Leïla Slimani – Chanson douce – Editions Gallimard 2016
A peine ouvre-t-on le livre, la première phrase vous saute au visage avec une violence inouïe. Le bébé est mort. Pourquoi, dans quelles circonstances, on ne le sait pas encore. Par petites touches, Leïla Slimani, brosse le portrait des différents protagonistes de l’action, celle qui a précipité la mort du petit. Elle ne s’embarrasse pas de fioritures, la langue est concise, presque sèche mais efficace et aussi redoutable qu’un scalpel.
Elle analyse les rapports de domination et de soumission. La nounou, si parfaite, qui devance les moindres désirs de ses patrons, ne vit plus qu’à travers eux ; elle a aboli toute distinction entre sa vie privée et sa vie professionnelle, et chaque humiliation est ressentie comme une injure que rien ne vient amortir, parce qu’elle est ressentie à travers le prisme de la sensibilité et de l’affect.
Les patrons Myriam et Paul font partie de cette classe aisée, éduquée et cultivée qu’on appelle les « bobos » parisiens, parce qu’ils ont des valeurs dues à leur éducation, mais que leur réussite professionnelle ou leur ambition amènent à distendre de telle façon qu’ils basculent sans le vouloir dans la cruauté.
Au fond, ils ne se préoccupent pas de leur nounou, Louise, et ils ne savent rien d’elle, trop préoccupés par leur propre réussite. Ils vivent à cent à l’heure et n’ont jamais le temps. Ils naviguent à vue entre désir et culpabilité.
Myriam surtout voudrait être une mère parfaite mais souhaite aussi réussir sa vie professionnelle. Femme moderne, elle est conduite à déléguer une part importante de la vie affective de ses enfants à Louise.
Mais à force d’ignorer l’autre, cette indifférence sauvage qui consiste à ne penser qu’à soi va les conduire au drame. On assiste, impuissants, à la montée de la folie de Louise.
Un petit clin d’œil de Leïla Slimani, à propos d’une nounou maghrébine : « Elle craint que ne s’installe une complicité tacite, une familiarité entre elles deux. Que l’autre se mette à lui faire des remarques en arabe. A lui raconter sa vie et, bientôt, à lui demander mille choses au nom de leur langue et de leur religion communes. Elle s’est toujours méfiée de ce qu’elle appelle la solidarité d’immigrés. »
Une langue concise, redoutable mais pour l’instant, je ne souhaite pas lire ce livre dont trop de personnes ont parlé.
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Je l’ai lu sans déplaisir et vraiment vite! Sans pouvoir pencher d’un côté ou de l’autre, c’est vraiment bien fait
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tiens, tu fais portée une part de responsabilité aux parents. Je pense que la nounou n’a surtout rien à elle, pas une once de vie privée intéressante. Une vraie solitude quoi…
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tu fais « porter »! Désolée !
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