La culture féminine est pour les anthropologues l’ensemble des techniques, les objets qui s’y rattachent, les lieux dans lesquelles elles se déploient. Elle est l’ensemble de ce qui est transmis de femme à femme, de mère à fille tout au long de l’histoire des femmes marquée par la division sexuelle des tâches et la « dimension sexuée de la vie sociale ». Cela ne veut pas dire que les femmes seraient condamnées à la couture, à la lessive ou à la cuisine ou qu’il y aurait obligation à transmettre cet héritage, car il s’agit surtout d’une démarche descriptive visant à répertorier et à analyser un ensemble de pratiques héritées. L’ethnologue Yvonne Verdier fait référence « aux façons de dire ou de faire » des femmes autour de ces différents champs d’action à partir d’une analyse inspirée du structuralisme de Claude Lévi-Strauss.
Pour certains courants théoriques rattachés au féminisme, cette culture est un concept plus idéologique qui acquiert une portée différente car elle s’appuie sur le postulat qu’il existe non seulement une différence de nature entre hommes et femmes ( dans leurs corps, biologique, et dans la construction de leur psychisme) mais aussi une différence d’expériences au sein de la société. Être femme implique en effet des mises en situation spécifiques, un parcours genré, des difficultés propres à ce statut que ne connaissent pas les hommes. Toutefois , ces pratiques, dans cet angle de vue, sont valorisées alors que les anthropologues se limitent à une démarche scientifique la plus descriptive possible.
Véronique Nahoum Grappe désigne ainsi « l’expérimentation spécifique du monde social par les femmes », « un mode de vie inscrit dans les postures mêmes du corps, des préférences éthiques et esthétiques, et une vision du monde reconnaissable ». Cette démarche vise à promouvoir des conduites et valeurs spécifiques à la culture féminine et à empêcher une uniformisation du côté des seules valeurs masculines.
Certain(e)s dénoncent les dangers de cette tentative de conceptualisation des pratiques héritées au nom d’un certain universalisme qui viserait surtout à promouvoir ce qui est commun plutôt que ce qui est différent.
Lire le passionnant » Les mots de l’Histoire des femmes » CLIO HFS Presses universitaires du Mirail.
Yvonne Verdier :
Yvonne Verdier disparaît brutalement en 1989 dans un accident de voiture à l’âge de 48 ans. Son premier livre Façons de dire, Façons de faire. La laveuse, la couturière, la cuisinière est publié aux éditions Gallimard en 1979. Issu d’une grande enquête ethnologique sur le village de Minot en Bourgogne, le livre révèle le point de vue des femmes qu’elle écoute et décrit . D’autre part , l’ethnologue lie le réel observé, ses paroles et ses gestes, vers une dimension romanesque. L’ethnologie permet également de réinterpréter les contes et c’est ainsi qu’Yvonne Verdier déchiffre selon un point de vue très nouveau, le sens du Petit chaperon rouge.
Je dis souvent que ce sont les mères – donc les femmes – qui édifient l’identité de leurs enfants. Et que si les hommes sont ce qu’ils sont, et si les femmes sont ce qu’elles sont, c’est que les unes et les autres sont porteurs de l’empreinte maternelle, donc féminine.
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Ce qui est certain également c’est que cette empreinte est l’œuvre de la culture humaine et qu’elle est variable selon les époques. Mais c’est vrai toutefois que les hommes sont éduqués d’abord par les femmes qui véhiculent elles-mêmes les clichés et les a priori d’une société. C’est dire combien cela pèse sur elles.
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