Archives pour la catégorie Q 1 – Elles écrivent dans la peau d’un homme.

T’es pas mon genre ! Ou un amour sans résistance, Gilles Rozier/ Gabriel Debray, Chantal Pétillot, et Xavier Béjat au Théâtre Le Local à Belleville

un amour sans résistance

Au cœur de Belleville, dans ce quartier foisonnant et populaire, qui évoque Edith Piaf, Willy Ronis mais aussi les célèbres Triplettes, se niche un théâtre qui est un petit bijou ! Je refuse souvent des invitations ou des services de presse, par manque de temps mais ce partenariat avec le théâtre le Local a été une magnifique découverte à laquelle je ne m’attendais pas.

Dans le texte de la pièce, le sexe du narrateur ou de la narratrice n’est pas précisé.

« Une question en suspens, de sorte que le texte peut être compris de deux manières différentes, comme une relation hétéro ou homosexuelle », explique Gilles Rozier.

Question qui passionne Litterama. La pièce est jouée en alternance par un comédien et une comédienne, Chantal Pétillot, et Xavier Béjat.

Ce soir j’ai vu la version féminine, j’irai bientôt voir la version masculine dont je vous parlerai aussi.

Le texte mis en scène par Gabriel Debray est selon ses propres mots, d « une écriture vive, ciselée, très visuelle, cinématographique, pleine de retournement de situation, comme dans un bon polar. »

D’ailleurs la mise en scène est une réussite, comme tout dans cette pièce. La scène est vivante, elle possède sa propre pulsation, qui s’accorde à celle de la comédienne, son jeu d’ombres et de lumière, devient l’articulation entre la mémoire et le récit au présent, entre le territoire du souvenir, cet homme caché dans la cave, et le lieu symbolique de l’Histoire que la narration fait surgir dans une lumière éblouissante et parfois cruelle.

Ce soir, nous avons vu jouer la merveilleuse Chantal Pétillot, dont chaque mot, chaque geste est une évidence, habitée, transfigurée, faisant corps avec le texte, respirant avec lui, grondant ou se pâmant, dans un jeu presque musical, parfois fluide ou syncopée avec quelques points d’orgue. Un jeu inspiré, dont on ne sort jamais indemne. Une modulation constante du corps et de la voix, un souffle, un grand vent, qui nous emporte, nous, spectateurs dans cette histoire d’amour parfois terriblement sombre. Je crois que ce soir nous avons aimé avec elle, avec la même douceur, la même fureur. Mais cette femme aime-t-elle l’homme qu’elle a sauvé, ou n’est-il que le jouet de son désir, ou simplement un peu de crédit à sa bonne conscience ? Chantal Pétillot joue habilement des ambiguïtés de son personnage et de ses zones d’ombre.

Le visage de la comédienne est parfois si proche des spectateurs qu’il apparaît comme en gros plan. D’ailleurs elle ne craint pas devenir planter son regard dans le vôtre.

Elle m’a fait penser à Marlène Dietrich, avec sa voix de basse, et cette sorte d’élégance.

Je crois que l’amoureux.se de théâtre a le devoir d’être un aventurier, pour aller à la rencontre des théâtres de quartier, vers des pièces qui ne bénéficient pas de la publicité qu’ils mériteraient. Je vais souvent au théâtre, et j’ai rarement été aussi émue.

Bien implanté dans le tissu urbain, Le Local est un lieu de création, d’actions culturelles et de pratiques artistiques amateurs, situé au 18 rue de l’Orillon Paris 11e au cœur du quartier Politique de la Ville Belleville/Fontaine au Roi.  L’association « Ombre et lumière » et ses artistes souhaitent favoriser des rencontres, des échanges et applique des tarifs adaptés à un public aux revenus modestes. Les actions qu’elle met en œuvre cherchent avec la parole, avec « des paroles », à créer des rencontres, des échanges culturels entre les artistes et les publics. Ces paroles s’expriment par différentes formes et provoquent d’autres paroles, elles-mêmes sources de création.

 

Pour moi , écrire, c’est être quelqu’un d’autre … Dulce Maria Cardoso

Aéroport de Lisbonne – chanteuse de fado

« Je suis devenue écrivain à cause de ces événements. Parce que quand je suis rentrée au Portugal à l’âge de onze ans, la réalité était tellement insupportable que j’ai été obligée de m’inventer des histoires pour que le quotidien soit supportable justement. Mais je ne savais pas vraiment comment raconter cette histoire parce que je ne voulais pas me contenter d’exhiber la souffrance de ces gens. Donc il m’a fallu une trentaine d’année pour que j’arrive à définir une proposition de réflexion pour écrire ce roman. Je ne voulais pas de règlement de comptes, je ne pensais pas qu’il y avait les bons d’un côté et les méchants de l’autre, je pense que nous étions noirs et blancs, bons et méchants en même temps, ce que j’ai compris c’est que ce roman devait être une radiographie de la perte. Et le roman est organisé comme si c’était l’histoire d’un deuil, avec toutes les phases que la psychologie décrit comme étant celles du deuil, étant entendu qu’à la fin c’est le renouveau, un recommencement, ce roman évoque la fin d’un cycle, en l’occurrence la fin de l’empire portugais, comme en ce moment on se trouve à la fin d’un cycle, la fin du rêve européen, mais cela ne signifie pas que la fin d’un cycle soit tragique. Il dépend de nous de faire en sorte que ce recommencement soit meilleur, c’est pour cette raison que le personnage est un adolescent, afin que ça corresponde à une nouvelle étape dans sa vie, car lui aussi doit redéfinir son futur, son avenir, et ça coïncide avec ce qui se passait dans le pays lui-même. Cette histoire est racontée à la première personne par Rui, et c’était ça pour moi le plus grand défi, au niveau formel, pour écrire ce roman. J’essaye de relever un défi formel à chaque roman, et pour celui-ci c’était l’adolescent qui devait s’exprimer. J’écrivais pendant des semaines et des semaines et quand je m’arrêtais, je relisais et j’avais vraiment l’impression que c’était une femme qui s’exprimait, et qui plus est, une femme âgée. Ca a été très difficile pour moi de restituer la voix de cet adolescent qui s’étonnait de tout, qui avait la rage, qui avait une forme d’ingénuité, qui avait aussi de l’espoir, tous les sentiments de quelqu’un qui a quinze ans alors que moi j’étais près d’avoir cinquante ans. Ça ça a été le plus grand défi pour moi, aussi quand les lecteurs hommes me disent qu’ils se reconnaissent dans ce personnage, c’est le meilleur éloge qu’on puisse me faire. Pour moi écrire, c’est être quelqu’un d’autre, et parvenir à être quelqu’un d’autre, c’est-à-dire un homme, un jeune homme, c’est ce qu’il y a de plus difficile. »

Source : entretien Librairie Mollat

Escritoras-em-portugues

Cycle romancières portugaises : Dulce Maria Cardoso – Le retour

 

Dulce Maria Cardoso est née à Fonte Longa dans la région de Trás-os-Montes mais sa famille a émigré en Angola. Ils reviennent au Portugal par le pont aérien organisé en 1975 à quelques mois de la proclamation de l’Indépendance de l’Angola.  Elle étudie tout d’abord le droit à l’Université de Lisbonne avant de commencer à écrire, quelques années plus tard. Son roman « Os Meus sentimentos » traduit par « Violetta, mon amour » obtiendra une reconnaissance internationale grâce au Prix de littérature de l’Union Européenne en 2009.

vignette femmes du MondeDans le roman de Dulce Maria Cardoso, un jeune adolescent raconte la fuite précipitée de sa famille en 1975, hors d’Angola, vers la métropole portugaise, l’accueil dans un hôtel à Lisbonne, et la reconstruction après le traumatisme de l’exil et de la dépossession. L’approche formelle est vraiment intéressante : l’écriture est proche du langage parlé, les dialogues s’insèrent dans la voix du jeune garçon (d’un discours rapporté à un discours direct) qui porte ainsi de multiples voix comme autant de perspectives sur ce qui est vécu. Ce que disent les autres est toujours filtré par le prisme de sa subjectivité propre. La narration à la première personne permet de comprendre les sentiments du jeune homme, les émotions qui le bouleversent, sa découverte de l’amour et de la sexualité, sa honte et l’ostracisme dont lui et les siens sont victimes.

« Ceux d’ici nous aiment de moins en moins, on exploitait les nègres et maintenant on veut leur voler leurs emplois en plus de leur saccager leurs hôtels, de saccager la belle métropole qui sera jamais plus la même. » (p222)

Mais ce qui revient toujours, est les raisons qui ont poussé à l’exil : la misère endémique du Portugal qui a produit un peuple de migrants.

«  […] je sais bien que cette terre nous demande de la sueur, des larmes et du sang et qu’elle nous donne en échange un quignon de pain dur […]

Cette lecture ne peut que faire écho à la situation du Portugal aujourd’hui, des investissements étrangers dans le tourisme, et de ce boom qui semble donner un nouveau souffle à ce pays mais dont les richesses risquent ne pas profiter à ceux qui en ont le plus besoin.

Les français aisés investissent au Portugal et cela fait flamber les prix de l’immobilier. Le Portugal devient un paradis fiscal pour nombre de gens fortunés et les longues plages désertes risquent rejoindre un jour les plages bétonnées de la côte espagnole. On ne peut pourtant que se réjouir d’une prospérité qui reviendrait enfin aux pays du sud.

Dulce Maria Cardoso est un grand écrivain.

 

Dulce Maria Cardoso was born in the region of Trás-os-Montes in Portugal but her family emigrated to Angola. They return to Portugal by the airlift organized in 1975 a few months after the proclamation of Independence of Angola. She first studied law at the University of Lisbon before starting to write, a few years later. His novel « Os Meus sentimentos » translated by « Violetta, my love » will receive international recognition thanks to the European Union Literature Prize in 2009.

In Dulce Maria Cardoso’s novel, a young teenager is relating the story of his his family forced to flee from Angola back to Portugal among thousands of returnee families, to the far-away portuguese homeland  when Portugal’s fifty-year old dictatorship was overthrown,  the reception in a hotel in Lisbon, and how they try to rebuild their lives after the trauma of exile and dispossession. The formal approach is really interesting: the writing is close to spoken language, the dialogues are inserted in the voice of the young boy (of a speech related to a direct speech without speech marks, with little punctuation which thus carries multiple voices like so many perspectives on what he’s living. The author is using stream of consciousness, switching between third and first persons in the same sentence, from present to past tense What others say is always filtered by the prism of its own subjectivity. Storytelling in the first person helps to understand the feelings of the young man, the emotions that upset him, his discovery of love and sexuality, his shame and discrimination against returnee families.

But what always comes back are the reasons that led to exile: the endemic misery of Portugal that produced a migrant people.

This novel can only echo the situation of Portugal today, foreign investment in tourism, and this boom that seems to breathe new economic life into this country but  doesn’t benefit to poor people who needs it.

The well-to-do French people are investing in Portugal and that is making property prices soar. Portugal becomes a tax haven for many wealthy people the long deserted beaches may one day become similar to the concrete beaches of the Spanish coast. However, we can only be satisfied with the delivering prosperity to the countries of South Europe.

Dulce Maria Cardoso is a great writer.

« 975, Luanda. A descolonização instiga ódios e guerras. Os brancos debandam e em poucos meses chegam a Portugal mais de meio milhão de pessoas. O processo revolucionário está no seu auge e os retornados são recebidos com desconfiança e hostilidade. Muitos nao têm para onde ir nem do que viver. Rui tem quinze anos e é um deles. 1975. Lisboa. Durante mais de um ano, Rui e a família vivem num quarto de um hotel de 5 estrelas a abarrotar de retornados – um improvável purgatório sem salvação garantida que se degrada de dia para dia. A adolescência torna-se uma espera assustada pela idade adulta: aprender o desespero e a raiva, reaprender o amor, inventar a esperança. África sempre presente mas cada vez mais longe. »

Herbjørg Wassmo – Fils de la providence tomes 1 et 2

 

Herbjørg Wassmo – Fils de la providence tomes 1 et 2 1992 (en langue originale 1992). Gaïa 1997 puis 10/18 (réédition 2015)

Traduit du norvégien par Luce Hinsch

Tome 1 : Benjamin, le fils de Dina, a vu ce qu’il n’aurait jamais dû voir. Il a 11 ans et sa mère, encore jeune et belle, ne supporte pas d’être abandonnée. Sa grand-mère, morte accidentellement lorsqu’elle était enfant, le rejet de son père, ont creusé en elle des failles, une instabilité émotionnelle et une grande fragilité psychologique. Elle navigue à vue entre la raison et la folie, et essaie de prendre son destin en mains pour ne pas sombrer. Le fils hérite de la souffrance de sa mère. Il se choisit un père, Anders, sur lequel il s’appuie, mais également sur  tous ceux, dans son entourage, qui lui montre de la tendresse. Et puis il y a Hanna, la fille de Stine, une protégée de sa mère d’origine lapone, avec qui il joue et folâtre. Il tente de grandir, tant bien que mal, en proie aux cauchemars, déchiré par le terrible héritage que lui a légué Dina.

Dans ce premier Tome, Benjamin prend d’abord la parole pour la céder ensuite au narrateur, extérieur à l’histoire.

Tome 2 : A Copenhague, Benjamin, le fils délaissé de Dina, entreprend des études de médecine, toujours hanté par la tragédie familiale et la fuite de Dina. Mais la guerre des Duchés éclate et il s’engage pour aller au front. Dans la fureur et les larmes, au milieu des morts, de la souffrance intolérable des blessés, il se tourne vers Karna, pulsion de vie, chaleureuse et douce. Puis il revient à Copenhague et tente d’oublier et Karna et la guerre…

Raconté à la première personne, le récit acquiert une plus grande profondeur. On pénètre les pensées de Benjamin, on vit cet intolérable cauchemar qui le réveille au fil des nuits, et la culpabilité qui le déchire. Il décide alors de se livrer à la place de sa mère, d’endosser son crime et il le lui écrit. Tout va se précipiter alors.

Avec une plume flamboyante et efficace, maîtrisant l’art du suspense et des retournements de situation, Herbjørg Wassmo ferre son lecteur pour ne plus le lâcher.

Une littérature populaire de haut vol…

Dans l’or du temps – Claudie Gallay

Dans l'or du tempsDans l’or du temps de Claudie Gallay – Editions du Rouergue, 2006, repris en poche éditions Babel

Vignette femmes de lettresDans une maison en Normandie, en bord de mer, un couple s’installe avec leurs deux filles. L’homme, le narrateur, rencontre alors une vieille dame, Alice Berthier, lourdement chargée, et lui propose de la raccompagner chez elle. Commence alors une étrange relation entre les deux. L’homme est à une période cruciale de sa vie où il s’interroge sur le sens de ses choix et la profondeur de ses engagements et Alice Berthier, sentant approcher la mort, sent le besoin de confier à cet inconnu le secret qui a rongé sa vie d’adulte. La distance ainsi créée permet à chacun de retrouver soi en l’autre, dans une confession toujours différée.

Là encore, comme dans le roman « Rosa Candida » c’est une femme auteur qui se met dans la peau d’un homme, et qui plus est un homme vivant une crise dans son couple. Il est indécis, il ne sait pas, il découche, il tergiverse, à sa compagne de s’occuper des filles. Il a l’impression de n’avoir rien décidé, ni sa paternité, ni cette maison en Normandie. Rien.

D’ailleurs c’est un leitmotiv, à chaque fois que quelqu’un lui demande quelque chose, il répond qu’il ne sait pas. Mais il n’arrive pas non plus à mettre de mots sur son malaise, ni à véritablement exprimer ses sentiments.

Anna, la compagne du narrateur, s’insurge contre les modèles que reproduisent ses filles, elle déteste les voir jouer à la poupée, à la dinette ou lire Martine. Mais comment lutter ? « On offre toujours des poupées aux filles ». D’ailleurs le narrateur l’avoue, les femmes sont bien plus fortes que les hommes. Elles décident, elles s’occupent des enfants. Elles ne peuvent pas s’octroyer le luxe du doute, du malaise, partir pendant des heures sans dire où elles vont. Anna peut pleurer, tempêter, qu’à cela ne tienne, mais elle doit tenir. Elle, au contraire, exprime ses doutes, ses interrogations, dit combien elle est blessée.

Les femmes de ce roman ont ce statut particulier d’être reliées au regard des hommes, à leur désir. Alice avoue que les femmes commencent à mourir bien avant d’être mortes mais dès qu’elles commencent à vieillir et qu’aucun homme ne les désire plus. Elles sont dans une relative passivité jusqu’au moment où le désespoir et la colère leur insufflent une force ou une folie dont elles ne se croyaient pas capables. Car les hommes ont aussi un terrible pouvoir dit le livre… Il retrace aussi la découverte de la civilisation des Indiens Hopis en Arizona par les intellectuels de l’époque, André breton notamment et donne un panorama des croyances des Indiens.

J’ai surtout été intéressée par l’aspect documentaire de cette œuvre plus que par l’œuvre littéraire elle-même. Je n’ai pas retrouvé la magie des « Déferlantes » que j’avais vraiment adoré mais l’oeuvre est intéressante et bien écrite.

Les fidélités – Diane Brasseur Sélection Prix de la romancière 2014

diane brasseur

 Diane brasseur – Les fidélités – Allary Editions 2014

A Marseille où il vit une partie du temps avec sa femme et sa fille, un homme s’enferme dans son bureau pour réfléchir. Sa vie a pris des directions inattendues et menace de lui échapper tout à fait. Il a cinquante-quatre ans et il doit partir à New York fêter Noël en famille. Il est face à un dilemme qu’il doit absolument résoudre avant qu’un drame ne se produise.

Il laisse Alix à Paris. Il la connaît depuis un an et passe la semaine avec elle. Il l’aime. Le week-end, il rentre à Marseille retrouver la femme qu’il aime et qu’il a épousée.

Diane Brasseur exploite un thème mille fois rebattu sous un angle assez neuf et parvient à éviter les clichés du triangle amoureux. Cet homme n’est pas malheureux mais il aime simplement deux femmes sur un tempo tout à fait différent. L’amour passion alterne avec l’amour tendresse .

La vie contemporaine lui laisse des espaces qui n’existaient pas autrefois : mobilité professionnelle, et portable. Dans la sphère privée qui était auparavant plus transparente, les nouveaux moyens de communication ont créé des sortes de bulles où l’individu peut aménager à loisir d’autres espaces beaucoup plus opaques. Une nouvelle passion permet de rompre la routine et l’ennui de la vie conjugale. Mais elle demande aussi de devenir maître dans l’art du mensonge.

Diane Brasseur met l’accent sur l’aspect schizophrénique qu’induit la double vie, car le narrateur ne trompe personne, il est fidèle à chacune des femmes qu’il aime. Elles ne sont qu’un simple écho à une dualité intérieure. Elles ne sont pas rivales mais se complètent en quelque sorte. Elle sait introduire une tenson dramatique et du suspense dans son récit en lui donnant une dimension de thriller psychologique. Jusqu’au bout on se demande ce qu’il va faire.

L’originalité de ce récit consiste à se mettre dans la tête d’un homme amoureux et de tenir jusqu’au bout un monologue intérieur qui soit crédible.

Lorsqu’il imagine rompre avec Alix, il fait la liste de tout ce qu’il ne fera plus avec elle « Ne plus la voir et ne plus la toucher, ne plus la faire rire, ne plus me dire : « Il faudra que je lui raconte » ou « Cela lui plaira », ne plus regarder mon téléphone pour voir si elle a essayé de me joindre…. »

En quelques phrases, avec une étonnante simplicité, l’auteure livre la quintessence du sentiment amoureux . Face à la perte, peut-être hommes et femmes sommes-nous semblables.

Elle dit l’effroyable douleur d’une rupture, d’autant plus effroyable qu’elle est banale, tellement banale aujourd’hui.

 

Ce qui fait de ce narrateur un homme est peut-être la référence constante au désir, au corps et à la proximité physique. On ne voit pas vraiment ce qui le lie vraiment à aucune de ces femmes sur le plan des valeurs, ou d’une entente qui serait basée davantage sur une intimité philosophique et spirituelle. En tout cas, je ne l’ai pas ressenti. Et ce qui est assez drôle et rusé de la part de la romancière est qu’elle imagine un homme qui imagine ce que peut penser une femme, ce que veut une femme qui est Alix. Construire, des enfants…

J’ai dévoré ce livre, et je l’avoue, cet homme m’a passablement tapé sur les nerfs, non à cause de ses infidélités, mais à cause de la manière dont il pense que sa maîtresse pense à sa femme par exemple. A cause aussi d’une certaine insensibilité, on pourrait penser qu’une vitre épaisse le sépare de la réalité. Et aussi cette fausse empathie…

Un bon roman qui méritait bien d’être dans la sélection 2014, qui a eu un beau succès critique. Une romancière est née, incontestablement…

Diane Brasseur est franco-suisse. Née en 1980, elle a grandi à Strasbourg et fait une partie de sa scolarité en Angleterre. Après des études de cinéma à Paris, elle devient scripte et tourne, entre autres, avec Albert Dupontel, Olivier Marchal et Abd Al Malik. Elle habite à Paris.

sélection 2014 image achetée sur Fotofolia

 

Rosa Candida de Audur Ava ÓlafsdÓttir

Rosa candida

Rosa Candida de Audur Ava ÓlafsdÓttir roman traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsson (Afleggjarinn), 2007 et Zulma 2010

Arnljótur, 22 ans à peine, perd sa mère dans un tragique accident de voiture. Il décide de quitter alors son pays natal, les champs de lave remplis de mousses, et le jardin qu’il avait créé avec sa mère, pour aller restaurer le jardin d’un monastère célèbre pour sa roseraie, et une variété rare de rose à huit pétales nommée Rosa Candida. Il emporte des boutures avec lui et une photographie …

Le narrateur est un jeune homme tout au long du récit qui livre ses interrogations et ses idées sur les femmes. Sachant que l’auteur est une femme, il est tout à fait intéressant d’examiner la façon dont elle pense qu’un homme pense. Elle essaie de se mettre dans la peau d’un homme, et se sert pour cela de ce qu’elle-même a observé des hommes en tant que femme. Qu’en ressort-il donc ? Et ce portrait d’homme est-il convaincant ?

D’ailleurs ce jeune homme nous dit combien il se sent en porte-à-faux avec les clichés habituels de la virilité. Il se sent différent des hommes de la famille qui savent construire un trottoir, tirer un câble, fabriquer des portes pour un placard de cuisine, et en déduis donc qu’il n’est pas fait pour la vie de couple. Il ne sait pas non plus changer une bougie ni une courroie et ne s’est jamais intéressé aux moteurs. C’est d’ailleurs pourquoi il se sentait plus proche de sa mère qu’il aidait à jardiner.

Toutefois, il évoque la soi-disant capacité des femmes à se livrer et à parler de leurs états d’âme et de leur famille et à faire le lien entre les générations. La femme est gardienne du foyer et de la mémoire familiale. Il confie au lecteur sa perplexité devant la vie affective des femmes qu’il trouve très complexe et leurs réactions souvent imprévisibles. D’ailleurs il se méfie de l’aptitude des femmes à l’interprétation et donc à la méprise. Pour lui c’est beaucoup plus simple, il est hanté par le corps des autres, plusieurs fois par jour précise-t-il, et pas seulement le corps des femmes, celui des hommes aussi.

Alors qu’est-ce qu’être un homme ?

« C’est pouvoir dire à une femme de ne pas se faire de soucis superflus. » Etre rassurant et fort, c’est entendu. Mais le personnage va évoluer au fil du récit et l’expérience qu’il va mener dans ce village lié au monastère risque bien le changer en profondeur et en même temps faire évoluer ses clichés sur la masculinité et la féminité en même temps qu’il apprendra à faire la cuisine.

J’ai été très surprise en lisant ce livre, je pensais qu’il s’agissait d’un livre racontant une expérience mystique par le biais des roses, et bien que nenni. Je n’ai pas été déçue d’ailleurs, j’ai pris un grand plaisir à lire ce livre, j’ai beaucoup ri aussi. Je l’ai refermé à regret.

Adieu le cirque – Cheon Un-Yeong / Quand les fleurs de pêcher s’envolent comme des papillons…

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Adieu le cirque Cheon Un-yeong, traduit du coréen par Seon Yeong-a et Carine Devillon, Serge Safran  2013

 

Inho, jeune coréen qu’un accident a privé de sa voix, cherche une femme pour échapper à sa solitude. Une curieuse agence matrimoniale le met en relation avec la troublante Haehwa, jeune chinoise qui veut oublier un amour perdu. Sont-elles plus douces, plus patientes, plus dociles ces jeunes femmes que l’on va chercher si loin ?

Et ces jeunes coréens sont-ils plus prospères, plus à même de subvenir aux besoins d’un foyer ?

Tout semble s’annoncer sous les meilleurs auspices : la jeune femme semble s’épanouir et établit avec sa belle-mère des liens faits de confiance et de tendresse, le jeune homme est attentionné et disponible. On entend bien de fâcheuses histoires sur ces unions arrangées mais cela semble ne pas concerner nos deux tourtereaux !

Mais Yunho, le frère de Inho, est troublé lui aussi par la douce Haewa.

Le feu couve sous la cendre, un geste qui semblait tendre recèle sa part de violence, même la misère qu’on croyait vaincue se révèle plus têtue qu’on ne croyait, et finalement sous une parole douce gronde une imperceptible colère. Le drame, terrible, se tisse de fils de soie. …

« Peut-être la vie n’est-elle qu’un spectacle de cirque, au dur et doux parfum de nostalgie… »

Dans le roman alternent les voix de Haewa et Yunho, qui s’appellent, se cherchent, sans jamais vraiment se répondre. Ce roman est d’une poignante beauté et d’une terrible mélancolie. Il m’ a fallu quelques semaines pour me défaire de cette émotion qu’il a suscitée en moi. La violence entre les êtres est d’une certaine façon la conséquence d’une violence plus souterraine et profonde, une violence sociale et politique. Les personnages sont pris dans des rets dont ils ne peuvent se défaire. La langue est belle, et l’on peut saluer la co-traduction de Seon Yeon-a et Carine Devillon. On se laisser bercer par la beauté de ces images. Une syntaxe parfaitement maîtrisée et de très belles métaphores filées de mains d’écrivaine douée, très douée…

La nature a la beauté des estampes japonaises sous le pinceau-crayon de Cheon Un-Yeong. « Au moindre coup de vent, les fleurs épanouies des pêchers déployaient leurs ailes comme des papillons frappés d’étonnement. »

Un vrai coup de cœur pour moi.

Aux éditions Serge Safran, il y une fée nommée Clarisse, que je remercie. Si vous ne me croyez pas …

Deadline d’Adina Rosetti

Deadline d'Adina Rosetti

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Adina Rosetti Deadline – 2010 Adina Rosetti – 2013 Mercure de France, traduit du roumain par Fanny Chartres – 404 pages

Peut-on mourir d’un excès de travail ? Voilà la question qui agite la petite communauté des familiers, collègues et amis de Miruna Tomescu, domiciliée à Bucarest, qui vient de s’éteindre, seule, sur son canapé, les bras chargés de dossiers, à l’âge de vingt-neuf ans.

Dans la cour de son immeuble, tonton Zaim, un vieil homme qui vit dans le local à poubelles a peut-être son idée sur la question, ou Augustin, son chef, qui lui a refusé sa demande de congés, ou encore Dora, son amie de faculté qui a reçu d’étranges mails de sa part. Adam, un jeune blogueur décide d’enquêter sur cette mort mystérieuse. La Toile s’enflamme, les débats font rage et les blogueurs s’organisent…

J ’avais découvert avec bonheur lors du salon du livre de Paris 2013 les romancières roumaines et je poursuis ma découverte de cette littérature à la fois riche et originale.

Car ce roman est vraiment très original, par sa construction, son thème, son style. Adina Rosetti écrit vraiment très bien et elle est aussi admirablement traduite par Fanny Chartres. Elle élabore une œuvre à l’identité forte et singulière, dans un roman choral où un certain réalisme le dispute au fantastique dans une langue très travaillée.

Que devient la Roumanie après la dictature de Ceauᶊescu ? Comment a-t-elle abordé l’ère capitaliste ? De quel prix paye-t-elle sa liberté ? Voilà, au fond, la question que pose ce roman qui, je vous rassure, n’a rien de nostalgique. Mais ce capitalisme international, dont le modèle est donné par les grandes multinationales, est-il adapté ou souhaitable sur le sol roumain ? Ne va-t-on pas remplacer une dictature par une autre ? Ces questions soulevées pendant le salon par des grandes voix roumaines comme celles d’Adana Blandiana, ou de Gabriela Adamesteanu sont reprises par la jeune génération qui n’a pas ou peu vécu la dictature. C’est l’ère de l’individualisme et de la consommation, des réseaux et de l’internet. La question des femmes se pose en filigrane : qu’ont-elles gagné à la disparition de l’ancien monde, celui des coutumes et des traditions ?

« […] y’a que la carrière qui intéresse les filles de nos jours et voilà comment qu’elles finissent, seules chez elles, avec leur chat, sans personne qui peut appeler un médecin quand elles sont malades, elles arrivent à trente ans et des poussières, sans enfants, sans homme, sans rien, à quoi qu’elle leur sert la carrière, je vous le demande moi ? »

Quand une œuvre est traversée par les questions qui hantent une société, qu’elle pose les problèmes avec autant de pertinence, et qu’elle est à la fois une œuvre littéraire, alors on a un chef-d’œuvre. Adina Rosetti est une des jeunes romancières les plus douées de sa génération. Rédactrice au magazine « Elle » roumain, elle a fait sensation avec ce premier roman très moderne.

Un roman aussi où on parle beaucoup de la blogosphère et des blogomaniaques dans lesquels on peut reconnaître aussi ses propres travers.

L’héritier – Roselyne Durand-Ruel ou la transmutation des valeurs

L'héritier

Roselyne Durand-Ruel  présente dans « L’Héritier » une saga familiale chinoise, qui balaie l’histoire de la Chine des années 70 à aujourd’hui. Liu Sin-Ming est le seul fils d’un couple d’intellectuels, « rééduqués » dans les laogai ( goulag maoïste), victimes d’un collectivisme forcené et d’une idéologie sans pitié. Hong Kong, l‘opulente, est par contraste, son antithèse. Y règnent un capitalisme décomplexé, et une liberté d’entreprendre qui attirent de nombreux étrangers dont quelques français qui témoignent de la difficulté de créer une entreprise en France :

« Il faut être cinglé ou inconscient pour monter sa boîte en France. Surtout pour quelqu’un comme moi qui n’a travaillé qu’en Asie. L’entrepreneur est responsable de tout, libre de rien et suspecté en permanence par l’administration. On comprend pourquoi les jeunes rêvent de devenir fonctionnaires. Ni soucis, ni stress, la garantie de l’emploi et une pléthore de vacances. »

Le ton est donné comme vous l’aurez compris: Ce roman est un roman d’initiation, l’initiation d’un jeune homme contraint à fuir son pays pour trouver un peu de liberté et pouvoir épanouir ses talents. Son père le prépare pendant de longues années à devenir champion de natation sans dévoiler l’objectif final et même si le fils n’est pas fan de la discipline, en bon chinois il obéit à son père. Ce moment m’a fait penser au film « Welcome » dans lequel un jeune homme veut franchir la Manche à la nage pour rejoindre l’Angleterre. Ce mode de locomotion assez original deviendrait presque à la mode en littérature et au cinéma ! Sin Ming va tenter à son tour une aventure dans laquelle de nombreux chinois, candidats à l’exil, ont péri avant lui. Il franchit courageusement « le rideau de bambou » à la nage.

Va commencer pour lui l’apprentissage d’une sorte d’inversion de toutes ses valeurs, du collectivisme à l’individualisme et de l’obéissance confucéenne à l’exercice de l’esprit critique.

Peut-on toutefois oublier totalement l’éducation que l’on a reçue ? Héritier des traditions de son pays, où »la face », sorte d’honneur viril, tient une grande place, où le fils devient l’héritier et le garant de la continuation de la famille,  Sin Ming se trouve confronté à des choix cornéliens, pris dans des dilemmes que sa double culture ne lui permet pas de résoudre. Et c’est peut-être là tout l’intérêt de ce livre. Quelle est notre marge de liberté, quel poids ont les valeurs héritées, comment tracer sa propre route ?

Ce roman de presque cinq cent pages se lit avec plaisir. Il sait doser les différents ingrédients qui font une bonne histoire : l’amour, le danger, la réussite et l‘argent. Il propose une certaine vision de la Chine d’aujourd’hui mais surtout celle de l’auteure qui l’air de rien, passe au crible toute une série de valeurs fondatrices d’une civilisation, ainsi que la délicate question de l’articulation entre bonheur individuel et intérêt collectif.  Je ne me suis pas retrouvée dans cette ode au libéralisme, et bon nombre d’assertions m’ont considérablement agacées.  D’autre part, la facture en est vraiment très classique, trop classique, et la construction irréprochable n’empêche pas un sentiment de déjà-lu. Toutefois ses qualités en font un bon pavé pour l’été !

Au final, les quelques femmes qui traversent ce roman, sont des femmes énergiques, loin de l’image de la femme soumise. Elles ont beaucoup de mal toutefois à trouver le bonheur, enchaînées pour une part à la tradition, ou victime d’une idéalisation de l’amour à l’occidentale qui ne correspond pas toujours à la réalité.

« Entre une existence de princesse à Hong Kong et un r^le de soubrette en chef chez mon paternel, y a pas photos », s’était-elle dit avec pragmatisme. D’ordinaire les hommes prennent sans rien donner. »

« – La passion, peut-être. L’amour ? Est-ce que j’ose y croire ? Quant à toi tu devrais lire des romans russes ou français.

–         Pour être frustrée de n’avoir jamais éprouvé le grand frisson ?

–         Non, pour apprendre à rêver !

–         Mais ma vie est toute tracée !

–         Dommage ! Le Prince Charmant ne hante pas les petites filles de l’Ouest par hasard. Elles s’identifient aux héroïnes de la littérature. Une sorte de formation à l’esprit romanesque qui n’existe pas dans cette partie du monde. »

Un roman est cité cmme roman d’apprentissage de Sin Ming, il s’agit d’une ode à l’individualisme radical : La Source vive est un roman de l’écrivain américaine Ayn Rand publié en 1943 sous le titre The Fountainhead. Ce sera Description de l'image  Ayn Rand Portrait.png.son premier grand succès, adapté par la suite au cinéma par King Vidor en 1949 (voir Le Rebelle).

Le récit décrit la vie d’un architecte individualiste dans le New-York des années 1920, qui refuse les compromissions et dont la liberté fascine ou inquiète les personnages qui le croisent. (Source Wikipédia)

 

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Le coursier de valenciennes – Clélia Anfray / Une auteure est née !

Le coursier de valenciennes

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Je ne sais comment j’ai lu ce livre… Amoureusement si je puis dire, lovée autour de la belle écriture de Clélia Anfray, suspendue au rythme de sa prose qui est comme un souffle à la fois léger et puissant. « Le coursier de valenciennes » est un de ces livres qui pour moi a été presque une expérience charnelle.

 L’histoire en est simple : Simon Abramovitch doit remettre un paquet d’un de ses camarades de camp à sa famille – un poème et une lettre. Il l’ rencontré au camp de Klein Mangersdorf où tous deux étaient détenus et Simon seul en a réchappé. Il rencontre deux femmes dont « le beau regard de ciel flamand » va faire basculer son existence.

 L’écriture de Clélia Anfray a ce talent singulier d’épouser les contours de cet homme – Simon- de marcher à son pas, à la fois lourd mais assuré. On se métamorphose, on devient cet homme brisé par la guerre mais qui n’a pas oublié tout espoir, on sent dans son corps l’écriture de l’attente et cette faim intérieure prête à tout dévorer. L’auteure sait rendre compte de « ces affaires de perception », son écriture est comme la parole Mme de Viéville pour Simon :

« […]Valenciennes, sous l’effet de la parole de Mme Viéville, avait repris des couleurs. »

Le monde prend une autre épaisseur que seuls les mots ont le pouvoir de lui donner, « Son austérité grise s’était dissipée d’un coup, d’un seul, comme par magie pour ainsi dire. »

 L’écriture a aussi ce battement de fièvre, cette légère crispation due à la douleur des personnages :

« Renée s’arrêtait parfois pour regarder la paume de sa main droite qu’elle compressait de son pouce gauche pour apaiser une vive douleur. »

 « Le style c’est l’homme », a dit Buffon. Clélia Anfray aurait pu me raconter n’importe quoi, je l’aurais suivie. La forme de sa phrase, son rythme, son épaisseur, sa douceur, ou parfois une certaine sauvagerie retenue, est la forme de sa pensée. Une forme de pulsation qui est la vie même, le sang dans nos veines, le chaos des émotions, les douleurs infimes et qui donnent une vie incandescente à ses personnages. 

 Une auteure est née…

L’auteure s’est inspirée de l’histoire de Pierre Créange qui est mort dans ces conditions, qui a réussi à écrire dans les camps et dont les poèmes ont été rapportés par la suite par un codétenu.

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