Archives pour la catégorie Pièces de théâtre

Rosemonde Gérard ( 1866-1954)

Rosemonde Gérard ( 1866-1954) Photo credit : Wikipedia

Je me souviens d’une conversation passionnée avec Jacques Fournier, ancien directeur de la Maison de la Poésie de saint-Quentin-en-Yvelines (Il a fait tout un travail biographique et des lectures autour de Rosemonde Gérard), et sa compagne, au sujet de la pièce qui faisait grand bruit à l’époque autour d’Edmond Rostand, et dans laquelle Rosemonde Gérard, compagne de l’écrivain, jouait un rôle tout à fait mineur. Ce qui prouve combien les processus d’invisibilisation des œuvres de femme sont encore vivaces dans nos sociétés.

Or, Rosemonde Gérard était loin d’être une inconnue dans le domaine des Lettres. Son premier recueil poétique, Les Pipeaux, la fait connaître en 1889 et la même année elle épouse Edmond Rostand.

Par la suite, elle publie d’autres ouvrages, notamment l’Arc-en-ciel en 1926, Les Papillotes en 1931, Féeries en 1933, et Rien que des chansons en 1939.

Elle a écrit aussi pour le théâtre, Un bon petit diable avec son fils Maurice, et des pièces comme La Robe d’un soir, La Marchande d’allumettes, ou La Tour Saint-Jacques.

D’ailleurs la vie de Rosemonde Gérard ne se résume pas à sa vie amoureuse, car elle en eut plusieurs.

Non, sa vie se lit dans ses poèmes, dans ce feu sacré qu’elle entretiendra toute sa vie.

Nous connaissons tous ces quelques vers : « Car vois-tu, chaque jour je t’aime davantage,
Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain. »

Ils font partie d’un très beau poème « Lorsque nous serons vieux ».

J’ai appris par Diglee, et son magnifique recueil dont je vous conseille la lecture « je serai le feu », aux éditions « la ville qui brûle », qu’elle avait entrepris le projet littéraire d’un recueil de poèmes exclusivement composé de poétesses, Les Muses françaises publié en 1943 chez Fasquelle éditeurs.

En 1901, elle est nommée chevalier de la Légion d’honneur

Elle fait partie du jury Femina en 1939.

Laurène Marx Borderline love/ «  Chez moi les femmes elles se passent l’amour et la beauté comme une maladie. »

Je retrouve l’écriture de Laurène Marx, après la lecture de  « Pour un temps sois peu », intense et profonde.

Cette écriture des bords, de la limite-frontière, mais aussi de la ligne, qui si elle démarque relie aussi les bords entre eux dans un savant travail de couture, travaille cette notion de frontière, d’identité, qui nous donne forme et en même temps nous déforme et nous ampute. La couture c’est le travail de création mais aussi de réparation de l’autrice. C’est également une visée vers un au-delà et un deçà qui n’est pas soi mais qui nous institue. Je repense à cette formule de Nietzsche qui disait que l’homme devait faire de lui-même une œuvre d’art, et j’ai cette impression d’une autrice qui d’œuvre en œuvre se crée et se recrée.

Je n’ai jamais vu aucune de ses pièces jouée mais de texte en texte, la rencontre devient inévitable avec la chair des mots.

Le texte de la pièce relate la rencontre entre une jeune femme et une autrice, son double peut-être, à laquelle elle livre le récit de sa vie, afin de retrouver son amoureux perdu, peut-être pour lui expliquer ce qu’est cet amour qui fait mal en elle, pour en faire la genèse et comprendre ce qui le rend si dangereux pour elle et pour les autres. La confession , en même temps qu’elle délivre son message, délivre de tout mal.

«  Chez moi les femmes elles se passent l’amour et la beauté comme une maladie. »

Les métaphores s’organisent autour de l’odeur ( du corps, du tabac, de l’alcool etc.) , la saleté qui recouvre comme une seconde peau  les organes, le corps, omniprésents, de cette mère qui « a pris l’habitude de vivre dans un coin de son corps » et dont la beauté est la malédiction qui la condamne à n’être qu’une apparence et un sortilège, jusqu’ au corps de ce père, qui déborde, qui pue et  prend tout l’espace en passant par ce cousin dont la peau et les organes le fuient.

Elle dénonce ces amours toxiques, qui sont seulement des projections de soi-même en l’autre, de cette volonté de rendre l’autre heureux malgré lui, de force, de soumettre à travers son désir et d’appeler cette violence radicale de l’amour.

«  Je ne veux pas qu’on m’aime mais qu’on ait peur de m’aimer » dit la narratrice.

Dans cette transmission malheureuse, au sein d’une société où parfois s’organise la haine des femmes, « une femme apprend à fuir dans sa tête et à rester dans son corps », à ne pouvoir s’échapper d’elle-même, mais celui-celle qui se sent femme dans sa tête est tout aussi coincé.e dans son corps. Voir, avec quelle férocité, l’histoire de nos sociétés, depuis le XIXe siècle a interdit leur féminin aux hommes. Dégoupiller les normes du genre, c’est peut-être décrasser nos têtes et nos pensées. C’est peut-être aussi traverser la frontière.

Une langue avec ses fulgurances, sa poésie et toujours cet humour féroce qui fait la nique au malheur.

A lire ! A voir !

Cinq à sept – Fanny Britt

Cinq à sept Fanny Britt- L’Instant scène – 2017

Cette pièce fait partie d’une trilogie, dont elle est le deuxième volet, composée de « Ils étaient quatre », de Mathieu Gosselin et Mani Soleymanlou, et close par « Huit » de Mani Soleymanlou.

Trois comédiennes, Julie, Kathleen et Geneviève se livrent, sans tabous, le temps d’un cinq à sept.

La frontière entre fiction et réalité est particulièrement ténue. Parlent-elles de leurs expérience ou le texte est-il pure fiction ? Il y a fort à parier qu’il soit tissé des deux.

Cette parole libre fait particulièrement du bien : on s’y reconnaît ou pas, mais le langage, parfois cru, dynamite les tabous de manière salutaire.

L’amour, le couple, le désir, la sexualité, les contraintes sociales et la morale sont au cœur de ces dialogues.

«   Si on mettait pas autant d’énergie et de temps à focusser sur son propre corps et sur l’apparence de celui des autres, ça se passerait TRES bien. Même que si j’étais toute seule sur une île déserte, je pense que sans miroir, je pourrais me trouver assez cute. »

Des femmes qui revendiquent leur plaisir et leur goût de l’amour et de la jouissance, c’est assez rare, ici, en France, ou alors cette parole reste confidentielle, un peu « underground ».

Rafraichissant. Merci les filles.

Songe à la douceur – Clémentine Beauvais/ Justine Heynemann

LE PAYS DE RIEN

NATHALIE PAPIN / BETTY HEURTEBISE / LA PETITE FABRIQUE

Nathalie Papin – Le pays de Rien/ Un écho au Rien d’aujourd’hui – D’ailleurs, le Rien deviendrait-il politiquement correct ?

Nathalie Papin – Le pays de Rien – L’école des loisirs, 2002

Marie Dilasser, dans une interview, confie que les contes de fée lui ont gâché son enfance, en lui faisant croire qu’elle était un monstre. Et à bien des égards, je suis d’accord avec elle. Les filles qui ont droit à l’amour, sont toujours riches (ou nobles) ou en potentialité de l’être, belles, vertueuses et hétérosexuelles. Il est possible que la téléréalité soit un effet de cette conception de la réussite et de l’amour.

Dans ce conte, il y a bien un roi et une princesse, mais ils sont tout à fait originaux. Le Roi comme beaucoup, fait la guerre, mais l’objet de son courroux est ce qui constitue notre humaine nature. En effet, il chasse les cris, les larmes, les couleurs, les soupirs, les rêves et les enferme dans des cages. Donc le pays du rien, ce n’est pas le néant, mais l’absence et l’ennui. Un pays du « grand silence, et de la grande immobilité ».  Jusqu’au jour où un jeune garçon arrive en sifflotant…

Alors bien sûr, ce conte permet un questionnement philosophique sur le pouvoir, la démocratie et l’émancipation. A vouloir s’épargner la douleur, on se condamne également à n’éprouver aucune joie. Dans un univers, où tout se répète indéfiniment, où le corps est contrait à l’immobilité, anesthésié, aucun rêve, ni aucun espoir ne sont possibles.

 Il questionne habilement la liberté et le désir d’émancipation de cette fille vis-à-vis de son père face à une représentation du monde qui ne lui convient pas. Pour s’émanciper, elle devra désobéir, accueillir la singularité de l’autre, facteur de désordre, mais aussi possibilité d’amour.

Le corps est  lieu de notre finitude, sceau de notre humanité, de nos fragilités mais aussi de notre résilience et de notre force face à l’adversité.

Beaucoup d’autres interprétations sont encore possibles.

Je dois aller voir cette pièce le 02 avril, au théâtre de Sartrouville, dans la mise mise en scène de BETTY HEURTEBISE qui promet d’être absolument somptueuse, en espérant qu’elle ne sera pas annulée.

avec Youna Noiret, Guillaume Mika, Olivier Waibel
vidéo Valéry Faidherbe, Sonia Cruchon (Collectif sur le toit)
scénographie et costumes Cécile Léna
lumière Jean-Pascal Pracht
son Sylvain Gaillard, Nicolas Barillot
chants Lousse
construction décor Rémi Laureau, Franck Lesgourgues, Sylviane Lièvremont
régie générale, régie lumières et régie vidéo Véronique Bridier
régie son et régie plateau Sylvain Gaillard
costumes Patricia Depetiville
graphisme Mikaël Cixous, Veronica Holguin (Collectif sur le toit)
chargé de production Joachim Gatti
chargée de diffusion Céline Vaucenat
production déléguée Cie La Petite Fabrique

Image mise en avant : licence creative commons

ARTCENA – Catherine Benhamou présente « Romance »

Romance Catherine Benhamou/ Grand Prix de Littérature Dramatique 2020

Romance Catherine Benhamou Koïnè Editions, 2019 – Grand Prix de Littérature Dramatique 2020

Romance - Catherine Benhamou - theatre-contemporain.net

De ce texte dense, au bord du souffle, et dans lequel il faut d’abord s’immerger, trouver sa propre respiration, partiemment, qui convoque notre propre corps dans une lecture, où chaque nerf est une corde tendue prête à vibrer, chaque pouce de chair un réceptacle à l’émotion, on ne peut ressortir indifférent.

La lecture peut être cela, le corps qui s’écrit en même temps qu’il lit. Et c’est parfois le miracle du texte dramatique, et aussi le miracle de la lecture…

Jasmine est une jeune fille de seize ans qui rêve de sortir de l’invisibilité :

« […] ici quand vous êtes une fille, tout ce que vous pouvez faire c’est vous rendre invisible pour éviter les embrouilles […] »

La narratrice s’adresse à la mère d’Imène, tentant de  comprendre ce qui a poussé Jasmine à choisir un rêve de sang et de mort, seul rêve qu’elle croit à sa portée, hors des mots et du langage. Un rêve qui ne serait qu’une onomatopée, « Boum ».  Un rêve d’un seul mot mais à multiples résonnances.

Une idée fixe, la répétition de ces mots qui s’enroulent sur eux-mêmes, en boule, comme celle qu’on a dans la gorge, ou à l’estomac, partout où ça se noue : « ça bouchait tout comme sur une photo quand on a laissé son pouce sur l’objectif ».

Il faut se méfier, toujours, de ce qui se résumerait à un seul mot ou à deux : amour par exemple ou amour toujours. Dans lesquels il n’y a pas d’aller retour possible, pas d’échappatoire.

Jasmine trouve donc l’amour sur Internet, son corps, quatre vingt kilos et le regard éteint d’un homme fiché S.

Pour lui, l’amour c’est à la vie à la mort, il la brûlerait vive plutôt que d’être quitté. Il est ce genre d’homme, la brûtalité à fleur de peau, qui ne se reconnaît jamais dans les mots de l’autre.

Depuis toujours c’est la guerre à l’intérieur de lui « et maintenant c’était une ville morte ».

Mais le pire n’aura peut-être pas lieu, grâce à Imène, qui porte toutes les voix dans la sienne comme autant de possibles.

Avant d’écrire Romance, Catherine Benhamou, a mené un atelier d’écriture en Seine-Saint-Denis, « où des jeunes filles ont exprimé leur malaise et leur peur les poussant à préférer l’invisibilité, juste pour avoir la paix. »

Son écriture se nourrit de ses rencontres, ses mots sont toujours tissés de ceux des autres et des émotions qu’ils suscitent en elle. Elle est aussi profondément politique et questionne l’actualité : pourquoi ces jeunes français.es ont-ils fait le choix de la radicalisation, pourquoi sont-ils partis en Syrie ?

Mais son écriture ne s’instrumentalise jamais, elle reste profondément poétique:

« on voyait son regard, on savait que ce regard ne vous lâcherait pas, qu’il faudrait faire avec et que ce ne serait pas facile »

C’est un peu comme avec sa plume, une fois sous le charme, elle non plus ne vous lâche pas.

oeuvre Tour Eiffel : sur Pixabay Mikka Mobiman

Catherine Benhamou – Ana ou la jeune fille intelligente

Catherine Benhamou Ana ou la jeune fille intelligente des femmes Antoinette Fouque, Paris, 2016

J’ai rencontré la belle écriture de Catherine Benhamou, lors d’un apéro littéraire organisé par une autre belle écrivante, Sarah Pèpe, à travers la lecture publique de « Nina et les managers », lecture vivante et jouée,  du texte qu’il m’avait fallu interroger et avec lequel j’étais entrée en résonance et aussi dans une forme de connivence, si tant est que l’écriture est charnelle et parle autant au corps qu’à l’esprit.

Cela faisait longtemps que je souhaitais lire et voir « Ana ou la jeune fille intelligente », j’avais manqué les dernières représentations à Paris, et je me promettais de lire ce texte car Catherine Benhamou, à l’instar de quelques rares autres,  a ce talent de faire vivre un texte dramatique sans représentation. Les mots créent assez d’espace et de liberté pour créer des images, il s’incarne avec force dans notre lecture intérieure, il s’anime et se joue, pour nous seul.e.s, spectateur ou spectatrice. Il se met en scène. A la lecture, j’entendais les voix, je jouais tous les personnages.

La puissance et la poésie de ce texte, sa mélancolie, lui donne une certaine autonomie et surtout, une grande beauté.

D’une histoire somme toute banale, une très jeune fille mariée  à un homme plus âgé qui vit en France, Catherine Benhamou, crée un conte universel. Il possède une belle oralité et le texte se dit, se murmure, se joue, à haute voix ou dans le langage intérieur. D’ailleurs n’est-il pas enracinée dans la tradition orale de ces femmes tenues hors de l’écriture, « Ana comme analphabète » ?

Et c’est un conte entendu enfant, qui nourrit l’Idée qui la poursuit.

« Il était une fois une jeune fille si intelligente qu’on l’appelait Ana l’intelligente… »

Catherine Benhamou anime depuis plusieurs années des  ateliers avec des femmes en situation d’illettrisme : « Dans ces ateliers, on s’intéresse aux mots, on joue avec eux, on les apprivoise, on les écoute ; ils nous entraînent dans des histoires. 

Les personnalités de ces femmes, leur état de dépendance, d’enfermement, mais aussi leur courage et leur volonté, ce qu’elles m’ont livrée d’elles à travers les exercices, tout cela m’a inspiré le personnage d’Ana, qui parvient à changer sa vie grâce aux mots ».

Au cours d’écriture, Ana joue avec les mots, en décortiquant mariage, elle trouve « rage », « laisser tout en plan ouvrir la porte et partir ».

Son rêve ? Voir la Tour Eiffel. Quelques cailloux en poche, un jour, elle se décide.

Les mots ont-ils le pouvoir de changer nos vies ?

Pour le savoir, il faudra lire et entendre la voix d’Ana. Une voix essentielle dans le monde d’aujourd’hui …

ANA ou la jeune fille intelligente a été créée au Théâtre de l’Opprimé à Paris le 20 mars 2013 dans une mise en scène de Ghislaine Beaudout. La pièce a été interprétée par son auteure du 14 mars au 17 avril 2016 au Théâtre Artistic Athévains et également joué en 2019.

Le Faucon – Marie Laberge / Théâtre québécois

Le Faucon – Marie Laberge – Boréal – 1991

J’ai été transportée et bouleversée par ce texte. Il est rare qu’un texte dramaturgique soit aussi visuel et se prête à ce point à la représentation intérieure. Cela est dû certainement aux photos des comédiens, Jules Philipp et Denise Verville, dans la mise en scène de Gill Champagne, et les photos d’André Panneton qui a illustré la couverture. Les didascalies, assez fouillées et nombreuses, plantent le décor.

Le faucon est la métaphore qui va orienter le récit et donner les clés du drame vécu par Steve, jeune homme de dix-sept ans, accusé d’avoir tué son beau-père. Aline, ancienne religieuse devenue thérapeute, est chargée d’établir le lien avec lui, et d’obtenir la vérité. Le père de Steve, répparaît brusquement dans la vie du jeune homme, alerté par la mère.

« Un bébé faucon peut être nourri par un autre si son père est un mauvais chasseur. D’habitude, c’est la mère qui est obligée de chasser dans ce temps-là. Mais si a laisse le nid, c’est dangereux à cause des prédateurs. Ça arrive qu’un frère s’occupe des autres et qu’y aide la mère en volant plus vite pis en allant chercher la proie dans ses serres quand elle arrive […] »

Le personnage de Steve apporte toute la tension dramatique à ce texte. Révolté, dur, sans complaisance vis-à-vis du monde des adultes, il esquive les questions, emmuré dans son secret, débusque les faux-semblants des adultes et les provoque, les poussant dans leurs retranchements.

Le mur, au milieu de la scène, symbolise l’enfermement mais il est aussi le lieu de l’ouverture possible au monde des adultes. Steve le frappe mais aussi y dessine de merveilleux faucons qui prennent leur envol.

Les événements du dehors sont rapportés par les personnages extérieurs qui eux, vont et viennent de part et d’autre du mur.

Il y a des passages risqués qui pourraient faire basculer le texte dans la mièvrerie, ou une forme de facilité, mais Marie Laberge sait les éviter, le personnage de Steve, provocateur et rebelle, mais aussi puissant, peut tout se permettre, son enfermement n’est que le contrepoint de sa liberté intérieure.

Et comme c’est aussi Québec en novembre :

Pour tout savoir de ce challenge animé par Karine et Yueyin,  rendez-vous sur leurs blogs respectifs.

Les flèches perdues/ lecture par Marie-Pierre Cattino

Les flèches perdues / Marie-Pierre Cattino – Compagnie Koïné

L’extrait donne vraiment envie de voir la pièce ! Le texte prend chair sous la mise en scène d’Evelyne Pérard ! Plus tard dans la semaine, la version longue !

Les flèches perdues – Marie-Pierre Cattino

Les flèches perdues – Marie-Pierre Cattino Koïné éditions, 2012

Les flèches perdues - Marie-Pierre Cattino - Koine - Grand format - Place  des Libraires

J’ai rencontré cette œuvre dans des conditions très particulières : j’étais à Marseille et nous avions longé la mer avec ma fille pendant des kilomètres, nous émerveillant de la découverte de cette ville offerte à la Méditerranée, lorsque nous sommes arrivées devant le Mémorial des Rapatriés d’Algérie par César, cette immense pâle d’hélice qui semble tutoyer le ciel, et qui symbolise la traversée de la Méditerranée qu’ont du faire les rapatriés en 1962 pour rejoindre Marseille.

Deux ou trois semaines avant, j’écoutais la chanson de Camélia Jordana, « Dans mon sang un peu de bruine, Toujours lavait mes racines »

Et gravement, à la télévision, Emmanuel Macron parlait de la colonisation comme d’un crime contre l’humanité, suscitant tollé et polémiques, plus rarement quelques approbations et hochements de tête.

La flèche tirée par l’autrice n’a pas été perdue, elle m’a atteinte en plein cœur.

Je ne suis qu’une lectrice, ni critique littéraire, ni encensoir, mes émotions créent les conditions de ce partage entre un.e auteur.e et moi.

La pièce raconte l’histoire de trois jeunes gens, dont deux jeunes hommes partis faire leur service militaire en Algérie en 1956, et l’attente, les embuscades, l’incompréhension face à cette guerre qui ne dit pas vraiment son nom : « pacification… ». « On était là pour maintenir l’ordre, pas pour foutre le bordel ! » s’indigne le frère de Claire.

Ce sont des lettres échangées à la place des cœurs entre Paul et Claire, sa marraine de guerre. C’est le silence autour des mots, les mensonges par omission qui peuplent les missives entre les deux jeunes gens. Le talent de l’autrice est de suggérer, de tisser avec nos souvenirs, avec ce que nous savons ou pas de cette guerre, de nous relier à notre histoire.

Je suis souvent allée chercher des informations au sujet de cette guerre que je connaissais si mal. Cette lecture m’a engagée sur des chemins que je n’avais pas encore vraiment pris, sur une partie de ma mémoire que j’avais occultée.

Elle prouve q’un texte dramatique peut vivre un temps sans représentation si ses mots sont vibrants, si un flux, comme une marée, traverse le texte.

Nous faisons alors notre propre mise en scène, nous peuplons ce lieu encore fantôme de créatures que nous agitons d’abord en tous sens. Mais les silences qui peuplent le récit délimitent et bientôt organisent l’espace de notre scène imaginaire, lui conférent un sens et quelques directions.

Une belle lecture, merci.

Litterama/ Les femmes en littérature : novembre, mois du texte dramatique en soutien aux théâtres, et aux librairies désormais fermées !

Illustration : Héloïse Dorsan

Je me demandais comment traverser ce mois de novembre, si gris et si triste lorsque j’ai reçu mon billet, par la poste, pour une future représentation théâtrale qui n’aura pas lieu. Je pensais à tous ceux dont la vie est bouleversée, si profondément, qu’elle les engage malgré eux sur des chemins creusés d’ornières et de précipices : tous les commerces, mais les librairies, les éditeurs/éditrices, les comédiens/comédiennes, les auteurs/autrices aussi (Il me manque encore l’écriture inclusive).

Alors ce mois de novembre sera consacré à la littérature dramatique illustrée autant que faire se peut par des voix et des visages.

Les trois prochaines lectures seront :

Méchante de Sarah Pèpe/ Les flèches perdues de Marie-Pierre Cattino/ Revanche de Marjorie Fabre

Et j’espère qu’en ma compagnie, vous en lirez beaucoup d’autres !

 Le Secret des Conteuses de Martine Amsili -Théâtre Dejazet du 10 septembre au 12 octobre 2019

Du 10 Septembre au 12 Octobre 2019

Du mardi au samedi à 20 h30. Matinée  samedi à 16 h.

Au théâtre Déjazet  (75003)

 Le Secret des Conteuses est une comédie sur fond d’histoire de France et de Roi Soleil. Nous sommes chez Ninon de Lenclos, courtisane, sublime, spirituelle, piquante, en compagnie de la grande Epistolière Madame de Sévigné, de l’éloquente romancière Mademoiselle de Scudéry, de Madame Scarron (future épouse morganatique de Louis XIV) sans oublier la chambrière de Ninon (Louison). Ces femmes incarnent le temps d’une pièce, sous l’égide de Ninon, le courant sceptique et libertin du XVIIe siècle dont l’impertinent écho portera jusqu’aux cafés célèbres de la Révolution. Nous sommes en 1671, à l’âge d’or du théâtre, des grands épistoliers, du Mercure Galant et de la préciosité. A la faveur d’un secret, des conteuses vont déployer leur verve en toute liberté, et faire montre d’éloquence  afin  d’évoquer un amour singulier. Le Secret des Conteuses nous révèle au fil des scènes, l’héritage social, amoureux et intellectuel auquel la femme d’aujourd’hui pourrait s’identifier sans rougir.

Tarifs :

Première catégorie : 39 euros

Deuxième catégorie : 32 euros

Troisième catégorie : 24 euros

Etudiants : 20 euros

« Logiquimperturbabledufou » de Zabou Breitman /A voir absolument au théâtre du Rond-Point, Paris 8e

« J’avais commencé il y a dix ans à saisir des presque riens, des petites choses, « Le petit chien de Monsieur Bergeret ne regardait jamais le bleu du ciel incomestible. » C’est une phrase rtrouvée chez Anatole France. le spectacle se jourait sur des tapis roulants, on marchait sur place, on courait dssans avancer. Ce sont des visions, des images. L’éloge de la Folie d’Erasme, Lewis Caroll et Alice… Ce sont des moments de la folie, il y a aussi les gens de Depardon, des portraits d’humanités fragiles, enfermées, contraintes. Ce n’est pas une folie spectaculaire, mais une logique imperturbable. […]

La vérité et la folie ne se trouvent jamais là où on imagine. »

J’ai assisté aujourd’hui à cette très belle pièce, sensible, drôle, poétique et poignante.

Les comédiens sont d’une virtuosité et d’une rare justesse, entre déraison et poésie. Leur jeu est d’une grande précision; ils n’en font jamais trop mais parviennent à nous faire saisir un personnage, une atmosphère. La souffrance est parfois silencieuse, dans la désarticulation des corps, la profondeur d’un regard, l’immobilité et la stupeur, plutôt que dans l’agitation.

La mise en scène est extrêmement bien pensée, rythmée, intégrant la musique, la danse , le chant, mais le tout dans un bel équilibre.

J’ai été subjuguée …

Et c’est du 9 mai au 2 juin, à 21H, le dimanche à 15H30, relâche les lundis.