Auður Ava Ólafsdóttir – L’Exception – éditions Zulma Version numérique
Roman traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsson 2014
Maria pensait vivre un bonheur solide et durable avec l’homme de sa vie, Floki, spécialiste de la théorie du chaos. Deux jumeaux renforcent encore cette union, et une procédure d’adoption est en cours…
Mais un soir de réveillon du nouvel an, non seulement son mari lui apprend qu’il la quitte pour un autre mais encore qu’il a eu tout au long de leur relation de multiples aventures.
Dans la nuit de l’hiver polaire, son père biologique, qu’elle ne connaît pas encore, débarque au milieu de ce désastre sentimental
Sa voisine, Perla, une naine écrivaine, vivant à l’entresol de la maison, lui apporte soutien et réconfort tout en lui racontant ses démêlés avec l’auteur de romans policiers pour lequel elle écrit.
Les romans, comme nos vies, sont des illusions savamment construites. Maria aurait bien dû se douter que son mari avait une autre vie, des absences répétées et un comportement étrange, étaient des indices plus que suffisants, mais cette femme bien sympathique, dans un narcissisme triomphant, organise sa vie et ses représentations selon ses propres désirs. Comme la plupart d’entre nous d’ailleurs.
Les représentations traditionnelles de l’amour et du couple sont mises à mal dans ce roman. Dans ce domaine tout est possible, des multiples partenaires aux multiples amours, de la bisexualité à l’homosexualité. L’auteur creuse des thèmes qui sont bien dans l’air du temps et questionne l’identité sexuelle. Sait-on vraiment qui l’on aime ou qui l’on pourrait aimer ?
Comment se construit l’identité sexuelle d’un homme et d’une femme ? Quel est l’impact de l’éducation sur nos préférences sexuelles ?
« En homme d’avenir, il ne doit pas montrer de signe de faiblesse affective. »
« Cette journée marquera-t-elle son premier souvenir d’enfance, l’expérience qui inscrira sa vision de l’homme ? Rapportera-t-il cet incident plus tard dans ses mémoires, au chapitre sur la mère ? » se demande Maria alors qu’elle fait couper les boucles de son fils. Comment éduquer un garçon alors qu’on est soi-même une femme ?
Tout se transmet, tout est œuvre de culture, et par-dessus tout les mots, qui parfois sont transmis sur plusieurs générations de femmes. Le masculin et le féminin de la langue reflètent-ils nos propres catégories mentales ?
Perla s’insurge contre ces romans où « les femmes s’expriment comme des hommes, entre deux coucheries avec le héros de l’histoire, un bonhomme chauve et d’âge mûr qui évoque étrangement l’auteur. »
L’auteur apparaît derrière le récit par de multiples clin d’œil et livre son angoisse : « On se sent bien seul quand on partage sa vie avec des gens qu’on a, pour la plupart, inventés. ». L’histoire reflète sa propre élaboration et l’auteur en est l’un des personnages. C’est à la fin qu’il se dévoile tout à fait.
Sous ses airs légers, avec ses personnages savamment décalés, dans une atmosphère arctique et mélancolique, l’auteur déconstruit nos représentations et l’œuvre que nous sommes en train de lire. Une façon de nous avertir, que partout c’est la main de l’Homme (homme ?) qui est à l’œuvre…
J’ai bien aimé son atmosphère décalée, chaotique, instable, ses personnages terriblement humains et attachants, sa langue toujours précise. L’auteur célèbre la poésie de la vie quotidienne et écrit un récit malicieux aux airs de conte nordique. Et ce nouveau départ offert à Maria aussi. J’avais préféré Rosa Candida qui m’avait enchantée mais j’ai aimé l »‘Exception ».
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