Archives pour la catégorie Femmes autrichiennes

Elfriede Jelinek :  » La langue elle-même parle… »

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« Je me sens vraiment ancrée dans cette tradition de la réflexion critique sur le langage. La langue elle-même parle, s’exprime, et elle le fait plutôt bien, allant jusqu’à révéler ses vérités intérieures. C’est pour cette raison que je me laisse volontiers aller aux calembours – aussi bien aux jeux de mots qu’aux blagues un peu plus osées -, que j’assume une part de trivialité, tout en pouvant me risquer, en même temps, au pathos. J’aime vraiment l’art du calembour, car je veux que le langage nous révèle sa vérité contre nos volontés.  »

« J’utilise le son de chaque mot comme s’il s’agissait d’une composition musicale. J’essaie aussi de révéler le caractère idéologique du langage, de le contraindre à lui faire sortir ses contre-vérités, et ce avec beaucoup d’humour.  »

source : L’Express , interview réalisée par  par Baptiste Liger,

L’été 2019 des romancières, poétesses et nouvellistes autrichiennes

Nous sommes à la saison des voyages, et je m’envole bientôt vers Vienne…

Stefan Zweig hante nos mémoires, et ses héroïnes sont toujours magnifiquement campées, écrites, décrites : Brûlant secretAmok, Lettre d’une inconnue et Vingt-quatre heures de la vie d’une femme ont toujours autant de succès aujourd’hui.

On connait moins les romancières autrichiennes, même si Elfride Jelinek a eu le prix Nobel de littérature en 2004.

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Elfriede Jelinek, Munich, 9.2004 (Foto: G. Huengsberg), Licence creative commons.

Selon la presse, elle entretient des relations difficiles avec son pays, qu’elle déteste, ou plutôt les partis nationalistes qu’elle exècre. Elle s’élève contre toutes les formes d’exploitation, sociale, par le genre, le sexisme et les stéréotypes qui contraignent les individus. Ses romans sont proches de l’avant-garde, souvent expérimentaux et parfois très difficiles à lire : distorsion du temps, collage, références multiples, populaires ou savantes. Très influencée par l’expressionisme, le dada, le surréalisme, mais aussi les sciences humaines et le structuralisme, son oeuvre est dense et difficile, d’autant plus quand on lit les traductions qui ne rendent pas toujours très fidèlement ses recherches sur la musicalité de la langue. Sa personnalité flamboyante, passionnée, à fleur de peau, en fait une personnalité exceptionnelle et controversée.

Parmi une oeuvre conséquente, citons: La pianiste, Méfions-nous de la nature sauvage.

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Graffiti de Jef Aérosol au musée Robert Musil de Klagenfurt.

Ingeborg Bachman  (1926-1973) est à tous les égards une grande femme des lettres autrichiennes, et elle tient également une place de choix dans mon panthéon littéraire.

Poéte, nouvelliste, romancière, elle cherche à renouveler le langage afin de pourvoir créer un monde nouveau (voir le groupe 47). Après le traumatisme du nazisme, ce groupe veut rénover la langue, « salie » par les nazis. Les femmes de ce groupe, dont Ilse Aichinger, veulent entreprendre un travail de refondation, de rénovation de la langue, dans un travail de réappropriation, les mots étant ceux qu’ont élaborés les hommes pour parler à leur place, pour ignorer leur monde, et leurs désirs.

Ainsi tente-t-elle d’écrire l’Amour, tel que les femmes le ressentent, avec leurs propres mots. Dans ce sens, Malina, se veut le premier roman d’une tétralogie sur la refondation féminine de la langue. Il sera le dernier, car Ingeborg Bachman qui voulait traduire le tragique de l’existence féminine, aura une fin également tragique, puisqu’elle mourra brûlée vive dans sa chambre d’hôtel à Rome, le

Bien sûr, ses recherches auront bien des développements par la suite, et on songe ici aux recherches de Luce Irigaray sur le féminin de la langue.

Elle est elle aussi une personnalité très attachante que je vous invite à découvrir.

Mais il faudrait aussi citer : Ilse Aichinger, Ruth Aspöck, Vicki Baum, Marie Von Ebner- Eschenbach, Jeannie Ebner, Marianne Fritz, Karin Gayer, Anna Gmeyner, Maja Haderlap ( L’Ange de l’oubli ), Enrica Von Handel-Mazzetti, Marlen Haushofer (traduite chez Actes Sud), Lotte Ingrish, Alma Karlin, Gina Kaus, Edith Kneifl (Un matin à Trieste, ed Fleuve noir), Alma Johanna Koenig, Susanna Kubelka (Madame rentre tard ce soir, Belfond, 1996 ), Eva Menasse (La Dernière Princesse de conte de fées, L’Arche Editeur), Caroline Von Pichier, Ursula Poznanski (Publiée aux Presses de la Cité), Elisabeth Reichart, Gabriele von Sazenhofen, Ossip Schubin, Hilde Spiel (exil à Londres, traduite en anglais), Marlene Steeruwitz.

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Marie Von Ebner- Eschenbach  Enrica Von Handel-Mazzetti Alma Karlin Gina Kaus

Source photos : Wikipedia, licence creative commons.

Le manoir de Tyneford – Natasha Solomons

manoir de tyneford

Natasha Solomons Le manoir de Tyneford – Le livre de poche n°33310– Calmann-Lévy 2012

Vignette Les raconteuses d'histoireNatasha Solomons puise encore une fois dans l’histoire familiale pour raconter cette histoire. Le motif est le même que celui de « Jack Rosemblum rêve en anglais ». Le nazisme se répand dans l’Europe des années 30, et la persécution des juifs a commencé. 1938. L’Anschluss. Hitler annexe l’Autriche et ceux qui le peuvent fuient à l’étranger, la guerre n’est pas encore déclarée en 1938 malgré les provocations d’Hitler. Mais pour les candidats, c’est un véritable parcours du combattant, pots de vin, attente interminable, vexations de toutes sortes sont le lot de ceux qui sont à la merci de ce pouvoir corrompu qui ne dit pas encore tout à fait son nom.

La famille d’Elise Landau parvient à faire engager leur fille Elise Landau comme domestique en Angleterre, seul moyen d’obtenir l’autorisation de sortir d’Autriche.

Cette jeune fille oisive et vivant dans une certaine aisance se voit contrainte désormais de servir à table, de se lever à l’aube, et de dormir dans une chambre non chauffée à Tyneford, une grande propriété du Dorset.

Elle vit toute la douleur du déclassement, de l’exil , du racisme (l’antisémitisme sévit partout) et l’inquiétude sur le sort de ses parents qui sont restés en Autriche et attendent un visa pour l’Amérique qui visiblement ne vient pas.

De belles images rythment le récit, la beauté sauvage des paysages, le chant de la mer, et le charme autant que la rudesse des hommes pour cette jeune fille qui sans le savoir attend l’amour…

 Un roman qui se lit très agréablement, très distrayant et très bien écrit. Une bonne histoire.. J’ai préféré toutefois « Jack Rosemblum rêve en anglais, beaucoup plus profond.

 

Paroles de femmes : Ingeborg Bachmann (1926-1973)

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« L’écrivain — c’est dans sa nature — souhaite être entendu. Et cependant cela lui semble prodigieux, lorsque, un jour, il sent qu’il est en mesure d’exercer une influence — d’autant plus s’il n’a rien de très consolant à dire à des êtres humains qui ont besoin de consolation comme seuls les êtres humains, blessés, offensés et pénétrés de cette grande et secrète douleur qui distingue l’homme de toutes les autres créatures. C’est une distinction terrible et incompréhensible. »

Ingeborg Bachmann est une poétesse et novelliste autrichienne née en 1926 à Klagenfurt en Autriche, morte accidentellement à Rome en 1973, qui a a consacré sa vie à la littérature, à la poésie essentiellement, avant de publier en 1961 son premier recueil de nouvelles, La Trentième Année, suivi en 1971 de son unique roman, Malina..

« La session du Groupe 47 de 1958, dite Grossholzleute, voit l’émergence d’une frange féminine menée par Ingeborg Bachmann, Ilse Aichinger et d’autres auteures. Le Groupe 47 veut libérer les Hommes des mots salis par les Nazis, et les aider à écrire un nouveau monde. Il va servir aussi, se disent-elles, à nettoyer le langage des mots dont se servent les hommes pour parler des femmes en leur nom, et donc, usurper leur place – et taire leurs passions. C’est le début d’une tentative littéraire originale et révolutionnaire d’écrire l’Amour, que les femmes ressentent avec leurs mots à elles – non ceux fabriqués par des siècles d’auteurs masculins (voir sur ce thème la nouvelle de Bachmann, « Ondine », dans le recueil La trentième année : Das dreißigste Jahr). » Wikipedia

Voir aussi l’article de Lydie Salvayre dans 7 femmes