Dix Petites Anarchistes – Daniel de Roulet – « Ni Dieu, ni patron, ni mari »

Dix Petites Anarchistes – Daniel de Roulet – Ni Dieu, ni patron, ni mari

Libretto – Editions Bûchet/Chastel, Libella, Paris, 2018

Dix petites anarchistes

A l’instar des « Dix Petits Nègres » d’ Agatha Christie, nos Dix Petites Anarchistes, ouvrières horlogères, émigrant de Suisse à la fin du XIXe siècle vers la lointaine Patagonie pour y bâtir une société anarchiste, « à la vie, à la mort » vont chacune vivre une histoire singulière, tout au long d’un périple qui va les mener de la Suisse à Buenos Aires, en passant par les terres australes, inhospitalières et battues par des vents incessants. La dernière d’entre elles, Valentine, tiendra le récit de leurs aventures dans un carnet vert.

Ces horlogères qui émigrent sont ouvrières et développent une forte conscience politique en cette deuxième moitié du XIXe siècle. Elles souhaitent inventer un monde meilleur et n’ont pour toute richesse que de petites montres, des « oignons », qu’elles vont céder ou conserver et qui rythment leurs péripéties, la façon dont ils ont été perdus, retrouvés et ont servi à la cause anarchiste.

En effet, on ne retient souvent de l’Histoire, que les succès, les découvertes et les accomplissements. L’émigration est toujours, plus ou moins, la route vers la fortune, et on tait les échecs migratoires. Ici pas d’Eldorado ou de Terre promise, mais une époque où la puissance de l’argent et une société patriarcale broient les femmes qui souhaitent s’émanciper. Les femmes qui vivent seules sont, au mieux, des prostituées.

A Saint Imier, dans une Suisse pauvre où l’industrie horlogère est encore balbutiante, elles ont entendu les discours anarchistes de Bakounine, et réalisé qu’un autre monde est possible.

De ces émigrations souvent forcées, on ne connaît qu’une histoire fragmentaire, quelques lettres et de rares survivants. L’auteur tente ici de redonner une voix à toutes ces oubliées.

On ne peut pas dire qu’elles ont froid aux yeux ces femmes, elles sont fortes et revendiquent ne vouloir « Ni Dieu, ni patron, ni mari ». Elles vivent leurs amours librement, sont entreprenantes et luttent pour l’égalité.  Leur utopie est un principe de vie, et si elles ne posent pas de bombes, elles offrent vaillamment leur poitrine aux balles dans les manifestations.

En France, c’est la fin de la Commune et son lot de déporté.e.s, de violence, d’iniquités, dans une société cruelle où les inégalités sont criantes. Mais c’est aussi le début de la révolte.

Les anarchistes se démarquent des autres mouvements politiques et contestataires : « pas d’avant-gardisme, abolir tous les pouvoirs, la démocratie n’est pas le vote mais la recherche du consensus ».

En effet, l’Anarchie n’a pas pour vocation de prendre le pouvoir, au contraire, elle cherche à s’en tenir éloignée.

On croise dans ce roman Malatesta, Bakounine, Nathalie Le Mel et quelques autres, qui vont secouer les consciences et organiser la lutte.

Sur un bateau, elles rencontreront, détenue dans une cage, Louise Michel  en route vers Nouméa.

Il faut quelques pages pour entrer dans ce livre, ensuite, on se laisse emporter et captiver par ces portraits de femmes fortes,courageuses et intelligentes, parfois émouvantes et aussi par la peinture de toute une époque passionnante par le foisonnement et la force des idées qui vont naître et bouleverser le monde.

Libretto propose encore et toujours de beaux textes. Merci.

2 réflexions sur « Dix Petites Anarchistes – Daniel de Roulet – « Ni Dieu, ni patron, ni mari » »

Quelques mots de vous...

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.