Le titre m’a fait penser à une des scènes que nous avons jouées pour une pièce de Jean-Michel Ribes, « Musée haut, musée bas » qui est à mon avis une scène d’anthologie tellement elle est effiace :
Paulines Sales – Family art – Les solitaires intempestifs 2009
Saluons cette maison d’édition consacrée aux œuvres d’art dramatique située à Besançon
« Les homes ne vivent que par ce que les femmes le veulent bien. Ils l’oublient trop souvent. Elles acceptent à plusieurs reprises de les prendre chez elles et régulièrement ça finit par une cohabitation de neuf mois. Il ne s’agit pas de colocation. Tout est à leur charge, la nourriture, le chauffage, l’électricité. Ce n’est pas grand mais je n’ai jamais entendu un homme se plaindre. Je l’ai déjà dit. Les hommes oublient. Et là-dessus, ils sont amnésiques. Quand ils sortent de là ils ne sont pas grand-chose. Mais comme ils n’étaient rien en entrant. Les trois-quarts se plaignent de sortir, les trois quart pleurent. On ne sait pas quoi puisque personne ne se souvient. Peut-être simplement d’être sortis ».
La plume malicieuse de Pauline sales pourrait faire croire tout d’abord à un pamphlet sexiste. Non, point de misandrie qui est : « est un sentiment sexiste d’aversion pour les hommes en général, ou une doctrine professant l’infériorité des hommes par rapport aux femmes. Elle peut être ressentie ou professée par des personnes des deux sexes. » Mais une pièce drôle et alerte qui explore en filigrane la vie d’une femme « Suzanne » pour qui la maternité pose problème. Ou selon n’en pose pas assez. On peut dire que d’une certaine façon elle s’en débarrasse (du problème).
Et ce sont deux hommes qui en héritent. Paul est gynécologue obstétricien et « la douceur flageolante des muqueuses » ne l’« effraie pas ». Sur scène coexistent son personnage jeune et âgé. Ce qui perturbe un peu la lecture mais qui imaginé dans l’espace scénique produit un effet intéressant. Son nom est révélateur en partie de son histoire car il s’appelle Paul Jesus.
Jean est le père de Maxime qui est clown pour enfants malades.
Le deuxième personnage féminin, Alice, suit des cours dans une école de dessin et maîtrise difficilement son cycle hormonal : « il y a des mois qui passent comme des années d’autres comme une journée et on prétend que c’est régulier ».
Une sorte de filiation s’établit entre Suzanne et Alice car c’est la même comédienne qui joue les deux rôles.
Ce procédé vise peut-être par une sorte de catharsis (pour la nouvelle génération représentée par Alice et Maxime) à éviter en la jouant, la répétition au cœur de toute histoire familiale, en se défaisant dans le présent des liens du passé, et des obsessions dont nous sommes les jouets parce que nous en héritons de manière inconsciente. Le théâtre est le lieu éminent de la parole. Pour moi, en tout cas.
Les hommes ont fort à faire et rétablissent à leur tour une saine vérité : « Les femmes naissent parce que les hommes le veulent bien. Elles l’oublient trop souvent. »
On suit donc les effort de ces hommes, pour contrôler l’incontrôlable, et leurs efforts désespérés mais pas totalement inutiles m’ont fait sourire plus d’une fois. Une pièce souvent jubilatoire !
» On aimerait se dire que, dans ce que l’on est, peu de choses sont déterminées.
Que l’on aurait été “soi“ quelque soit notre père, notre mère, notre époque, notre milieu, on aurait été soi.
À l’inverse, dans certains moments de sa vie, on s’excuse soi-même de n’être pas à la hauteur de ce qu’on aurait pu être, et les premiers responsables de ce gâchis sont invariablement notre mère, notre père, notre milieu, notre époque.
La famille, celle dont on est issu et celle qu’on bâtit, les seuls à nous aimer pour ce que l’on est, les premiers à nous cadenasser dans des prisons sur mesure.
Ce serait un jeu pour mettre à l’épreuve “soi“ dans le cadre familial, Le grand mystère de l’inné et de l’acquis. Est-ce qu’on aurait pu être un autre ? Lequel aurait-on pu être ? »
Pauline Sales