Pour qui vous prenez-vous ? Geneviève Brisac

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Recueil de onze courts récits qui se font écho, hantés par les mêmes personnages, Max, Gerbert, Fleur, Mélissa Scholtès, les jumeaux, Mélinée et leurs naufrages quotidiens.

  Ces personnages sont tous la proie d’une sourde inquiétude, d’une angoisse permanente et diffuse qui alourdit passablement un quotidien dans lequel il ne se passe véritablement pas grand-chose. Je me suis demandée si au fond, ce n’était pas une façon d’alimenter leur vie, de faire en sorte qu’elle puisse être racontée. Vivre est dangereux, tout nous menace, il n’y a pas d’éternité. Rien ne dure et la mort est tout au bout. N’est-ce pas ce que nous ne nous lassons pas de dire ? Comment ne pas dénoncer un tel scandale ? Pourquoi jouir de cette conscience funeste ?

Anticiper le danger ou la mort, ne revient-il pas à s’en protéger ? Penser l’impensable, dire l’indicible pourrait rompre la malédiction qui nous enchaîne à des corps si fragiles.

« Je faisais cela quand j’étais enfant : j’ouvrais grand la fenêtre, je défaisais ma chemise de nuit et j’essayais d’attraper une mort certaine, une pneumonie, une pleurésie, pour avoir une bonne raison d’être si triste. »

La perte est imminente, en tout cas inéluctable et on ne peut se raccrocher à rien. Ni à l’amour qui la plupart du temps n’est qu’un vaste malentendu, une rencontre indéfiniment ratée ou reportée, ni à l’amitié qui est aussi fragile, et creuse en nous ce vertige :

« Dans l’eau, je me suis mise à pleurer sans crier gare. Des litres de larmes dans des litres d’eau. les larmes faisaient des trous dans la mousse, comme des puits creusés par des puces de sable, par des lombrics. »

            Tout est tellement absurde, nous sommes comme des malades incapables de vivre sans le cancer qui les ronge, un personnage ne dit-il pas : « C’est l’air marin, l’iode, ça peut rendre malade tant c’est sain ». D’ailleurs on peut essayer de se prémunir contre le mauvais sort, mettre un petit savon dans sa poche, serrer une patte de lapin, la pensée magique ne marche pas, il n’y a pas d’échappatoire…

            Virginia Woolf n’est jamais loin, ni Jean Rhys, elles connaissent la fragilité de toute existence mais aussi la voix de la mer. Elles sont hors de la peur qui relève d’une impardonnable confusion…

            « N’importe qui à ta place irait tranquillement à la plage se promènerait sous les palmiers, se ferait des amis. Toi, il faut que tu théorises. Le bruit, la musique, la vulgarité, les odeurs, ma pauvre fille. Pour qui te prends-tu, à la fin ? » admoneste un des personnages . Y aurait-il une aristocratie du malheur ?

Cet air vague et ennuyé que nous prenons parfois ne voudrait-il pas dire que nous souffrons d’un orgueil démesuré, face à cette comédie, cette trivialité de l’existence qui  n’est pas digne de nous ? Au fond vaudrait-on beaucoup mieux que cela ? Oui, forcément nous valons beaucoup mieux que cette fin ridicule clouée entre quatre planches ! 

  Il y a un ton, alerte et vif, un humour un peu cruel que j’aime beaucoup dans les livres de Geneviève Brisac. Cela me fait penser à pas mal de choses à chaque fois, cela fait écho en quelque sorte… J’ai toujours ce sentiment que l’on m’a dit quelque chose, à moi seule ! Non mais, pour qui se prend-on ?

3 réflexions sur « Pour qui vous prenez-vous ? Geneviève Brisac »

  1. Tu lis l’intégrale de Brisac si je comprends bien
    Commentaire n°1 posté par denis le 03/03/2013 à 17h36

    Tu as tout à fait compris ! Je lirai tout d’elle.
    Réponse de Anis le 06/03/2013 à 11h46

    Le plus tu en parles le plus j’ai envie de découvrir cette auteure. L’écho que tu perçois semble résonner aussi chez moi… (Le prix Elle me prend beaucoup de temps mais d’ici quelques semaines, je vais retrouver ma liberté dans mes lectures… et enfin m’atteler à ton challenge et découvrir ainsi l’univers littéraire de Geneviève Brisac.)
    Commentaire n°2 posté par Nadael le 27/02/2013 à 16h38

    Je pense ue son univers est particulier: ce sont les batailles du quotidien et les drames sont voilés.
    Réponse de Anis le 06/03/2013 à 11h31

    Je crois qu’il faut se méfier de » l’aristocratie du malheur » ! Il y a souvent beaucoup de courage parmi ceux qui choisissent le bonheur.
    Commentaire n°3 posté par Annie le 24/02/2013 à 15h23

    J’en suis persuadée, pour le malheur, il suffit juste de suivre la pente.
    Réponse de Anis le 06/03/2013 à 11h26

    Encore une fois tu arrives à me tenter (et l’auteur aussi, que j’apprécie de plus en plus…) Je note ce titre immédiatement. Je l’ai déjà dit je n’aime pas trop les nouvelles mais avec Geneviève Brisac il y a toujours une continuité, puisque ce sont les mêmes personnages qui reviennent ! Bon week end Anis
    Commentaire n°4 posté par L’or des chambres le 23/02/2013 à 19h43

    Oui, elle a un style particulier , une construction interessante autour des personnages qui en sont le pivot et non l’histoire.
    Réponse de Anis le 05/03/2013 à 14h16

    Je vais craquer! C’est un complot pour me faire découvrir et auteur?
    Commentaire n°5 posté par keisha le 22/02/2013 à 20h04

    Je pense qu’il faut la connaître.
    Réponse de Anis le 05/03/2013 à 14h15

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  2. J’ai oublié de te dire que j’ai lu « week-end de chasse à la mère » je le mettrais sur mon blog pendant l’été. Il est très moderne ce roman. Il analyse à la perfection la solitude des femmes avec enfant dans une grande ville. Je te remercie de me l’avoir envoyé.

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