Cela fait quelques années déjà que suis entrée dans ce tissage complexe qui relie les voix des femmes, leur écriture, à leurs corps. J’ai l’impression parfois que leurs mots ont bâti chacune de mes cellules bien avant que je ne vienne au monde. Ou peut-être les mots des femmes ont-ils été une seconde naissance, et m’ont-ils fait advenir à mes propres mots. Entreprise modeste, peut-être vaine, parfois un peu rapide. Itinéraire individuel mais cheminement à la rencontre des autres et à la rencontre de moi-même. Les mots ont une chair, un suc, un parfum particulier auxquels je suis particulièrement sensible. Chaque mot résonne en moi, pénètre dans l’entrelacs de mes viscères, mais aussi dans mon ventre de femme. Il n’y a pas d’écriture féminine, mais il y a une façon de voyager dans l’écriture des femmes, en y engageant son corps tout entier. L’histoire des femmes est étroitement liée à leur lutte pour écrire, pour être reconnue socialement, pour exister en tant qu’artiste. Elles y ont exprimé leurs déchirures, leur folie, leurs démons mais aussi leur capacité créatrice. Certaines ont tenté de trouver dans le langage du corps féminin, son énergie sensuelle voire sexuelle, la métaphore de toute création.
Anne Sexton photographed by Elsa Dorfman (Wikipedia, the free encyclopedia)
J’ai découvert récemment la poétesse américaine Anne Sexton, une voix hantée, d’une puissance peu commune, à la limite toujours de la brisure définitive. Son écriture organise son chaos intérieur, seul ordre qu’elle aura connue de son vivant. Elle est une lutte vitale contre la dépression, contre le mal qui la ronge et la fait sombrer. Dans la biographie que je suis en train de lire en anglais, l’auteur raconte qu’Anne Sexton avait une image si dégradée de son propre corps qu’elle pensait n’être bonne qu’à être une prostituée.
Anne Sexton écrivait de son corps souffrant, et fut également réduite à ce corps par des psychiatres qui n’hésitèrent pas à révéler le contenu de ces séances de thérapie. Elle eut à souffrir de la violence en elle autant que de la violence qu’elle subit au sein de sa famille. L’écriture fut ce qui lui permit d’exprimer ce corps mais aussi de s’en libérer. Elle fut la première à parler, dans les années cinquante, du corps féminin dans des sujets qui étaient fortement tabous.
Tu sais fort bien parler de ton rapport à la lecture, à tes lectures, merci !
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Merci, un rapport amoureux certainement.
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Comme Kathel, tout pareil… beau billet, qui me rend curieuse de la suite aussi…
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Je me plonge dans l’œuvre de cette auteure qui n’est pas traduite en français. En ce moment je lis « Transformations »
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Magnifique billet qui exprime si bien ton amour pour les mots des femmes… Comme toi je lis énormément d’auteurs féminines, je m’y sens plus touchée, plus intégrée… C’est souvent plus sensible, plus intimiste… J’aime lire quelques hommes aussi, mais en général ce que je lis est féminin. Et du coup tu me donnes très envie de lire cette poétesse, comme Anne curieuse de lire la suite… Ce billet là ne peut qu’atterir dans vos plus beaux billets !!
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Je comprends ce que tu veux dire, cependant je ne place pas les œuvres des femmes au-dessus de celles des hommes. il y a des auteurs qui puisent à la même source qu’elles, parce que leur sensibilité d’artiste les ouvre à un matériau d’une grande densité et d’une grande richesse. Certains auteurs font de leur personnage principal une narratrice et pour cela ils font appel à ce qui est féminin en eux. Nous sommes doubles, deux faces d’une même médaille. je plaiderais plutôt pour un rééquilibrage et surtout une reconnaissance à part entière des œuvres des femmes dans l’histoire et une éradication totale du sexisme dans le domaine de l’art. Pour le reste, les hommes sont des femmes comme les autres.
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J’aime beaucoup ton analyse sur les rapports entre l’écriture des femme et leur corps. Je viendrai lire la suite de ce billet.
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Je te remercie de ton attention à ce qui est écrit ici.
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On sent à travers tes mots l’amour profond qui t’unit à eux (dans ce texte certes mais ton blog en entier transpire de cet amour) tu parles à merveille de la littérature féminine mais pas que, on sent vibrer ta sensibilité, ton émotion, ta joie, ta tristesse, ta colère aussi parfois sur l’histoire des femmes, leur cheminement, les voies qu’elles prennent par désir envie obligation devoir… et tu nous fais entendre leur voix, et leurs mots résonnent à travers les tiens. Merci beaucoup pour cet espace à toi que j’aime tant.
J’ai lu deci-delà quelques petites choses sur Anne Sexton, je suis vraiment déçue qu’elle ne soit pas traduite…ça viendra peut-être…
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L’univers d’Anne Sexton est très sombre. Un ami anglophone a traduit un de ses poèmes mais on attend les autorisations (qui ne viennent pas…)
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