Cet obscur objet du désir ou l’écriture désirante/ Marie-Pierre Cattino (2/3)

L’écriture et le désir en 3 épisodes, écrit par Marie-Pierre Cattino que je remercie pour cette belle participation au printemps du désir et de la poésie.

1er épisode !

Tout naturellement, je reviens vers Marguerite Duras. Il est tard, je ferme les yeux. Et soudain je l’entends très distinctement :

[1]« La femme, c’est le désir ».

Le désir. Sa manière de l’écrire est toujours vivace. Elle n’a jamais cessé d’être contemporaine en se nourrissant de cet instant.

 [2]« J’avais 15 ans, le visage de la jouissance et je ne connaissais pas la jouissance ».

L’expérience est dépendante du corps : « [3]C’est là dans ce petit champ de chair que tout s’est passé et que tout se passera».

Le personnage durassien ose vivre sa vie telle qu’elle l’entend et s’exprimer dans sa sexualité. Une histoire d’un crime passionnel, une histoire d’amour, de passage à l’acte.

 [4]« Toutes mes femmes […] sont envahies par le dehors, traversées, trouées de partout par le désir ».

Elles aiment comme on tue l’autre, comme on veut le posséder, irrémédiablement. Elles aiment sans accepter de plier, (comme a pu faire sa mère).

C’est de cela dont l’écriture participe, de ce désir inassouvi. Revivre les moments les plus intenses, voire les plus cruels : de la découverte à la perte.

Duras a amené, à elle, tous les personnages (féminins) de sa vie pour qu’ils vivent dans ses livres. Celle qui apparaît sans crier gare, elle la repousse, la refoule, mais si elle revient à la charge, alors, existera dans les pages noircies. Les corps se mélangeront dans une envie commune de gourmandise. Le désir sera inassouvi, celui qui, immanquablement, déteint sur les personnages féminins.

DURAS Marguerite; PORTE Michelle: - ... - Livre Rare Book

Elles sont le désir-même, une détonation de sensations, saveurs, et ressemblent à ce qu’elles ont de vrai, dans une histoire qui n’a pas commencé. Elles se faufilent dans une vie insoluble mais concrète, sont le geste d’une écriture accomplie, dans les moindres détails.

Elles sont le désir de l’inachevé et d’un départ. Une chose commencée est déjà défaite. Elles attendent l’élégance et la noirceur, alliance dans le lit de l’accomplissement.

Et puis, il y a la vague qui annonce le déferlement.

Celles qui entrent dans l’écriture de Duras, fracassent le monde. Cela se produit à des égards fortuits. Quelque chose de sourd. Un arrêt sans bruit à ce moment-là, juste dans un petit creux, d’une faille infinitésimale. Il y a rencontres et foudroiement. Il y a annonciation de quelque chose en suspens.

La douceur d’un visage, par exemple, d’une mèche de cheveu dans une lumière tamisée, une silhouette dans l’encadrement d’une porte, une trace qui s’offre à la lueur d’un port, des pas qui traversent une ville, un corps posé à table, exactement là où le rideau est un peu relevé, une image déposée, là, très sérieuse.

Ce qui arrive là est très sérieux. C’est une envie qui augmente, qu’on n’ose pas appeler de son nom. C’est un désir qu’on ne reconnaît pas tout de suite, quelque chose de surnaturel dont on a envie, besoin, par nécessités successives.

C’est simple.

Elle est là sans faillir. Là, dans une bulle qui, éclate et y laisse entrer un rire, un brouhaha de sons, se referme bien vite autour. Elle n’entend plus. Elle est seule. Elle ne s’enferme pas, s’isole dans une envie de vivre là, ou mourir, si tout venait à cesser.

C’est la force de la pesanteur d’un personnage féminin qui fait irruption dans une chambre où la lumière joue à cache-cache. C’est le geste qui fera tout. Il s’agira d’étourdissement, de capture, d’un léger engourdissement.

Les parleuses», de Marguerite Duras et Xavière Gauthier - Livres : le top  ten du ELLE - Elle
Deux légendes …

[1] Duras, Porte, 1977 : 102

[2] L’amant, Gallimard, 1984

[3] Duras, 1981 : 139

[4] Duras, Gauthier, 1974 : 232

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