La philosophie, en somme, est la multiplication des points de vue, qui en se répondant, en se faisant écho, tissent tout un réseau de significations. Elle n’est pas seulement un discours logique, ou une antithèse viendrait contredire la thèse avant de se fondre en elle dans une superbe synthèse . Dans notre culture, notre expérience, nos légendes et nos histoires, il y a tous ces éclats de miroir qui permettent ce tissage subtil.
Le mot texte vient du verbe latin texere qui signifie tisser, nous apprend Amélie Nothomb, dans « Cosmétique de l’ennemi ». Le texte serait d’abord un tissage de mots. Amélie Nothomb présente un dialogue entre un homme et son ennemi intérieur, son inconscient, un homme coupé en deux, abritant en lui-même un dangereux étranger. Terrifiante psychose. « Ces cloisons si étanches que tu as construites dans ta tête ne tiennent plus : elles cèdent. », avertit l’autre soi-même, l’ennemi. Et dans cet étrange dialogue, qu’un meurtrier tient avec lui-même, surgit cette implacable réponse. « Il valait mieux que je sois étranger afin de me différencier de toi ». La partie refoulée devient l’autre soi-même, l’étranger, celui que l’on tient derrière la frontière de la conscience , frontière qui ne sera jamais franchie que dans le dédoublement.
» C’est inquiétant, ça menace tes cloisons. Heureusement, la plupart des gens ont trouvé le remède : ils ne pensent pas. » On peut bien dire que le « je » est un autre , mais la plupart du temps, réconfortante certitude, « je suis moi, tu es toi, et chacun reste chez soi. » Ce superbe moi, plein d’orgueil, qui ne souffre aucune étrangeté.