Si cette crise a été un révélateur et l’occasion de prises de conscience, elle a permis de comprendre l’importance du réseau des librairies indépendantes et des dérives liées à la consommation de masse. Je me suis rendue compte que je n’avais pas envie que la librairie de ma ville disparaisse, que j’aimais y aller, et que je la voulais bien vivante car pour moi, elle était le cœur battant de ma ville. A Poissy, se trouve une belle et spacieuse librairie, « La Librairie du Pincerais », qui propose toute une sélection d’ouvrages de grande qualité. Cette semaine, je me suis intéressée aux bandes-dessinées :
Archives pour la catégorie Les femmes et la bande dessinée
Profession : autrice, Catel/ Claire Bouilhac – Mme de La Fayette (1634-1693)
Prix artemisia 2018 : Lorena Canottiere pour Verdad
De très beaux albums à découvrir, que ce prix donne à voir, et met en relief, et qui pourraient passer inaperçus. En dehors de récompenser des femmes, souvent ignorées à Angoulême, ce prix est une certaine vision de la société et des rapports humains, ainsi que de la place que devraient avoir les femmes dans la société. Je me pose souvent la question de mon engagement à rendre davantage visible les œuvres de femme, de sa pertinence et de son utilité. Lorsque j’en sonde les raisons, je me dis que peut-être je fais montre de sectarisme et en même temps mon intuition (qui est une autre forme d’intelligence) m’assure que ce combat est légitime. Alors il faut lire tout le monde, mais aussi les femmes.
Remise du Grand Prix Artémisia 2018 à Lorena Canottiere pour son album Verdad
http://www.assoartemisia.fr/video-remise-grand-prix-artemisia-2018/
Mention spéciale « Hors de prix » (Créatrice également du prix Artemisia). Déjà publié, mais revisité, au niveau du dessin, de la mise en couleurs et du lettrage, et en rajoutant trente pages de plus (avec une nouvelle fin) .
Catégorie dessin
Catégorie documentaire
Mention spéciale pour le combat féministe
Catégorie avenir
Catégorie humour
Catégorie fiction historique
Les dix ans de l’association Artémisia à la galerie Art Maniak …jusqu’à demain !
Même si l’accès au monde de la BD se démocratise pour les femmes, elle reste tout de même un bastion d’homme. Les femmes sont entrées en BD plus tardivement et elles doivent faire leur place, ce qui n’est pas sans difficultés. Mais l’association Artémisia pour la BD au féminin s’engage aux côtés des femmes auteurs et multiplie les actions pour soutenir et promouvoir la Bande Dessinée féminine.
La galerie Art Maniak (paris, 9e) s’est associée à elle (s) et expose 15 dessinatrices, et/ou scénaristes de bande Dessinée pour fêter les dix ans du Prix Artémisia.
L’accrochage intitulé Pluri(elles) propose des œuvres majoritairement en noir et blanc, dans des techniques elles aussi plurielles, encre de chine, crayon, aquarelle, lavis, venant d’albums parus en librairie, et édités par Dargaut, Glénat, Casterman, Actes Sud BD, Delcourt ou plus confidenti ‘elles comme la boîte à bulle ou Les Requins Marteaux.
On peut admirer les œuvres de Céline Wagner, Rachel Deville, Claire Braud, Jeanne Puchol , Chantal Montellier, Cécilia Capuana, Catel Muller, Sylvie Fontaine, Marion Laurent, Mandragore, Lauréline Mattiussi, Fanny Michaëlis, Jeanne Puchol, Silvia Radelli, et Théa Rojzman.
Tintine de Chantal Montellier
Pénélope Bagieu – Culottées Tome 1
Ce premier opus écrit et dessiné par Pénélope Bagieu retrace la vie et les oeuvres de femmes au destin singulier, qui ont marqué leur temps ou plus modestement la vie de leur entourage si ce n’est celle de leurs contemporains. Il est souvent très émouvant, car en guise de faits d’armes, il s’agit pour certaines de ces femmes de s’accepter, et de revendiquer leur identité, je pense notamment à l’histoire de la femme à barbe et de sa pilosité toute masculine ou à celle de Margaret Hamilton qui rêvait de jouer des rôles romantiques mais que le physique jugé disgracieux obligea à jouer des rôles de sorcières, mais aussi à Christine Jorgensen qui naquit homme mais se sentait femme. Toutes ces femmes ont en commun un courage magnifique, une ténacité incroyable et certainement une personnalité hors du commun : pour preuve l’histoire de Giogina Reid qui pour sauver le phare de sa région, conçut et réalisa pendant plus de quinze ans, avec l’aide de bénévoles, un dispositif ingénieux pour empêcher l’érosion de la falaise sur laquelle il était juché.
Elles ont toutes pour dénominateur commun, d’inventer, de créer et de refuser de rentrer dans le rang : Annette Kellerman révolutionna le maillot de bain féminin, Delia Akeley, divorcé de son explorateur de mari, se lança à son tour seule dans l’aventure, Tove Jansson vécut son homosexualité tout en créant sa série de Moumines que, devenus embarrassants, elle refourgua à son frère, Agnodice alla étudier la médecine en Egypte pour contourner l’iniquité des lois athéniennes en – 350, qui interdisaient au femmes d’étudier et d’exercer la médecine, et Lozen, femme apache, au XIXe siècle refusa de se marier pour pouvoir combattre.
Oui, ces femmes se moquent bien de ce qui est interdit et n’en font qu’à leur tête, quitte à prendre la culotte réservée aux hommes.
Elles prirent également le pouvoir politique ou combattirent l’oppression : Wu Zetian devint la première impératrice de Chine, Nzinga, reine du Ndongo et du Matamba, et Las Mariposas, quatre sœurs courageuses et têtues combattirent la dictature de Trujillo au péril de leurs vies.
Quant à Josephine Baker, tout le monde connaît sa vie ou presque, mais le coup de crayon de Pénélopé Bagieu la fait revivre avec talent sous nos yeux. Pour finir j’évoquerai l’histoire de Josephina van Gorkum qui imagina un stratagème très efficace et néanmoins poétique pour défier les traditions de son pays qui maintenaient les différentes communautés dans une sorte de ségrégation interdisant aux époux d’être enterrés ensemble s’ils étaient de confessions différentes.
Je ne voudrai pas oublier Leymah Gboweee qui obtint le Prix Nobel de la Paix grâce à son action auprès des femmes du Liberia et parvint à alerter la communauté internationale sur les exactions au Liberia, rassembla les femmes de toutes confessions dans la lutte, et lorsque Charles Taylor accepta de quitter le pouvoir, battit la campagne pour convaincre les femmes d’aller voter. C’est ainsi que Ellen Johnson Sirleaf devint la première présidente d’Afrique.
Oui, beaucoup d’émotion dans cette BD, une émotion douce qui laisse le coeur ravi.
Angoulême Saga
Festival d’Angoulême 2016 – aucune femme nommée. Réac la BD ?
Aucune femme nommée au Festival d’Angoulême cette année. Elles étaient déjà peu présentes ! 30 noms mais 30 noms masculins !
Un appel au boycott a été lancé ! Florence Cestac trouve cela « honteux » (France Inter). Alors que de nombreuses femmes font de la BD.
L’auteur et dessinateur Riad Sattouf qui avait reçu le prix du meilleur album pour le premier tome de sa bande dessinée L’Arabe du futur, Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984) au 42e Festival d’Angoulême, récompensé par le Fauve d’Or, prix qu’il avait déjà reçu 5 ans plus tôt pour le le troisième tome de sa série Pascal Brutal a annoncé qu’il se retirait de la compétition pour laisser sa place (source France Inter ce matin) ainsi qu’un autre auteur américian .
15H10 : je viens d’apprendre que 5 dessinateurs se sont désistés. C’est génial.
Olivier Pont Desseins
Olivier Pont – DesSeins – Dargaud 2015, coloriste : Laurence croix, textes et dessins Olivier Pont
Au fil de sept histoires courtes, Olivier Pont esquisse avec de beaux traits sensibles, le rapport à leur corps et à la vie de sept femmes. Il évite l’écueil qui aurait consisté à projeter ses fantasmes d’homme dans cette partie de l’anatomie féminine que sont les seins. Mais qu’elles en aient ou pas, qu’elles hypertrophient cette partie de leur corps ou qu’elles la revendiquent, les femmes, à travers la joie, l’amour, la maladie, la solitude, vivent aussi leur corps à travers le regard de l’autre. Et les bimbos avec leurs poitrines siliconées, ou les femmes qui laissent jouer leurs seins librement sous leurs blouses traduisent l’aliénation dont elles sont victimes ou la libération et l’autonomie qu’elles tentent de conquérir. Le dessinateur n’évoque pas les Femen mais de jeunes femmes qui en 68, sur les barricades, jetaient joyeusement leurs soutien-gorge.
J’ai trouvé son regard à la bonne distance, dans une certaine empathie mais pas trop. Le dessin est assez épuré mais pas simpliste, et la coloriste, Laurence Croix, ajoute à l’équilibre de la composition par son choix de teintes nuancées mais chaudes. Les plans sont très travaillés, et donnent un rythme à la lecture qui est très agréable.
A découvrir…
Festival international de la BD d’Angoulême 2015. Y sont-elles ?
Barbara Yelin et Peer Meter- L’empoisonneuse / Les femmes et la BD
L’Empoisonneuse ” par Barbara Yelin et Peer Meter Éditions Actes Sud – l’AN 2
Un immense coup de cœur pour ce roman graphique aux illustrations magnifiquement ciselées de noir, de blanc dans lequel chantent toutes les nuances de gris, au fusain ( ?), au crayon, une merveille !
Il est réalisé par une femme, genre très minoritaire dans la Bande dessinée (Thierry Groensteen , le responsable du label l’An 2 chez Actes Sud est aussi un des jurys du prix Artémisia, et milite pour la promotion de la bande dessinée féminine). La promotion des œuvres de femmes n’est pas seulement l’affaire des femmes et des hommes de valeur, de conviction et d’engagement sont à leur côtés.
La narratrice, romancière anglaise, amie de Lou Andréas Salomé(c’est une hypothèse, ladite Lou mentionne son ami Nietzsche), venue à Brême , pour réaliser un guide de voyage sur la ville se retrouve en butte à la misogynie ambiante : elle ne peut rester dans un hôtel car elle n’est pas accompagnée, subit des critiques incessantes sur sa conduite et son projet. « Une femme n’est finalement rien d’autre qu’un degré intermédiaire entre l’enfant et l’homme, donc pas vraiment une personne, tout au plus un être immature », lâche un inconnu dans la rue. Misogynie d’autant plus vive qu’elle est alimentée par l’événement qui enfièvre toute la ville : l’exécution d’une empoisonneuse, accusée d’une quinzaine de meurtres par empoisonnement dont ses parents, ses deux maris, son fiancé et ses enfants.
A la veille de l’exécution, un mari se rengorge, satisfait : « Demain , il est clair que les femmes trembleront de tous leurs membres quand elles verront tomber la tête. »
Le destin de la romancière va se trouver mêlé à l’histoire de cette meurtrière.
Ce drame historique est basé sur une histoire vraie, celle de Gesche Margarethe Gottfried (1785-1831), surnommée « L’Ange de Brême ». Presque malgré elle, elle va enquêter sur les motivations de la meurtrière.
Peer meer qui a écrit le scénario, Brêmois d’origine s’intéresse à ces crimes depuis 1988. Il en a d’abord tiré une pièce de théâtre, puis un livre-enquête (Gesche Gottfried – Ein langes Warten auf den Tod).
Au final, un album sombre et prenant, au graphisme parfaitement maîtrisé !
La théorie de la contorsion – Margaux Motin
Qu’est-ce que la théorie de la contorsion ?
C’est la faculté de s’adapter à toutes les situations ! Ce qui requiert une grande souplesse. Mais toutefois on peut profiter de cette douceur de votre caractère pour vous ranger dans des cases, ce qui est beaucoup moins bien ! Dessiner en fin de compte permet de résister !
Finies les jeunes filles bien élevées qui serrent les dents … et les fesses ! Margaux Motin n’a pas peur d’aligner quelques gros mots, ce qui à priori n’est pas très féminin, a utiliser des images légèrement scatologiques, et à mettre les pieds dans le plat !
Elle le dit : « Dès qu’on essaie de me ranger dans des cases, je suis trop nombreuses, on fait des crises de claustrophobie… »
Son héroïne, longue et glamour, passionnée par la mode et les pompes, un brin (vous avez dit un brin ?) futile, femme-enfant parfois, boudeuse, mutine, utilisant tous les clichés du genre pour mieux les désamorcer quelques planches après, de la mère à l’amante, à la copine, Margaux Motin utilise tous les clichés, les pétrit, les remodèle, les régurgite à sa façon, dans un jeu et un art très personnel.
De beaux dessins très dynamiques, drôles, au trait noir agrémenté de couleurs tendres ou vives, c’est selon ! Elle agace, elle exaspère, elle réjouit !
Son blog : Le blog de Margaux Motin
Prix Artemisia 2015
L’album Irmina, de Barbara Yelin, remporte l’édition 2015 du Prix Artémisia de la bande dessinée féminine. Le scénario est de Alexander Korb .
« Née à Munich en 1977, Barbara Yelina a étudié l’illustration et la bande dessinée à Hambourg et vit désormais à Berlin.Ses deux premiers livres ont été publiés à l’An 2 : Le Visiteur en 2004 et Le Retard en 2006. Elle a participé en 2008 à deux albums collectifs : Les Bonnes Manières (Actes Sud – l’An 2) et Pommes d’amour (Delcourt). Elle fait partie du collectif de dessinatrices qui publie la revue Spring. Elle est ici pour la première fois associée à un scénariste. »
J’avais beaucoup aimé . Elle possède un magnifique coup de crayon, une esthétique très particulière, un graphisme délicat et profond.
« Inspiré d’une histoire vraie, le parcours d’une femme allemande des années 1930 à 1980. Un drame poignant sur le conflit entre l’intégrité personnelle et les compromis auxquels peut conduire l’ambition. À travers des images suggestives et pleines d’atmosphère, l’évocation d’une carrière pleine de fractures, exemplaire de la complicité que beaucoup ont nouée avec le régime hitlérien, en détournant les yeux et parce qu’ils y trouvaient avantage. »Actes Sud
Niki de saint Phalle de Dominique Osuch et Sandrine Martin
Niki de saint Phalle, Le jardin des secrets (Casterman, 15 octobre 2014) est une magnifique BD qui retrace la vie et l’œuvre de Niki de Saint Phalle.
Le trait est à la fois puissant et délicat, le scénario bien ficelé et la colorisation fait surgir des pastels tendres ou des personnages colorés suivant les besoins du scénario, sur une base graphique en noir et blanc particulièrement bien maîtrisée.
Cette biographie dessinée retrace la vie de l’artiste à travers des moments clefs de son existence, de son enfance, élevée par ses grands-parents, en passant par le traumatisme violent qui marqua son enfance et sa vie à tout jamais et dont elle ne put jamais se libérer, jusqu’à sa mort en 2002. Une voix intérieure, comme un journal secret, jalonne le récit et lui donne un fil conducteur. Tout fait sens. Il s’agit de montrer comment l’Art sauva Catherine Marie-Agnès de Saint-Phalle de la folie et de la violence.
Le récit est rythmé par les 22 cartes du tarot (le nombre des arcanes majeurs) qui chacune annonce un tournant dans l’existence de Niki. En effet, l’artiste concevra en Toscane un grand parc de sculptures intitulé Le Jardin des tarots.
De ses premiers pas d’artiste autodidacte à sa rencontre et son mariage avec Jean Tinguely (qui avait une autre compagne et un enfant de celle-ci), de ses célèbres nanas qui sont un véritable manifeste pour la liberté des femmes, à ses jardins de sculptures monumentales, en n’oubliant pas tous ses travaux communs avec Jean Tinguely, dont la Fontaine Stravinsky sur le plateau de Beaubourg et le cyclop de Milly-la-Forêt, l’œuvre de l’artiste fut foisonnante et puissante.
Elle souffrit de problèmes respiratoires de plus en plus aigus qui la firent souffrir une grande partie de sa vie jusqu’à sa mort en 2002 mais elle connut de son vivant la consécration grâce à des expositions à Munich, Genève et aux Etats-Unis, sans oublier Paris, qui firent connaître son œuvre dans le monde entier.
Dominique Ouch a suivi une formation en illustration aux Arts décoratifs de Strasbourg, et s’est consacrée aussi à la peinture. Elle rélise de nombreux poches pour la jeunesse aux éditions Milan, un album chez hatier, écrit et illustre un recueil de comptines aux éditions du Basberg, et participe pendant une dizaine d’années à la revue dessins et peintures.
Sandrine Martin, elle aussi, a étudié l’illustration aux art décoratifs, mais à Paris et travaille pour la presse et l’édition depuis 2004. Elle a réalisé la bande dessinée « L’œil lumineux et le souterrain », et dessine sculptures de couettes et tas de matière visqueuse pour La montagne de sucre (L’Apocalypse).