Editions de L’Herne, 2009, pour la traduction française ; traduit de l’anglais par Béatrice Vierne. Collection Grands romans points.
Publié en feuilleton en 1851 dans le magazine de Charles Dickens.
Cranford est la transposition de Knutsford, bourgade du Nord-Ouest de l’Angleterre, au cœur du Cheshire, où Elizabeth Cleghorn Stevenson (future Elizabeth Gaskell) passa une grande partie de son enfance avant d’épouser William Gaskell et d’aller vivre à Manchester. Elle croque les personnages avec une certaine ironie, cette sorte d’humour qui appartenait aussi à Jane Austen (1775-1817). La narratrice, Mary Smith, dépeint le quotidien quelque peu étriqué de ses amies, les deux vieilles filles Miss Matty et Miss Deborath Jenkyns, et les travers de la société victorienne dont les règles et l’étiquette dicte la conduite des femmes. Les apparences ont une grande importance ainsi que la position sociale, et certains personnages aveuglés par leur vanité et leur snobisme sont capables d’une certaine cruauté. Elizabeth Gaskell ne les épargne guère, fustigeant les fausses valeurs et la sècheresse de cœur.
La société de Cranford est essentiellement féminine : « Cranford est aux mains des amazones ; au-dessus d’un certain loyer, ses demeures ne sont occupées que par des femmes. Si jamais un couple marié vient s’installer en ville, d’une manière ou d’une autre, le monsieur disparaît … ». Le monde féminin est un monde clos, celui des hommes est celui du dehors et des grandes étendues.
Cranford est donc un microcosme féminin que Mrs Gaskell observe avec l’œil d’un entomologiste . « La nature si unie de leur existence » lui fournit mille anecdotes. Toutefois tout ce petit monde vit plutôt en bonne entente et les personnages sont suffisamment dynamiques pour pouvoir évoluer tout au long du récit. Ces femmes révèlent leurs failles presque malgré elles, leur manque cruel d’amour, mais parviennent parfois à être heureuses dans la compagnie d’un homme aimant et respectueux dans une belle entente sensuelle.
Une chronique provinciale bien savoureuse en tout cas malgré un récit où parfois il faut bien l’avouer, il ne se passe pas grand-chose. Le temps des femmes est celui de la patience et de l’attente, de l’endurance et du regret, un temps élastique qui parfois est tendu à se rompre mais qui après d’excessives tensions se remet toujours à sa place.
Lecture commune organisée par George AVEC
Lou, Virgule, Valou, Céline, Emma, Solenn, Sharon, Alexandra, Paulana, Emily, Titine, Plumetis Joli, ClaudiaLucia,
J’ai adoré Nord et Sud, deux m’attendent sur l’étagère, j’ai hâte.
Commentaire n°1 posté par Theoma le 20/03/2013 à 09h21
Quels sont les deux autres que tu possèdes ? On me vante tellement la qualité de Nord et sud que je vais lui réserver une petite place pour ma liste.
Réponse de Anis le 20/03/2013 à 18h15
Une auteure que je n’ai jamais lu mais tu sembles rapprocher son écriture de celle de Jane Austen, alors à découvrir! Ce que j’aime c’est le recul et le regard que ces auteures ont par rapport aux femmes de leur époque, dont elles parlent à merveille d’une façon très précises, mais n’hésitent pas à égratigner la société et les hommes surtout en utilisant l’ironie avec intelligence.
Commentaire n°2 posté par Nadael le 17/03/2013 à 18h20
Non, son écriture ne ressemble pas à celle de Jane Austen. C’est beaucoup plus anecdotique. l’intrigue est un peu faible même si l’atmosphère est plaisante.
Réponse de Anis le 20/03/2013 à 18h23
Un beau billet Anis ! J’aime beaucoup ton dernier paragraphe sur le temps, j’aurais juste eu envie d’ajouter « hélas » après le dernier mot !
Commentaire n°3 posté par Annie le 17/03/2013 à 15h21
Oui, hélas, le temps. Je le sens aussi bizarrement qui s’accélère.
Réponse de Anis le 20/03/2013 à 18h29
Je t’encourage vivement à lire ses autres romans!
Commentaire n°4 posté par keisha le 15/03/2013 à 14h31
Bravo pour ton analyse que j’aime beaucoup. Moi aussi j’ai apprécié cette chronique mi-douce mi- amère. Mais j’ai préféré la trame romanesque de Nord et Sud et de Femmes et filles.
Parce que Gaskell les aime, on parvient à aimer ces femmes si prisonnières de leur époque et de leur éducation qu’elles sont incapables de faire preuve d’indépendance d’esprit. Une pourtant échappe au stéréotype mais c’est un personnage secondaire : Madame Hoggins qui renonce à son titre de lady pour épouser Mr Hoggins, le médecin méprisé de ces dames. Le couple n’a que faire des conventions, de l’étiquette, du rang social. Ce sont les seuls personnages qui restent imperméables à ce genre de snobisme; ils s’aiment et et ils sont heureux. Si Gaskell ne juge pas ses personnages, elle laisse pourtant deviner avec ce couple, ce qu’elle pense réellement des fausses valeurs sociales auxquelles sont attachées ces vieilles femmes.
Commentaire n°5 posté par claudialucia le 15/03/2013 à 13h36
L’oeil de l’entomologiste… c’est exactement ce que j’ai ressenti à les observer.
De beaux portraits de femmes.
Commentaire n°6 posté par Syl. le 15/03/2013 à 12h41
Oui, mais celle que j’ai le plus aimée c’est cette aristocrate qui ose faire fi des apparences et vivre une belle histoire d’amour. Les autres me paraissient tout de même souvent mesquines.
Réponse de Anis le 24/03/2013 à 23h29
Une belle analyse qui correspond à ce que j’ai ressenti jusqu’aux passages parfois un peu trop bavards, mais comme toi j’ai aimé cette chronique de la vie de province perçue à travers l’existence de ces femmes.
Commentaire n°7 posté par George le 15/03/2013 à 10h32
Oui, la littérature a parfois le ton et les allures d’une conversation mais il ne faut pas s’y fier.
Réponse de Anis le 24/03/2013 à 23h26
C’est vrai qu’il ne se passe pas grand chose et pourtant on prend vraiment plaisir à lire ce roman. Finalement c’est peut-être dans le souvenir qu’il va me laisser qu’une intrigue principale va le plus me manquer…
Commentaire n°8 posté par Virgule le 15/03/2013 à 09h02
Je pense que cela sera la même chose pour moi.
Réponse de Anis le 24/03/2013 à 23h26
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