Nizar Qabbani (en arabe نـزار قـبـّانـي , translittéré Nizār Qabbānī), né le 21 mars 1923 à Damas en Syrie et mort le 30 avril 1998 à Londres était un poète syrien dont la poésie casse l’image traditionnelle de la femme arabe et invente un langage nouveau, proche de la langue parlée et riche de nombreuses images empruntées au monde de l’enfance. Nizar est considéré comme l’un des plus grands poètes contemporains de langue arabe.
Il a publié plus de trente recueils de poèmes, dont L’enfance d’un sein (1948), Samba (1949),tu es à moi (1950), le journal d’une femme indifférente (1968), des poèmes sauvages (1970), le livre de l’amour (1970), 100 lettres d’amour (1970), des poèmes hors- la loi(1972), je t’aime, je t’aime et la suite viendra (1978), À Beyrouth, avec mon amour (1978), que chaque année tu sois ma bien aimée (1978), Je jure qu’il n’y a de femmes que toi (1979) et plusieurs d’autres œuvres.
La femme a été la source principale de l’inspiration poétique de Nizâr Qabbânî à cause du suicide de sa sœur. Son écriture s’est souvent emparée des thèmes du désespoir politique, et il a ainsi traité l’oppression des femmes comme une métaphore dans laquelle il voyait le destin maudit des Arabes. Dans son poème « Dessin avec des mots », il écrit : « Quand un homme désire une femme, il souffle dans une corne ; mais, quand une femme désire un homme, elle mange le coton de son oreiller ». (source wikipedia)
traduit de l’arabe par Simon Corthay et Charlotte Woillez
Je vais parler de mes amies
Je me retrouve dans l’histoire de chacune d’elles
J’y vois une tragédie semblable à ma tragédie
je vais parler de mes amies
De la geôle qui engloutit la vie de ses capatives
Du temps dévoré par les colonnes des magazines
Des portes que l’on n’ouvre pas
Des désirs sacrifiés au berceau
De l’immense cachot
De ses murs noirs
Des milliers et milliers de martyres
Enterrées sans nom
Dans le tombeau des traditions
Mes ailes
Poupées enveloppées de coton, dans un musée fermé
Monnaie frappé par l’histoire, ni offerte, ni dépensée
Bancs de poissons dans leur bassin étouffés
Vases de cristal aux papillons bleus figés
Sans peur
Je vais parler de mes amies
Des chaînes ensanglantées aux pieds des belles
Du délire et de la nausée…des nuits de soumission
Des désirs enfouis sous les oreillers
Du tournoiement dans le néant
De cette mort de tous les instants
Mes amies
Otages achetées et vendues au marché des superstitions
Prisonnières du harem de l’orient
Eteintes sans être mortes
Elles vivent et meurent comme la lie au fond des bouteilles!
Mes amies
Oiseaux dans leur grotte
qui meurent en silence
cité par Rajaa Alsanea – Les filles de Ryad »