Archives pour la catégorie Les hommes sont des femmes comme les autres

Nue sous la fenêtre/ Jean de Santec

J’étais jaloux de l’ombre sur ton corps

J’étais jaloux de la lumière sur tes seins

Le soir jouait à te vêtir d’or et de brun

Tu étais nue sous la fenêtre, c’était bien.

son blog

J’aime les poèmes de Jean de Santec

Le désir au féminin/ Patrick Chauvin – L’origine du monde

Une célébration du sexe féminin par une déclinaison personnelle de « l’origine du monde ». En préparation, une vidéo sur le thème « la femme est l’avenir de l’homme » Patrick Chauvin

Merci beaucoup à Patrick Chauvin, pour le prêt de cette œuvre. J’adore son travail que j’aurai le plaisir d’évoquer plus longuement fin avril.

La plus que vive extrait – Christian Bobin

Belle, oui, belle de cette beauté que donne à un visage de femme le grand air de la liberté, belle, gaie, douce,attentive, distraite, insouciante, fatiguée, légère, insupportable, adorable, désordonnée, riante, désespérée, charmante, songeuse, désordonnée encore et lente, très lente, et libre et belle comme la vie.

Christian Bobin, La plus que vive.

 

 

 

Art de Yasmina Reza / Berling, Darroussin, Fromager – Patrice Kerbrat

« Ils sont trois amis. Ils se nomment : Marc, Serge et Yvan.

Ils sont amis depuis trente ans jusqu’au jour où Serge achète un tableau entièrement blanc (si on cligne les yeux, on peut apercevoir de fins liserés blancs transversaux…).

Serge présente à Marc son acquisition. Marc contemple l’oeuvre et s’enquiert de son prix. Cette scène anodine est le point de départ d’un « cataclysme » entre les trois amis. »

J’ai assisté hier soir à cette pièce au théâtre de Poissy, de manière tout à fait  imprévue, il n’y avait plus de places depuis longtemps et c’est grâce à un charmant monsieur qui cédait les siennes, que nous avons pu avoir le bonheur d’assister à la performance de nos trois trublions. Quelques mots avec Jean-Pierre Darroussin, que j’adore, et la vie soudain devient belle !

Yasmina Reza conduit une pensée critique du jugement esthétique. En effet comment juger de la qualité d’une oeuvre d’art, quels sont les critères qui permettent le jugement esthétique, ou les œuvres d’art ne sont-elles que des produits dont la seule la côte, la valeur marchande va déterminer la valeur ?

Un tableau monochrome va être le point de départ d’une dispute qui va enfler entre trois amis, prétexte à quelques jugements assénés, vis à vis de l’un ou de l’autre. Yasmina Reza passe les relations humaines au vitriol , n’a-t-on des amis que pour pouvoir parler de soi à un autre, ou par humaine solitude ?

Art est une pièce drôle, cruelle et décapante. Elle est jouée et rejouée et son succès ne se dément pas.

« Écrite en 1994 et traduite dans une quarantaine de langues, la pièce « Art » de Yasmina Reza a été jouée et primée dans le monde entier. Elle a fait l’objet de productions mémorables dont certaines se jouent encore en répertoire. Elle a obtenu de nombreux prix prestigieux dont le Tony Award de la meilleure pièce aux USA et le Laurence Olivier Award de la meilleure pièce au Royaume-Uni. »


De Yasmina Reza

Avec Charles Berling, Jean-Pierre Darroussin et Alain Fromager

Mise en scène : Patrice Kerbrat / Décor : Edouard Laug / Lumière :

Laurent Béal / Assistante mise en scène : Pauline Devinat

Homme/femme : bousculer les codes

Ce jeune homme tente de représenter la France à l’Eurovision cette année. Il déchaîne les passions sur les réseaux sociaux, autant chez ceux qui le soutiennent que ceux qui le critiquent parfois très violemment. En effet, il parle de la différence mais questionne aussi nos identités de genre. Il revendique des attributs la plupart associés au féminin, le maquillage, les vêtements et cela ne peut manquer de nous intéresser ici à Litterama. A suivre…

Brad Watson – Miss Jane/ Découverte Festival America 2018

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« Miss Jane, c’est moi », a déclaré Brad Watson au Festival America.

« Miss Jane » est un roman d’une grande délicatesse, d’une excessive pudeur, et pourtant d’une honnêteté remarquable. Car si Jane urine ou défèque dans ses jupes c’est avec la plus grande dignité. Victime de son « cloaque persistant ».

Ce personnage lui a été inspiré par sa grand-tante Mary Ellis «Jane» Clay, qui toute sa vie souffrit d’incontinence urinaire.

« Je me suis posé de grandes questions avant d’entrer dans la peau de cette femme. C’est le livre qui va permettre cette entrée dans le personnage. »

En effet, lorsque Jane Chisolm vient au monde en 1915, dans une petite ferme du Mississippi, le docteur Thompson s’aperçoit qu’elle n’est pas tout à fait comme les autres : elle ne s’est pas formée totalement.

Le livre est la quête de ce mystère. Pourquoi est-elle différente ? L’absence de ce qui n’est pas est toujours indirectement évoqué, enfoui dans le secret des jupons. Nous n’y avons pas accès, pour respecter la pudeur de Jane peut-être, nous laisserons les jupes virevolter autour de ses jambes nues. Nous aurons seulement droit à la brochure illustrée de l’anatomie féminine, mais dont on aura enlevé toutes les illustrations.

Libre dans la nature, à l’abri du regard des hommes, ou claquemuré dans un appartement dont elle peut rarement sortir, Jane vit un perpétuel exil.

C’est bien le sens du lieu, de la nature, comme les serpents, les marais qui vont donner leur place aux personnages et le rapport d’identification qu’ils permettent. « Ils font le lien entre les personnages et moi » explique l’auteur.

Cela représente, pour l’héroïne, le lieu dont elle ne peut sortir, s’enfuir, pour incarner sa vie, son devenir.

Les années passant, le cercle déjà étroit de ses relations et de sa famille se rétrécissant jusqu’à devenir peau de chagrin, elle devra affronter l’inexorable solitude.

Pourtant Miss Jane est aussi un roman d’émancipation, la conquête d’une certaine dignité, un acte de bravoure qui consiste tout simplement à vivre.

Un très beau roman, lu avec Nadège.

L’avis de Nadège, « Les mots de la fin »

Festival America 2018, Christian Guay-Poliquin, John Vigna et  D.W. Wilson : « Une masculinité en crise »

A quels modèles se référer quand on est homme aujourd’hui pour se construire, existe-t-il une masculinité toxique dont il est nécessaire de se défaire, quels nouveaux modèles proposer, enfin quel sera l’homme de demain ?
Cette conférence a été passionnante, il faut le dire, je suis arrivée juste un petit peu en retard car de courir d’une conférence à l’autre, forcément on grappille quelques minutes de ci de là.
Tous les trois canadiens, leur réflexion et leur oeuvre est inévitablement liée aux grands espaces. Est-ce que l’endroit d’où l’on vient influe sur la relation à la féminité et à la masculinité ?
De fait, non, les femmes se les approprient tout aussi bien. Tous les trois sont unanimes sur ce point.

Christian Guay-Poliquin met en scène un huis-clos dans lequel deux hommes piégés par l’hiver lient leurs existences. Coupés du monde, ils sont soumis aux rumeurs et aux passions qui secouent le village.  Oscillant entre méfiance, nécessité et entraide, ils tissent des liens complexes. Une majorité d’hommes sont rassemblés dans ce roman, mais cela est indépendant de la relation de genre, c’est seulement la relation entre les deux hommes qui comptent, sa complexité. L’écrivain semble s’être perdu dans cette conférence, puisque visiblement le sujet ne le concernait pas, ou du moins ne voulait-il pas se prêter au jeu. On avait l’impression qu’il avait été mis là par erreur. Une certaine résistance du québécois, qui va se défendre out au long de l’entretien d’avoir voulu penser le genre. pourtant, il a forcément envisagé cette relation virile, le rapport aux sentiments, à la pudeur, au langage, avec une certaine vision de la masculinité.

J’avais presque de la peine pour lui, tant il semblait en porte-à-faux, contrairement à ces deux collègues masculins. Du coup, je crois que son roman n’a pas été mis suffisamment en relief, il aurait été plus à l’aise sur un autre sujet. Nous sentions un écrivain sensible, intelligent avec tout ce charme de la langue québécoise.

Parce que la question était bien celle-là, quelle est cette idée de la masculinité qu’il faudrait déconstruire ? Elle est aujourd’hui en crise, il ne s’agit pas de l’exalter, ni l’idéologie du combat qu’elle véhicule mais plutôt faire la critique des dégâts qu’elle occasionne dans la société.

Pour John Vigna, dont « les personnages

« Pour moi, le paysage est féminin ». Les hommes ont été abjects depuis le début des temps, « Nous devons faire face à ces problèmes ». Les personnages de John Vigna sont en révolte avec le féminin,  en lutte contre leur propre part de féminin. La masculinité se retrouve sous le feu des critiques. « C’est une époque passionnante, parce qu’il y a une révolution dans le rapport entre le masculin et le féminin. Mais justement les communautés rurales dont on parle ici ont beaucoup de mal à accepter cette révolution, et l’évolution des relations entre les hommes et les femmes. »

« Il y a des fissures  dans la construction sociale de nos identités. cette perte de confiance, de solidité produit de très belles failles, où une parole plus profonde, plus sensible, peut émerger. »

Cette solidarité masculine est mise à l’épreuve, mais elle est aussi l’histoire de la tendresse qui existe entre ces hommes.

La présence de l’hiver est importante, car c’est un personnage fondamental de l’univers québécois. Il permet la ruse, une stratégie narrative pour coincer les deux hommes ensemble. Une grande place est accordée aux éléments. Le paysage représente les émotions des hommes qu’ils n’expriment pas, elle est leur miroir. (Christian Guay-Poliquin)

Il condamne l’espoir de toute évasion. Les personnages ont un lien très étroit à leur environnement qu’ils peuvent exploiter pour gagner leur vie. Ce n’est pas seulement beau, et prétexte à la contemplation, toute une économie du tourisme florissante repose sur ce paysage. Pour les autochtones, cela ne va pas de soi, le paysage peut être aussi une sorte de piège.

En tous cas, il hante tous les écrits canadiens.

John Vigna remarque que « l’environnement parisien a une influence sur ma façon de voir les choses » , et pas seulement son environnement canadien. Peut-être est-ce constitutif de sa façon de voir le monde.

« Les rocheuses canadiennes sont le cadre d’une grande partie de ma littérature, de mes souvenirs, et de ma carrière parce qu’elles sont présentes dans les deux livres. »

Les êtres sont perméables aux choses, il existe une sorte de porosité avec le paysage. Il s’agit de déformer puis de reformer le paysage.

Cette littérature est différente de la littérature américaine et du « nature writing ».

Quant à la forme, quelle est leur position ?

« J’ai commencé par écrire des romans. la nouvelle est plus compacte, et permet de renforcer mon écriture avant de retourner vers le roman. »

« Il y a une liberté que permet la nouvelle. Dans mon roman, j’essaie de supprimer tout ce qui semble inutile, dépouiller, aller à l’essentiel » (DW Wilson)

« Au début, j’ai écrit des poèmes. Puis j’ai ressenti la nécessité que l’histoire domine sur le texte. La poésie est devenue une dimension poétique. Ecrire, c’est surtout ne pas dire certaines choses. C’est l’ambiguïté essentielle de l’écriture. » (Christian Guay-Poliquin).

Merci messieurs, et …à bientôt !

En présence de :

Dessinées – Visages de femmes, poèmes d’amour

J’ai vraiment un attachement particulier aux Editions Bruno Doucey dont je suis en train de lire « Comme résonne la vie »d’Hélène Dorion, Mais voilà, je ne sais pas parler de poésie même si je l’aime. Souvent les mots me manquent, aussi je passe sous silence les recueils que je lis. Ce qui est un tort ! Donc je laisse l’éditrice parler de ce recueil qui célèbre les femmes mais aussi l’amicale complicité entre elles et lui, entre elles et eux.

L’auteur : Zaü

En librairie le 18 octobre 2018

Le mot de l’éditrice : Qu’elles fassent du vélo, dansent, se promènent, s’habillent ou se déshabillent, qu’elles lisent, pensent, observent, pleurent ou rient, toutes les femmes captées par le regard aimant de Zaü sont terriblement vivantes. À l’encre de Chine, à la mine de plomb, à l’acrylique, au pastel gras ou sec… peu importe la technique empruntée, le grand illustrateur les a croquées tout au long de sa vie, pour lui-même, sans rien perdre de la fulgurante beauté de ces rencontres. Dans Dessinées – Visages de femmes, poèmes d’amour, il nous ouvre son carnet intime. Pour servir d’écrin à ces instantanés de femmes, il fallait de grandes voix de la poésie contemporaine, parmi lesquelles Maram al-Masri, Tanella Boni, Ananda Devi, Hélène Dorion, Bruno Doucey, Abdellatif Laâbi, James Noël, Ernest Pépin… Mots et images d’amour tressés déplacent les frontières de l’intime pour que nous ne vivions jamais exilés de la beauté. Un pur bonheur.

Des textes de :

Maram al-Masri, Lucien Becker, Gioconda Belli, Tanella Boni, Ananda Devi, Habiba Djahnine, Hélène Dorion, Bruno Doucey, Abdellatif Laâbi, Alexandrine Lao, Aurélia Lassaque, Rita Mestokosho, Ketty Nivyabandi, James Noël, Ernest Pépin, Pierre Seghers, Pierre Vavasseur…

Collection : Passage des arts 

Pages : 144

Festival America 2018 – John Irving – lutter contre les discriminations sexuelles

JDescription de cette image, également commentée ci-aprèsohn Irving est une  grande figure, littéraire mais surtout un artiste, une personne, un homme fabuleux. La Grande Librairie , ce soir, mercredi 19 septembre, fêtera en sa compagnie les quarante ans de « Un monde selon Garp » véritable manifeste pour l’émancipation des femmes. Il sera également l’invité d’honneur du Festival America à Vincennes.

John Irving Cologne 2010, photo wikipedia

Il est l’invité d’honneur de cette 9e édition du Festival AMERICA de Vincennes à l’occasion de la réédition du Monde selon Garp par les éditions du Seuil (sortie le jeudi 20 septembre 2018, traduction Maurice Rambaud).

Les événements du festival autour de l’auteur :

Jeudi 20 septembre
18h : Cérémonie d’ouverture (Auditorium Cœur de Ville)

Vendredi 21 septembre
Après-midi : Café des Libraires (Salle des fêtes de l’Hôtel de Ville)
17h : Séance de dédicaces

Samedi 22 septembre
17h : Le Temps des écrivains, émission spéciale France Culture, animé par Christophe Ono-dit-Biot en direct de l’Hôtel de Ville de Vincennes.
18h : Conversation autour du métier d’écrivain et de la naissance des romans avec John Irving, Kevin Hardcastle et Nathan Hill (Centre culturel Georges Pompidou de Vincennes)
21h : L’Amérique de John Irving, rencontre animée par François Busnel, en partenariat avec le magazine America (Centre culturel Georges Pompidou de Vincennes)
22h : Projection du film Le Monde selon Garp de George Roy Hill

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« Jenny Fields ne veut pas d’homme dans sa vie mais elle désire un enfant. Ainsi naît Garp. Il grandit dans un collège où sa mère est infirmière. Puis ils décident tous deux d’écrire, et Jenny devient une icône du féminisme. Garp, heureux mari et père, vit pourtant dans la peur : dans son univers dominé par les femmes, la violence des hommes n’est jamais loin. Un livre culte, à l’imagination débridée, facétieuse satire de notre monde.Né en 1942, John Irving est l’un des plus grands romanciers américains de sa génération. Le Monde selon Garp, partiellement autobiographique, a connu un succès mondial et a été porté à l’écran » Editeur

La nostalgie des blattes, un trio de feu avec Catherine Hiegel, Pierre Notte  et Tania Torrens 

Deux monstres sacrés, deux comédiennes dont la présence fait vivre, frémir et haleter le plateau. Oui, tout est chamboulé, les lumières, même le rideau qui pourrait en trembler et un souffle gagne la salle, ravit les spectateurs. Elles sont deux femmes. Belles et souveraines, habitées par le temps qui passe, qui a passé, et qui passera encore un peu.

Elles attendent… Assises sur deux chaises, en mouvement, mais immobiles car les mouvements sont intérieurs, parfois violents, parfois tendres mais plus rarement. Un geste vers l’autre, vite interrompu, une parole amène, vite brisée.

On venait les voir comme au musée, ces deux belles vieilles, non retapées, non retouchées, dont les rides, les joues qui tombent, les poches sous les yeux constituent une curiosité dans un monde futuriste où le jeunisme, le bon ton, et un idéal du bonheur règnent en maître.

Elles résistent encore… Elles attendent, mais qui viendra dans ce musée qui semble étrangement désert…

Ce sont Catherine Hiegel et Tania Torrens qui ont soufflé à Pierre Notte l’idée de cette pièce où deux femmes, les seules vieilles qui existent encore, se livrent à un combat sans merci.

Texte et mise en scène Pierre Notte | avec Catherine Hiegel et Tania Torrens | lumière Antonio de Carvalho | son David Geffard | administration, diffusion et production En Votre Compagnie | photo © Giovanni Cittadini Cesi

production Compagnie Les gens qui tombent | coproduction Théâtre du Rond-Point ; Théâtre Montansier de Versailles

création le 5 septembre 2017 au Théâtre du Rond-Point, vue hier soir au théâtre Montansier à versailles

Cette pièce voyage, si elle passe près de chez vous, ne la manquez pas !

David Szalay ce qu’est l’homme Albin Michel – Un livre qui me tenterait bien et vous ?

Voilà un livre qui me tente beaucoup ! Des critiques élogieuses, une magnifique couverture, et une approche par le genre qui peut avoir beaucoup d’intérêt, car comme tout le monde le sait, les hommes sont (presque) des femmes comme les autres !
David Szalay   Ce qu’est l’homme  Traducteur : Etienne Gomez

« Neuf hommes, âgés de 17 à 73 ans, tous à une étape différente de leur vie et dispersés aux quatre coins de l’Europe, essayent de comprendre ce que signifie être vivant. Tels sont les personnages mis en scène par David Szalay à la façon d’un arc de cercle chronologique illustrant tous les âges de la vie. En juxtaposant ces existences singulières au cours d’une seule et même année, l’auteur montre les hommes tels qu’ils sont : tantôt incapables d’exprimer leurs émotions, provocateurs ou méprisables, tantôt hilarants, touchants, riches d’envies et de désirs face au temps qui passe. 
Et le paysage qu’il nous invite à explorer, multiple et kaléidoscopique, apparaît alors au fil des pages dans sa plus troublante évidence : il déroule le roman de notre vie.
Avec ce livre, finaliste du Man Booker Prize, le jeune auteur britannique offre un portrait saisissant des hommes du XXIe siècle et réussit, en disséquant ainsi la masculinité d’aujourd’hui, à dépeindre avec force le désarroi et l’inquiétude qui habitent l’Europe moderne. » 

« La démonstration d’une puissance littéraire hors du commun. Magnifique. » The New York Times

Portrait de femme – Madeleine – Pierre Lemaître, Couleurs de l’incendie

Couleurs de l'incendie

Les couleurs de l’incendie – Pierre Lemaître – 03 janvier 2018

Ce second volet de la trilogie inaugurée par « Au revoir là-haut », prix Goncourt 2013, fait la part belle aux femmes, et surtout à l’une d’entre elles, Madeleine, la fille de Marcel Péricourt dont les obsèques sont célébrées en ce mois de février 1927.

Eduquée comme l’étaient les femmes de la grande bourgeoisie des années trente, Madeleine ne sait rien faire, on peut dire qu’elle a juste appris à lire et à peine à compter, et surtout à dépenser l’argent que lui octroie l’Homme de la famille, son père, qui n’a pas cru bon de l’initier aux arcanes de son empire financier. Elle est la maîtresse de maison, organise repas et réceptions quand cela est nécessaire et dirige la domesticité de la maison.

Les femmes vivent à travers les hommes, et réussissent à travers un bon mariage qui seul peut leur assurer la prospérité.

Madeleine, à la mort de son père, jeune divorcée d’un mari passablement indigne, a tout le profil d’une possible victime, prisonnière d’un monde dont elle ne connaît pas les rouages. Elle est aveugle à ce qui se passe autour d’elle mais aussi en elle.

Cette cécité conduit au drame, Paul, son fils, se jette de l’immeuble familial, et l’élucidation de ce drame, la ruine qui va l’accompagner, vont permettre à Madeleine de prendre son destin en main.

Pour cela, elle va se servir des hommes, des autres, pour assouvir sa vengeance et punir les coupables, dans un machiavélisme qui n’a rien à envier à celui des hommes ambitieux, cupides et corrompus qui l’entoure.

D’ailleurs les rapports de force s’organisent autour des hommes, une femme seule ne peut rien faire, et Madeleine, dans ce contexte,  saura armer son bras. Mais les couleurs de l’incendie illuminent une Europe décadente, antisémite et violente qui fait écho à ce drame familial et social.

Ce second volet de la trilogie est particulièrement réussi. Pierre Lemaître orchestre savamment son récit, ménage le suspense et n’est pas avare de retournements de situations. Il fait progresser la narration de manière implacable à la façon d’un piège qui se resserre inexorablement et qui procure bien des frissons au lecteur. A lire et à suivre …

Selon la Presse, le troisième volet se situerait dans les années quarante, et l’auteur, emporté par son sujet, envisagerait même de poursuivre cette fresque jusqu’au tome 10 (1920-2020). Lire ici !

Et je danse, aussi de Jean-Claude Mourlevat et Anne-laure Bondoux

Et je danse, aussi de Jean-Claude Mourlevat et Anne-laure Bondoux, 2016 Pocket numéro 16 542 (Fleuve éditions)

Je connais Jean-Claude Mourlevat grâce à son fantastique roman « L’enfant océan », un des meilleurs romans jeunesse que j’aie jamais lu. Et ils ne sont pas nombreux dans mon panthéon. J’avais donc un préjugé favorable à la lecture de ce roman tissé à deux mains même si je ne connaissais pas Anne-Laure Bondoux, elle aussi auteure jeunesse.

Il s’agit d’un roman épistolaire, dans lequel deux voix se répondent et d’entremêlent : Pierre-Marie Sotto et Adeline Parmelan. Les deux personnages correspondent par mails et c’est Adeline qui a envoyé le premier courrier assorti d’une volumineuse enveloppe qu’elle implore Pierre-marie Sotto, écrivain de son état, de ne pas ouvrir. Croyant à l’envoi d’un manuscrit, Pierre-Marie accède à sa demande et oublie plus ou moins l’enveloppe sur le bas de son étagère.

S’ensuit un échange de confidences et chacun livrant peu à peu de son univers intérieur, une sorte d’attachement se crée. Pourtant Adeline ne dit pas toute la vérité, et son personnage contient une part d’ombre et de mystère que l’écrivain va chercher peu à peu à percer.

Jean-Claude Mourlevat a écrit la partition masculine alors qu’Adeline écrivait celle d’Adeline.  Le roman s’est construit au fil de leurs échanges car ils ne savaient pas de quoi ils allaient parler en commençant leur projet littéraire. Ils ont dû se concerter tout de même à la moitié du roman afin d’écrire de concert car ils sentaient qu’ils partaient dans des directions différentes (voir interviews).

Il s’agissait pour tous deux de leur premier roman adulte et Jean-Claude Mourlevat  déclare en avoir trouvé l’écriture plus facile que celle des romans jeunesse. Il a été davantage moteur dans l’intrigue et Anne-Laure Bondoux avoue s’être davantage attachée à l’épaisseur des personnages
Ce roman fait partie des feel-good book et contient une part de légèreté mais des drames apparaissent peu à peu en toile de fond pour devenir très vite le ressort intérieur de l’histoire. On passe un agréable moment de lecture, il n’est pas sûr que les personnages nous suivent au-delà, mais c’est tout à fait bien comme cela.

Tahar Ben Jelloun au salon du livre de Paris Mars 2017. L’écrivain et les femmes …

Dans son livre « Le terrorisme expliqué à nos enfants » Tahar Ben Jelloun tente d’expliquer  le rapport à la femme des extrémistes qui selon lui est « un problème de sexualité non résolu » et a pour conséquence d’empêcher la femme d’être libre, de la rendre invisible dans l’espace public sous quantité de voiles et de la cantonner à un statut de mineure.

Pour les extrémistes, le corps des femmes est une véritable obsession, il est complètement érotisé et objet de tentation permanente. Ce qui signifie également que le regard des hommes est lui-même érotisé à l’extrême et obsessionnel. Le corps ne peut être détaché des significations qu’on lui prête et chaque parcelle de peau est surgissement du désir, il n’y a pas d’espace neutre où le corps est simplement corps fait pour se mouvoir, pour s’alimenter et pour s’émouvoir. Il s’agit alors d’un corps trivial, voué uniquement au désir et à la reproduction. Selon l’auteur, cela provoque aussi la peur de l’islam, car dans certains pays musulmans : « la femme ne jouit pas des mêmes droits que l’homme », « la polygamie est autorisée, la répudiation aussi, et même la lapidation ».

Dans une interview donnée au journal MarocHebdo, il confie : « Mes premiers livres parlaient de la condition de la femme dans mon pays, puis j’ai abordé la question des relations entre l’homme et la femme dans la société marocaine musulmane, traditionnelle. » , « « Respecter une femme, c’est pouvoir envisager l’amitié avec elle ; ce qui n’exclut pas le jeu de la séduction, et même, dans certains cas, le désir et l’amour. »

Fakhereeddine RADI a publié une thèse sur « Figure de la femme dans les romans de Tahar Ben Jelloun » dont le sujet est celui-ci : « La tragédie du personnage féminin dans certains écrits de Tahar Ben Jelloun, au regard de la réalité, sociale, religieuse, culturelle, économique et politique impose une analyse herméneutique des contours de la situation authentique de la femme marocaine, d’hier et d’aujourd’hui. Cette démarche tentera, dans un premier temps, de mettre en lumière, l’imaginaire littéraire qui met le thème du fantasme de la décadence, de l’érotisme exacerbé et de la volupté débridée au cœur du dispositif narratif chez l’auteur marocain. L’ébauche analytique,des figures féminines dans les romans choisis dans cette étude, cheminera vers l’exposition d’un modèle féminin stéréotypé qui met en exergue la relation conflictuelle de Tahar Ben Jelloun, auteur francophone et francophile par excellence, avec certaines formes de la culture marocaine. Cet apport permettra en fin la mise en évidence d’une forme de nomadisme linguistique mêlant exotisation, oralité et langue française dans un processus de recyclage et de renouvellement thématique constant et permanent. »

Il razzismo spiegato a mia figlia”, di Tahar Ben Jelloun, è un ...

Nizar Qabbani – Poète de la femme

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Nizar Qabbani (en arabe نـزار قـبـّانـي , translittéré Nizār Qabbānī), né le 21 mars 1923 à Damas en Syrie et mort le 30 avril 1998 à Londres  était un poète syrien dont la poésie casse l’image traditionnelle de la femme arabe et invente un langage nouveau, proche de la langue parlée et riche de nombreuses images empruntées au monde de l’enfance. Nizar est considéré comme l’un des plus grands poètes contemporains de langue arabe.

Il a publié plus de trente recueils de poèmes, dont L’enfance d’un sein (1948), Samba (1949),tu es à moi (1950), le journal d’une femme indifférente (1968), des poèmes sauvages (1970), le livre de l’amour (1970), 100 lettres d’amour (1970), des poèmes hors- la loi(1972), je t’aime, je t’aime et la suite viendra (1978), À Beyrouth, avec mon amour (1978), que chaque année tu sois ma bien aimée (1978), Je jure qu’il n’y a de femmes que toi (1979) et plusieurs d’autres œuvres.

La femme a été la source principale de l’inspiration poétique de Nizâr Qabbânî à cause du suicide de sa sœur. Son écriture s’est souvent emparée des thèmes du désespoir politique, et il a ainsi traité l’oppression des femmes comme une métaphore dans laquelle il voyait le destin maudit des Arabes. Dans son poème « Dessin avec des mots », il écrit : « Quand un homme désire une femme, il souffle dans une corne ; mais, quand une femme désire un homme, elle mange le coton de son oreiller ». (source wikipedia)

traduit de l’arabe par Simon Corthay et Charlotte Woillez

Je vais parler de mes amies

Je me retrouve dans l’histoire de chacune d’elles

J’y vois une tragédie semblable à ma tragédie

je vais parler de mes amies

De la geôle qui engloutit la vie de ses capatives

Du temps dévoré par les colonnes des magazines

Des portes que l’on n’ouvre pas

Des désirs sacrifiés au berceau

De l’immense cachot

De ses murs noirs

Des milliers et milliers de martyres

Enterrées sans nom

Dans le tombeau des traditions

Mes ailes

Poupées enveloppées de coton, dans un musée fermé

Monnaie frappé par l’histoire, ni offerte, ni dépensée

Bancs de poissons dans leur bassin étouffés

Vases de cristal aux papillons bleus figés

Sans peur

Je vais parler de mes amies

Des chaînes ensanglantées aux pieds des belles

Du délire et de la nausée…des nuits de soumission

Des désirs enfouis sous les oreillers

Du tournoiement dans le néant

De cette mort de tous les instants

Mes amies

Otages achetées et vendues au marché des superstitions

Prisonnières du harem de l’orient

Eteintes sans être mortes

Elles vivent et meurent comme la lie au fond des bouteilles!

Mes amies

Oiseaux dans leur grotte

qui meurent en silence

cité par Rajaa Alsanea – Les filles de Ryad »

Thierry Hoquet – Des sexes innombrables

Des sexes innombrables - Thierry Hoquet

Thierry Hoquet Des sexes innombrables Le genre à l’épreuve de la biologie Seuil, 2016, 250 p

Vignette Les hommes sont des femmes comme les autresQue de malentendus sur la question du sexe et du genre…. Homme, femme, féminin, masculin. La tradition en a enregistré deux, or, nous le savons aujourd’hui, des individus naissent porteurs d’un caryotype sexuel atypique. Il y a des « filles » X0, qui seront stériles, d’autres sont « mosaïques » (X0 et XY), des « garçons » XXY, avec des caractères secondaires féminins. Il y a aussi des individus XY dont l’apparence génitale est quasi féminine, d’autres XX avec des organes masculinisés, et des « hermaphrodites vrais » (XX ou XY) dotés des deux appareils génitaux. mais ces « cas » seraient de l’ordre du pathologique.

Toujours cette vieille habitude de classer selon ce qui est « normal » et ce qui ne l’est pas. Comme si la vie tendait à privilégier la norme, l’universel au détriment de l’exception et du particulier. Mais si la biologie admet qu’il y a des cellules sexuées dans la nature, les marqueurs biologiques sont variés: chromosomiques, gamétiques, hormonaux, somatiques etc et contredisent la pensée réductrice selon laquelle il n’y aurait que deux sexes masculin et féminin.

La recherche scientifique a permis de recenser une pluralité de types sexuels dans la nature, sans considérer que ces types soient anormaux. Seules la société, la religion, la tradition excluent du vivant ce qui ne lui paraît pas normal donc « moral » et on peut craindre que l’obscurantisme n’ait de beaux jours devant lui. L’altérité, la différence résistent à toute tentative d’homogénéisation définitive. Mais à chaque fois qu’on avance d’un pas, on recule de deux. Voir malgré toutes les avancées de la science, la virulence des attaques contre « Le mariage pour tous ».

Dans un précédent ouvrage (Sexus nullus ou l’égalité) , l’auteur proposait d’effacer de l’état civil la mention du sexe des citoyens. Quand on voit les efforts qu’il faut déployer aujourd’hui pour réhabiliter des auteurs qui n’ont eut que le seul tort de naître femme à l’Etat Civil, la question de l’identité sexuelle n’a pas fini de susciter la polémique ! Mais de plus en plus régulièrement des œuvres de fiction posent cette question et racontent des parcours de vie singuliers, tel le livre « Danish girl ».

Thierry Hoquet est professeur de philosophie à l’université Jean-Moulin Lyon 3, spécialiste de l’histoire et de la philosophie de la biologie. Il est l’auteur notamment de Darwin contre Darwin (Seuil, 2009), Cyborg philosophie (Seuil, 2011) et Sexus nullus, ou l’égalité (iXe, 2015). Il a dirigé l’ouvrage collectif, Le Sexe biologique. Anthologie historique et critique, en 3 volumes (Hermann, 2013) et traduit plusieurs essais.