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Un bûcher sous la neige – Susan Fletcher

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Susan Fletcher Un bûcher sous la neige – Plon – Feux croisés – 2010 pour la traduction française, traduit de l’anglais par Suzanne Mayoux

En Europe, le nombre de femmes accusées de sorcellerie et mortes sur le bûcher est estimé à quarante mille du XVe  au XVIIIe siècle.  En Grande-Bretagne, ce nombre atteignit plus de cent mille. Selon l’auteur, « La dernière exécution d’une prétendue sorcière eut lieu en 1727 ». Le Witchcraft Act mit fin aux persécutions en 1735. Ces femmes étaient pour la plupart « instruites, indépendantes, âgées ou ayant leur franc-parler ». On sait aujourd’hui que l’accusation de sorcellerie était aussi un moyen commode de se débarrasser de femmes dont l’indépendance et la liberté de mœurs étaient une menace pour la société patriarcale. Ces femmes étaient souvent des guérisseuses qui connaissaient les vertus des plantes et faisaient commerce de leur savoir.

Corrag, dont la mère a été pendue pour sorcellerie fuit les persécutions qui sévissent dans le nord de l’Angleterre pour se réfugier en Ecosse, dans les Highlands, sur le territoire de la famille MacDonald à la réputation de cruauté et de sauvagerie.  Témoin du massacre  des membres du clan, Corrag est emprisonnée et promise au bûcher.  Le révérend Charles Leslie lui rend visite dans sa cellule afin de faire la lumière sur ces massacres fruit d’une sombre machination politique.  Corrag décide de lui raconter sa vie et une relation profonde s’établit entre eux au fil des jours qui va les changer l’un et l’autre.

L’auteur dresse le portrait de la sorcière du XVIIIe siècle : elle jette des sorts, arrache des gésiers et hurle à la lune, se transforme en oiseau la nuit, se pose sur les navires pour qu’ils sombrent, pratique des baisers obscènes, mange des enfants, possède un troisième téton, et lit l’avenir dans un œuf pourri. Tout un cortège de superstitions qui condamna à mort un grand nombre de femmes. Soigner par les plantes, n’est pas vu d’un très bon œil. La guérison doit venir de la prière, et non de pratiques qui sont assimilées au diable ou à l’alchimie.

Les sorcières sont des femmes qui ont une relation très particulière avec la Nature, qu’elles savent observer et dont elles dégagent  les régularités dans une sorte d’empirisme balbutiant. Une même cause produit un même effet ; une plante possède des vertus curatives qu’elles conservent quoi qu’il advienne. Mais dans cette société profondément religieuse où tout pouvoir vient de Dieu et des Saintes Ecritures, toute pratique qui conteste ce pouvoir absolu est considéré comme hérétique. La science vient des livres et de la théorie et non de l’expérience. La vérité y est inscrite à tout jamais.

Les femmes partagent une certaine nature qui établit entre elles une forme de complicité. Elles portent la vie, ce qui la rend sacrée à leurs yeux, écoutent leur cœur, et leur intuition. Faisant partie de la nature, elles peuvent en comprendre les lois. La religion de Corrag est profondément animiste. La nature est sacrée, car chaque être, chaque plante est une parcelle de cette divinité, en interdépendance avec les autres.

« Un bûcher sous la neige » ainsi que « Cœur cousu » de Carole Martinez proposent une nouvelle vision des femmes et du merveilleux qui n’est au fond qu’une disposition particulière vis-à-vis de la nature et des Hommes. Ces vertus longtemps attribuées aux femmes, cantonnées dans l’intuition, se proposent comme une nouvelle voie et un nouveau mode de relation avec la Nature. Et il est intéressant de voir le succès de ces paradigmes en littérature.