Née en 1852 dans une famille ouvrière, Nana est la fille de Gervaise et de Coupeau dont l’histoire est narrée dans L’Assomoir. Mère du petit Louiset à l’âge de 16 ans, elle ne peut subvenir à leurs besoins et se prostitue pour gagner un peu plus d’argent. Elle habite un appartement où son amant l’a installée ; ce qui ne l’empêche pas d’être dans la gêne. Les premières pages la montrent interprète principale de la « Blonde Vénus » au Théâtre des variétés (Vénus, identifiée à Aphrodite, déesse de l’amour et de la beauté est aussi connue pour ses frasques sexuelles et son infidélité conjugale1.)
Un de ses amants au chapitre 7 lit la chronique de Fauchery, intitulée la Moucje d’Or et qui rend bien compte de la théorie naturaliste, c’ « était l’histoire d’une fille, née de quatre ou cinq générations d’ivrognes, le sang gâté par une longue hérédité de misère et de boisson, qui se transformait chez elle en un détraquement nerveux de son sexe de femme. Elle avait poussé dans un faubourg, sur le pavé parisien; et, grande, belle, de chair superbe ainsi qu’une plante de plein fumier, elle vengeait les gueux et les abandonnés dont elle était le produit. Avec elle, la pourriture qu’on laissait fermenter dans le peuple remontait et pourissait l’aristocratie. Elle devenait une force de la nature, un ferment de destruction, sans le vouloir elle-même, corrompant et désorganisant Paris entre ses cuisses de neige, le faisant tourner comme des femmes, chaque mois, font tourner le lait. »
Si elle ne brille pas par son talent, sa sensualité affole tous les hommes : « Peu à peu, Nana avait pris possession du public, et maintenant chaque homme la subissait. Le rut qui montait d’elle, ainsi que d’une bête en folie, s’était épandu toujours davantage, emplissant la salle. À cette heure, ses moindres mouvements soufflaient le désir, elle retournait la chair d’un geste de son petit doigt. » . La sexualité et le vice sont la marque de ce XIXe siècle à travers le personnage de la courtisane et de la maîtresse, qui symbolise la puissance érotique, femme excitante, à la fois soumise et menaçante, en marge de la société bourgeoise et victime d’un ordre social qui la maintient dans la dépendance de ses bienfaiteurs. La société judéo-chrétienne condamne la sexualité et ses plaisirs en dehors de la procréation, la fille de joie devient l’exutoire de désirs refoulés que la société capitaliste inscrit dans des rapports marchands.
Elle est à la fois dévoratrice et fatale, parce qu’elle fait appel à l’interdit, aux désirs d’autant plus puissants qu’ils sont refoulés, entachés de culpabilité et d’une jouissance décuplée par un certain parfum d’aventure. Elle est tolérée car elle permet la pérennité d’un certain ordre moral dans lequel les femmes doivent arriver vierges et pures au mariage, pour ensuite se dévouer à la maternité. Elle représente ce qui est interdit à toutes les autres, soumise à la sexualité des hommes (personne ne lui demande vraiment ce qu’elle aime, elle).
Mais selon Christian Mbarga, dans son étude passionnante sur les personnages de femmes des Rougon-Macquart, elle est aussi « la personnification et l’allégorie du mal qui ronge une époque toute entière : la quête effrénée des richesses et du plaisir en engloutissant tout sur son passage ».
A lire et à relire donc…
1 Emile Zola : les femmes de pouvoir dans les Rougon-Macquart par Christian MBarga
J’ai toujours aimé les livres de Zola, que je n’arrive pas à quitter lorsque je les commence. Il va falloir à présent que je relise ! Tu m’en donnes envie.
Commentaire n°1 posté par Annie le 28/02/2013 à 16h21
Je trouve que c’est un grand écrivain mais il me plombe toujours le moral.
Réponse de Anis le 06/03/2013 à 11h34
Oh oui à relire…! Zola est un auteur passionnant, il décrivait la société dans laquelle il vivait avec un réalisme désarmant et que dire de la nature humaine qu’il sondait magistralement. Nana est vraiment le personnage féminin le plus emblématique des Rougon-Macquart mais je n’ai pas lu toute son oeuvre… Merci vraiment pour ce joli billet.
Commentaire n°2 posté par Nadael le 27/02/2013 à 17h00
La seule chose que je lui reprocherais, c’est de ne jamais laisser aucune issue à ses personnagezs condamnés autant par la société que par leur nature. Je les ai rarement vcu apprécier un bon repas ou un rayon de soleil. Sauf dans « Au bonheur des dames ».
Réponse de Anis le 06/03/2013 à 11h33
Un auteur que je n’ai pas encore lu, il faut que je le lise!! =)
Commentaire n°3 posté par Enigma le 27/02/2013 à 12h31
A mon avis, c’est un incontournable.
Réponse de Anis le 06/03/2013 à 11h30
Zola : un de mes auteurs classiques préférés. Il a l’art d’éclairer les bas-fonds parisiens avec une lumière impressionniste et une pertinence incroyable !
J’ai lu « Nana » il y a 4 ou 5 ans et je l’avais dévoré. Ton billet est vraiment passionnant 🙂
Commentaire n°4 posté par Lili le 26/02/2013 à 12h52
Merci Lili. Zola est un très bon narrateur et il sait accorcher le lecteur, pas de doute. Par contre , la théorie naturaliste m’agace beaucoup. Elle détermjine trop l’être humain qui est le jouet de sa propre hérédité. de la littérature qui se voulait scientifique.
Réponse de Anis le 06/03/2013 à 11h30
Je n’ai jamais lu ce roman mais le thème est intéressant parce qu’il montre cette société où la sexualité des femmes étaient organisées par les hommes. Je ne lis pas beaucoup Zola, j’ai toujours préféré Balzac mais pourtant il est lui aussi un écrivain majeur du XIXème siècle.
Commentaire n°5 posté par Nina le 25/02/2013 à 23h43
Moi aussi je préfère de beaucoup Balzac. Il y a plus d’air. on respire.
Réponse de Anis le 06/03/2013 à 11h28
une héroïne du 19e siècle bien connue au moins par le titre de Zola mais c’est bien d’approfondir ainsi la perception que l’on peut avoir d’elle
Commentaire n°6 posté par denis le 24/02/2013 à 16h53
Le naturalisme condamne les femmes, mais ceci n’est vu par pratiquement personne, c’est normal Zola est le héros. On a tellement besoin de héros.
Réponse de Anis le 06/03/2013 à 11h2
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