
L’autre aspect du roman, est le contrepied permanent à la morale bourgeoise de l’époque : Renaud est cynique et ne fait rien, il profite de l’argent d’une femme et se présente comme l’antithèse du gendre idéal. Les rôles de genre, l’homme soutien de famille, la femme qui tient le ménage, sont complètement dynamités.
Pourtant cette femme est « le repos du guerrier », « Toi tu es le repos du guerrier, du guerrier lâche, de l’embusqué ; Notre-Dame des Déserteurs, aie pitié de moi. Je veux dormir-mourir, et pour ça une femme c’est le meilleur système ». Le seul pouvoir qu’elle détient, est son inlassable patience et son amour. Le repos du guerrier est-il alors un roman féministe ? Ou n’est-il que l’histoire d’une femme, qui une fois encore, se sacrifie, jusqu’à mettre sa vie en danger pour suivre la folie éthylique de son amant ? Son amour ne serait-il pas une sorte de rédemption, de chemin de croix ? A vrai dire, l’héroïne ne ressent jamais aucune culpabilité, et surtout elle choisit de suivre son amant. Rien ne l’y oblige et même, à l’inverse, tout le lui interdit.
En 1971, Christiane Rochefort contribue d’ailleurs à créer le mouvement féministe « Choisir la cause des femmes » et toute son œuvre sera marquée par son ton irrévérencieux, son style cru, causant le scandale parce qu’elle traitera de sujets non conformistes.
« Je n’aime pas les femmes qui ne résistent pas …quand je vois des signes de résistance, je suis très contente… j’aime la littérature de révolte. » Monique Crochet, « Entretien avec Christiane Rochefort, » French Review 3 (1981): 428-37.
Renaud ne part pas vraiment guerroyer, si ce n’est contre ses démons. Son arme est la bouteille qu’il manie plus souvent que le balai.
Non, lui fait la tournée des bars. Nietzsche ne fait-il pas dire à Zarathoustra : « L’homme doit être élevé pour la guerre et la femme pour le délassement du guerrier : tout le reste est folie »
Christiane Rochefort dynamite ce modèle. Chez elle, la femme est forte, rebelle, et elle fait ce qu’elle veut. Définitivement.