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Auður Ava Ólafsdóttir – Miss Islande / Le feu sous la glace

Rosa Candida de Audur Ava Olafsdottir - Grand Format ...

Auður Ava Ólafsdóttir – Miss Islande, 2018 – Zulma, 2019 pour la traduction française.

Sois belle et tais-toi ! Ou plutôt sois belle et n’écris pas ! Dans les années 60, comme partout ailleurs, être une femme et écrire est terriblement compliqué.

L’Islande, à l’époque est très isolée, deux avions transatlantiques seulement, et à peine notée sur la carte.

Lorsque vous êtes belle, on vous passe la main aux fesses, et on vous propose, comme à Hekla,  de devenir Miss Islande.

Mais Hekla est aussi le nom d’un volcan , et en elle tout bouillonne, une farouche soif d’indépendance et de liberté, mais aussi des mots qui tels des coulées de lave, échouent sur le papier.

«  Dans le monde de mes rêves l’essentiel serait : du papier, un stylo-plume et le corps d’un homme. Quand nous avons fini de faire l’amour, je me dis qu’il pourrait aussi remplir le réservoir d’encre de mon stylo. »

Seulement, faire l’amour n’est pas sans danger, sans danger d’enfants. Et là s’enroule une spirale infernale, des bébés à ne plus savoir comment vivre sa propre vie, dans laquelle est entraînée l’amie Isey, condamnée à s’échapper par les mots…

« Les hommes naissent poètes. Ils ont à peine fait leur communion qu’ils endossent le rôle qui leur est inéluctablement assigné : être des génies. Peu importe qu’ils écrivent ou non. Tandis que les femmes se contentent de devenir pubères et de faire des enfants. »

Et puis il y a Jon John, pris par la mer, mais jamais épris du corps d’Heklà. Il coud sans relâche le décousu de leurs vies… L’ami fidèle, le compagnon.

Alors peut-on vraiment écrire, vivre et aimer ?

Il faut lire Auður Ava Ólafsdóttir, et cette drôle de fin qui laisse un peu d’amertume mais annonce aussi les mondes à venir.

Steinunn Sigurdardóttir, Le cheval soleil – Les meurtrissures de l’enfance en Islande

Steinunn Sigurdardóttir, Le cheval soleil Editions Héloïse d’Ormesson, octobre 2018 traduit de l’islandais par Catherine Eyjolfsson

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« L’origine du mal réside dans la vulnérabilité de l’enfance dont les meurtrissures, telles un présage, oblitèrent l’avenir »

Lilla, notre héroïne porte le nom d’une fleur mais elle n’est qu’une fleur maladive privée de soleil , sur cette île à l’interminable hiver où tout, la nature comme les gens, est plongé dans la pénombre. Elle grandit à l’ombre de la mauvaise foi des adultes, privée de l’amour de ses parents plus occupés à soigner les enfants des autres qu’à s’occuper des leurs. Ragnhildur part dans de grandes envolées théoriques sur le malheur du monde, elle grogne, se révolte et souffre des maux de l’humanité bien à l’abri dans son universel de pacotille – alors que sa petite fille souffre plus encore là, sous ses yeux –  quand elle ne s’abîme pas dans un lointain chagrin d’amour. Lilla s’occupe de son frère Mummi, lui tient chaud de son petit corps malingre. Lilla portera ses premières couleurs sous la caresse d’un premier amour, un beau blouson bien chaud et lumineux, et s’allègera du même coup d’une partie de son prénom pour devenir Li. Mais le mal est là, tapi dans les sombres replis de la chair et du cœur, et ce sont les meurtrissures de l’enfance, qui obscurcissent l’avenir . Comment aimer quand on ne l’a jamais été ? Comment faire confiance à un autre ? Tel est le dilemme dans lequel se trouve Li.

            Il y a dans ce livre un personnage tragique, que les enfants appellent l’herbivrogne, une femme devenue alcoolique à la suite du départ du père de son enfant, mais mère au plus profond de l’âme. Impossiblement mère pourrait-on dire car son alcoolisme l’empêche de s’occuper de son enfant qui finalement lui sera retirée. La petite Dor deviendra l’amie imaginaire de Li, la seule dans ce monde déserté.

Il y a dans ce livre une grande mélancolie, une forme de tragédie moderne où le destin implacable broie les êtres dans un scénario écrit d’avance. Il n’y a pas de rédemption possible sur cette terre, ou alors ce n’est qu’une illusion. On voudrait s’en sortir mais on ne s’en sort pas, la volonté ne suffit pas. Propos pessimiste s’il en est, poignant parfois mais aussi ironique, un pied de nez aux happy end de tous poils. Le récit est émaillé de poèmes qui donnent une couleur particulière au livre.

J’ai beaucoup aimé ce livre, mais comme à distance tellement il semble périlleux de s’identifier au personnage ! Une lecture tragique en somme…

Il y a cette petite phrase plutôt désabusée d’un personnage qui dit « La vie serait donc faite de ce qui ne s’est jamais passé.[…] Vie faite de rien ou de moins que rien. »

Vie faite d’espoir et de vaine attente …

Un beau livre plein de mélancolie.

Le rouge vif de la rhubarbe – Audur Ava Ólafsdóttir

Le rouge vif de la rhubarbe

Le rouge vif de la rhubarbe – Audur Ava Ólafsdóttir  Zulma 2016, traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsson

Il ne faut déjà pas grand-chose pour que les couvertures de l’éditeur Zulma – qui ressemblent à des gros bonbons colorés – mettent mes papilles en émoi, alors imaginez l’effet du titre du roman, très évocateur, sur ma salivation (J’adore la confiture de rhubarbe).

Lorsque j’ai regardé le nom de la traductrice, j’ai compris que la dénomination avait sauté une génération et que son papa devait bien être le fils d’Eyjólfs ou Eyjólf.

A chaque fois que j’ouvre un roman de l’auteure, il y a la promesse de pénétrer un peu plus le mystère de cette île rude et sauvage, ce pays si particulier où la démocratie n’est pas un vain mot (Ils parviennent à mettre des banquiers en prison, si, si…).

Ensuite, il faut trouver son chemin vers le livre déjà bien fantasmé. On risque fatalement la désillusion.

Et bien non, cela n’arrive jamais avec AAO.

Comment faire pour escalader une montagne de huit cent quarante-quatre mètres lorsque on avance déjà péniblement avec des béquilles ? Les jeunes islandaises ne manquent pas de caractère, et les montagnes n’ont qu’à bien se tenir. Ágústína aime contempler le monde, allongée dans un carré de rhubarbe, sur les hauteurs du village, où paraît-il, elle fut conçue. Sa mère lui écrit des lettres des pays qu’elle traverse, à la poursuite des oiseaux migrateurs. Mais si Ágústína a des jambes en coton, elle a une belle voix profonde, qui a séduit le groupe de rock dans lequel elle chante.

Que se passe-t-il au fond dans ce roman ? Pas grand-chose à vrai dire, à part des tempêtes de neige, la belle lumière d’une aurore boréale qui vous touche en plein cœur, et les grands yeux rêveurs d’Ágústína. Ces jambes se transforment parfois en queue de poisson ( ?), sirène ( ?), sous le regard du fils de la chef de chœur. Mais tout est ici comme le temps, éphémère et capricieux.

Il y a une grande poésie encore dans ce roman, à travers ce personnage atypique qu’excelle à brosser l’auteure. On se laisse volontiers captiver par l’enchanteresse et on finit le livre avec un peu de vague à l’âme.

Ce roman est le premier écrit par l’auteure qui n’avait pas été publié jusque là.

Auður Ava Ólafsdóttir – L’Exception / Des femmes au pays de la nuit boréale

Rosa Candida de Audur Ava ÓlafsdÓttir

 

La femme et l’art : « Chaos sur la toile » de Kristin Marja Baldursdottir

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Chaos sur la toile, Kristín Marja Baldursdóttir Gaïa Editions 2011 (2007 pour la version originale) traduit de l’islandais par Henrý Kiljan Albansson

Chaos sur la toile est la suite de « Karitas, sans titre » que j’avais déjà lu et chroniqué ici mais qui peut se lire indépendamment.

Dans ce second Opus, nous suivons la suite de Karitas, peintre islandaise qui tente de vivre de son art malgré les inévitables contraintes liées à sa condition de femme, contemporaine de Simone de Beauvoir dont elle découvrira l’œuvre lors d’un séjour à Paris.

A chaque fois que Karitas se trouve libérée des contraintes matérielles et peut à nouveau se consacrer à son art, de nouvelles obligations lui échoient, dont une petite fille que ses parents ne peuvent élever et qu’elle amènera à Paris.

Nomade, elle sillonnera le monde, de Paris à New-York pour revenir en Islande. Son œuvre, ce chaos sur sa toile, épousera les interrogations et les recherches de son temps, art concret, tourmenté, puis abstrait, conceptuel, incompris de sa famille et de ses contemporains épris d’académisme. Elle ne peint pas « le beau », ne cherche pas la vérité mais tente de capter ses visions intérieures. C’est lorsqu’elle trouvera écho chez les féministes américaines, que sa notoriété commencera à s’établir.

La femme et l’art

Karitas se demande si les femmes ont façonné des tendances et combien elles sont dans le monde car le monde de l’art est encore et surtout à son époque un monde d’hommes. Un soir qu’elle rentre saoule après une exposition, son frère la met en garde « Tu dois prendre garde à toi, tu es une femme ». Femme artiste , des obligations invisibles tissent les fils de sa conduite. A Paris, elle découvre les tableaux de ses contemporains : « Je les avais vus dans la salle d’exposition, vu ce qu’ils faisaient, les garçons, ils avaient réussi à contrecarrer les formes, les lier ensemble avec des couleurs … »

La femme et la mère

«  La femme croit qu’elle échappe au pouvoir de sa mère quand elle s’en va adulte dans le monde mais quand on a étouffé sa volonté suffisamment longtemps, lui a bien fait longtemps comprendre qu’elle peut seulement faire ce que l’homme décide, elle cherche de nouveau secours auprès de sa mère dans l’espoir d’obtenir alors encouragement et stimulation qu’elle a reçus enfant. C’est l’histoire sans fin du cercle dont les femmes ne réussissent jamais à sortir. »

J’ai beaucoup aimé ce livre car il brasse nombre de thèmes qui me sont chers sur la place de la femme dans l’art et dans la société. Les contraintes , les contradictions et les choix cruciaux qu’elle doit parfois faire. C’est une sorte de livre-fanal pour moi, qui aide à réfléchir.

Mais que d’erreurs de traduction, que de maladresses dans l’écriture de la langue française, tout de même qui gênent malheureusement un peu la lecture. C’est dommage…

Karitas, sans titre, Kristin Maria Baldursdottir Les femmes et l’art

KaritasKaritas, sans titre de Kristin Marja Baldursdottir, traduit de l’islandais par Henry Kiljan Albansson

Karitas grandit avec sa mère, ses frères et sœur dans une ferme au fond d’un fjord lorsque son père disparaît en mer. Sa mère Steinunn décide alors de tout quitter pour aller dans le nord et donner une éducation à ses enfants. Karitas dessine depuis toujours, comme son père le lui a appris et rêve d’être une artiste. Mais comment se consacrer à son art lorsqu’on est une femme dont la place est au foyer, vouée aux taches domestiques et à la maternité ?

L’histoire se déroule pendant la première partie du vingtième siècle et évoque les balbutiements d’une époque en pleine mutation en ce qui concerne le droit des femmes.

D’ailleurs, c’est l’espoir insensé de la mère, Steinunn Olafsdóttir, et sa foi inébranlable en des temps nouveaux qui vont porter toute cette histoire. Elle a le droit de vote qui est octroyé à cette époque en Islande aux femmes de plus de 40 ans. (Il faut rappeler que le vote des femmes a été instauré en 1907 en Finlande). Il ne sera complètement établi qu’en 1914 (source Assemblée nationale). Steinunn se fait le porte-voix des femmes de son époque, avance que les femmes vont entrer au Parlement et faire des études. Elle prédit « nous serons médecins, avocates et pasteurs », « A terme nous obtiendrons le même salaire qu’eux. »

Certaines n’y voient qu’un surcroît de taches : « Les femmes devront suivre les débats politiques du pays, lire tous les articles politiques et ce genre de choses, aller à des réunions et faire des discours, et tout cela elles devront le faire en même temps qu’elles traient les vaches, travaillent à la ferme, préparent les repas, s’occupent des enfants, filent et cousent. »

Ce siècle nouveau doit apporter aux femmes une amélioration à leurs conditions de vie, les soustraire à nombres de servitudes, parfois sexuelles.

Karitas rencontre alors une autre femme « Mme Eugénia », artiste elle aussi, et riche bourgeoise qui va changer son destin et lui permettre de réaliser ses rêves. Mais l’amour surgit dans sa vie et la place face à un douloureux dilemme : vivre l’amour avec un homme et être accablée de maternités ou vivre sans hommes ? En ces temps où la contraception n’existe pas, les grossesses sont une fatalité et entravent la liberté des femmes.

Un jour, après de multiples péripéties, elle devra faire ses choix. A l’époque, certains destins restent inconciliables : elle peint et colle pendant la nuit jusqu’à succomber de fatigue. Jusqu’à sombrer dans la folie …

Les hommes, pêcheurs, sont souvent partis au loin et quand ils ne meurent pas en mer, ils sont souvent absents laissant les femmes s’occuper seule des affaires domestiques. Leur tache n’est pas forcément la plus facile car ils mènent une vie pleine de dangers et leurs conditions de travail sont rudes.

Chacun des sexes est soumis aux contrainte du genre, sans échappatoire possible. Les normes sociales collectives sont excessivement contraignantes, la vie rude dans cette île qui taquine presque le cercle polaire arctique, et dont les ressources sont essentiellement liées à la pêche ou à l’élevage.

 J’ai dévoré ce roman passionnant que j’ai adoré. Il livre aussi tout un tas d’anecdotes sur la vie en Islande, les mythes et les croyances, la vie quotidienne . Un vrai régal.

Auður Ava Ólafsdóttir – L’Exception / Des femmes au pays de la nuit boréale

exceptionAuður Ava Ólafsdóttir – L’Exception – éditions Zulma Version numérique
Roman traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsson 2014

Maria pensait vivre un bonheur solide et durable avec l’homme de sa vie, Floki, spécialiste de la théorie du chaos. Deux jumeaux renforcent encore cette union, et une procédure d’adoption est en cours…

Mais un soir de réveillon du nouvel an, non seulement son mari lui apprend qu’il la quitte pour un autre mais encore qu’il a eu tout au long de leur relation de multiples aventures.

Dans la nuit de l’hiver polaire, son père biologique, qu’elle ne connaît pas encore, débarque au milieu de ce désastre sentimental

Sa voisine, Perla, une naine écrivaine, vivant à l’entresol de la maison, lui apporte soutien et réconfort tout en lui racontant ses démêlés avec l’auteur de romans policiers pour lequel elle écrit.

Les romans, comme nos vies, sont des illusions savamment construites. Maria aurait bien dû se douter que son mari avait une autre vie, des absences répétées et un comportement étrange, étaient des indices plus que suffisants, mais cette femme bien sympathique, dans un narcissisme triomphant, organise sa vie et ses représentations selon ses propres désirs. Comme la plupart d’entre nous d’ailleurs.

Les représentations traditionnelles de l’amour et du couple sont mises à mal dans ce roman. Dans ce domaine tout est possible, des multiples partenaires aux multiples amours, de la bisexualité à l’homosexualité. L’auteur creuse des thèmes qui sont bien dans l’air du temps et questionne l’identité sexuelle. Sait-on vraiment qui l’on aime ou qui l’on pourrait aimer ?

Comment se construit l’identité sexuelle d’un homme et d’une femme ? Quel est l’impact de l’éducation sur nos préférences sexuelles ?

« En homme d’avenir, il ne doit pas montrer de signe de faiblesse affective. » 

« Cette journée marquera-t-elle son premier souvenir d’enfance, l’expérience qui inscrira sa vision de l’homme ? Rapportera-t-il cet incident plus tard dans ses mémoires, au chapitre sur la mère ? » se demande Maria alors qu’elle fait couper les boucles de son fils. Comment éduquer un garçon alors qu’on est soi-même une femme ?

Tout se transmet, tout est œuvre de culture, et par-dessus tout les mots, qui parfois sont transmis sur plusieurs générations de femmes. Le masculin et le féminin de la langue reflètent-ils nos propres catégories mentales ?

Perla s’insurge contre ces romans où « les femmes s’expriment comme des hommes, entre deux coucheries avec le héros de l’histoire, un bonhomme chauve et d’âge mûr qui évoque étrangement l’auteur. »

            L’auteur apparaît derrière le récit par de multiples clin d’œil et livre son angoisse : « On se sent bien seul quand on partage sa vie avec des gens qu’on a, pour la plupart, inventés. ». L’histoire reflète sa propre élaboration et l’auteur en est l’un des personnages. C’est à la fin qu’il se dévoile tout à fait.

Sous ses airs légers, avec ses personnages savamment décalés, dans une atmosphère arctique et mélancolique, l’auteur déconstruit nos représentations et l’œuvre que nous sommes en train de lire. Une façon de nous avertir, que partout c’est la main de l’Homme (homme ?) qui est à l’œuvre…

J’ai bien aimé  son atmosphère décalée, chaotique, instable,  ses personnages terriblement humains et attachants,  sa langue toujours précise. L’auteur célèbre la poésie de la vie quotidienne et écrit un récit malicieux aux  airs de conte nordique.  Et ce nouveau départ offert à Maria aussi. J’avais préféré Rosa Candida qui m’avait enchantée mais j’ai aimé l »‘Exception ».

Rosa Candida de Audur Ava ÓlafsdÓttir

Rosa candida

Rosa Candida de Audur Ava ÓlafsdÓttir roman traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsson (Afleggjarinn), 2007 et Zulma 2010

Arnljótur, 22 ans à peine, perd sa mère dans un tragique accident de voiture. Il décide de quitter alors son pays natal, les champs de lave remplis de mousses, et le jardin qu’il avait créé avec sa mère, pour aller restaurer le jardin d’un monastère célèbre pour sa roseraie, et une variété rare de rose à huit pétales nommée Rosa Candida. Il emporte des boutures avec lui et une photographie …

Le narrateur est un jeune homme tout au long du récit qui livre ses interrogations et ses idées sur les femmes. Sachant que l’auteur est une femme, il est tout à fait intéressant d’examiner la façon dont elle pense qu’un homme pense. Elle essaie de se mettre dans la peau d’un homme, et se sert pour cela de ce qu’elle-même a observé des hommes en tant que femme. Qu’en ressort-il donc ? Et ce portrait d’homme est-il convaincant ?

D’ailleurs ce jeune homme nous dit combien il se sent en porte-à-faux avec les clichés habituels de la virilité. Il se sent différent des hommes de la famille qui savent construire un trottoir, tirer un câble, fabriquer des portes pour un placard de cuisine, et en déduis donc qu’il n’est pas fait pour la vie de couple. Il ne sait pas non plus changer une bougie ni une courroie et ne s’est jamais intéressé aux moteurs. C’est d’ailleurs pourquoi il se sentait plus proche de sa mère qu’il aidait à jardiner.

Toutefois, il évoque la soi-disant capacité des femmes à se livrer et à parler de leurs états d’âme et de leur famille et à faire le lien entre les générations. La femme est gardienne du foyer et de la mémoire familiale. Il confie au lecteur sa perplexité devant la vie affective des femmes qu’il trouve très complexe et leurs réactions souvent imprévisibles. D’ailleurs il se méfie de l’aptitude des femmes à l’interprétation et donc à la méprise. Pour lui c’est beaucoup plus simple, il est hanté par le corps des autres, plusieurs fois par jour précise-t-il, et pas seulement le corps des femmes, celui des hommes aussi.

Alors qu’est-ce qu’être un homme ?

« C’est pouvoir dire à une femme de ne pas se faire de soucis superflus. » Etre rassurant et fort, c’est entendu. Mais le personnage va évoluer au fil du récit et l’expérience qu’il va mener dans ce village lié au monastère risque bien le changer en profondeur et en même temps faire évoluer ses clichés sur la masculinité et la féminité en même temps qu’il apprendra à faire la cuisine.

J’ai été très surprise en lisant ce livre, je pensais qu’il s’agissait d’un livre racontant une expérience mystique par le biais des roses, et bien que nenni. Je n’ai pas été déçue d’ailleurs, j’ai pris un grand plaisir à lire ce livre, j’ai beaucoup ri aussi. Je l’ai refermé à regret.