Les études féministes (et notamment celles sur le genre) ont beaucoup contribué aux recherches dans toutes les disciplines et notamment en histoire des sciences. Nous savons que des femmes ont écrit de l’Antiquité au XIXe siècle, surtout des romans, mais qu’en est-il des autres disciplines qui requièrent étude et savoir ? Comment les femmes ont-elles pu y accéder alors que les études scientifiques leur étaient interdites ? Elizabeth Badinter indique dans sa préface de » Madame d’Arconville, Femme de lettres et de sciences au siècle des lumières » que les cours publics ouverts aux femmes ne commencent à se répandre qu’à partir des années 1740. Par quel biais, ou quels médiateurs privilégiés ont-elles pu acquérir une culture scientifique (père scientifique, mari ou autres) ? Ainsi Madame du Châtelet a-t-elle compris le calcul intégral avec son amant Maupertuis et la physique newtonienne avec Clairaut, Mme Lepaute a perfectionné ses talents en astronomie avec Lalande et Madame d’Epinay eut Grimm comme mentor. Quant à Madame d’ Arconville, elle a suivi les cours publics du botaniste Bertrand de Jussieu (dixit Elizabeth Badinter). Les recherches récentes en histoire des sciences, parmi lesquelles celles de Londa Schiebinger(dont les œuvres n’existent qu’en anglais malheureusement), P. Phillips, d’E. Sartori, de G. Chazal et J-P. Poirier, se sont intéressés à ce pan méconnu de l’histoire scientifique et ont démontré que des femmes ont pu pratiquer des activités scientifiques à un haut niveau, souvent en tant qu’assistantes mais aussi de manière autonome. Des noms jalonnent l’Histoire des Sciences et de la Philosophie : Hypatie, Marie Curie, Hildegarde de Bingen et Emilie du Châtelet, se sont illustrées en mathématiques, physique-chimie, astronomie, mais aussi en médecine, et en sciences naturelles. Si on prend la littérature au sens large de production d’une œuvre, ce que je fais ici, on peut aussi souligner leur contribution à la production d’une littérature scientifique et technique.
Toutefois la mémoire et les œuvres de ces femmes n’ont pratiquement pas été retenues par la postérité ou de manière très lacunaire. Le fait simplement d’avoir été considérées comme des actrices mineures de la pensée et de l’expérimentation scientifique a contribué à recouvrir leurs traces d’un voile épais que les historiens s’efforcent de soulever. Elles ont cependant joué un véritable rôle de vecteur dans la circulation, la diffusion et la construction du savoir scientifique, mis en lumière, aujourd’hui, par des travaux de recherche. L’expression « femme de science » ne date que de 1948, ce qui en dit long sur la façon dont elles ont été ignorées et marginalisées. Elles ont pourtant joué un rôle dans la diffusion du savoir scientifique et ont traduit, annoté ou édité des ouvrages scientifiques quand elles n’ont pas publié les leurs. En effet, le monde occidental et son modèle patriarcal a longtemps fait du domaine de la connaissance et de sa transmission institutionnelle (Universités, écoles) un territoire interdit aux femmes. Les scientifiques eux-mêmes rencontrèrent de nombreuses difficultés dès lors que leur théorie semblait contredire l’orthodoxie religieuse. La science est devenu le combat d’hommes éclairés pour la liberté de penser et de connaître en dehors de tout dogme, et les femmes ayant été retenues par l’Église et la tradition dans des zones marginales en ont profité pour jouer un rôle dans ces domaines.
Plusieurs livres m’ont fait m’intéresser plus particulièrement à ces femmes :
Et ce livre :
Peut-être que je me trompe mais il me semble qu’on a décerné le prix Nobel à Pierre Curie pour pouvoir primer son épouse d’abord. Il n’était pas concevable en 1903 qu’une femme seule puisse être nobélisée ! Bises
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Toi qui est mathématicienne, tu as une ancêtre particulièrement illustre en Emilie du Châtelet. C’est classe !
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c’est chez toi que j’ai découvert son nom : j’ai l’impression qu’elle était une mathématicienne particulièrement littéraire, que son champ d’application ne fut pas seulement les maths mais la philosophie.
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Tu sais à l’époque tout le monde était scientifique et littéraire. Mais elle a été une brillante mathématicienne. Mais comme on ne parle jamais des femmes ni en science ni en philosophie, je le mentionne. Bon, je suis contente que maintenant tu la connaisses cette brillante mathématicienne et philosophe aussi à ses heures, maîtresse de Voltaire.
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Il faut que tu lises le dernier livre de Rosa Montero, sur (en partie) l’historie de Marie curie. Edifiant!
Plus récemment des femmes se sont fait priver de nobel alors qu’elles avaient vraiment leur (grosse) part dans certaines découvertes.
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Oui, je l’ai noté. Ces sujets me passionnent. Mais ce qui est assez génial, c’est de voir que des femmes ont été des scientifiques, qu’elles ont existé malgré toutes ces difficultés. En fait, j’ai l’impression de découvrir un monde inconnu et oublié.
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Comme Keisha, je te conseille la lecture du livre de Rosa Montero, L’idée ridicule de ne plus jamais te revoir. Ton billet est passionnant, comme toujours!
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