Miral Tahawy – La tente – traduit de l’arabe (Egypte) par Siham Djafer (Miral Tahawy, Le Caire, 1996) Editions Paris-Méditerranée 2001
« A mon corps… Pilier d’une tente à ciel ouvert »
Fatim, Fatima, Fatoum…. Le destin… La petite fille, narratrice de ce livre, est une jeune bédouine promise à un destin de princesse digne de son ascendance noble. Elle est prisonnière d’une tente arrêtée en plein désert, une maison, dont les pièces distillent une cruelle insomnie, où geint la mère, qui ne peut donner de fils à son mari. Toutes femmes rivées à leur corps, qui est leur plus implacable destin. Pour celle qui se rebelle, c’est la chute… Au sens propre comme au sens figuré. Le père fuit la maison sans fils : « Une maison sans homme est, comme une oasis sans puits…C’est une terre stérile. », se lamente la grand-mère.
« Une tente peut être plantée sur un seul pieu (l’homme) et ce pieu a besoin d’une terre (femme) pour l’accueillir. »
Ce monde devenu exclusivement féminin est en train de sombrer lentement… Les mariages forcés, l’excision, nient le corps des femmes. Mais Miral Al-Tahawy raconte simplement ; elle ne dénonce pas.
Fatima dont le destin était de briller, rampe sur le sol, la tradition ne permet plus de se tenir debout dans un monde en crise où les hommes et les femmes redéfinissent leur rôle sous la pression de la modernité. L’Occident pénètre dans ce monde fermé en la personne d’Anne, blonde et pâle.
Le récit se déploie dans une langue belle, poétique et d’une très grande mélancolie. Le monde est comme suspendu entre ciel et terre et Fatima ne peut se tenir à égale distance des deux, clouée au sol. Parabole ou métaphore de la femme bédouine ? Un peu des deux. Elle construit un univers où, recluse derrière de hauts murs et un lourd portail, elle ne peut s’échapper qu’en tissant des histoires tirées de son peuple et de sa propre imagination. Une porte ouverte sur l’avenir, et le désert dont elle est privée. Car le destin de Fatima est peut-être de raconter des histoires. Mais cela sera-t-il suffisant pour la sauver, pour faire de son corps de femme « le pilier d’une tente à ciel ouvert » ?
Mihal Al-Tahawy Miral al-Tahawy (Arabe: ميرال الطحاوي) est une auteure égyptienne de nouvelles et de romans.
Jusqu’à ce qu’elle vienne étudier au Caire, à l’âge de 26 ans, elle n’avait jamais quitté son village (Gezirat Saoud au nord- est du delta du Nil) sans un homme de la famille. Elle a évité le mariage en travaillant comme enseignante et ensuite en étudiant à l’Université du Caire sans l’autorisation de sa famille.
Elle est née en 1968 dans la tribu bédouine des Hanadi et grâce à un père libéral, elle et sa sœur ainée qui est devenue pharmacienne par la suite, ont pu étudier malgré la réclusion traditionnelle des femmes. Ce combat pour sa liberté l’a poussée à écrire. Elle a enseigné la littérature arabe à l’Université de Giza au Caire avant de partir aux Etats-Unis. Elle a écrit l’Aubergine bleue et deux autres romans non-traduits en français mais en anglais, Gazelle Tracks (Les traces de la Gazelle)(Garnet Publishing/AUC Press, 2009) et Brooklyn Heights (les Hauts de Brooklyn) qui a eu un gros succès critique outre-Atlantique ( elle a gagné la médaille Naguib Mahfouz de littérature traduite en anglais).