Maï-Do Hamisultane – Santo Sospir, éditions La cheminante, 2015
Encore une découverte des éditions la Cheminante avec une auteure franco-marocaine, née à la Rochelle. Maï-Do Hamisultane a passé une partie de son enfance à Casablanca, dans un milieu composé d’intellectuels, d’écrivains et de cinéastes. De ses multiples origines, marocaine, chinoise, vietnamienne et un nom de famille originaire d’Inde, l’auteure se place d’emblée dans une géographie universelle, loin de tous les ethnocentrismes. Après une licence de lettres, parcours plutôt rare, elle entame des études de médecine et se spécialise en psychiatrie. Elle publie d’abord des poèmes puis un premier roman aux mêmes éditions, « La Blanche ».
Ce nouveau roman prend sa respiration dans les fresques de Cocteau offertes à la villa Santo Sospir de Saint-Jean-Cap-Ferrat. Villa des Saints Soupirs que poussent des femmes de pêcheurs qui attendent le retour de leurs maris. Des femmes qui attendent alors que les hommes vaquent à leurs occupations, entièrement tournés vers le dehors et vers l’action.
Pourquoi les femmes attendent-elles aujourd’hui alors qu’elles pourraient elles aussi tromper leur ennui dans la réalisation de leurs désirs ou dans la construction d’une œuvre.
Des messages anodins rythment le récit, ils sont vides et ne disent rien, ils atterrissent sur le téléphone portable, nouveau messager de l’ère contemporaine.
On dit le style de l’auteure profondément habité par l’écriture de Marguerite Duras :
« Tu m’as laissée sans nouvelle.
Je t’ai appelé en vain.
Je t’ai envoyé des SMS pour que tu me rappelles.
Le silence et ce froid qui s’empare de Paris.
Cette solitude glacée. Plongée dans l’anti-vie pour anéantir l’attente. Hiberner. Etre cette Belle au bois dormant et attendre d’être réveillée par ton baiser. »
Je considère que l’attente amoureuse des femmes est très culturelle. Je me souviens avoir observé cela plus jeune. Les hommes étaient toujours occupés, l’amour ne tenait pas autant de place dans leur vie; il me semblait que l’attente des femmes étaient une impardonnable faiblesse et qu’elles auraient vraiment mieux à faire que de se morfondre pour des hommes souvent volages ou indifférents. J’ai été surprise par ce roman écrit par une jeune femme talentueuse. Je pensais que les femmes avaient appris enfin à ne plus attendre.