
« Je suis née sous une petite table », écrit Dolores Prato dont la naissance illégitime en 1892 à Rome de Maria Prato et d’un avocat de Calabre, marquera à jamais l’existence et aussi les lieux de la mémoire. Abandonnée par ses parents, elle fut recueillie par un oncle et une tante, membres d’une petite noblesse désargentée dans la ville de Treja, dans la région des Marches.
Elevée sans marque d’affection, esseulée et mélancolique, son oncle fut toutefois bienveillant et protecteur. Ce qu’elle ne reconnaîtra que bien plus tard dans son roman autobiographique » .« Bas la place y’a personne », « Giù la piazza non c’è nessuno »
Elle laissera un récit « Brûlures », en 1967, de ses années de pensionnat pour religieuses au monastère de Santa Chiara puis intégra la faculté du magistère à Rome, en 1918, où elle rédigea sa thèse sur la correspondance inédite de Prospero Viani et Pietro Fanfani. Une année plus tard, elle obtiendra son diplôme de professeur de littérature italienne. Elle enseigna de 1927 à 1928 en Toscane, et se rapprocha du parti communiste en la personne de Domenico Capocaccia.
Elle dut abandonner l’enseignement, car le régime fasciste en place l’empêcha de se présenter aux examens de titularisation.
En effet, Elle devient institutrice en 1927, sa formation s’appuie sur une pédagogie héritée de Montessori et Freinet, , et elle décourage les jeunes gens d’aller à la guerre pour le fascisme. D’autre part, elle revendique une généalogie juive.
Toutes ces raisons ont dû compter.
«Toujours j’ai vécu dans la lutte, jamais victorieuse, jamais vaincue, toujours résistante.» écrira-t-elle dans son roman autobiographique.
Ses amours sont malheureuses, elle n’aime pas le clergé mais tombe amoureuse de jésuites. ( Laurent Lombard, France Culture)
Elle arriva à Rome en 1930, et se mit à écrire pour la presse communiste (principalement Paese Sera)
En 1948, elle publia « Au pays des cloches » et en 1949 : Calycanthus. Qu’a-t-il à voir, lui ?
Elle entreprit alors « Bas la place y’a personne », « Giù la piazza non c’è nessuno » pendant plus de dix ans, récit autobiographique, dont une version tronquée sera publiée chez Einaudi grâce à Natalia Ginzburg en 1980. La version intégrale sera publiée chez Mondadori (presque 900 pages)
En 1995 : Le Ore (Les heures), textes relatifs à son adolescence au couvent, et celui inachevé « Paroles » sera publié chez Adelphi et en 2000 Brûlures chez Allia.
En 2010, après sa mort, survenue en 1983, : Sogni (Rêves) chez Quolibet et en 2018, Verdier chargea son traducteur de la version intégrale de Bas la place y’a personne.
La vie et l’œuvre de Dolores Prato sont significatives de cette génération d’écrivaines, dont l’œuvre fut fortement marquée du sceau de la mémoire, de l’Histoire et de l’émancipation, à côté d’une écriture engagée face au fascisme, de journaliste.
Elle renouvela l’écriture de soi, dans une quête profonde de son identité, et des lieux de sa mémoire.
« Marcher sans halte possible, c’est ça la vie, sans savoir ce qu’il y aura de l’autre côté quand nous tournerons le coin … »
Des critiques élogieuses ont eu lieu dans la presse française à la sortie de « Bas la place, y’a personne » et elle acquit une certaine renommée dans son pays.
Sources, éditions Verdier, journal Libération, émission France Culture
Une réflexion sur « Dolores Prato 1892-1983, « Je suis née sous une petite table »/ L’été 2020 des romancières italiennes »