ses enfants. Jusqu’à ce qu’elle reprenne le contrôle de sa vie. Marian sent en effet que son moi et son corps sont en train de se séparer, et que ce dernier ne lui obéit plus traduisant sa coupure avec la réalité. L’assimilation par le corps des aliments est analogue à l’assimilation par le corps social et  la transformation de la femme en sujet socialement acceptable. Elle est ainsi « digérée ». L’homme assume un rôle de prédateur, la femme étant une proie comme une autre. C’est aussi pour cette raison qu’elle ne peut plus manger, elle entend le « cri » de la carotte, par solidarité en quelque sorte avec toutes les autres proies.

Margaret Atwood analyse finement les stéréotypes de genre à travers plusieurs personnages, soit qu’ils les respectent ou  qu’ils en prennent le contre-pied, tel Duncan, qui refuse d’être un homme fort et protecteur. Ou Ainsley qui veut faire un bébé toute seule, en dehors du mariage.

Il y aurait bien d’autres choses à dire, tellement ce roman est riche de symboles et de métaphores. Il est souvent d’un humour grinçant, j’avoue que j’ai souvent ri à sa lecture.

« Vous risqueriez de faire quelque chose de destructeur : le besoin de nourriture passe avant le besoin d’amour. Florence Nightingale était une cannibale, vous savez. » , l’avertit Duncan.

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Cycle Margaret Atwood – Captive

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Margaret Atwood, Captive (Alias Grace, 1996) , traduit de l’anglais (Canada) par Michèle Albaret-Maatsch, Robert Laffont, 10/18 , 1998 pour la traduction française, 613 pages

Captive est le deuxième roman que je lis de cette auteure et je suis toujours aussi séduite par l’écriture de Margaret Atwood, sa façon de camper les personnages, de nouer l’intrigue, et de créer en nous le désir de lire, de la lire.

Ce roman retrace la vie de Grace marks, 16 ans, condamnée à perpétuité pour le meurtre de son employeur. Le second crime, celui de la gouvernante, ne sera pas jugé.  Qui est Grace Marks, et quelle comédie joue-t-elle lorsqu’elle prétend ne pas se souvenir de ce qu’elle a fait le jour du meurtre ? N’est-elle qu’une habile manipulatrice ? C’est ce que le docteur Jordan va s’attacher à découvrir, curieux des nouvelles méthodes de la psychiatrie, influencé par les études sur l’hystérie de Charcot, et les balbutiements de ce qui sera plus tard la psychanalyse. Il souhaite sonder le mystère de ces profondeurs, de cet inconscient, nouveau continent presque vierge de cette fin du XIXe siècle. Est-on ce que l’on se rappelle ou alors ce que l’on a oublié ? Margaret Atwood brosse avec talent les polémiques de cette fin de siècle, les débats qui l’animent sur la nature de l’âme ou de l’esprit.

A travers Grace, le poids du déterminisme social, la violence qu’il exerce sur la classe laborieuse, dont le destin est la pauvreté – les chances de s’élever dans la hiérarchie sociale étant quasi-inexistantes – est finement analysé. La condition des servantes dans les familles bourgeoises, l’injuste répartition des richesses, sert de filigrane au récit.

Mais ce sont ces relations entre Grace et le docteur Jordan qui donnent sa profondeur au récit, et peut-être son romanesque. Elles illustrent le danger de la relation thérapeutique particulière instaurée entre eux, où le manque de distance compromet ce qui pourrait être une guérison.

Et parfois, peut-être vaut-il mieux ne pas se souvenir…

Ce cycle est aussi un challenge auquel vous pouvez participer jusque en septembre 2019.