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Mélancolie ouvrière – la belle figure de Lucie Baud, une des premières femmes syndicalistes françaises

Vendredi 10 juillet à 20h55 sur Arte. Téléfilm français de Gérard Mordillat (2018). Avec Virginie Ledoyen. 1h30. (Disponible en replay jusqu’au 11 août sur Arte.tv).

Une grande figure des luttes de femmes !

Mélancolie ouvrière, Michelle Perrot, Le Seuil, 2014

J’ai regardé ce soir ce beau film de Gérard Mordillat adapté d’un livre de Michelle Perrot, « Mélancolie ouvrière » qui a tenté de retracer la lutte mais aussi l’histoire de cette femme, ouvrière en soie du Dauphiné. Femme rebelle, courageuse, et qui paya très cher ses engagements. Elle organisa et soutint les grèves des ouvrières dans les usines de la soie dans lesquelles les femmes étaient exploitées, et où des fillettes de 10 à 12 ans travaillaient 12 heures par jour, quand ce n’était pas plus.

Les patrons, scandalisés, clament qu’augmenter les ouvrières les conduira à la faillite. Inutile de dire que cela n’est pas arrivé…Mais je crois qu’on entend encore certaines de ces diatribes encore de nos jours.

Elle aida les ouvrières italiennes, recrutées en grande partie dans le Piémont, et réduites pratiquement en esclavage, non seulement elles étaient payées encore moins que les ouvrières françaises mais on ne changeait leurs draps qu’une fois par an. de très belles scènes dans le film où ces femmes chantent.

Le choeur des esclaves…

« Je suis entrée comme apprentie chez MM. Durand frères. J’avais alors douze ans. » Ainsi commence le témoignage de Lucie Baud (1870-1913)…

Dans son livre, Michelle Perrot tente de comprendre son histoire, ses;luttes, ses souffrances et ses échecs mais aussi la singularité qui fait d’elle une personnalité forte, une meneuse, une femme révoltée.Ses échecs, ses chagrins qui durent être immenses. Sa mélancolie…Ce qui la brisa…

Ces femmes à qui l’on doit tant…

La pianiste de Haneke d’après un roman éponyme de Elfriede Jelinek

I am Dina

Tomboy : Fille ou garçon, faut-il choisir ?

 

avec Zoé Héran, Malonn Lévana, Jeanne Disson, Sophie Cattani, Matthieu Demy, écrit et réalisé par Céline Sciamma. France 2011 – 1h22 – couleur

Laure a 10 ans et s’apprête à rentrer en CM2. elle est ce qu’on appelle un « tomboy », un garçon manqué et arrive dans une nouvelle ville après un nouveau déménagement au cours de l’été. Il reste quelques semaines avant la rentrée et elle a le temps de se faire de nouveaux amis. Les cheveux courts, une silhouette longiligne, un regard qui interroge, doute, s’étonne, Laure change d’identité à la faveur d’un malentendu et se fait passer pour un garçon. Elle observe, imite, décode les comportements des garçons pour donner plus de crédibilité à son personnage. Prise à son propre jeu, elle se laisse aimer par Lisa, la seule fille de la bande… Jusqu’au moment où bien sûr, le piège se referme, et elle ne peut plus ni avancer, ni reculer …

Ce film a été salué par des critiques unanimement élogieuses, ce qui est assez rare pour être souligné, De Télérama au parisien en passant par Elle et Télécinéobs.

 Ce film m’a passionné parce qu’il est au centre d’une réflexion qui concerne les genres. Comment est-on une fille, un garçon ? Quel rôle tient le regard de l’autre ? Quelle est la pression sociale exercée par le groupe , comment sanctionne-t-il ceux qui se sentent différents ? Car à l’évidence, Laure/Mickaël se « sent » plus garçon que fille, pour elle ça n’est pas vraiment un jeu, c’est ce qu’elle voudrait être, mais qu’on ne lui permet pas. Elle est née fille et doit adopter dans une certaine mesure, les signes distinctifs attachés à son sexe ; la robe en étant un indubitablement. Mais Laure/Mickaël a horreur des robes, elle se sent empruntée quand elle en porte une. D’ailleurs, le bout de chiffon finira sur la branche d’un arbre.

Ce film sensible et intelligent est un chef d’œuvre, j’ose le dire. Il pose les problèmes relatifs à l’identité et à la norme, montre la souffrance et l’humiliation subies par ceux pour lesquels cette identité n’est pas stable ou évidente en soi et le rejet du groupe des pairs pour ceux qui ne se conforment pas à ce jeu de rôles pas toujours très subtil.

Il est en plus remarquablement filmé ; certains plans sont d’une beauté à couper le souffle, et le jeu des enfants, notamment celui de Laure et sa petite sœur est remarquable.

Passionnant article d’Alix sur la bicatégorisation par sexe…