Archives pour la catégorie Elles témoignent par l’écriture

Charlotte Perkins Gilman – Herland – Une des plus grandes utopies féministes à découvrir de toute urgence…

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Charlotte Perkins Gilman – Herland – Pavillon poche – Robert Laffont, 2016 et 2019 pour la présente édition. Traduit de l’anglais par Bernard Hoepffner.

Charlotte Perkins Gilman, dont j’ai déjà parlé ici, crée, grâce à ce roman, une utopie féministe sans concessions, qui influencera plus tard, selon Alberto Manguel, la génération qui suivit l’œuvre de Betty Friedan, en l’occurrence Les Gurérillères de Monig Wittig en 1963, The Handmaid’s Tale de Margaret Atwood en 1985, et The cleft de Doris Lessing.

Elle imagine une société, où ce que l’on appelle aujourd’hui les valeurs virilistes , c’est-à-dire, la compétition, la rivalité, la prédation, et l’usage de la force pour l’obtenir, n’ont plus cours.

Trois américains découvrent sur un haut plateau un petit pays, pas plus grand que la Hollande. Les homme en ont disparu depuis très longtemps et une société féminine, dont la perpétuation se fait par parthénogenèse, et possédant un très haut niveau d’organisation et de culture, s’est fortement structurée autour de valeurs de partage, de solidarité et de coopération. La maternité y est sacrée mais elle n’est pas la voie exclusive des femmes car la plupart d’entre elles ont une seule fille. Ce qui leur permet de satisfaire leurs aspirations. N’oublions pas qu’à l’époque de Gilman la contraception est peu efficace, quand elle existe. Cette société est gouvernée par une « Land Mother », sorte de figure un peu tutélaire, assez peu démocratique en fait.

Les femmes exercent toutes les professions, n’ont aucune faiblesse congénitale, sont sportives et musclées et ne pratiquent pas la minauderie ! Cette mise en situation permet une critique de l’éducation des filles dans la société de son temps.

L’éducation est très fortement investie et la pédagogie, visant à faire de chacune une citoyenne éclairée et membre à part entière de la communauté, est une véritable science. C’est une société du partage et non de la concurrence. Les femmes de cette fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle ne participent que très peu au monde intellectuel et économique. La critique sociale de Gilman permet de mettre en relief les inégalités dues au patriarcat.

La question que je me suis posée est celle de savoir comment auraient évolué les femmes dans nos sociétés s’il n’y avait pas eu le patriarcat. Sont-elles, par nature, plus éducables, plus compréhensives, plus solidaires ? Ou est-ce seulement une question d’éducation ? Beaucoup de questions qui agitent le féminisme, mais aussi la pensée en général. Hommes et femmes, sommes-nous si différents ? Pour ma part, je ne le crois pas. On peut modeler le corps des femmes par le sport, et le mouvement, les rendre plus aguerries et plus fortes, comme on peut éduquer l’usage de la force chez les hommes. Dans les groupes où les femmes sont en majorité, je n’ai pas remarqué qu’elles étaient plus pacifiques ni plus bienveillantes. Elles sont juste humaines.

Un livre vraiment intéressant, quelques longueurs parfois, de très belles réflexions mais parfois aussi ces femmes s’avèrent trop parfaites, et cela m’a questionné également.

Ce livre a paru d’abord sous forme de feuilleton dans le magazine de Gilman dont elle rédigeait non seulement les articles mais aussi les annonces publicitaires.

Fanny Raoul et Typhaine D au Café de la Gare le samedi 12 octobre – Un texte puissant et beau !

J’avais écrit une petite chronique sur ce texte magnifique !

Fanny-Raoul

Raoul (Fanny) – Opinion d’une femme sur les femmes

« Il est remarquable de voir des philosophes s’attendrir sur le sort d’individus dont un espace immense les sépare tandis qu’ils ne daignent pas s’apercevoir des maux de ceux qu’ils ont sous les yeux ; proclamer la liberté des nègres, et river la chaîne de leurs femmes est pourtant aussi injuste que celui de ces malheureux ».

Féminisme, le deuxième sexe (3) – Le poids de la religion et des sectes aux Etats-Unis – Festival America

Dominique Chevalier : Un système religieux, un système sectaire, a établi des mœurs et une hiérarchie qui ne sont pas à l’avantage des femmes, je voudrais vous entendre sur la religion dans la lutte des femmes.

Dans les sectes, le pouvoir est toujours détenu par un homme…

Jennie Melamed : Les Etats-Unis ont toujours eu une position étrange par rapport à la religion et je n’ai trouvé ça dans aucun des autres pays occidentaux que j’ai visités. Je n’ai pas trouvé cette espèce de pulsion sauvage où on se définit soi-même par rapport à la religion.Je suis frappée par le fait que Dieu, la peur de l’enfer, tous ces concepts soient utilisés pour justifier toutes les actions qui ont été entreprises par les hommes notamment l’esclavage, les rôles contraignants attribués aux femmes, aux enfants, la justification « C’est ce que veut Dieu et si vous ne voulez pas aller en enfer, faites ce qu’on vous dit. ». Mais je suis très intéressée aussi par le fait que des groupes chrétiens, juifs, musulmans, de femmes sont en train de récupérer les idées positives qui sont dans les textes originaux, les textes fondateurs religieux, en avançant que « Nos textes remontent très loin, ils sont très anciens, cela a maintenant évolué,il faut maintenant les comprendre autrement. » Aux Etats-Unis, on a énormément de sectes, dont certaines sont plus célèbres que d’autres, je pense ici à la scientologie, que l’on ne retrouve nulle part ailleurs et qui est authentiquement américain, et c’est tellement étrange et inconcevable pour moi que je trouve cela fascinant, même si cela suscite chez moi une très grosse colère, quant à l’exploitation que cela représente des individus. En ce qui concerne les sectes, ce qui m’a frappé, c’est que le pouvoir est toujours détenu par un homme, Dieu est toujours représenté par une puissance masculine, je n’ai jamais trouvé d’exemple de secte où le pouvoir soit donné aux femmes, ou soit dirigée par une femme. Dans les recherches que j’ai faites, j’ai vu beaucoup de choses autour de la situation des enfants, il y a un texte de la nièce de David Miscavige qui a grandi dans la scientologie, une vie de labeur physique épuisant, elle n’allait pas à l’école, ne recevait aucune éducation, ni aucune culture. Heureusement il y a beaucoup de gens prêts à voir le pouvoir féminin comme quelque chose de positif, comme une force pour aller de l’avant mais il faut savoir que, à cet égard, les sectes n’évoluent pas, ne changent pas, on ne voit aucun progrès dans le partage du pouvoir avec les enfants, et les femmes, qui leur permettrait de décider de leur vie. Je trouve cela à la fois cela fascinant et terrifiant.J’ai récemment été contactée par une jeune femme qui avait quitté une secte, en laissant une partie de sa famille derrière elle, qui ne voulait pas la suivre, et qui me disait qu’il y avait bien sûr des différences entre ce qu’elle avait vécu elle dans cette secte et ce qui était décrit dans mon livre, mais qu’il y avait aussi beaucoup de points communs, et que c’était ça qui était assez effrayant.

Des femmes droguées et violées par plusieurs hommes de leur propre colonie…

Leni Zumas : Ce que disait Jenny au sujet des sectes, il y a un roman très émouvant par l’auteure canadienne Miriam Toews, au sujet d’une colonie mennonite établie en Bolivie, et il a été découvert que de 2005 à 2009 des femmes droguées et violées par plusieurs hommes de leur propres colonies et bien sûr, ces femmes, conformément à l’orthodoxie de cette secte, n’avaient aucune éducation, n’avaient pas le droit d’apprendre à lire, ni à écrire, et le roman s’articule autour des décisions qui vont être prises par les femmes après cela.

  • Sur une île américaine, des familles vivent depuis plusieurs générations en totale autarcie et dans la croyance que le monde a plongé dans le chaos. Elles suivent le culte strict érigé par leurs pères fondateurs et mènent une vie simple, rythmée par les rites de leur foi. Dans cet environnement rigoureux, un groupe de très jeunes filles s’approchent de « l’été de la fructification », la cérémonie qui fera d’elles des femmes. L’une d’elles va se révolter, entraînant ses amies dans sa lutte désespérée, confrontant sa communauté à ses mensonges et à ses lourds péchés.

    « Entre Kazuo Ishiguro et Margaret Atwood. » The New York Times Book review

Paroles de femmes : Louise Colet (1810-1876)

Louise Colet

« Il était de ceux qui, malgré leur médiocrité, professent pour l’esprit des femmes un superbe dédain.
A ses yeux, j’étais folle de vouloir le diriger en politique ou en morale. Il me renvoyait à mes chiffons, à mon piano, aux caquetages du monde[…] »

« Ma grand-mère me parlait beaucoup de la vie mondaine et futile que mène une jeune femme aussitôt après son mariage, et jamais de cette vie enchaînée, sans issue dans ce monde, qui fait de la femme une misérable esclave, lorsque, ne trouvant pas l’amour et le bonheur dans le mariage, elle n’accepte pas comme compensation les distractions dangereuses des passions ou les puériles jouissances de la vanité. »

« Je fus bien coupable d’accomplir aussi légèrement un tel acte, mais est-ce moi qui fus coupable ? Sont-ce les femmes qui sont coupables quand elles se déterminent en aveugles dans cette grande affaire de la vie ? N’est-ce pas plutôt l’éducation qu’on nous donne ? Que nous apprend-on hélas ! sur le mariage ? Qui de nous a lu, jeune fille, le texte de ces lois qui disposât à jamais de notre liberté, de notre fortune, de nos sentiments, de notre santé même, de tout notre être enfin, de ces lois faites, non pour nous protéger, mais contre nous, de ces lois dont la société a fait des devoirs, et qui deviennent des supplices lorsque l’amour ne les impose point ? »

In « Un drame dans la rue de Rivoli , Louise Colet (1810-1876)

Les femmes et l'ecriture 3

Mon école sous un manguier – Bharti Kumari

Bharti-Kumari-Mon-ecole-sous-un-manguier

Vignette Violences faites aux femmes  On savait déjà qu’il est plus dur d’être une fille dans certains pays que dans d’autres. L’Inde souffre d’un déficit de naissances en ce qui concerne les filles qui est la conséquence de différentes pratiques visant à les empêcher de naître : l’échographie prénatale permet l’avortement sélectif,  la malnutrition des filles ( elles sont moins bien nourries que les garçons à qui on réserve les meilleurs morceaux) retarde leur développement, et leur abandon dans les régions les plus pauvres est une pratique courante. De nombreux rapports témoignent de cela mais il n’est pas inutile de le rappeler. Une fille est considérée comme une charge car elle est nourrie pendant des années pour finalement intégrer la famille de son mari en tant que jeune épouse. Et même si la dot est interdite, l’usage de cette coutume se perpétue et représente une charge financière parfois insupportable pour la famille.

           Bharti Kumari non seulement est une fille mais en plus elle est « intouchable », dalit (qui veut dire opprimé). Les dalits sont au bas de l’échelle sociale et représentent l’impureté. Ce système millénaire des castes est un système de discrimination normalement interdit mais qui est toujours largement suivi. Les dalits sont cantonnés aux travaux sales et difficiles de manière héréditaire et leur ascension sociale est limitée.

          D’autre part, Bharti est une enfant abandonnée qui a été recueillie par un couple de paysans. Depuis toute petite, elle aime apprendre et tente de surmonter les difficultés de sa condition. Un événement dramatique va bouleverser sa vie et lui permettre d’intégrer une école de bon niveau à trois kilomètres de son village. A son retour, elle réunit, à l’ombre d’un manguier, les enfants qui ne peuvent aller à l’école et leur enseigne ce qu’elle a appris.

          Son témoignage est une leçon de vie et de courage. La lire permet d’accompagner ce beau parcours.

Jeanette Winterson- Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?

pourquoi être heureux quand on peut être normal

Jeanette Winterson – Pourquoi être heureux quand on peut être normal –traduit de l’anglais par Céline Leroy – Editions de l’Olivier

Parler d'homosexualitéCe pourrait être un conte de la folie ordinaire, dans lequel règne une terrible ogresse qui n’aime pas la vie, celle-ci aurait pour nom Mrs Winterson, et au lieu de dévorer les enfants, elle en adopterait un qu’elle prénommerait Jeanette. Pas facile de vivre avec une ogresse, surtout lorsqu’elle est pentecôtiste, qu’elle a banni tous les livres (ou presque) de la maison, et que, pour vous punir, elle vous laisse la nuit entière dehors tout en attendant l’Apocalypse.

Une ogresse qui essaie de conformer son énorme masse à la normalité, et qui devant l’homosexualité de sa fille lui demande « Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? »

Ne pas être vraiment la fille, ne pas pouvoir revendiquer le lieu où on habite, dont on n’a pas la clef, toujours à attendre sur le seuil. Comment ne pas se dissocier, comment ne pas se couper de soi-même ?

Heureusement pour la petite Jeanette, « Les histoires sont là pour compenser face à un monde déloyal, injuste, incompréhensible, hors de contrôle. » et très vite elle a l’amour des mots, se sert des livres comme refuge. Elle y trouve la vie qui lui manque : « Un livre est un tapis volant qui vous emporte loin. Un livre est une porte. Vous l’ouvrez. Vous en passez le seuil. En revenez-vous ? »

Les livres sont devenus son foyer, car elle les ouvre « comme une porte », et pénètre dans un espace et un lieu différent dont cette fois elle a la clef, et dont personne ne peut la chasser.

Mais cette enfance dévastatrice a laissé ses marques, ses cicatrices, toujours prêtes à se rouvrir, et Jeanette Winterson souffre d’une forme atténuée de psychose, elle entend des voix :

« J’abritais en moi une autre personne – une part de moi – ou ce que vous voudrez – à ce point dévastée qu’elle était prête à me condamner à mort pour trouver la paix. »

Alors c’est une autre lutte qu’il faut encore entreprendre, contre la dépression, la folie, le suicide.

Jeanette survit, écrit, aime. Elle fait d’elle une fiction pour pouvoir vivre. Elle se raconte dans un lieu dont la trame serrée puisse la tenir en vie. Elle nous éblouit, nous transporte, nous chavire d’émotions.

Ce livre aura été pour moi un véritable coup de cœur.

 Il a obtenu le prix Marie-Claire 2012

le mois anglais

Mois anglais que le blog « Plaisirs à cultiver » Titine  » organise avec Cryssilda et Lou pour la 4ème année consécutive et auquel je participe avec plusieurs livres cette année.

Dix-sept ans de Colombe Schneck

Dix-sept ans de Colombe Schneck – 07 janvier 2015 – Grasset – 47 pages

Vignette femmes de lettresCe court récit pour rappeler que le droit à l’avortement, partout menacé, est essentiel à la liberté des femmes. A dix-sept ans, Colombe Schneck devient enceinte d’un beau garçon dont elle n’est pas amoureuse. Pas question de sacrifier son avenir, ses études. Fille de médecins de gauche, compréhensifs et à l’écoute, elle décide de subir une IVG. A l’heure des discours de certains politiques qui voudraient restreindre l’application de la loi, sous prétexte d’une banalisation de l’avortement, l’auteure rappelle qu’il ne s’agit pas d’un moyen de contraception, que c’est un événement qui reste un choix à assumer, qui laisse des traces, dont on ne peut parler facilement, parce qu’il renvoie à une certaine culpabilité. L’avortement de confort n’existe pas, c’est une fiction commode. Et c’est bien là le problème, 40 ans après la loi Veil, cette difficulté à affronter le regard des autres. Annie Ernaux, dans « L’événement » (paru en 2000 , personne n’en fit écho) raconte la solitude dans laquelle l’a plongé un avortement en 1963 , cinq ans avant la légalisation de la pilule et onze ans avant celle de l’IVG, à une époque où l’avortement était illégal et risqué. Si la jeune fille de 17 ans est enceinte, c’est par négligence, une pilule oubliée, l’insouciance de celle qui croit que cela ne peut pas lui arriver.
Le corps des femmes peut enfanter, et c’est une différence irréductible avec celui des hommes. C’est la brutalité du biologique, sa violence, son aliénation parfois mais aussi son pouvoir de création. Après le combat de Simone Veil, 44 ans après «Le manifeste des 343» paru dans le no 334 du magazine Le Nouvel Observateur dans lequel des Françaises reconnaissent « Je me suis fait avorter » s’exposant à des poursuites pénales, l’auteure raconte une nouvelle fois la rébellion, et l’illusion due peut-être à la liberté que donne la contraception, que les garçons et les filles sont à égalité. « Je suis aussi libre que mon frère, ma mère est aussi libre que mon père. », et que les femmes sont délivrées du biologique.
Un livre court et sensible.

Logo Prix Simone Veil

sélection 2015

Une voix s’est éteinte : Ménie Grégoire

 

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 Ménie Grégoire, de son vrai nom Marie Laurentin, est décédée le 16 août à l’âge de 95 ans. Elle fut une célèbre animatrice radio sur RTL, dans une émission intitulée  Allô Ménie et contribua à libérer la parole des femmes de 1967 à 1982. Elle fit d’abord scandale en osant s’attaquer aux tabous pesant sur la sexualité féminine mais permit plus largement aux femmes (mais aux hommes aussi) d’évoquer leur vie intime..

Grâce à l’anonymat de la radio, ses auditeurs confieront  ce qui était vécu dans le silence et la solitude : les relations familiales, les affres de l’amour, la sexualité ( l’impuissance, la frigidité, l’homosexualité), la prostitution, et le féminisme naissant des années 70….

Sa vie fut liée aux mots dits mais aussi écrits.1965 : Le métier de femme, Plon ;1966 : La belle Arsène (roman), Plon ;1968 : Menie Grégoire. Passeport de couple, Club français des bibliophiles ;1971 : Les Cris de la vie, Tchou ;1972 : Menie Grégoire raconte, Hachette ;Persillon Persillette  ;Les Quatre Rois ;Le Petit Chaudronnier (illustrations de Paul Durand) ;Compère le Jo  ;1976 : Telle que je suis, ffont ;1978 : Les Contes de Menie Grégoire, Nathan ;1981 : Des Passions et des rêves, Laffont ;1983 : Tournelune (roman), Flammarion ;1985 : Sagesse et folies des Français, Lattès ;1987 : Nous aurons le temps de vivre, Plon ;1988 : La France et ses immigrés, Carrère ;1990 : La Dame du Puy du Fou (roman), éditions de Fallois ;1991 : Le Petit Roi du Poitou (roman) ;1993 : La Magicienne (roman) ;1996 : Le Bien-Aimé ;1998 : François Furet ;1999 : Les Dames de la Loire, Plon ;2002 : La Fortune de Marie, Plon ;2003 : Une affaire de famille, Plon ;2007 : Comme une lame de fond, Calmann-Levy ;2010 : La marquise aux pieds nus, éditions de Fallois, 2014 : Madame Roland.

 

Ferdaous, une voix en enfer – Nawal El Saadawi / Témoignage et littérature

Ferdaous une voix en enfer

Nawal El Saadawi, Ferdaous une voix en enfer, des femmes /Antoinette Fouque, 2007

Nawal El Saadawi est médecin en Egypte. Elle est née en 1931 près du Caire. Elle est connue dans le monde entier pour son engagement dans la lutte pour les droits et les libertés des femmes arabes. En 1972, elle est révoquée de son poste au ministère pour avoir publié Les femmes et le sexe, qui traite de sexualité, de religion et du traumatisme de l’excision– autant de sujets tabous dans le pays. Sa mère, musulmane traditionaliste, insiste pour que sa fille soit excisée à l’âge de six ans. Health est interdit et les livres de Nawal El Saadawi sont censurés. Elle est emprisonnée en 1981 pour s’être opposée à la loi du parti unique sous Anouar el-Sadate Elle a publié en janvier 2007 une pièce de théâtre en arabe intitulée Dieu démissionne à la réunion au sommet. Jugé blasphématoire par l’université islamique du Caire, ce livre a été retiré de la vente avant même l’ouverture du procès qui lui est intenté.

Après son roman La Chute de l’imam, en 1987, publié au Caire, elle a commencé à recevoir des menaces de la part de groupes fondamentalistes. En 1993, elle est jugée pour hérésie et condamnée à mort. ( source wikipédia)

En 1982, elle a reçu en France le prix de l’amitié franco-arabe pour la première édition de ce livre aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque.

Elle a écrit une quarantaine de livres essais et fictions confondus. (Toutes ces informations ont été vérifiées et recoupées avec le site de l’auteur en anglais).

Site de l’auteur en anglais

Ferdaous une voix en enfer évoque la rencontre entre une doctoresse psychologue et une prisonnière « Ferdaous » accusée d’avoir tué un homme et condamnée à être pendue le lendemain. Ce livre est le récit de la confession de Ferdaous, et l’explication de son geste qui s’enracine bien au-delà d’elle, dans les coutumes, les interdits et la violence faite aux femmes dans son pays. Elle raconte son enfance en Haute-Egypte, dans une famille écrasée par la misère, où le père bat sa femme, mange le premier quand ses enfants ont faim et règne en despote. Il raconte l’excision aussi, ce bout ce chair et de plaisir qui s’envolent à jamais, plaisir qu’elle avait découvert dans des jeux d’enfant, et dont elle se souviendra toute sa courte vie comme d’un paradis perdu : « J’ai eu l’impression que ce plaisir existait extérieur à mon être, comme s’il avait surgi avec moi mais que, tandis que je grandissais, lui ne grandissait pas. ». Les hommes instruits ne sont guère plus cléments ; l’oncle abuse sexuellement de sa nièce et refuse de l’envoyer à l’université car il y a des hommes. Le premier homme qui l’écoute et lui apporte de l’aide n’est qu’un proxénète. Il n’y a pas d’issue. Il n’y a pas d’amour. Chacun est pris , les femmes comprises, dans les rets d’une tradition séculaire, prisonniers de structures mentales extrêmement rigides, et de lois qui contraignent les femmes. Ce sont les mères qui excisent leur fille, afin qu’elles restent pures pour leur mari et n’aient pas la tentation de le tromper. Nawal El Saadawi évoque cette politesse « dépourvue de respect que les hommes témoignent aux femmes », mais aussi rapporte des paroles qui sont bien celles d’une femme : « […] tout homme qui connaît la religion parfaitement frappe sa femme, parce qu’il sait cette vérité : la religion lui permet de corriger sa femme, et la femme vertueuse ne doit pas se plaindre de son mari, il lui est seulement demandé une soumission complète ».

Aussi n’y a-t-il pas une stricte opposition homme/femme mais des bourreaux et leurs complices. Peut-être parce que les femmes ont peu de droits et qu’elles manquent cruellement d’autonomie cherchent-elles à s’allier les bonnes grâces de l’homme dominant afin d’acquérir une part de sa puissance ? Parce que c’est la seule issue ?

Alors dans ces conditions la prostitution est-elle la seule liberté offerte aux femmes car « Les femmes les moins trahies sont les prostituées, et c’est par le mariage, par l’amour que la femme se voit infliger les châtiments les plus lourds ». La prostituée offre une prestation sexuelle contre de l’argent, mais il n’y a ni promesse ni mensonge. Un petit bémol cependant, car une prostituée dépend d’un proxénète, et donc encore d’un homme. C’est un cercle infernal, et la mort est la seule issue, mort physique, mort psychique ou alors combat de chaque instant pour celles qui comme Nawal El Saadawi ont eu la chance malgré tout de faire des études.

Un livre à la façon d’un témoignage passionnant.

Adieu le cirque – Cheon Un-Yeong / Quand les fleurs de pêcher s’envolent comme des papillons…

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Adieu le cirque Cheon Un-yeong, traduit du coréen par Seon Yeong-a et Carine Devillon, Serge Safran  2013

 

Inho, jeune coréen qu’un accident a privé de sa voix, cherche une femme pour échapper à sa solitude. Une curieuse agence matrimoniale le met en relation avec la troublante Haehwa, jeune chinoise qui veut oublier un amour perdu. Sont-elles plus douces, plus patientes, plus dociles ces jeunes femmes que l’on va chercher si loin ?

Et ces jeunes coréens sont-ils plus prospères, plus à même de subvenir aux besoins d’un foyer ?

Tout semble s’annoncer sous les meilleurs auspices : la jeune femme semble s’épanouir et établit avec sa belle-mère des liens faits de confiance et de tendresse, le jeune homme est attentionné et disponible. On entend bien de fâcheuses histoires sur ces unions arrangées mais cela semble ne pas concerner nos deux tourtereaux !

Mais Yunho, le frère de Inho, est troublé lui aussi par la douce Haewa.

Le feu couve sous la cendre, un geste qui semblait tendre recèle sa part de violence, même la misère qu’on croyait vaincue se révèle plus têtue qu’on ne croyait, et finalement sous une parole douce gronde une imperceptible colère. Le drame, terrible, se tisse de fils de soie. …

« Peut-être la vie n’est-elle qu’un spectacle de cirque, au dur et doux parfum de nostalgie… »

Dans le roman alternent les voix de Haewa et Yunho, qui s’appellent, se cherchent, sans jamais vraiment se répondre. Ce roman est d’une poignante beauté et d’une terrible mélancolie. Il m’ a fallu quelques semaines pour me défaire de cette émotion qu’il a suscitée en moi. La violence entre les êtres est d’une certaine façon la conséquence d’une violence plus souterraine et profonde, une violence sociale et politique. Les personnages sont pris dans des rets dont ils ne peuvent se défaire. La langue est belle, et l’on peut saluer la co-traduction de Seon Yeon-a et Carine Devillon. On se laisser bercer par la beauté de ces images. Une syntaxe parfaitement maîtrisée et de très belles métaphores filées de mains d’écrivaine douée, très douée…

La nature a la beauté des estampes japonaises sous le pinceau-crayon de Cheon Un-Yeong. « Au moindre coup de vent, les fleurs épanouies des pêchers déployaient leurs ailes comme des papillons frappés d’étonnement. »

Un vrai coup de cœur pour moi.

Aux éditions Serge Safran, il y une fée nommée Clarisse, que je remercie. Si vous ne me croyez pas …

Les femmes comme moi de Maram al-Masri

 les ames aux pieds nus maram al masri

Les femmes comme moi de Maram al-Masri

Les femmes comme moi

ignorent la parole

le mot leur reste en travers de la gorge

comme une arête

qu’elles préfèrent avaler.

Les femmes comme moi

ne savent que pleurer

à larmes rétives

Qui soudain

percent et s’écoulent

comme une veine coupée

Les femmes comme moi

endurent des coups

et n’osent pas les rendre

Elles tremblent de colère

réprimée

Lionnes en cage

Les femmes comme moi

rêvent …

de liberté…

« Les Âmes aux pieds nus » aux éditions « le temps des cerises » 2011

Poétisons comme chaque dimanche avec Martine qui présente la poétesse

poetisons-Martine

« Maram al Masri fait le portrait de femmes victimes de violences, en France et dans le monde. Chaque texte est inspiré par une histoire vraie, une femme réelle et rencontrée. Ces poèmes – d’une écriture directe et simple – sont d’une grande émotion. Ils disent avec beaucoup de tendresse, la douleur mais aussi la dignité, la volonté de résister et de vivre libre, la joie et l’humour aussi, parfois, ainsi que le rire et la fantaisie. »éditeur le Temps des cerises ».

Ce livre a reçu le prix des découvreurs 2010-2011 et le prix PoésYvelines 2011

Cette très belle critique :  « Une voix, nue, humaine, libre et souveraine, s’est levée : une voix de femme. […] Le vers est bref, clair, sobre, pour dire l’émotion contenue, la langue est celle d’un quotidien économe de mots, et c’est justement, de cette économie et de cette pudeur retenue que naissent la justesse des images et la puissance du poème. Ces intimes blessures béantes, Maram al-Masri les recouvre avec délicatesse d’un voile de tendresse et les soigne d’une caresse d’amour, car, même dans le manque et la douleur, c’est bien l’amour que dit la poète. […] Sapho, oui, plutôt qu’Ishtar ou Shéhérazade, auxquelles elle se réfère pourtant, ou plus exactement une Louise Labé de la modernité, renouant avec le lyrisme incandescent de la poète de l’Antiquité et, comme elles deux, nous rappelant que la poésie est féminine. »
Alain-Jacques LACOT, De Blessures en caresses, Le Magazine littéraire, juillet-août 2011  Lire tout l’article

8 mars : La moitié du ciel / Les femmes vont changer le monde de Nicolas Kristof et Sheryl Wudunn

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Le livre de ces deux journalistes américains raconte encore une fois la vie de millions de femmes dans les pays pauvres ou en voie de développement, mais aussi dans des pays riches mais extrêmement conservateurs, où elles sont victimes de l’esclavage sexuel, les crimes d’honneur, les mutilations et les viols. C’est tout un système basé sur le mépris des femmes, généralement patriarcal, mais dans lesquels la violence est perpétrée par les hommes autant que les femmes. Les tenancières de bordels sont bien des femmes, les infanticides sont causés la plupart du temps également par des femmes.

La violence culmine dans la haine de soi. Elle est normalisée et acceptée par la société. Les femmes réduites au silence, passives, souffrent et meurent jusqu’à ce que ce cercle infernal soit brisé par par l’une d’entre elle qui s’élève contre l’injustice, brave le système autoritaire qui les enferme, au péril de leurs vies.

L’intérêt de ce livre est de livrer des portraits de ces héroïnes du quotidien et de présenter les bases empiriques à partir desquelles la situation peut être changée. Car les solutions doivent toutes intégrer les coutumes de ces sociétés la plupart du temps traditionnelles où le changement ne peut être imposé brutalement de l’extérieur.

Le constat est terrible : Ces cinquantes dernières années, plus de femmes ont été tuées parce qu’elles étaient des femmes que d’hommes ne l’ont été sur des champs de bataille du XXe siècle, deux millions de petites filles meurent de faim chaque année parce que leurs parents ont préféré nourrir et soigner leurs frères et on pourrait continuer ainsi la liste des injustices dont souffrent les femmes dans le monde.

Pour que cette journée internationale des droits des femmes ne reste pas lettre morte le reste de l’année, j’ai décidé que Litterama présenterait de manière plus régulière des femmes de ces pays pour lesquelles la littérature est une arme de combat, une occasion de dénoncer et de raconter ce que les femmes vivent. Elles ont du souvent s’exiler mais s’inspirent pour leurs romans d’une réalité connue ou vécue. Je voulais trouver cinquante-six écrivains mais il m’en manque quelques-uns. Je les complèterai au fur et à mesure. Peut-être pourrez-vous m’aider.

Voici cette liste non-exhaustive :

Asie

Chékéba Hachemi, Spôjmaï Zariâb (Afghanistan),  Raja Alem (Arabie saoudite)Tahmina Anam, Taslima Nasreen pour le Bangladesh,  Mira Kamdar (8)pour la Birmanie, Kunzang Choden(Bouthan), Xinxin Zhang), Guo Xialu, Xinran (Chine),), Pak Wanso, Eun Hee-kyung,Hwang Sok-yong, JO, Kyun-Ran (Corée du sud), l’Inde avec Chitra Banerjee DivakaruniMahasweta DEVI, Selina Sen ,Anjana Appachana, Shobhaa De,  Sorour Kasmaï, Chahdortt Djavann, Shashi Deshpande, Zoyâ Pirzâd (Iran) puis Alia Mamdouh  (Irak), Hoda Baraka  ,  Joumana Haddadt, (Liban),  Li Ang (Taïwan), , Duong Thu Huong, Minh Tran Huy (Vietnam)

Afrique 

Bostwana   Unity Dow, Calixthe Beyala (Française d’origine (Camerounaise), May Telmissany, Latifa al-Zayyat (13) (Egypte),Maaza Mengiste pour l’ Ethiopie (3), Amma Darko pour le Ghana, Charlotte-Arrisoa Rafenomanjato (Madagascar), Aroussia Nalouti (17), Rajae Benchemsi   (Maroc), Paulina Chiziane (Mozambique),  Chimamanda Adichie, Sefi Atta pour le (Nigeria), Scholastique Mukasonga (Rwanda), Mariama Bâ (Sénéga),  Lucy Mushita (Zimbabwe)

  Amérique 

Yanick Lahens (Haïti),

Mayra Montero (Porto Rico)

Océanie 

Pour les Iles Samoa, Sia FigieIle

Ile Maurice, Ananda devi

Histoire minuscules des révolutions arabes

Histoires-minuscules-des-revolutions-arabes

Ce livre est un recueil dirigé par Wassyla Tamzali. Née en Algérie, elle a exercé les fonctions d’avocat à Alger puis est entrée à l’UNESCO où elle a été chargée du programme sur les violations des droits des femmes. En 1996, elle a été nommée directrice du programme de l’Unesco pour la Promotion de la condition des femmes de la Méditerranée.

Pourquoi « histoires minuscules » ? »Parce que les révolutions sont arrivées par la grâce de héros minuscules, et que si elles existent c’est par leur vertu de mettre enfin l’homme – la femme – au centre du devenir arabe, chassant Dieu et la Nation. »

       Beaucoup de ces textes parlent de la haine des femmes révélée lors de ces rassemblements en Egypte place Tahrir, leurs seins que l’on dénude, photographie et placarde sur les murs pour les effrayer, les violences qu’elles ont subies, le viol entre autres visant à les décourager de s’engager en politique, ou de pratiquer des métiers tels que le journalisme.

          Tel ce vieux militaire algérien qui soliloque avec sa femme, essayant de lui expliquer encore une fois que les Algériens sont musulmans et que le féminisme, l’émancipation des femmes ce sont des idées étrangères qui n’ont pas leur place en Algérie. D’ailleurs c’est curieux, « le Monde bouge. la Syrie flambe, l’Egypte tangue, le Yémen s’insurge, la Tunisie mute » et l’Algérie ? Serait-ce parce qu’elle a déjà fait sa révolution? demande Mohamed Kacimi (co-auteur de Le jour où Nina Simone a arrêté de chanter).  

            Et le Liban ?

« […] le Liban joue à être une carpe aveugle. »se plaint Hyam Yared. « Trop peu de femmes dans ces foules », signale Michèle Perret. » Mais le jasmin est vivace, le printemps revient toujours. Les filles aux sourires d’ogresses tiennent bon dans les orages, les petites vieilles en haïk en ont vu d’autres. » Et Nadine Ltaïf de lancer ce poème comme un cri de guerre : « Ton cri Iman est comme un stylo/la dernière arme/entre tes mains/ et tu creuses un sillon/dans la terre/et tatoues la mémoire des femmes/Ton cri est un séisme. Iman Al Obeidi a été violée par les miliciens de Khadafi.

         En Tunisie, il fallut ce drame, l’immolation par le feu du jeune Mohamed Bouazizi de Sidi Bouzid suite à la perquisition de sa petite charrette de vendeur par les policiers de la municipalité, nous rappelle Lina Ben Mhenni. Peut-on imaginer un tel désespoir ? La rue s’est alors enflammée le 14 janvier 2011. On ne sait jamais d’où viennent les révolutions, elles sont imprévisibles. Toutes les frustrations s’accumulent jusqu’à un certain point. Sans le savoir, nous sommes toujours assis sur des braises.

Lina Ben Mhenni, cyberdissidente, blogueuse, et journaliste tunisienne. Son blog « A tunisian girl » fut interdit. (source photo Wikipédia)

Cécile Oumhani lui rend hommage dans son article « Bloggueuses rebelles ».

Hejer Charf avertit des lendemains qui déchantent, rappelle que Tahar Haddad, réformiste défenseur des femmes, fut l’inspirateur du moderniste Habib Bourguiba et du Code du statut personnel, auteur de « Notre femme dans la charia et dans la société » qui rappelait en 1930 : « Notre devoir nous appelle aujourd’hui plus que jamais à sortir la femme de cet obscurantisme des siècles passés et à la considérer comme un membre vivant et un comparse égal à nous dans la vie. »

Simone Molina avertit que parfois il faut partir, parce que rien n’est possible, et  » C’est alors que Semmia avait choisi de partir, de garder ses cheveux dénoués, son regard droit et fier qui lui valaient insultes. Elle voulait une vie où il serait permis de respirer l’air marin, seule au bout de la digue, sans crainte des regards absurdes qui renvoyaient chaque femme de ce pays solaire dans l’enfer de la soumission. »

Il reste beaucoup d’incertitudes un an après ce printemps arabe et les femmes ne semblent toujours pas à la fête…

A lire ce livre passionnant sur les événements de cette révolution arabe. Et je clos avec cet article mon mois commémoratif !

Opinion d’une femme sur les femmes – Fanny Raoul

Fanny-Raoul

Opinion d’une femme sur les femmes – Fanny Raoul – Texte présenté par Geneviève Fraisse- editions « Le passager clandestin » suivi de « Votez pour le Ken le plus sexy de la culture avec Radio France » par Marie Desplechin

vignette Les femmes et la PenséeEn 1801, une jeune Bretonne de 30 ans dont on ne sait aujourd’hui presque rien, s’adresse aux femmes de son temps pour les prendre à témoin des interdits, servitudes et violences qu’il leur faut encore affronter, aux lendemains de la Révolution.

Ce texte est extrêmement émouvant car c’est le cri et la révolte d’une femme qui nous parvient par-delà les siècles et prend à témoin la postérité. Une jeune femme qui  assure avec force, dans des élans visionnaires, qu’un jour les servitudes auxquelles sont assujetties les femmes et qui semblent si enracinées dans les traditions, cesseront. Peu nombreuses sont alors les femmes de lettres. A Constance Pipelet (Constance de Salm ) qui écrit des poèmes, le poète Ecouchard Lebrun (qui lui n’a pas eu les honneurs de la postérité) ordonne avec mépris : « Inspirez, mais n’écrivez pas ». La misogynie ambiante est assez virulente puisqu’un projet , défendu par son auteur Sylvain Maréchal, et intitulé « Projet portant défense d’apprendre à lire aux  femmes » a pu voir le jour et faire débat.

A travers ce texte, on sent toute la détermination, le courage, l’intelligence , la finesse mêlés à la souffrance et au désespoir de cette jeune femme.

Elle construit une argumentation rigoureuse où elle discute point par point les préjugés et les opinions de son temps, en essayant d’en montrer l’arbitraire et l’absurdité. L’asservissement des femmes  sert selon elle des fins politiques, les hommes ne souhaitant pas avoir des rivales en la personne de leurs compagnes. Elle le démontre avec force et en fait voir tous les ressorts.

Selon elle, les hommes et les femmes ayant une part égale dans les processus de la reproduction, « cette nécessité réciproque est donc le fondement de leur égalité naturelle », ils doivent avoir également la même part d’avantages dans la société et la même protection par la loi. Elle démonte l’argument selon lequel les femmes ne sont pas capables d’assumer des fonctions ou des charges politiques en expliquant que cet argument est absurde et ne peut valoir puisque, de toute façon, on ne leur a jamais laissé le loisir de prouver le talent dans ce domaine . Elles sont ignorantes, soit, c’est souvent le cas, mais c’est parce qu’on leur interdit l’accès à toute éducation. Ceux-là même qui devraient les défendre, qui possèdent toute la puissance de la raison, les philosophes, puisqu’ils s’appliquent à démontrer les erreurs et les préjugés des Hommes, ne font rien pour elles. (Poullain de la Barre, mais il était prêtre avant de se convertir au protestantisme- en 1673, fait paraître anonymement De l’égalité des deux sexes, discours physique et moral où l’on voit l’importance de se défaire des préjugez )

« Il est remarquable de voir des philosophes s’attendrir sur le sort d’individus dont un espace immense les sépare tandis qu’ils ne daignent pas s’apercevoir des maux de ceux qu’ils ont sous les yeux ; proclamer la liberté des nègres, et river la chaîne de leurs femmes est pourtant aussi injuste que celui de ces malheureux ».

Elle dénonce également, ce qui, à ses yeux, est plus grave encore : « A force de leur dire qu’elles étaient faites pour l’esclavage, on est parvenu à le leur faire croire et à éteindre conséquemment en elles toute énergie et tout sentiment d’élévation. »

Si l’on considère le sort fait aux femmes dans de nombreuses régions du monde, et les arguments développés pour le justifier, ce texte, deux cent ans après sa publication, garde toute son actualité.

Un beau texte très émouvant, un témoignage par-delà les siècle, qu’il faut lire absolument.