
Je ne pouvais pas clore ce mois des japonaises sans évoquer la vie des femmes d’aujourd’hui, les défis qu’elles ont encore à relever, leurs aspirations et leurs rêves et aussi leurs difficultés à mener leur vie de femme, de mère, d’épouse ou d’amante. C’est avec Tokyo sisters de Raphaëlle Choël et Julie Rovéro-Carrez que nous partons aujourd’hui à la rencontre des japonaises dans ce livre encore très actuel puisqu’il a été publié en 2010.
Elles ont recueilli les confidences de femmes de 15 à 60 ans, mariées ou célibataires, femmes au foyer ou businesswomen pendant l’année 2009.
Elles font définitivement un sort à l’image de la femme réservée, dévouée à son mari et à sa famille.
Lorsqu’on arrive à Tokyo, on a l’impression de ne voir que des femmes. Mais où sont donc les maris, les frères, les amis, les amants ? Au travail ! Ils laissent donc leurs femmes souvent seules et celles-ci s’organisent un réseau de relations amicales qui rythme leur vie de femmes au foyer. Ce n’est pas un cliché, on travaille beaucoup au Japon, et les deux semaines de vacances octroyées par les entreprises sont rarement prises en entier par leurs employés. Et il est vrai également, que beaucoup de femmes une fois mariées arrêtent de travailler, faute de moyens de garde pour les enfants. Elles sont encore très peu présentes dans les postes de direction et le machisme ambiant, même s’il faiblit, est encore très présent.
Les choses changent cependant et nombre de jeunes femmes se rebellent contre le modèle de leur mère et tentent de trouver une voie différente.
La demoiselle nippone cependant est un rien immature, possède une faculté de s’émerveiller ou de rêver peut-être qui nous fait défaut ! Culte du kawai, cosplay (contraction de costume et playing) qui permet aux adolescents de se déguiser à la manière de leur héros manga, engouement pour les produits Hello Kitty, soirées Karaoké, présence de dessins de BD pour donner les consignes ou indiquer les règles dans l’espace public.
Mais dans ces milieux citadins un peu bobos il faut bien le dire, l’esprit de sérieux n’abandonne pas ces dames qui ne néglige sous aucun prétexte leur apparence, débauche de cosmétiques, combinaison pour ne pas bronzer sur la plage, coiffure, manucure, sport, rien n’est laissé au hasard pour atteindre un idéal de perfection souvent assimilé à la France et dont nous sommes bien loin.
Il faut voir dans cet attrait pour l’Occident, un désir de modernité, même si les traditions sont encore très vivantes au Japon : port du kimono, cérémonie du thé élevé à un véritable art, traditions culinaires. Et un service impeccable !
Car on ne plaisante pas au Japon, pays des samouraïs, avec la règle et la discipline. Les écoliers en uniforme, des super-mamans attentives dont le quotidien est réglé comme du papier à musique, rien n’est laissé au hasard. Tout doit fonctionner sans la moindre fausse note. La pression est réelle pour les enfants qui doivent passer des examens d’entrée aux écoles primaires privées, puis ensuite à l’issue du chogakko (collège) pour pouvoir intégrer le kotogakko(lycée)… Bizarrement c’est à la fac que la pression se relâche puisqu’il s’agit d’être dans un établissement réputé, la matière étudiée important peu ! Gare à ceux qui n’entrent pas dans le moule !
Les omiai (mariages arrangés) existent encore au Japon qui représenteraient 10 % des mariages. Les Japonaises (au moins 60% d’entre elles) estiment que la sécurité financière prime pour faire un bon mariage. Il semblerait que l’idéal soit l’homme aux trois C (confort financier, communiquant, coopératif) ! La relation amoureuse, une fois l’enfant arrivé cependant se résume souvent à une bonne cohabitation, le jeune papa est encore assez absent, absorbé par sa vie professionnelle. Quant à la sexualité, elle ne fait pas bon ménage avec la famille! Les femmes dorment parfois dans une pièce séparée avec leur enfant (23% des Japonaises), quand les parents et enfants ne couchent pas tous ensemble dans la même pièce.
D’ailleurs les femmes interrogées dans ce livre semblent accepter l’idée que leur mari ait une vie sexuelle en dehors du mariage. Une journaliste déclare qu’elle trouve la sexualité malsaine dans les couples. On ne se touche pas, explique-t-elle, alors les hommes frustrés rentrent dans l’excès, lisent des livres porno n’importe où, pelotent dans le métro et ne se maîtrisent plus.
Le manque d’intimité doit jouer aussi dans les appartements trop petits et des couples n’hésitent pas à aller au love hôtel, conçu spécialement pour permettre aux couples qui s’y rencontrent d’avoir une sexualité en toute tranquillité.
Tout ne va donc pas pour le mieux au pays des cerisiers en fleurs. Ni au pays de la baguette non plus, quant à celui des orangers !
De nouveaux modèles de couples émergent cependant et de nouvelles valeurs dans une vie qui ne serait plus seulement vouée au travail. Et si dans le domaine affectif, le modèle est la maîtrise de soi, il suffit que les Japonais baissent un peu la garde pour que les émotions affleurent aussitôt. Les auteures racontent que beaucoup de Japonaises les ont remerciées de leur avoir donné la parole, de leur avoir permis d’exprimer ce qu’elles sentaient et pensaient au plus profond d’elles-mêmes.
Ce n’est qu’un bref aperçu de ce livre qui est à la fois profond et léger, qui tente de ne pas verser dans le cliché même si toute tentative de généralisation y conduit forcément un peu et j’espère que cela vous aura donné envie de le lire.
Je l’ai lu grâce à Nina qui m’en avait parlé !
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