Archives pour la catégorie Femmes canadiennes

Timeless – Rupi Kaur – Recueil « Le soleil et les fleurs »

Printemps des poètes : le désir féminin/ Caroline Dufour

Une image de mon désir 

Pour Anna G.

j’ai levé le store sans savoir

à quoi ressemblerait le ciel –

seulement qu’il serait là

ensuite j’ai vu qu’il y avait toi

qui me demandais un poème

si je pouvais, sur le désir

du coup il y a eu moi

mon envie de te faire plaisir

puis il y a eu l’eau sur mon corps

et là je savoure mon café

les yeux sur le ciel clair

et j’imagine mon âme

qui s’étire par-dessus la mer

jusqu’à ton beau Paris que j’aime

pour te souffler que je t’entends

et ton désir là-bas

et devant moi le lilas

je ne sais pas s’il fleurira

déjà l’an dernier on a vu

qu’il pointait vers l’absence

moins de baisers, moins de fleurs

il est vieux, que m’a dit ma soeur

c’est normal, alors peut-être

un magnolia à sa place?

peut-être, oui

mais pour l’instant c’est encore lui

qui parle à mes matins

le jour se lève – et puis ces mots

que j’enverrai vers toi

d’un samedi ordinaire

avec des recoins où me vivre

elle est pour toi, Anna

cette image de mon désir

Caroline Dufour est une poétesse québécoise, dont les mots, les poèmes ont creusé en moi de multiples chemins incandescents.

Mais elle est aussi photographe, chanteuse et tant d’autres choses que je ne connais pas.

Parole d’autrice : Fanny Britt

« J’ai besoin de sentir que chaque pièce, chaque livre, chaque projet d’écriture, m’est essentiel ou m’est nécessaire. pas seulement à moi, mais me semble nécessaire ou fait de la lumière sur un propos qui me semble incontournable, ici et maintenant. J’ai vraiment besoin de sentir une assise, parfois morale, parfois politique, à la prise de parole. » Octobre 2016

Fanny Britt

Cinq à sept – Fanny Britt

Cinq à sept Fanny Britt- L’Instant scène – 2017

Cette pièce fait partie d’une trilogie, dont elle est le deuxième volet, composée de « Ils étaient quatre », de Mathieu Gosselin et Mani Soleymanlou, et close par « Huit » de Mani Soleymanlou.

Trois comédiennes, Julie, Kathleen et Geneviève se livrent, sans tabous, le temps d’un cinq à sept.

La frontière entre fiction et réalité est particulièrement ténue. Parlent-elles de leurs expérience ou le texte est-il pure fiction ? Il y a fort à parier qu’il soit tissé des deux.

Cette parole libre fait particulièrement du bien : on s’y reconnaît ou pas, mais le langage, parfois cru, dynamite les tabous de manière salutaire.

L’amour, le couple, le désir, la sexualité, les contraintes sociales et la morale sont au cœur de ces dialogues.

«   Si on mettait pas autant d’énergie et de temps à focusser sur son propre corps et sur l’apparence de celui des autres, ça se passerait TRES bien. Même que si j’étais toute seule sur une île déserte, je pense que sans miroir, je pourrais me trouver assez cute. »

Des femmes qui revendiquent leur plaisir et leur goût de l’amour et de la jouissance, c’est assez rare, ici, en France, ou alors cette parole reste confidentielle, un peu « underground ».

Rafraichissant. Merci les filles.

Le Faucon – Marie Laberge / Théâtre québécois

Le Faucon – Marie Laberge – Boréal – 1991

J’ai été transportée et bouleversée par ce texte. Il est rare qu’un texte dramaturgique soit aussi visuel et se prête à ce point à la représentation intérieure. Cela est dû certainement aux photos des comédiens, Jules Philipp et Denise Verville, dans la mise en scène de Gill Champagne, et les photos d’André Panneton qui a illustré la couverture. Les didascalies, assez fouillées et nombreuses, plantent le décor.

Le faucon est la métaphore qui va orienter le récit et donner les clés du drame vécu par Steve, jeune homme de dix-sept ans, accusé d’avoir tué son beau-père. Aline, ancienne religieuse devenue thérapeute, est chargée d’établir le lien avec lui, et d’obtenir la vérité. Le père de Steve, répparaît brusquement dans la vie du jeune homme, alerté par la mère.

« Un bébé faucon peut être nourri par un autre si son père est un mauvais chasseur. D’habitude, c’est la mère qui est obligée de chasser dans ce temps-là. Mais si a laisse le nid, c’est dangereux à cause des prédateurs. Ça arrive qu’un frère s’occupe des autres et qu’y aide la mère en volant plus vite pis en allant chercher la proie dans ses serres quand elle arrive […] »

Le personnage de Steve apporte toute la tension dramatique à ce texte. Révolté, dur, sans complaisance vis-à-vis du monde des adultes, il esquive les questions, emmuré dans son secret, débusque les faux-semblants des adultes et les provoque, les poussant dans leurs retranchements.

Le mur, au milieu de la scène, symbolise l’enfermement mais il est aussi le lieu de l’ouverture possible au monde des adultes. Steve le frappe mais aussi y dessine de merveilleux faucons qui prennent leur envol.

Les événements du dehors sont rapportés par les personnages extérieurs qui eux, vont et viennent de part et d’autre du mur.

Il y a des passages risqués qui pourraient faire basculer le texte dans la mièvrerie, ou une forme de facilité, mais Marie Laberge sait les éviter, le personnage de Steve, provocateur et rebelle, mais aussi puissant, peut tout se permettre, son enfermement n’est que le contrepoint de sa liberté intérieure.

Et comme c’est aussi Québec en novembre :

Pour tout savoir de ce challenge animé par Karine et Yueyin,  rendez-vous sur leurs blogs respectifs.

Salon du livre de Montréal 2019- Paris France – Ode à la francophonie

Notre incontournable radio française se retrouve au salon du livre de Montréal pour célébrer la francophonie :

 

Quand à Antonine Maillet, elle a été lauréate du Prix Goncourt en 1979 pour « Pélagie-la-Charrette », première distinction a être faite à une personnalité non-européenne.

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« Chassée par les Anglais en 1755, une veuve, devenue esclave en Géorgie, décide de revenir en Acadie avec ses enfants. Rejointe par d’autres exilés, son odyssée de toutes les amours, de tous les dangers, durera dix ans. De Charleston à Baltimore, en passant par les marais de Salem, Pélagie et son peuple croiseront les Iroquois, connaîtront la guerre d’Indépendance américaine, souffriront la haine des protestants de Boston et un hiver rigoureux avant de regagner leur Terre promise. On ne sait ce qu’il faut admirer le plus de cette épopée : la langue d’Antonine Maillet, ce français violent, coloré, magnifié d’Acadie, ou l’héroïsme d’une femme incarnant le courage de nos lointains cousins. Une certitude cependant : par son humour, sa ferveur, Pélagie-la-Charrette est un chef-d’oeuvre à rire et à pleurer. » Note de l’éditeur

Les Testaments – Margaret Atwood/ Eblouissant !

Les testaments

Testaments – Margaret Atwood – Collection Pavillons – Robert Laffont, octobre 2019

 Lorsque j’ai appris la sortie de ce nouvel opus du chef-d’œuvre dystopique de Margaret Atwood « La servante écarlate », je me suis demandé pourquoi l’autrice avait ressenti le désir d’écrire cette suite : une série télévisée s’en était chargée avec brio, malgré quelques critiques cependant sur une forme de surenchère dans la cruauté et la violence du système totalitaire de Galaad.

Mais Margaret Atwood, dans ses remerciements, à la fin de l’ouvrage, ne manque pas d’adresser ses plus vifs remerciements aux « équipes MGM et de Hulu qui ont adapté le livre en une captivante série télévisée, magnifiquement réalisé et maintes fois primée ».

Mais il est à noter qu’elle ne mentionne que l’adaptation du roman et non la suite.

Parce que la patronne, c’est elle, et la suite sera la sienne !

Mais quid de cette suite ? Est-il encore possible de maintenir la même tension, le même suspense et la même émotion  ?

Le récit se situe quinze ans après « la servante écarlate » dans un régime théocratique corrompu, dont les rouages impitoyables assassinent, torturent et réduisent au silence tous ceux et surtout toutes celles qui lui résistent.

Testaments, est le récit de trois femmes dont l’une est la fondatrice du système, et les deux autres  deux jeunes filles dont l’une a été élevée à Galaad, et l’autre au Canada.

Les destins de ces trois femmes vont être réunis sous le sceau du secret, dans une lutte clandestine et souterraine, éminemment dangereuse qui pourrait les broyer.

Je n’en dirais pas plus, parce qu’il ne faut rien savoir  afin de pouvoir se laisser porter par le récit.

Selon Margaret Atwood, il s’agissait de répondre à une question récurrente qui lui était posée : « Comment Galaad s’est-il disloqué ? »

Testaments y apportent une réponse.

« Il arrive que les totalitarismes s’effondrent, minés de l’intérieur, parce qu’ils n’ont pas réussi à tenir les promesses qui les avait portés au pouvoir ; il se peut aussi qu’ils subissent des attaques venues de l’extérieur ; ou les deux. Il n’existe pas de recette infaillible, étant que très peu de choses dans l’histoire sont inéluctables. »

 Il s’agit selon moi d’un récit virtuose, qui ne vous lâche pas, dont le suspense est haletant et vous fait vibrer jusqu’à la dernière page.

Je vous le dis, Margaret Atwood voulait avoir le dernier mot. Et elle l’a eu dans cette suite éblouissante.

Margaret Atwood – Graine de sorcière

Margaret Atwood – Graine de sorcière –  (2016) Editions Robert Laffont, Paris 2019

Est-ce un signe des temps ? Margaret Atwood revisite le personnage de Miranda dans la Tempête de Shakespeare. Et c’est fabuleusement réjouissant !

Quelle ne fut pas ma surprise en lisant le dernier roman de Margaret Atwood traduit en français, « Graine de sorcière » de découvrir que Miranda en était l’un des sujets. Ou plutôt sa réhabilitation.

Un des nombreux clins d’œil de ce roman foisonnant !

Les féministes tentent aujourd’hui de redonner aux personnages féminins des romans masculins, victimes d’une société patriarcale qui les a contraints, l’occasion de régler quelques comptes. Avant de lire ce roman, j’avais découvert la version de la librettiste (peut-on l’appeler comme cela ?) Cordelia Lynn dans un semi opéra qui lui est consacré, où Miranda se venge de son existence bafouée.

Pourquoi m’être intéressée à la Tempête ? Parce que j’avais vu la pièce au théâtre, que le personnage de Miranda m’avait semblé assez symptomatique de la société de l’époque, où les femmes étaient exclues du pouvoir, et aussi parce que ma fille Héloïse dessinait les personnages pour Ted Ed et relisait donc la pièce. (J’ai la chance d’être la mère d’une jeune femme prodigieusement intéressante et talentueuse (mais si, mais si, je suis objective, l’amour n’est-il pas une seconde vue ?).

La mise en abyme de Margaret Atwood est diablement futée ! Lisez plutôt : « Injustement licencié de son poste de directeur du festival de Makeshiweg, au Canada, alors qu’il mettait en scène la tempête de Shakespeare, Felix décide de disparaître. Il change de nom et s’installe dans une maisonnette au cœur de la forêt pour y panser ses blessures, pleurer sa fille disparue. Et préparer sa vengeance. »

Douze ans après, il a l’occasion de monter une pièce avec un groupe de détenus dans une prison. Et il va s’arranger pour orchestrer sa vengeance et débouter du pouvoir ceux qui lui ont nui autrefois. D’une manière tout à fait jouissive pour le lecteur qui s’amuse bien, je vous prie de le croire, en opérant une sorte de renversement des valeurs ! Dont le personnage de Miranda ne fera pas l’économie.

Une sorte de tempête à bord d’une île qui serait la société du spectacle d’aujourd’hui.

Et un gigantesque pied de nez aux salauds de tout poil.

lire margaret Atwood

En librairie le 10 octobre, la suite de « La servante écarlate » traduite en français. Un démenti à la série télévisée ?

Une alternative à la série télévisée dont les saisons se suivent et se ressemblent : violentes et insupportables parfois. Géniales aussi le plus souvent. D’ailleurs je viens d’apprendre que ce livre va également faire l’objet d’une série télévisée.

« Le chef-d’oeuvre dystopique de Margaret Atwood, La Servante écarlate, est devenu un classique contemporain… auquel elle offre aujourd’hui une spectaculaire conclusion dans cette suite éblouissante.

Quinze ans après les événements de La Servante écarlate, le régime théocratique de la République de Galaad a toujours la mainmise sur le pouvoir, mais des signes ne trompent pas : il est en train de pourrir de l’intérieur.
À cet instant crucial, les vies de trois femmes radicalement différentes convergent, avec des conséquences potentiellement explosives. Deux d’entre elles ont grandi de part et d’autre de la frontière : l’une à Galaad, comme la fille privilégiée d’un Commandant de haut rang, et l’autre au Canada, où elle participe à des manifestations contre Galaad tout en suivant sur le petit écran les horreurs dont le régime se rend coupable. Aux voix de ces deux jeunes femmes appartenant à la première génération à avoir grandi sous cet ordre nouveau se mêle une troisième, celle d’un des bourreaux du régime, dont le pouvoir repose sur les secrets qu’elle a recueillis sans scrupules pour un usage impitoyable. Et ce sont ces secrets depuis longtemps enfouis qui vont réunir ces trois femmes, forçant chacune à s’accepter et à accepter de défendre ses convictions profondes. En dévoilant l’histoire des femmes des Testaments, Margaret Atwood nous donne à voir les rouages internes de Galaad dans un savant mélange de suspense haletant, de vivacité d’esprit et de virtuosité créatrice. »

le 12 août je lis un livre québécois – Claude Lamarche, Les têtes rousses

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J’ai lu ce roman dans le cadre particulier de cette journée, et aussi parce que Claude Lamarche est blogueuse et écrivaine. Sur ma liseuse, parce qu’il était plus difficile de le trouver en version papier. Au mois de novembre est organisé un autre rendez-vous avec la littérature « Québec en novembre » auquel je compte bien participer.

Le récit de Claude Lamarche est intéressant à plus d’un égard. Par ses conditions de création, tout d’abord, lors d’ateliers d’écriture, pratique assez courante Outre-Atlantique, beaucoup plus rare chez nous, et par sa double généalogie, celle de sa production mais celle aussi des ancêtres de l’auteure, les familles Bushell et Lynch.

C’est en découvrant un cahier écrit par sa grand-mère maternelle qu’elle se plonge dans l’histoire familiale.

Cependant, ce n’est pas un simple travail de généalogiste mais aussi de romancière qu’a entrepris l’auteure. Claude Lamarche avertit : « Dès que j’ai commencé à fouiller dans la vie de mes ancêtres, les personnes sont devenues des personnages. Plutôt que de tenter de me rapprocher de leurs vérités – ce que j’aurais pu croire être leur vérité-, j’ai choisi de les suivre sur le chemin qu’ils ont décidé d’emprunter. »

La famine sera à l’origine d’une très forte immigration irlandaise à la fin du XIXe siècle. Le mildiou qui a attaqué les pommes de terre à la base de l’alimentation mais aussi l’injustice dans la répartition des terres, le morcellement, qui ne permet pas de produire suffisamment, pousseront un grand nombre d’irlandais à fuir leur pays.

On connaît assez bien, par de nombreux récits, la migration vers les Etats-Unis, mais moins bien peut-être celle vers le Canada, encore sous domination anglaise, nommé le Canada-Uni. En tout cas, en ce qui me concerne, cela a été une vraie découverte.

Les orphelins Bushell vont donc quitter leur Irlande natale, en 1847,  à la recherche d’une vie meilleure. Bridget, la grande sœur, mène son petit monde d’un main aimante mais ferme jusqu’à Saint-Henri des Tanneries. Commence alors une vie rude, faite de privations, de travaux pénibles et mal rémunérés. Il y a notamment de nombreux passages qui montrent la dureté du travail des enfants, embauchés dans les manufactures, et leurs vies sacrifiées.

Progressivement la famille anglophone va s’adapter et s’intégrer à la culture québécoise, en adopter certaines caractéristiques et l’on comprend peu à peu comment la langue française va devenir également un élément important de l’histoire familiale.

C’est un récit linéaire, dans lequel les personnages sont engagés dans une forme de survie et qui progressivement, au fil des générations, vont acquérir une forme d’aisance.

En cette fin du XIXe siècle, la majorité de la population suit la tradition : la religion, l’ordre social, la condition des femmes, les nombreux enfantements, la répartition des tâches ne sont pas contestés.

C’est un récit qui se lit avec plaisir… C’est toujours savoureux pour nous, ici en France de lire nos amis francophones auxquels nous attache une indéfectible affection

Le 12 aôut, je lis un livre québécois !

litterama - Copie

J’ai choisi pour ma part, dans l’énorme création de nos amis québécois, le livre de Claude Lamarche « Les têtes rousses »

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Alias Grace – La série d’après le roman de Margaret Atwood – Captive

  • Captive, Robert Laffont, 1998 ((en) Alias Grace, 1996) adapté en 2017 sous forme de mini-série de six épisodes par Netflix

La série est parfaitement construite, et elle est relativement fidèle au roman. Remarquablement interprétée par Sarah Gadon, dont la retenue et la subtilité dans le jeu donnent toute l’ambiguïté et le charme nécessaires à un tel personnage, son format permet d’en dessiner suffisamment toute la complexité.

Née le 4 avril 1987 à Toronto, elle a notamment joué dans les films A Dangerous Method, Cosmopolis et Maps to the Stars, trois films du réalisateur canadien David Cronenberg qui excelle à mettre en scène la complexité de personnages ambivalents et troubles.

Depuis 2017 / 45min / Titre original : Alias Grace de Sarah Polley, Noreen Halpern,

avec Sarah Gadon, Edward Holcroft, Rebecca Liddiard

Margaret Atwood – La voleuse d’hommes ou La guerre des sexes aura bien lieu…

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Margaret Atwood – La voleuse d’hommes  ( The Robber Bride, 1993), Editions Robert Laffont, 1994, traduit de l’anglais (Canada) par Anne Rabinovitch, collection 10/18, n°3744

Margaret Atwood est tout simplement géniale : quelle idée astucieuse que d’investir ce terrain qui paraît à première vue uniquement masculin, le territoire de la guerre, et sa discipline la polémologie, sous les traits de Tony, universitaire réputée, dont l’engouement pour la dynamique des massacres spontanés n’a d’égal que son goût des conclusions tranchées. La guerre, comme tout le monde le sait, ne se déroule pas seulement, voire plus, sur les terrains de bataille, ou dans les zones de conflits armés, elle peut se dérouler sous nos crânes, dans nos vies et au cœur de notre psychisme.

La guerre peut avoir une réelle séduction pour ceux dont la rage ou les blessures profondes génèrent une violence impossible à contenir.

Nous sommes à Toronto, dans les années 90, et la guerre et la dévastation  se dissimulent habilement sous les traits harmonieux et la silhouette de rêve de Zénia (Xénia ?). Il est bien connu que l’adversaire, pour pouvoir vaincre, prend appui sur nos faiblesses.

Charis, Tony et Roz, trois amies, ont comme dénominateur commun une enfance difficile qui a laissé des failles en chacune d’elles, ce dont va profiter l’impitoyable Zénia pour détruire les hommes, leurs hommes. La guerre des sexes aura bien lieu… et c’est une femme qui la mène et qui profite des fantasmes des hommes pour mieux les asservir. Ses camarades n’en seront que les victimes collatérales.

Margaret Atwood est une romancière absolument géniale. A chaque roman, le quatrième maintenant, je l’apprécie davantage.

Même si j’ai trouvé les cent premières pages un peu longuettes, ensuite le récit s’accélère et devient captivant. Margaret Atwood a une maîtrise dans la construction du récit qui est tout simplement époustouflante et elle mène son lecteur ou sa lectrice jusque au dénouement final sans jamais faiblir.

lire margaret Atwood

Si vous voulez participer au cycle de lectures, c’est ici.

L’hiver de pluie – Lise Tremblay – Une lecture de ciels gris et de mélancolie…

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Lise Tremblay – L’hiver de pluie – Bibliothèque Québécoise XYZ éditions (20/09/2005)

Premier roman de l’auteure, L’hiver de pluie, cisèle son récit de mélancolie et d’errance au sein de la ville de Québec. Les hommes y sont soit petits, soit gros, toujours fuyants ou impuissants, incapables de tendresse et d’amour. Les aventures malheureuses, les déboires affectifs, les rencontres manquées et la ville et ses cafés peuplés de solitudes, de gens pas tout à fait comme il faudrait, voués au malheur et à la déconfiture (si l’on peut dire), sont au diapason de ces ciels gris, de ces flaques sur le sol dans lesquelles se reflète un ciel immensément gris. C’est le roman, peut-être, d’une génération, de la désespérance.

L’hiver de pluie,  est un court récit,  qui excède à peine une centaine de pages,  divisé en deux parties inégales, dans lesquelles des tranches de vie, des moments sont relatés, (beaucoup de références à Poulin que je ne connais pas) qui donnent son atmosphère au livre, intimiste, où la narratrice est aux prises avec les mots, leur impuissance, et la tentation du silence, « dans un pays où on assassine les mots à force de redites], où on les épuise, un pays de peu de mots » (p. 99) ?

La narratrice écrit des lettres qu’elle n’enverra pas à l’homme dont l’abandon, le manque , la conduit à marcher sans fin. Elle marche pour ne pas céder à l’inertie, pour garder la vie en elle, mais elle marche sans but.

Ceux qui marchent : « Ils ne survivent que par compassion, caressés par leur propre douleur qu’ils voient se refléter dans le regard des passants. Ceux qui marchent ont des regards de bêtes qui meurent à petit feu, des bêtes qu’on a oubliées… »

C’est tellement bien écrit, c’est beau aussi comme un ciel pommelé, mais au sortir de cette lecture, on a envie de crier, de sauter dans les flaques, et d’arracher quelques rayons au soleil.

C’était ma dernière lecture pour « Québec en novembre » avec  Karine et Yueyin.

Louise Dupré : Le Québec, terre de poètes