Christian Bach est l’éditeur des Editions Koiné et publie de nombreux textes de femmes. Fruit du hasard, et non geste politique, attentif seulement aux qualités du texte, cet état de fait montre encore, s’il était besoin, que non seulement les auteures ont toutes les qualités nécessaires pour faire le chemin par elles-mêmes mais bat en brèche la thèse essentialiste de l’incapacité des femmes à écrire pour la scène.
Cecilia Beach a dénombré 1500 femmes dramaturges pour le XXe siècle, mais 15 % des textes joués aujourd’hui sont écrits par des femmes. D’autre part, si vous tapez « auteurs contemporains » dans un moteur de recherche, certains sites proposent dix noms de femmes pour une quarantaine de noms d’hommes. Ce n’est pas faute d’être publiées (En tout cas par les éditions Koiné). Elles sont également moins nombreuses à être couronnées par des Prix (mais ça, on a l’habitude !). Cependant, des hommes et des femmes aujourd’hui tentent de faire bouger les lignes. A remarquer que Lucie Depauw,et son oeuvre « Lili Heiner intra-muros » publiée par les éditions Koiné, ont fait partie des cinq finalistes de ce prix prestigieux qu’est le Prix de Littérature dramatique en 2015 (Il était présidé par Jean-René Lemoine et composé de Maïa Bouteillet, Hubert Colas, Dominique Chryssoulis, Gilles David, Michel Didym, Mohamed El Khatib, Joëlle Gayot, Marguerite Gourgue, Bernard Garnier, Claire Lasne-Darcueil et Clémence Weill.)
Au catalogue de la maison, en dehors de Lucie Depauw déjà citée plus haut, Aurore Jacob, Noémie Fargier, Marie-Pierre Cattino, Sonia Ristíc, Yan , Benoît Fourchard, Joachim Latarjet, Sarah Pèpe, Gwendoline Soublin et prochaînement Nina Chataignier et Sabine Revillet.. J’ai posé quelques questions à cet éditeur qui m’intrigue depuis longtemps :
Litterama : Christian Bach, vous êtes profondément homme de théâtre : metteur en scène, comédien, éditeur de textes dramatiques, compositeur, directeur de compagnie quel est l’itinéraire qui vous a conduit à cet engagement ?
Christian Bach : Je suis d’abord musicien (agrégé de musique hors classe), je suis passé par la danse baroque avant d’aborder le théâtre (baroque dans un premier temps puis contemporain) par la pratique de la scène et par la création.
L: Votre catalogue d’éditeur fait la part belle aux auteures/autrices, est-ce un pur hasard ?
CB : Je mets le texte au centre de mes préoccupations.
L : Quelles sont les qualités déterminantes selon vous pour qu’un texte dramatique puisse être édité ?
CB : Qu’il est difficile de définir cette fameuse ligne éditoriale dont les contours sont si malaisés à baliser. Une de ces balises, pour moi primordiale, est la forme. Ce qui m’intéresse est la construction du récit. Le sujet aussi bien sûr, le théâtre est pour moi un miroir du monde et l’auteur.e fait un pas de côté pour mieux l’observer (par l’originalité de son style, de sa langue…). Le récit seul ne me suffit pas. Disons que j’aime bien tricoter des neurones quand je lis ou que j’écoute, sans doute ma formation de musicien, l’écriture polyphonique de la musique permettant d’entendre ce qui n’est pas dit. C’est aussi pour cela que je ne lis pas les didascalies.
C’est l’interaction entre ces deux balises qui me sert de guide, l’une pouvant être plus importante, ça dépend du projet: 50%/50% ou 40%/60% c’est selon, l’un dépendant de l’autre.
Liiterama : Un texte de théâtre doit-il forcément être joué ?
CB : Non, pour moi un texte de théâtre se joue et/ou se lit. Par contre tous les textes portés sur la scène ne font pas forcément de bons livres.
L : Il me semble que vous éditez de nombreux monologues, quels sont les atouts et les inconvénients de ce type de texte ?
CB : Non, il n’y pas que des monologues. Dans le contexte économique actuel du monde du spectacle l’investissement financier est devenu très important, le monologue répond sans aucun doute à ces difficultés. Je choisi des textes, qu’il y ait un ou plusieurs personnages, peu m’importe.
L : On redécouvre aujourd’hui des textes d’autrices du XVIe siècle jusqu’au XIXe siècle, effacés des manuels d’Histoire littéraire, l’intérêt est-il seulement historique ?
CB : Il est politique. On se sert communément maintenant du mot autrice parce qu’on a redécouvert cette façon de dénommer les femmes écrivains et on s’est alors aperçu qu’une partie de la langue française avait servi à privilégier les hommes au détriment des femmes. Les dénominations féminines des noms de métier sont éloquentes à ce sujet.
Les préoccupations actuelles et légitimes de l’égalité femmes/hommes s’appuient donc sur une réalité historique.
L : Comment voyez-vous l’éditeur du futur ?
CB : Permettez-moi de ne pas répondre à cette question en me défaussant, je n’en sais rien. Peut-être simplement qu’il sera toujours dépendant de la qualité des textes qui sont écrits. Car on écrira encore.
Pour info, les 4 finalistes du prix roman Fnac 2018 sont des romancières : https://le-carnet-et-les-instants.net/2018/08/27/prix-du-roman-fnac-les-finalistes/
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Oui ça bouge, tant mieux !Mais dans les programmes du Lycée les femmes sont toujours aussi peu nombreuses. Merci Tania pour la qualité de ces échanges.
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