Festival America 2018 : de Margaret Atwood à Brad Watson, une belle journée.

Le festival America se déploie sur plusieurs lieux, au cœur de Vincennes, et les conversations-conférences ont fait salle comble. Un public nombreux, des intervenants de qualité et des modérateurs talentueux ont fait de cette deuxième journée une réussite.

Margaret Atwood a su charmer son auditoire, même à distance, et a questionné son statut d’icône pour le subvertir, elle se veut davantage iconoclaste, dans ce temps particulier, « bizarre » dit-elle, inédit depuis les années 30, où tout semble sur le point de verser et de se renverser.

Margaret Atwood

Peut-être plus qu’une icône, l’écrivaine se sent-elle responsable. Elle a un pouvoir de parole que n’a pas le simple citoyen, toujours sous la menace d’un licenciement. Elle est chargée de dire ce que les autres ne peuvent pas dire même si cela ne dispense pas le citoyen d’agir.

Elle participe à « After me too », une plateforme qui vise à donner la parole à celles qui en ont besoin.

Plutôt citoyenne que militante, très active sur twiter, elle s’engage pour des causes qu’elle estime importantes. En tant qu’auteure, on la sollicite pour associer son noms à certaines actions et s’exprimer à leur sujet ; elle accepte volontiers tant qu’il s’agit de lutter pour l’environnement, le droit des femmes et le statut des artistes toujours menacé sous les dictatures.

Elle parle, à travers cet écran géant, et tout le monde l’écoute, presque religieusement. Elle est la pythie, l’oracle, et les événements politiques récents aux Etats-Unis font écho à son oeuvre et lui donnent une force nouvelle. Cette écoute prodigieuse est à elle seule un événement.

La situation des femmes, souligne-t-elle, est un bon indicateur de la vie démocratique. Tous les régimes totalitaires cherchent à les contrôler, et mettent en place des politiques particulières qui visent à les assujettir.  Ce qui n’enlève aucunement aux femmes leur part d’ombre, d’ailleurs pourquoi seraient-elles parfaites ? Elles n’ont pas à mériter leur liberté.

Margaret Atwood revient sur la situation des auteurs canadiens dans les années 70, très différente de celle d’aujourd’hui. Il n’était pas question à l’époque de devenir célèbre, c’était plus une vocation qu’une profession. Tout était à faire, les auteurs de sa génération ont mis beaucoup d’énergie à monter des maisons d’édition, des associations, des cercles de lecture. Aujourd’hui, beaucoup de jeunes auteurs veulent en faire un métier parce que l’exemple du succès de certains de leurs aînés ou même de leurs contemporains leur montre que c’est possible. Mais, et c’est le revers de la médaille, il ne sera pas au rendez-vous pour tout le monde.

Margaret Atwood est malicieuse, elle a le regard qui pétille et ce sourire indulgent que donne la sagesse du grand âge. « Pas de panique, ça va s’arrêter un jour » dit-elle en parlant du succès qui récompense son oeuvre, et puis « J’ai la faculté d’écrire en avion. Il y a un WI-FI, mais je fais semblant que je ne suis pas au courant. » Alors, bien sûr, il y a la fatigue des dédicaces, mais comment s’en plaindre, comment refuser la rencontre à des gens qui attendent parfois pendant des heures ?

Aujourd’hui, reprend-elle, on assiste à un moment intéressant sur la scène littéraire, car beaucoup de jeunes regardent vers l’avenir, et le pense à travers la dystopie dont elle a été la précurseure. Ils regardent vers demain et sont plein d’énergie. Peut-être malgré ce sourire, y a-t-il chez elle un peu de nostalgie.

Elle accepte donc ce rôle de mentor et reçoit de nombreux livres. Elle écrit sur twitter à propos de ceux qu’elle aime, et met le lien vers la maison d’édition ou le site.

A propose des séries qui sont réalisées à partir de son oeuvre, elle reconnaît que ce format d’adapte bien à ses romans car il ne demande pas de narratif long. Justement elle  écrit des chapitres courts. En ce qui concerne l’adaptation de la Servante écarlate, elle a eu un statut de consultante qui lui a permis d’annoter le scénario, sans lui donner  de véritable pouvoir.

Elle finit par redéfinir ce qu’est la littérature spéculative. Outre le fait, elle l’a déjà dit ailleurs, que son oeuvre est toujours basée sur des faits ayant déjà existé, parfois au sein de micro-sociétés, la science-fiction parle de choses qui n’existent pas, tels les robots et les planètes. Ce qui n’est pas le cas de ses livres.

Elle a raison, la littérature spéculative permet de penser un monde déjà-là, celui dans lequel nous nous mouvons.

Mais pour autant est-elle pessimiste ? Non, dit-elle, écrire un livre c’est être optimiste, c’est proposer un futur meilleur.

« Je suis une grande optimiste. je vais réussir à terminer mon livre, à l’éditer et à trouver un lecteur qui le comprendra. »

« Je participe à la bibliothèque du futur, en Norvège, un manuscrit tenu secret est déposé, et ne sera connu que dans cent ans. »

Ce n’est pas être optimiste ça ? Penser qu’il y aura encore des êtres humains pour le lire…

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On se plaît à penser que Margaret Atwood ne disparaîtra pas, car cela semble tout bonnement impossible à ceux qui ont commencé à lire son oeuvre. Peut-être avons-nous tous été sensible, dans la salle, à la force de cette assurance, en dépit de sa fragilité de vieille dame. Elle est de celles qui demeurent…

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