Angela Huth – Invitation à la vie conjugale – Gallimard (mars 2000) – Collection folio
A travers l’histoire de plusieurs couples, Angela Huth décline l’amour conjugal aux prises avec le quotidien.
Frances Farthingoe est un tantinet superficielle, pense son mari passionné par les blaireaux, et qui préfère passer la nuit à les observer plutôt que de s’occuper de son épouse. Délaissée par son mari et sans réel projet, elle se morfond dans sa luxueuse demeure. Attachée à la vie mondaine, elle décide d’organiser une fête somptueuse dans son manoir d’Oxford et y convie ses amis les plus proches : Rachel et Thomas Arkwright, étrangers l’un à l’autre, Mary et Bill Lutchins, couple qui a su traverser les années sans dommage, Martin et Ursula Knox, heureux et amoureux, Ralph, célibataire endurci qui se consume pour un amour impossible, Rosie, la mère de Ralph, artiste peintre, femme libre, célibataire, et qui ne dédaigne pas les aventures.
« Balzac a posé une très bonne question : Un homme peut-il éternellement désirer sa femme ?
– Et qu’a t-il répondu ? ».
Chaque couple de cette histoire répond à sa manière : il n’y a pas de recette universelle qui garderait contre l’usure du quotidien et la disparition du désir. Une multitude d’embûches, et d’épreuves de toutes sortes menacent l’équilibre des couples : tout d’abord le démon de l’habitude qui « dévore tout. » mais aussi l’aptitude de chacun à vivre les compromis sans renier sa personnalité. Regarder dans la même direction, élaborer des projets communs, savoir se créer et se recréer sans cesse, être intéressant pour soi et pour l’autre, autant d’exigences que seuls quelques élus pourront satisfaire. Nos amours nous ressemblent, ils sont diablement imparfaits, parfois un peu lâches, et souvent sans imagination. La vie est faite de répétitions, de rituels, d’une matérialité terne car nous sommes condamnés à gagner notre vie ou pour les plus oisifs à trouver comment alimenter les journées.
« Dans le mariage, les marées changeantes sont plus saines que les eaux dormantes. Elle s’était donc résignée aux rencontres, séparations, rencontres, séparations, à cette invariable bascule. C’était sa façon de traiter le gouffre qui sépare toutes les âmes humaines. »
Certains d’entre nous d’ailleurs n’essaient même plus, l’amour heureux est une véritable épreuve de marathon, mieux vaut se résigner à sa disparition en espérant qu’il jette ses derniers feux avec au moins un peu de panache. Rester seul, préserver sa liberté, vagabonder de corps en corps, est le choix de certains, mais la solitude est parfois terrible à supporter. Pour d’autres, même « Un amour non partagé a […] un terrible pouvoir. Parfois, ils ne veulent même pas s’en libérer. »
« Il n’y a pas d’amour heureux… » écrivait Louis Aragon ; Balzac remarque que « L’amour n’est pas seulement un sentiment, il est un art aussi. Quelque mot simple, une précaution, un rien révèlent à une femme le grand et sublime artiste qui peut toucher son cœur sans le flétrir. »
Un homme peut-il éternellement désirer sa femme ? A cette question, il semblerait selon l’auteur qu’il ait répondu :
« – Oui. Définitivement oui. » Bill embrassa Mary sur le nez. »
Mais incontestablement, l’amour véritable se crée entre deux êtres libres. Et les femmes au foyer, en tout cas dans ce roman, ont bien du mal à trouver des satisfactions dans une relation asymétrique, condamnées à l’effrayante vacuité d’une existence dévouée aux soins du foyer.
Rien n’est jamais acquis à l’homme Ni sa force Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix Et quand il croit serrer son bonheur il le broie Sa vie est un étrange et douloureux divorce Il n’y a pas d’amour heureux |
Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu’on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu’on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n’y a pas d’amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passerRépétant après moi les mots que j’ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n’y a pas d’amour heureuxLe temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l’unisson
Ce qu’il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu’il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n’y a pas d’amour heureux
Il n’y a pas d’amour qui ne soit à douleur
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit meurtri
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l’amour de la patrie
Il n’y a pas d’amour qui ne vive de pleurs
Il n’y a pas d’amour heureux
Mais c’est notre amour à tous les deux
Louis Aragon (La Diane Francaise, Seghers 1946)
En lecture commune avec Dominique
Ta conclusion est la bonne : oui, dans ce roman, ce sont les couples avec femmes « au foyer » qui fonctionnent mal, parce qu’ils ne sont pas égaux. La femme doit chercher des occupations qui lui paraissent futiles, parce que non rémunérées, à l’opposé de celles de son époux.
Commentaire n°6 posté par Dominique le 12/08/2012 à 23h01
Tu as tout à fait raison. C’est la seule impasse pour un couple.
Réponse de Anis le 13/08/2012 à 09h56
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Pas trop tentée…
Commentaire n°5 posté par Clara le 13/08/2012 à 10h08
Pourtant tu aimes l’exploration de l’intime…
Réponse de Anis le 13/08/2012 à 10h17
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Le thème est intéressant, je suis passée loin de ce livre jusqu’alors, il faudrait que j’y remédie !
Commentaire n°4 posté par Kathel le 13/08/2012 à 11h38
Je l’ai trouvé vraiment intéressant.
Réponse de Anis le 13/08/2012 à 13h25
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Tout à fait passionnant encore une fois. Je suis très tentée par la lecture de ce livre.
Commentaire n°3 posté par krol le 14/08/2012 à 16h41
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Oh je note tout de suite. Le thème me plaît.
Commentaire n°2 posté par Nadael le 17/08/2012 à 12h48
Je pense qu’il devrait te plaire car tu aimes bien les atmosphères intimistes…
Réponse de Anis le 18/08/2012 à 09h21
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un joli billet et un titre qui m’interpelle! 😉
Commentaire n°1 posté par Violette le 17/08/2012 à 16h12
En ce qui concerne les aventures et mésaventures de la vie conjugale, on a à peu près toute un minimum d’expérience.
Réponse de Anis le 18/08/2012 à 09h22
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Un très beau billet qui nous parle à toutes… et à tous d’ailleurs ! Je note ce livre…
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Oui, ce n’est pas la partie de nos vies qui est forcément la plus facile, les histoires de couples.
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